Texte : Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre iii, note 9.
Note [9]

Thomas Bartholin évoquait un très intéressant passage des Administrations anatomiques de Galien, {a} livre vii, chapitre xvi, sur les artères qui ne sont pas vides, mais pleines de sang : {b}

« D’aucuns proposent d’autres façons de disséquer, par lesquelles ils promettent de montrer l’artère vide de sang, comme s’ils pouvaient faire quelque chose plus sagement ou anatomiser plus dextrement qu’Érasistrate {c} qui, sûrement, s’il était quelque autre manière de dissection idoine et suffisante pour montrer l’artère vide, l’eût excogitée le premier : comme est la dissection des chevreaux qui commencent à téter depuis peu de temps, écrite par lui ; toutefois, si tu l’expérimentes, tu ne la trouveras véritable. Tu peux en faire l’expérience non seulement sur des chevreaux, mais sur quelque animal qu’il te plaira, contenant en son estomac une substance humide qui d’autant plus tôt serait transportée dans les artères qu’elle est < composée > de plus subtiles parties. Ils disent donc, quand le mésentère est découvert, qu’au commencement les artères sont luisantes et semblent être pleines d’air, puis après, qu’elles se voient pleines de lait. Quant à savoir si elles sont pleines d’air, n’en fais plus longue enquête, bien que plusieurs disputent avec toi en vain, d’une part et d’autre, sur cela. Or ils disent qu’elles sont pleines de lait, qui est le point auquel consiste la menterie et fausseté de leurs raisons. {d} Tu peux faire preuve en tous les animaux jeunes, et pas seulement chez les chevreaux, que leur estomac est non seulement plein de lait, mais aussi de toute humidité. Or, pour raison que c’est du lait, il n’est pas soudainement transporté dans les artères ; mais pour ce que c’est un suc humide, facilement il tomberait dans les orifices des artères qui vont en l’estomac car, pour remplir ce qui est vide, comme Érasistrate dit, à cause de la suite et consécution qui se fait à ce qui est évacué, il est attiré soudainement. Plus l’humidité est < composée > de plus subtiles parties que le lait, plus elle serait aisément transportée dans les artères. {e} Toutefois, comme j’ai dit, jamais en aucun animal nous n’avons vu l’humidité transportée dans les artères, ni aucun autre le verra qui en voudra faire l’expérience. » {f}


  1. V. note [1], Historia anatomica de Thomas Bartholin, chapitre xx.

  2. Plutôt que traduire en français la version latine de Kühn, volume 2, pages 650‑649, j’ai recouru aux Administrations anatomiques de Claude Galien. Traduites fidèlement du grec en français par M. Jacques Daléchamps… (Lyon, Benoît Rigaud, 1572, in‑8o), pages 188 vo‑189 ro, dont j’ai discrètement modernisé le texte pour en faciliter la compréhension. Vnote Patin 2/71.

  3. Les écrits d’Érasistrate, médecin grec d’Alexandrie au iiie s. av. J.‑C., ne sont connus que par ce que sa postérité (dont surtout Galien) en a relaté. Il est un des très rares médecins de l’Antiquité à avoir disséqué des corps humains (vnote Patin 23/324).

  4. Galien niait fermement ici ce qu’Érasistrate pensait être des « artères » vides du mésentère qui se remplissaient parfois de lait, ce qui correspond exactement aux lactifères.

    V. deuxième notule {b}, note [5], première Responsio de Jean ii Riolan, 3e partie, pour une autre relation sans condamnation de cette observation d’Érasistrate par Galien, dans son traité sur la Présence de sang dans les artères.

  5. Annotation de Daléchamps :

    « Érasistrate voulait prouver par cet exemple que les artères sont naturellement pleines d’air seul, et que si on y trouve autre chose dedans, comme aux artères du mésentère des chevreaux on y trouve du lait, aux autres, du sang, ces choses y sont tirées pour remplir ce qui est vidé, et non pas parce que naturellement il y soit contenu ; autrement, il faudrait trouver dans les artères du mésentère des chevreaux du sang, et non du lait. Galien répond que c’est mensonge de dire qu’on y trouve du lait, et que s’il y devait être attiré quelque chose pour remplir ce qui est vide, l’humidité subtile y serait plutôt attirée que le lait. »

  6. Ce verdict sans appel de Galien peut aider à comprendre qu’il ait fallu attendre 1627 pour que soit imprimée, un an après la mort de Gaspare Aselli, sa description des lactifères mésentériques (v. note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre i).

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre iii, note 9.

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(Consulté le 08/12/2025)

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