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Jean Pecquet Experimenta nova anatomica (1651) Épître dédicatoire > |
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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. –
Texte. Jean Pecquet, Experimenta nova anatomica (1651) : Épître dédicatoire
Adresse permanente : https://numerabilis.u-paris.fr/editions-critiques/pecquet/?do=pg&let=0010 (Consulté le 27/03/2025) | ||||||||||||
Mgr François Fouquet, comte-évêque d’Agde, conseiller ordinaire du roi. [1][1][2][3] Puisse, illustrissime prélat, ce tout petit livre se présenter à votre regard et venir intempestivement troubler les précieux instants de vos préoccupations, non pas pour exprimer la jactance d’une science brouillonne, ni l’espérance d’une généreuse rétribution, ni la fâcheuse manie d’écrire, qui possède incurablement tant d’auteurs, mais pour témoigner de la modestie qui donne audace au timide. [Page ã ij vo | LAT | IMG] L’authentique simplicité dont se targue son auteur, contemple la vertu d’un œil fort candide, et lui marque sa très sincère soumission. C’est elle qui le jette à vos pieds, non pas, comme vous pourriez le soupçonner, pour que vous lui attribuiez une place honorable parmi vos familiers, où il jouirait d’un paisible repos, mais pour qu’il ait la liberté, grâce à votre générosité, de prendre enfin son essor. Il vous est légitimement soumis car il est né dans votre maison et y a grandi. Il n’est pas permis à un jeune esclave de franchir les murs interdits, ni de s’en aller sans l’autorisation de son maître : non parce qu’il ignore la punition réservée au fugitif, mais parce qu’il ne tolère pas de provoquer l’indignation de celui qui lui a procuré les bienfaits dont il jouit. [2] Tout homme de bien a en horreur le vice et la réputation d’être ingrat. Sans malveillance ni grief, ce petit livre ne veut pas taire les merveilles qu’il a découvertes chez vous. Leur intérêt est si grand pour tous les hommes qu’elles doivent être divulguées, tant la santé, en faveur de laquelle il montre des nouveautés inouïes, prévaut sur les autres biens de la vie humaine. Il montre que depuis des siècles les anatomistes, même les plus renommés, se sont fourvoyés ; et que, non sans lourd préjudice pour le genre humain, ceux qui ont professé l’histoire naturelle ont été profondément aveuglés, hormis le seul et unique Aristote, dans son traité sur la Nature des animaux. [3][4] On jugera son auteur sur le contenu de ce petit livre, qu’il a puisé [Page ã iij ro | LAT | IMG] en doutant longuement et en passant beaucoup de temps à contenir l’élan de ses fougueux jaillissements. Dans quel but (se disait-il) me hasarderai-je, seul et nain que je suis, à m’insurger contre les géants que tant d’années ont consacrés ? Y a-t-il espoir que deviennent jamais dociles ceux qui accordent presque plus de valeur à leurs erreurs qu’à des oracles, ceux qui, à la manière des pythagoriciens, soumettent leur servile croyance à l’approbation des maîtres, [4][5] ceux enfin qui, croyant opposer l’expérience de longues années aux sentences qui sont contraires aux leurs, ou bien riront de nos découvertes, ou bien, pour ne pas sembler avoir pu se tromper, refuseront obstinément de se soustraire à leurs rêveries ? Car, en vérité et maintenant encore, l’horreur des disputes devrait tenir chacun enfermé dans les devoirs de sa charge et le contraindre à refouler tout périlleux discours sous un paisible silence ; à moins que la vérité qui, dans un cœur généreux, est plus forte que toute peur, n’ait aujourd’hui procuré l’exemple et l’ardeur de Ménécée [5][6] à celui dont la volonté s’est embrasée d’elle-même. Comme la gloire serait plus douce à celui qui ne refuserait pas de périr pour le salut des hommes, qu’à celui qui, à l’instar d’Ulysse, se réfugie dans l’attrayante douceur d’un indolent repos, [6][7] quand il aurait pu leur chasser les maux de la tête ! Toutefois, bien que tout petit, bien que seul, il aura l’audace de défier tant d’éminents hommes, sans [Page ã iij vo | LAT | IMG] devoir redouter les vives attaques de ceux qui le contrediront. Les ennemis sont terrassés si les témoins et les arbitres du combat ne refusent pas de se fier entièrement à ce que voient leurs propres yeux. La particularité de ce petit livre est d’en appeler plus aux sens qu’à la raison, il ne lui cède à peu près rien que leur suffrage n’ait établi. Sa bonne foi repose donc surtout sur le sort, dont décide la maîtresse des choses, [7] qui corrige les défaillances d’un esprit téméraire. Tandis que je m’attarde à recommander mon petit livre, les moribonds vous appellent à l’aide, et attendent anxieusement le bouillonnement de l’eau salvatrice qui tarde à venir : [8][8] puissiez-vous donc avoir la bonté de lui épargner le préjudiciable ajournement de son affranchissement, que je vous supplie instamment de lui accorder pour ne pas contrarier les vœux de cette foule de malheureux. Ainsi se réjouiront-ils que ce qu’ils n’ont pas jusqu’ici su être présent dans le corps de l’homme procure désormais, grâce à vous et à vos largesses, un bienfait dont le monde entier, rendu plus sain, vous sera reconnaissant, et mettrai-je, quant à moi, encore plus de soumission et d’empressement à vous obéir.À Paris, le 1er janvier de l’an 1651e du Seigneur. [9][9] | |||||||||||||
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Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr | |||||||||||||
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