Céroplastie et céroplasticiens à Saint-Louis

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Jules Baretta, huile sur toile
 
Coll. musée de l’hôpital Saint-Louis
Jules Baretta, huile sur toile
Le procédé précis de moulage utilisé par Baretta reste une énigme. D’une manière générale, la réalisation d’un moulage en cire comportait trois phases : la fabrication d’un moule par application d’un plâtre liquide sur la maladie, l’élaboration de la pièce en cire coulée dans le moule, la finition de la cire après démoulage Pour protéger les malades des contraintes imposées par le moulage en plâtre, Baretta utilisait peut-être une peau de baudruche posée sur les parties à mouler. La cire fondue était ensuite coulée dans le moule en plâtre. Des additifs pouvaient être utilisés pour modifier la consistance de la cire. Baretta utilisait fréquemment de la gutta percha. L’emploi de pigments naturels permettait d’obtenir des dégradés de couleurs, parfois très nuancées rendant de manière très fidèle les modifications de teinte des téguments malades. Outre les couleurs incorporées dans la cire couche après couche et résistant ainsi mieux au temps, il est probable que d’autres nuances de couleurs, plus fines, étaient appliquées après démoulage
Buste de Baretta par Littre
 
Coll. musée de l’hôpital Saint-Louis
Buste de Baretta par Littre
Baretta dans son atelier
« Monsieur Baretta, le mouleur officiel de l’Assistance publique procède en effet du peintre et du sculpteur, en même temps que du chimiste puisque c’est lui qui a inventé la matière imputrescible dont il se sert pour exécuter les pièces anatomiques d’une perfection qui défie toute concurrence. Revêtu d’un tablier à bavette comme les internes, un bout de ruban rouge à la boutonnière (…) M. Baretta passe dans cet atelier une grande partie de ses journées. (…) Si on lui amène un malade (…) sans brutalité, avec des douceurs de mère et une patience qui ne dément pas, il applique ses appareils, et pendant que la matière prend, il cause avec le malade, s’intéresse à son affection, se fait raconter ses évolutions, gagne, sans la chercher, sa confiance, tant il inspire de sympathie. Le malade aime-t-il mieux se taire, comme il fait un certain temps pour que l’appareil se durcisse et que la vue d’une pièce, en préparation, n’a rien de réjouissant, M. Baretta lui montre ses tableaux (…) puis il se met au piano et le voilà qui berce son client avec quelque vieille mélodie, qui chante dans son souvenir et sous ses doigts. »
L Roger-Milès, La Cité de Misère, Flammarion, n. d.
Baretta dans son atelier, huile sur carton, par Eugène Dufour, gendre de Baretta
Milian, Médecin de Saint-Louis de 1919 à 1936, publia, en mémoire du créateur de la collection de moulages, quelques souvenirs personnels : « Baretta fut d’abord installé dans un atelier de fortune, près de l’amphithéâtre des morts. […] C’est en 1884 qu’ils [les moulages] furent transportés dans le bâtiment actuel. […] Baretta se transporta lui-aussi dans le bâtiment qui abritait ses moulages. Il travaillait sous le toit dans une petite chambre éclairée par des lucarnes-tabatières. On y accédait par un escalier obscur en limaçon, sans fenêtre, où l’on risquait de se rompre le cou tant il état raide et noir. Une petite lampe fumeuse y brûlait le jour pour en permettre l’ascension aux visiteurs. On entendait en montant le piano de Baretta qui chantait des valses de sa composition pour animer sa solitude ou calmer l’impatience des malades inquiets sous le plâtre coulé sur les membres qui souvent les chauffait ou les cuisait un peu. En arrivant en haut, on était reçu par Baretta en veston marron orné du ruban rouge et tablier blanc d’hôpital à poches, où il plongeait ses mains toujours en remue-ménage d’objets multiples y abrités. Petit, sec, la moustache grise un peu tombante, le regard vif comme la parole, il donnait assez généralement l’impression qu’on le dérangeait et qu’il attendait votre départ. […] Après 1900, Baretta n’était plus très abordable ; il fallait mesurer ses paroles, s’y prendre habilement pour lui arracher un moulage nouveau. […] Autour de lui, sur des chevalets, des paysages, des Andalouses, des femmes nues qui n’égalaient certes pas celles de Rubens mais qui avaient tout de même la peau couleur chair et les hanches saillantes. »
Milian G. Souvenirs de l’hôpital Saint-Louis. Baretta. Paris Médical 1924 ; 11 : 244-246.
Coll. musée de l’hôpital Saint-Louis
Baretta dans son atelier Baretta dans son atelier, huile sur carton, par Eugène Dufour, gendre de Baretta