Annexe
Jean Pecquet dans la
correspondance de Marin Mersenne

La Bibliothèque nationale de France conserve trois lettres manuscrites écrites à Marin Mersenne, [1] dont la première parle de Jean Pecquet [2] et les deux autres sont de lui.


1.

BnF ms NAF 6204, {a} pages 337‑338. {b}

Volontiers confondu avec son homonyme, le chef calviniste du xvie s., {c} François de La Nouë (Franciscus Lanovius, natif de Paris, dates inconnues), moine minime français, était correcteur général de son Ordre à Rome. Il est auteur d’au moins deux ouvrages érudits :

2.

Jean Pecquet a donc sûrement séjourné en Italie en 1647, mais il est difficile de situer ce voyage avec certitude dans son cursus médical. On ignore malheureusement quels savants il lui a été permis de rencontrer, notamment Johann Vesling, à Padoue (passage obligé pour tout médecin visitant l’Italie), qui aurait pu lui parler des fins vaisseaux blancs qu’il avait vus dans le thorax (v. note [39], Responsio ad Pecquetianos, 5e partie)…

Sans rapport avec Pecquet et en dépit de quelques obscurités, la suite de la lettre ne m’a pas semblé dénuée d’intérêt pour qui est curieux des affaires de l’époque.

3.

Iudæ Posteri Apostatæ a Religiosis Ordinibus. Lucubratio R.P. Theophili Raynaudi ex Societat Iesu ; Qua primarii quique a cœtibus Apostatæ, Iudæ primicerio succenturiati describuntur ; et provecta gradatim ad summum iniquitatis fastigium atrocitas hujus secundæ proditionis Christi Domini, ex Scriptutarum et Patrum oraculis, demonstratur, adversus recens tentatam novo impietatis magisterio, complanationem viæ ad huiusmodi barathrum.

[Les Descendants de Judas, apostats des ordres religieux. Fruit des veilles du R.P. Theophilus Raynaudus de la Compagnie de Jésus, {a} qui décrit tous les principaux apostats des congrégations, succédant à Judas qui a été le tout premier, et démontre, d’après les prédications des Écritures et des Pères, l’atrocité de cette seconde trahison du Christ Notre Seigneur, qui s’est avancée pas à pas jusqu’au faîte de l’iniquité, contre la voie qui mène à ce genre de précipice, que la nouvelle domination de l’impiété {b} a récemment tenté d’aplanir]. {c}


  1. Théophile Raynaud (1587-1663), théologien hétérodoxe et prolifique écrivain jésuite (vnote Patin 8/71). Son vocabulaire latin particulier rend toujours hasardeuse la traduction de ses titres.

  2. La Réforme de Luther et Calvin.

  3. Rome, Bernardinus Tanus, 1648, in‑8o de 485 pages divisées en 32 chapitres.

4.

Je ne suis pas parvenu à certifier le nom du P. Mopinot {a} qui avait écrit à François de La Nouë au sujet du livre de dévotion intitulé :

Idiota Sapiens ; antehac truncus, nunc integer. Ex M.S. Cod. Lugd. Theophilus Raynaudus ex Societate Iesu, magnam partem nunc primum edit, omnia recensuit, distinxitque, Autorem coniectavit, ad loca subobscura facem prætulit.

[Idiota Sapiens, {b} précédemment incomplet et que voici entier, tiré d’un manuscrit lyonnais. Théophile Raynaud, de la Compagnie de Jésus, en publie maintenant la grande partie qui manquait, après l’avoir entièrement revu et classé, avoir conjecturé sur son auteur et éclairé les passages obscurs]. {c}


  1. Je remercie Marie-France Claerebout d’avoir déchiffré le patronyme de ce religieux lors de sa précieuse relecture de ce texte.

  2. « Le sage idiot » : Idiota était le nom de plume d’un écrivain mystique, que Raynaud a plus tard (v. infra notule {b}) identifié à Raymond Jordan, religieux du xive s. Son livre est aussi connu sous le titre d’Idiotæ Meditationes [Méditations d’Idiota] et a inspiré l’auteur de L’Imitation de Jésus-Christ (vnote Patin 35/242).

  3. Lyon, Vincent de Cœursilly, 1632, in‑8oen trois parties de 566, 17 et 69 pages.

    Les lecteurs de Raynaud attendaient la parution de ses Raymundi Jordani Canonici regularis Sancti Augustini primum Uticensis in Gallia Præpositi : Deinde Abbatis Cellensis qui huc usque nomen prætulit Idiotæ Opera omnia… [Œuvres complètes de Raymond Jordan, chanoine régulier de Saint-Augustin, qui fut d’abord prévôt d’Uzès en France, puis abbé de Selles-sur-Cher, et qui a jusqu’ici porté le nom d’Idiota…] (Paris, Iacobus Quesnel, 1654, in‑4o de 608 pages).


5.

« ce qui nous dépasse est sans intérêt pour nous » : adage socratique gréco-latin qu’Érasme a commenté (no 569), pour dire qu’il faut savoir respecter les secrets de la nature (et de la politique des princes).

V. la fin de la note Patin 24/150, pour la révolte de Naples, menée par le pêcheur Masaniello en 1647, contre la vice-royauté espagnole.

6.

Directement et promptement.

7.

« pour l’éternité et au delà ».

8.

BnF ms NAF 6204, pages 318‑320.

9.

En mai 1648, Jean Pecquet ne suivait probablement plus les cours de la Faculté de médecine de Paris et semblait devoir assurer sa subsistance en étant précepteur ou répétiteur de plus jeunes que lui (v. note [9], épître dédicatoire de la Nova Dissertatio). Marin Mersenne avait dû lui confier celui qui se nommait Degaignes ; il pouvait étudier la théologie et la philosophie à la Sorbonne et préparer sa première tentative (thèse de bachelier).

Pecquet devait soigner un autre de ses écoliers, mais je ne comprends pas en quoi cela l’empêchait d’aller rendre visite à Mersenne au couvent des minimes.

10.

Je ne suis pas parvenu à identifier le livre qui a relaté cette expérience sur le vide, menée au Collège jésuite de Rome : une sonnette enfermée et fixée dans une bouteille de cuivre hermétiquement close, qui avait été vidée de l’eau qui la remplissait, pouvait tinter quand on actionnait son marteau à l’aide d’un aimant ; cela visait à prouver que le vide complet n’existe pas, dans la mesure où il était censé empêcher la transmission de l’influx magnétique (ce qui est faux).

11.

Expérience i, chapitre viii de la Dissertatio anatomica : v. ses notes [9][14].

12.

Le R.P. Étienne Noël (Stephanus Natalis, 1581-1659) était entré dans la Compagnie de Jésus en 1599 et enseignait dans plusieurs de ses collèges, dont celui de Clermont à Paris, où Jean Pecquet a étudié et ainsi pu faire sa connaissance. Féru de sciences, il a participé aux débats sur le vide (v. note [22], Dissertatio anatomica, chapitre viii), dont il a longtemps nié l’existence, tout particulièrement dans Le Plein du vide, ou le corps, dont le vide apparent des expériences nouvelles, est rempli. Trouvé par d’autres expériences, confirmé par les mêmes, et démontré par raisons physiques (Paris, Jean du Bray, 1648, in‑8o de 67 pages), qui lui valut une querelle avec Blaise Pascal.

Un autre livre du R.P. Noël, dont parlait ici Pecquet, était sa Physica vetus et nova [Physique ancienne et nouvelle] (Paris, Sébastien et Gabriel Cramoisy, 1648, in‑8o de 265 pages), consacré au mouvement des corps solides ou fluides, en particulier ad locum et ad figuram, « d’un lieu à un autre et d’une forme à une autre ».

13.

BnF ms NAF 6205, page 157, recueil intitulé « Second tome des lettres des princes écrites au R.P. Marin Mersenne ».

14.

Votre Révérence.

15.

Il s’agissait plus probablement de verres pour une paire de besicles que pour une lunette astronomique.

16.

La Bibliothèque de la Compagnie de Jésus de Carlos Sommervogel (Bruxelles et Paris, 1891) consacre un long article (Bibliographie, tome ii, colonnes 1060‑1063) au R.P. Pierre Des Champsneufs (Nantes 1602-Paris 1675), enseignant et littérateur jésuite qui appartenait à l’entourage intime de Nicolas Fouquet (Paris 1615-Pignerol 1680). Le frère cadet de François n’en était encore qu’au début de sa fulgurante carrière : alors maître des requêtes, il allait devenir procureur général du Parlement de Paris en décembre 1650 (vnote Patin 7/252).

La rue des Mauvais-Garçons existe toujours dans le Marais (ive arrondissement de Paris).

17.

Marin Mersenne ne répondit probablement pas à cette lettre car il mourut le 1er septembre suivant.


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Annexe. Jean Pecquet dans la correspondance de Marin Mersenne

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(Consulté le 09/12/2025)

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