"Il n’est pas inutile de dire où et comment le grand maître [le duc de Guise] reçut cette blessure, car elle fut guérie par l’audace d’un des personnages de ce drame, par Ambroise Paré…
Le duc n’est pas mort, messieurs, dit Ambroise en regardant les assistants qui fondaient en larmes : mais il va bientôt mourir, dit-il en se reprenant, si je n’osais le traiter comme tel, et je vais m’y hasarder au risque de tout ce qui peut m’arriver. Voyez ! Il mit le pied gauche sur la poitrine du duc, prit le bois de la lance avec ses ongles, l’ébranla par degrés, et finit par retirer
le fer de la tête comme s’il s’agissait d’une chose et non d’un homme. S’il guérit le prince si audacieusement traité, il ne pût empêcher qu’il ne lui restât dans le visage l’horrible blessure d’où lui vint son surnom. …
Ambroise, debout dans un coin, fut frappé par une œillade que le duc lui lança, et vint à lui. Ambroise qui inclinait déjà vers la religion réformée, finit par l’adopter ; mais l’amitié des Guise et celle des rois de France le garantirent de tous les malheurs qui atteignirent les réformés. Le duc, qui se regardait comme obligé de la vie envers Ambroise Paré, l’avait fait nommer premier
chirurgien du Roi depuis quelques jours."
[Balzac, La Comédie humaine, XI Etudes philosophiques. Etudes analytiques, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1980, p. 246 et 273]