En me fondant sur la fonction des lactifères thoraciques, je vais d’abord expliquer divers phénomènes auxquels le premier à les avoir décrits [2] n’a pas pensé ou pas prêté attention, et qui ont jusqu’à ce jour tenu les médecins dans l’incertitude.
- Par l’intermédiaire des glandes lactées, [3] ces lactifères puisent la force restauratrice des aliments et des médicaments cordiaux [4] dans l’estomac [5] ou l’œsophage, et la transmettent sans délai au cœur. Si les remèdes cardiaques, le vin, le vinaigre et les autres substances de cette catégorie [6] ravivent si rapidement l’esprit, et si ensuite les aliments apaisent la faim et revigorent le corps, c’est qu’existe une contiguïté entre le canal thoracique et l’œsophage, [7] et que son abouchement est proche du cœur. [8] Cette voie très courte et très rapide permet aux potions vulnéraires [9] ou pectorales [10] de parvenir au cœur et aux poumons, alors qu’elles n’y accéderaient pas dans le même état de pureté et d’intégrité si elles empruntaient les longs détours des veines. Les aliments nuisibles et les poisons gagnent néanmoins le cœur avec une identique célérité, pour ruiner le bon tempérament du corps [11] et corrompre les esprits. [12]
Herm. Conring, [13] très célèbre professeur d’Helmstedt, [14] à qui j’ai écrit pour connaître son avis, est fort sceptique sur cette utilité nouvelle des lactifères : 1. la voie qui va du foie ou de la veine cave inférieure [15] au cœur est à tenir pour aussi rapide et courte, car elle se déverse dans ladite veine bien plus près du cœur que n’est l’insertion du canal thoracique dans la cave supérieure ; [16] 2. les lactifères thoraciques sont vides, hormis quelques [Page 44 | LAT | IMG] heures après un repas, si bien que le chyle qui est délivré par ce canal lui semble dérivé d’un aliment trop grossier pour être capable de rétablir la vigueur du corps ; 3. laquelle est bien plutôt alimentée par cette ardeur animale dont notre éminent auteur a prouvé qu’elle dépend des parties les plus grasses du sang, [17] sur des arguments qui ne paraissent pas infondés dans le livre qu’il a consacré à la question. [1]
Pour répondre cordialement à ce grand ami, je ne doute pas un instant que le chyle soit transporté et rétablisse les forces tout aussi vite en empruntant les branches lactées qui s’insèrent dans la veine cave, et qu’il a été le premier à observer. Toutefois, la situation est entièrement différente pour le chyle qui passe par le foie, voie qui n’est pas si rapide et sûre, car il doit traverser le parenchyme et les multiples veines qui s’y éparpillent, et ce ralentissement diminue ses vertus cordiales et les disperse vers plusieurs autres destinations. [18] En outre, il ne s’enfuit que fort peu de chyle, voire pas du tout, quand il emprunte les lactifères qui gagnent la veine cave, car elle est presque entièrement vouée à ramener le sang provenant des artères. On trouve certainement du chyle dans le canal thoracique aussitôt après un repas composé d’aliments fort déliés, et nous en déduirons qu’il arrivera rapidement dans le cœur, comme il m’a semblé l’observer récemment sur le cadavre d’un homme en bonne santé, qu’on avait bien nourri quelques heures avant de le pendre et qui, au moment de l’exécution, avait bu plus de vin qu’il n’est ordinaire : [19] à l’ouverture du corps, aucune veine lactée n’était visible et celles du thorax ne charriaient pas une goutte de chyle ; mais il est pourtant certain que le vin avait gagné le cœur, à en juger par son intrépide mépris de la mort et par le sérum bilieux qui s’était écoulé de ses vaisseaux mammaires, [20] et nous verrons plus bas s’il s’agissait là de chyle épais ou plus délié, [Page 45 | LAT | IMG] ou des deux à la fois. [2] Il n’y a enfin pas de doute que le sang gras alimente l’ardeur de la chaleur animale, comme Conring l’a irréfutablement établi, à sa louable habitude, et comme l’ont suggéré nos livres de Luce animalium ; [3] mais la question se résout d’elle-même, parce que plus le chyle est gras, plus il engraisse le sang, comme nous allons en discuter maintenant.
- Les lactifères thoraciques récemment découverts expliquent plus aisément et simplement diverses affections.
- Sujet qui était jusqu’ici assez controversé, l’entente existant entre l’estomac et le cœur est désormais manifeste, sans plus avoir besoin de recourir à des nerfs, à d’obscures voies ou à d’autres subterfuges.
- La fièvre syncopale [21] provient de cette humeur crue que Galien, au chapitre iii, livre xii de la Méthode pour remédier, [22] a liée à un défaut de la bouche gastrique. [4][23]
- Les palpitations cardiaques [24] à la suite d’un repas copieux ou en lien avec un excès de sérum [25] dépendant des boissons. Voyez Piso pour d’autres causes, comme l’hydropisie du thorax. [5][26][27]
- Un médecin avisé ne doit pas faire de différence entre cela et les modifications du pouls provoquées par les repas. Sa suspension au cours de l’asphyxie est même induite par l’obstruction des lactifères thoraciques [28] car l’humeur disponible n’est pas capable de diluer le sang, qu’une autre raison a rendu trop abondant, ce qui entraîne sa solidification. [29] Guy Patin, [30] médecin parisien de très grandes intelligence et érudition, et très méritant doyen de la Faculté de cette ville, [31] en a vu un cas chez un homme qui a très longtemps souffert d’asphyxie, et dont l’ouverture du cadavre a trouvé les grands vaisseaux du cœur [Page 46 | LAT | IMG] emplis de sang coagulé. [6] J’ai moi-même très souvent observé cela en disséquant des personnes qui étaient mortes subitement. À Rome, dans un cas de fièvre très ardente, Panarolus, observation xxxi de sa première Pentecosta, a trouvé que le cœur était torréfié, ressemblant à une poire rôtie, sans aucune collection de liquide dans le péricarde. [7][32] On en déduit que les fébricitants ont besoin de boire beaucoup, comme ils en manifestent le désir. La même obstruction des lactifères a sans doute provoqué la syncope qui a emporté Robert de La Marck, [33] chez qui Smetius, au livre x des Miscellanea, a trouvé le ventricule cardiaque parsemé de caillots sanguins. [8][34] D’autres exemples s’en lisent un peu partout.
- L’ingestion d’un repas copieux peut provoquer une mort subite si la dérivation par le foie n’a pu l’évacuer rapidement. [9] Plater, livre iii des Observationes, page 652, rapporte le cas d’une hydropique qui, après qu’on eut évacué son ascite, avala une quantité extraordinaire d’aliments, et fut prise de vomissements et de cardialgie, [35] et mourut soudainement. [10][36]
- Dans toute gibbosité, [37] que sa convexité soit postérieure, comme dans la cyphose, antérieure, comme dans la lordose, ou latérale, comme dans la scoliose, les vertèbres dorsales se tordent et se luxent, en comprimant les lactifères thoraciques, ce qui provoque un effondrement de l’appétit et des vomissements, dont on voit des exemples en divers ouvrages de Galien, dans Hildanus, centurie v, observation lxv, [11][38] et chez d’autres auteurs.
Une potion vulnéraire était « propre pour la guérison des plaies, ulcères et fistules désespérées […] ; elle sert à tenir les humeurs du malade tempérées, et à empêcher l’inflammation et la fièvre » (Furetière). Était pectoral un « remède qui fortifie l’estomac, qui le soulage quand il est incommodé » (ibid.).
Hermann Conring était alors le plus éminent professeur de l’Academia Julia, sise à Helmstedt en Basse-Saxe (v. note Patin 19/340).
Thomas Bartholin renvoyait au De Calido innato sive Igne animali Liber Unus [Livre singulier sur la Chaleur innée ou Ardeur animale], {a} où Conring confère au cœur la fonction essentielle de produire les esprits vitaux, mais sans consacrer spécifiquement un de ses 24 chapitres au rôle qu’y joue la graisse dérivée des aliments. Elle apparaît néanmoins à la fin, dans la première thèse De Calido innato qu’il avait disputée à Leyde le 10 novembre 1627, avec notamment cette phrase du § xx (page Nn vo) à propos du sang artériel :
Illud quidem sensus testimonium probat, sanguinem istum actu vehementer calere, et subito tamen calorem suscipere : unde liquet non parum pinguis illius levis et tenuis substantiæ, quam modo in alimentum innati caloris abire dicebamus, huic ipsi inesse.[Le témoignage des sens prouve que son mouvement échauffe vivement ce sang, qui en reçoit sans délai l’ardeur : il est donc clair que sa graisse contient une quantité non négligeable de cette substance légère et ténue, dont nous disions qu’elle se dissipe comme fait la chaleur innée dans l’aliment]. {b}
- Helmstedt, Henningus Mullerus, 1647, in‑4o de 264 pages.
- La graisse contenue dans le chyle et distribuée par le sang est de fait l’aliment doué du plus grand pouvoir énergétique, probablement assimilable à la chaleur innée (v. note [10], Historia anatomica, chapitre v).
Qu’ils émanent de Bartholin ou de la lettre que lui avait écrite Conring (v. note [27], chapitre xv de l’Historia anatomica, pages 55‑56), ces raisonnements anatomiques et physiologiques sont aujourd’hui désuets, mais détiennent une parcelle de vraisemblance si on les interprète avec bienveillance. Le passage direct de certains aliments cordiaux de l’œsophage dans le canal thoracique est néanmoins la spéculation la plus extravagante de Bartholin, et celle de Conring, sur le transfert du chyle entre le réservoir et la veine cave inférieure, ne l’était pas moins.
Hyginus Thalassius s’est référé à ces deux paragraphes pour expliquer le mode d’action des remèdes cordiaux dans le chapitre v de sa Brevis Destructio (v. sa note [18]).
Les veines mammaires drainent le sang de la paroi thoracique antérieure dans les subclavières. Dans le chapitre i, livre ii, pages 208‑216, De Mammis de l’Anatomia des Bartholin (Leyde, 1651, v. note [5], lettre d’Adrien Auzout), je n’ai pas trouvé l’explication de cette curieuse allégation sur le « sérum bilieux » (serum biliosum) qui en sortirait après avoir bu du vin.
Thomæ Bartholini Casp. Filii de Luce Animalium Libri iii. Admirandis historiis rationibusque novis referti [Trois livres de Thomas Bartholin, fils de Caspar, sur la Lueur émise par les créatures vivantes, remplis d’observations admirables et de nouveaux arguments] (Leyde, Franciscus Hackius, 1647, in‑8o de 396 pages), où, comme on l’observe dans une lampe à huile, un lien est supposé entre la graisse des corps vivants et la lueur qu’ils sont capables d’émettre ; mais en restant fort loin de l’idée que le chyle est spécialisé dans l’absorption des lipides.
Ce chapitre de Galien peut se résumer par sa première phrase (Kühn, volume 10, pages 820‑821, traduit du grec) :
Ergo febricitare incipiunt nonnulli, ubi maximam crudorum humorum copiam una cum oris ventriculi, quod sane stomachum vocant, vitio vel ex cruditatibus vel alia quapiam occasione congesserunt.[Chez quelques-uns la fièvre s’allume quand un défaut de la bouche du ventricule, qu’on appelle justement l’estomac, {a} s’associe à une grande abondance d’humeurs crues qui se sont amassées du fait de leur crudité ou en quelque autre occasion].
Pinel et Bricheteau ne m’ont pas aidé à trouver un équivalent organique moderne de la fièvre syncopale : {c}
« Cette variété, qui est des plus graves, se manifeste presque toujours avec le type tierce ; {d} on la reconnaît aux symptômes suivants : le malade, sans aucune cause connue, tombe dans une sorte de langueur, se trouve mal, perd connaissance et n’a plus assez de force pour faire le moindre mouvement soit du tronc, soit des bras ou des mains ; on observe en même temps que le pouls s’affaiblit graduellement, devient de plus en plus petit et accéléré jusqu’à ce qu’il soit insensible ; {e} le front et le cou se couvrent de sueurs, les yeux se creusent et se couvrent d’un nuage épais, etc. ; enfin, le collapsus et l’adynamie deviennent tels que le malade ne peut plus être excité par les aspersions d’eau froide et les odeurs les plus fortes. Revenu peu à peu à lui-même, il peut retomber dans le même état pendant la durée du même accès. Tous ces graves accidents, s’ils n’emportent le malade, sont suivis d’une apyrexie qui ne diffère en rien de l’état de santé ; et le surlendemain il se manifeste un nouvel accès, {d} à moins qu’on ait recours au quinquina ; ce qui est très urgent, car le second accès peut faire périr le malade. »
- Au nom ambigu de gastêr (« ventre », ventriculum en latin, « ventricule, petit ventre »), Galien préférait stomakhos (« embouchure », puis « estomac »), qui a prévalu en français et dérive de stoma (« bouche »). V. infra note [10], notule {c}, pour le cardia.
- V. note [8], Dissertatio anatomica, chapitre x.
- Panckoucke, 1821, volume 54, page 83.
- Un accès tous les deux jours (chaque troisième jour).
- On pourrait penser à une maladie de Bouveret, mais les signe d’accompagnement en dissuadent.
L’hydropisie thoracique, dont Charles Le Pois (Carolus Piso) a traité au chapitre vii, section iii, pages 290‑298 de ses Observationes (Pont-à-Mousson, 1618, v. note [3], Historia anatomica, chapitre ii), semble correspondre, selon les cas qu’il y décrit, au diagnostic moderne d’insuffisance cardiaque globale avec des épisodes d’œdème aigu pulmonaire (orthopnée, v. note Patin 35/216, ou asphyxie).
Guy Patin a été doyen élu de la Faculté de médecine de Paris de novembre 1650 au même mois de 1652. Thomas Bartholin a plus tard détaillé ce qui peut correspondre à ce cas dans sa deuxième centurie d’Historiarum anatomicarum [Observations anatomiques], {a} historia vii, Thoracis Hydrops ejusque Anatome [Hydropisie thoracique et son anatomie] (pages 156‑157) :
Thomas Cartier, Notarius in Prætrorio Parisiensi, annos natus 57. temperamento sanguineo bilioso, vergente ad atrabilium, Vir probus et ingeniosus, laborabat tussicula et febricula : Utrumque symptoma adauctum in eam magnitudinem, ut coactus fuerit decumberte. Febris nocturna gravior cum anhelitus difficultate penè suffocante, dolor etiam per intervalla acutus ad latus sinistrum supra regionem lienis. Tumor pedum neque die neque noctu desinens. Audauctis omnibus symptomatis successit febris aucta, continua, maligna, quæ hominem è vivorum numero ante septimum diem sustulit. Quatuor mensibus ante mortem, erat planè ασφυξος. In dissecto cadavere deprehensæ sunt in toto thorace fluctuantis serosi humoris putris et graveolentis Libræ Parisienses decem : Pulmo totus putrilaginosus, præserim in parte sinistra. Lien quoque majore sui parte putris et fœtido ichore plenus. Ασφυξιας nulla alia deprehensa fuit causa, præter decem aut duodecim grumos sanguinis crassi, nigri concreti, collecti et stabulantis in ipso ductu aortæ prope Cor.Obiit Parisiis mense Octobri 1645. me præsente, sicut testis mihi est Guido Patinus doctor Parisiensis summæ eruditionis, cui hoc aliisque nominibus plurimum debeo.
[Thomas Cartier, secrétaire au Parlement de Paris, homme probe et intelligent, de tempérament sanguin et bilieux, avec une tendance atrabilaire, souffrit d’une toux et d’une fièvre légère en sa 57e année d’âge. L’intensité de ces deux symptômes augmenta à tel point qu’il dut s’aliter. La fièvre était plus forte la nuit avec une gêne à respirer qui confinait à la suffocation, et par moments, une douleur aiguë du côté droit au-dessus de la région splénique. Présent le jour, l’œdème des pieds ne disparaissait ni la nuit ni le jour. Les signes s’aggravèrent et survint une fièvre plus intense, continue et maligne qui emporta le malade en sept jours. Dans les quatre mois qui ont précédé sa mort, il avait été franchement asphyxique. À l’ouverture du cadavre, on trouva que tout le thorax était inondé par un liquide séreux, putride et malodorant, dont le volume égalait dix livres de Paris. {b} Les poumons étaient entièrement putréfiés, surtout du côté gauche, et la plus grande partie de la rate était atteinte de la même putréfaction, pleine d’une sanie fétide. On n’a rien trouvé d’autre qui pût expliquer l’asphyxie, hormis dix ou douze grumeaux de sang épais, noir et solidifié, qui étaient groupés et accrochés à la paroi interne de l’aorte près du cœur. {c}
Il est mort sous mes yeux à Paris au mois d’octobre 1646, comme peut en témoigner pour moi Guy Patin, fort savant docteur de Paris ; ce pourquoi je lui suis fort redevable ainsi qu’à d’autres titres]. {d}
- La Haye, 1654, v. note Patin 18/352.
- Autour de cinq litres.
- Une endocardite infectieuse de la valve aortique est un des diagnostics possibles.
- La première lettre qu’on ait de Patin à Bartholin est datée de Paris, le 20 juin 1647. Aucune des 39 qui forment leur correspondance connue ne correspond à cette observation.
Dans les cinq Pentecostæ [Cinquantaines] d’observations médicales de Dominicus Panarolus, {a} l’observation citée par Thomas Bartholin (réédition de 1654, page 19) est intitulée Cor torrefactum in juvene febre ardentissima mortuo repertum [Cœur torréfié trouvé chez un jeune homme mort de fièvre très ardente] :
Heu quam brevis occidit ætas !
Martialis lib. 6. epig. in Rufi morte non sine lachrymis cecinit, cum ipso ex Seneca in ThebaideSagitta qualis parthica velox manu.
Excussa fertur, qualis insano ratis
Premente vento rapitur, aut qualis cadit
Delapsa Cælo stella cum stringens Polum
Rectam citatis ignibus rumpit viam.Juvenis quidam intra triduum febre ardentissima, maximisque symptomatibus correptus mortuus est. Secto corpore cor torrefactum Pyri tosti imaginem repræsentans absque ulla Pericardij aqua inventum fuit. Quod ad unguem aliquando notavit Iordanus lib.1. cap.16. de peste Phenom.
[Heu quam brevis occidit ætas !
Ainsi Martial pleurait-il la mort de Rufus, au livre vi des Épigrammes ; {b} comme fit Sénèque dans la Thébaïde :Sagitta qualis Parthica velox manu.
Excussa fertur, qualis insano ratis
Premente vento rapitur, aut qualis cadit
Delapsa cælo stella cum stringens polum
Rectam citatis ignibus rumpit viam. {c}Affligé de graves symptômes, un jeune homme est mort au troisième jour d’une fièvre très ardente. À l’ouverture du corps, le cœur était torréfié, présentant l’aspect d’une poire rôtie, sans aucune collection de liquide dans le péricarde. {d} C’est exactement ce que Jordanus a noté jadis au livre i, chapitre xvi des Pestis Phaenomena]. {e}
- V. note [4‑3], Historia anatomica, chapitre 16.
- Épigramme lxxxv, sur la mort de son ami Rufus Camonius : « Hélas, comme sa mort fut prématurée ! »
- La Thébaïde ou Les Phéniciennes, acte iii vers 428‑432 (sans relation avec la mort subite) : « Rapide comme une flèche décochée par la main du Parthe, elle est emportée à toute force, tel le navire que secoue un vent furieux, ou l’étoile qui tombe des nues, striant le ciel et le déchirant de ses feux. »
- Thomas Bartholin interprétait la sécheresse du péricarde comme un argument en faveur d’une obstruction des lactifères thoraciques.
- « Symptômes de la peste » de Thomas Jordan (Francfort, 1586, v. note Patin 11/8160), traité i, page 175, Cor Marchionis torrefactum [Cœur torréfié du marquis] : mort de Casimir de Brandebourg dont le cœur ressemblait pareillement à une « poire rôtie ».
Douze livres des Miscellanea Medica [Mélanges médicaux] de Henricus Smetius, {a} livre x intitulé Rariorum aliquot morborum et symptomatum observationes per 44. annos medicinam factitando, collectæ [Observations de quelques maladies et symptômes très rares, recueillies pendant 40 années de pratique médicale], année 1579, page 542 :
Wilhelmi Roberti de Marca Principis Bullionæi, unà cum fratre Johanne Neostadii literis operam navantis, famulus quidam jejunus in subitaneum animi deliquium præcipitatus, eodemque oppressus, mox interiit, qui ante de nullo malo questus fuerat. In cujus anatome Domini jussu facta, dexter cordis ventriculus simul cum auricula ejusdem, nigro, crasso, coagulatoque aut thromboso sanguine, multoque flatu distentus apparebat. Quin et in sinistro cordis sinu, non roseus, floridusque aut ex rubro flavescens sanguis, qualis arteriarum esse solet : sed nigricans quoque crassusque necis quidem copiosus sese obtulit. Qua sanguinis cacochymia et crassitie, vitalis spiritus suffocatus fuisse videtur. In Augusto.[Tandis que Wilhelmus Robertus de Marca, {b} prince de Bouillon, travaillait aux lettres en compagnie de son frère Jean de Neustadt, leur valet, un homme très maigre qui ne s’était précédemment plaint d’aucun mal, fut subitement saisi d’oppression, perdit conscience et mourut peu après. À l’ouverture du corps, sur l’ordre de son maître, on trouva l’oreillette et le ventricule droits dilatés par du sang noir, épais, et coagulé ou thrombosé, avec beaucoup de flatuosité. Dans la cavité gauche du cœur, le sang n’était pas vermeil et rutilant ou tirant sur l’orange, comme on le voit ordinairement dans les artères, mais noirâtre et épais, et en telle abondance qu’il provoqua la mort subite. Il semble que la cacochymie et l’épaississement du sang ont étouffé l’esprit vital]. {c}
- Heinrick Smet, médecin flamand, professeur de médecine à Heidelberg, mort en 1614, ouvrage paru à Francfort en 1611 (v. note Patin 17/181).
- Guillaume-Robert de La Marck (1563-1588), prince de Sedan.
- L’autopsie ne décrit pas les parois du cœur, mais le diagnostic est compatible avec une nécrose massive du myocarde ayant entraîné une thrombose extensive des cavités cardiaques (que Thomas Bartholin s’obstinait à mettre sur le compte d’un assèchement du sang dû à une obstruction des lactifères).
Thomas Bartholin sous-entendait, me semble-t-il, que cela pouvait survenir si la voie thoracique du chyle était obstruée.
Loc. cit. des Observationes de Felix Platerus, {a} troisième cas In Hydrope ascite, aqua per vesicam, in umbilico natam, dissectam, educta [Ascite hydropique, eau tirée à travers une vessie qui s’est formée dans l’ombilic et qu’on a ouverte] :
Mensibus aliquot postea, venit mulier, quadraginta circiter annorum, eodem penitùs modo ascitica, umbilico similiter dilatato in vesicam, cui in eodem Xenodochio, vesicam illam sectione aperuimus, perque eam aquam eduximus, ita ut liberior fieret difficilis, quâ infestabatur, respiratio, venterque minueretur, sed cùm avidè cibum, præter modum sumeret, eoque se, uno die, admodùm ingurgitasset, vomitu et cardialgia superveniente, subitò viribus deficientibus extincta fuit.[Quelques mois plus tard, se présenta une femme d’environ quarante ans, atteinte d’une ascite presque similaire à la précédente, {b} avec une dilatation ombilicale en forme de vessie, que nous avons incisée pour en évacuer l’eau, diminuer le volume de son ventre et soulager ainsi la gêne respiratoire dont elle se plaignait ; elle se mit alors à manger avec extraordinaire avidité et ingurgita tant de nourriture en un jour qu’elle fut prise de vomissement et de cardialgie, {c} puis ses forces défaillirent et elle mourut subitement]. {d}
- Bâle, 1641, v. note [12], Historia anatomica, chapitre ix.
- Le précédent cas est celui d’une fillette de dix ans soignée à l’hôpital de Bâle en 1607.
- Cardialgie : « Douleur violente, qu’on sent vers l’orifice supérieur de l’estomac, accompagnée de palpitation de cœur, de défaillance, d’envie de vomir, etc. » (Trévoux). La médecine a abandonné ce mot ambigu et l’a remplacé par « précordialgie », car le « cardia » y désigne l’abouchement de l’œsophage à l’estomac, et non plus le cœur (kardia en grec). « Avoir mal au cœur » ou « être écœuré » ont néanmoins survécu dans la langue commune (v. notule {a}, note [5], Historia anatomica, chapitre xvi, pour la remarque d’Hippocrate sur cet abus qu’il jugeait enfantin).
- Thomas Bartholin liait l’ascite à l’obstruction des lactifères thoraciques, et la mort à l’abondante prise de nourriture dont le foie avait été incapable d’assurer l’absorption et l’évacuation.
Dans la centurie v de Wilhelm Fabricius Hildanus (Lyon, 1641, v. note [4], Historia anatomica, chapitre iii), ce sont les observations lvi‑lix qui portent sur des cas de gibbosité et de luxation spinale, avec ou sans paraplégie, mais sans décrire de dénutrition manifeste (pages 357‑363).
Je n’ai rien trouvé de bien clair sur le sujet dans Galien. V. note [19], Nova Dissertatio, expérience i, pour la fumeuse digression de Jean Pecquet sur l’atrophie qui accompagnerait les gibbosités.
Page 43, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.
CAP. XIV.
Earumdem in Praxi Medica Utilitates.
Ex Usu primo lactearum varia in Praxi phœnome-
na explicabo, de qvibus inventor primus vel non
cogitavit, vel neglexit, qvæqve hactenus Medicos
ambiguos suspenderunt.I. Vim restaurativam cum medicamentis, alimen-
Herm. Conringius Professor Helmstadiensis cele-
tis, cordialibus lacteæ hæ thoracicæ recipiunt vel ex ven-
triculo per glandulas lacteas, vel œsophago, statimqve ad
Cor deferunt. Hinc citissimè adeò cordialia, vini potus,
acetum et alia hujus census vires reficiunt, et subinde in-
ter sumptum cibum sedatur fames roburqve naturæ acce-
dit, ob ramum lacteum œsophago conterminum, et la-
ctearum reliqvarum ad cor brevem commeatum. Ad-
hæc potiones vulnerariæ vel pectorales mora brevissima
et tutissima via pervadunt ad cor et pulmones, qvum per
longas venarum ambages non ita sarta tecta perferan-
tur. Deleteria qvoqve et venena eâdem celeritate cor pe-
tunt, ejus συγκρασιαν destruunt, et spiritus inficiunt.
berrimus, sententiam de novo hoc usu à me per literas ro-
gatus, multum dubitat. Primo enim æqvè expeditam
et brevem viam videri in cor ex hepate aut vena cava ab-
dominis ; et omninò ante illam connexionem ramulos
spargi in cavam qva parte cordi est propinqvior. Secun-
dò in illâ thoracicâ lacteâ nihil reperiri nisi aliqvot à pas-
Page 44, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.
tu horis : ut proinde chylus ex cibo crassiore confectus
videatur per hunc meatum deduci, qvi non sit adeò faci-
lis et idoneus ad restaurandas corporis vires. Tertiò, vi-
res corporis sitas potius in illo animali igne, qvem pin-
guissimis sangvinis partibus ali fortassis haud vanis ar-
gumentis probavit Vir idem summus libro de Animali
igne.Certè, ut amicè Magno amico respondeam, per ra-
mulos lacteos cavæ insertos ab ipso primum observatos,
eadem brevitate deferri chylum et refici vires, planè est
manifestum. Cæterum dispar omninò in cava per hepar
vergente est ratio, nec ita brevis aut tuta via, per hepatis e-
nim parenchyma et dispersas venulas moram trahit, et
virtus cordialium vel imminuitur vel ad plures dispergi-
tur. Cava autem abdominis nihil à lacteis, vel perexigu-
um fugit, circa arteriosum sangvinem revertentem ferè
occupata. In thoracicâ lacteâ statim à pastu subtilioris ci-
bi chylum reperiri certum est ; sin deficiat interdum, su-
bito transeunti ad cor imputabimus. Id qvoqve visus sum
mihi in cadavere humano sano nuper videre. Benè ali-
qvot horis ante strangulationem fuerat pastum, et circa
tempus exseqvutionis justo liberalius vinum propina-
tum. At in aperto cadavere neqve lacteæ venæ usqvam
conspicuæ, neqve thoracicæ chylo ullo scatebant, et
tamen cor petiisse vinum certum est, ex intrepido animo
mortem contemnente et sero bilioso ex mammariis ef-
fluente. An crassus vel tenuior chylus hac solum vergat
Page 45, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.
vel uterqve infrà dispiciemus. Deniqve vires animalis ignis
pingui sangvine ali, dubium non est, qvod eruditè evicit
more suo Vir laudatus et nobis similia in mentem vene-
runt libr. De Luce Animalium ; sed res eodem recidit, qvia
sanguis pinguior à Chylo pinguescit, de cujus viis nunc dis-
putamus.II. Variorum affectuum generationem facilem et
expeditam nuper inventæ lacteæ thoracicæ propalant.
- Consensus ventriculi cum corde jam est manifestus,
hactenus satis controversus, nec ad nervos amplius,
obscuras vias, et alia effugia confugiemus, qvia patent
manifestæ.- Syncopalis febris ex humore crudo hinc trahit exor-
tum, qvam Galenus 12. Meth. Med. c.3. ab oris ventricu-
li deducit offensione.- Palpitationes cordis post cibum copiosum, vel à sero
copioso ex potibus exinde dependent. De aliis viden-
dus Piso, ut de Hydrope thoracis.- Pulsuum mutationes cibo sumpto, qvi dignosci à Me-
dico prudenti {a} idcircò non debent. Imò pulsus interce-
ptio in ασφυξια, obstructis his thoracicis inducitur,
unde sanguis, copiosus alioqvin, humore necessario
dilui neqvit, sed concrescit. Hinc vidit Guido Patinus
Medicus Parisiensis summæ eruditionis ingeniiqve, et
saluberrimæ Facultatis ibidem Decanus meritissimus,
Lutetiæ Virum diutius ασφυξια laborantem, in cujus
cadavere dissecto cordis magna vasa sanguine concre-
- Sic pour : prudente (errata).
Page 46, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.
to erant repleta. Sæpius id qvoqve observavi in subito
demortuis cadaveribus, passim à me dissectis. Pana-
rolus Pentec.1. Obs.31. in febre ardentissima mortuo vi-
dit Romæ cor torrefactum pyri tosti instar absqve ulla
pericardii aqva. Unde febricantes et potu indigent, et
eundem appetunt. Iisdem lacteis obstructis sine dubio
animi deliqvio occubuit Robertus de Marca apud
Smetium l.10. Miscell. cujus ventriculi cordis coagulato
sanguine scatebant. Et passim talia occurrunt exempla.
- Mors inopinata copioso cibo ingesto, qvi qvidem per
devia hepatis pervadere ea non potuit celeritate. Plate-
rus l.3. Obs. p.m.652. refert hydropicam qvandam eva-
cuata aqva, avidè cibum præter modum sumpsisse,
unde vomitu et cardialgia superveniente subitò sit ex-
tincta.- Gibbositate qvacunqve ubi vel ad exteriora ut in κυβω-
σει, {a} vel ad interiora ut in λορδωσει, vel ad latera, ut in
σκολιωσει, vertebræ dorsi torquentur, depravantur
qvoqve, lactei thoracici, et premuntur, unde corporis a-
trophia, dejecta appetentia, et vomitus. Videnda ex-
empla apud Galenum variis locis, Hildanum Cent.5.
Obs.65. aliosqve.
- Sic pour : κυφωσει.
"Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la
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