Texte : Jean ii Riolan
Première Responsio (1652) aux
Experimenta nova anatomica
de Jean Pecquet (1651).
1. Préface

Note [24]

Jean ii Riolan partage avec Thomas Bartholin (v. note [4] de son Historia anatomica, 1652, chapitre v) la paternité de l’adjectif pecquétien (pecquetianus). Forgé sur le même modèle que « riolanique » (riolanicus, v. note [2], Épître dédicatoire de la Dissertatio de thoracis lacteis), Riolan l’emploie ici dans une intention louangeuse, mais il l’a repris à des fins péjoratives en 1655, pour dénigrer les partisans de Jean Pecquet dans sa Responsio ad Pecquetianos.

La conclusion de Riolan doit être attentivement lue par ceux qui s’intéressent à la querelle anatomique qui l’a opposé à Pecquet : Louis Gayan (v. note [7], Experimenta nova anatomica, chapitre vi), le chirurgien parisien qui disséquait avec Pecquet, a montré à Riolan le réservoir du chyle et les canaux thoraciques, dont il a admis l’existence sans du tout disconvenir de l’importance de cette découverte, et en saluant même les mérites de son auteur, jusqu’à vouloir attacher son nom aux voies du chyle dans le thorax. Le différend portait, non sans de très sérieux motifs, sur l’interprétation excessive de Pecquet : il considérait à tort le chyle comme le véhicule exclusif de toutes les substances nutritives produites par la digestion des aliments ; et donc comme le seul suc capable de former le sang, dont il aurait dès lors fallu transporter l’« officine » du foie dans le cœur, ce qui revenait à célébrer bruyamment les Funérailles du foie.

Comme souvent, chacun des deux protagonistes avait en partie raison : les graisses absorbées suivent la voie du chyle, mais les glucides et les protéines empruntent la voie de la veine porte ; la partie liquide du sang (plasma) est fabriquée par le foie, et sa partie cellulaire l’est par la moelle osseuse et les organes lymphoïdes, sans que le cœur y prenne la moindre part (v. la fin de notre Brève histoire du chyle).

Riolan était tout de même mauvais joueur et dissimulait mal sa jalousie envers un tout jeune médecin, encore étudiant, qui se couvrait, avec éclat mais non sans quelque abus, d’un immense renom auprès de toute la « république anatomique » de son temps, c’est-à-dire auprès de toute l’Europe savante. Si Riolan, en voyant crouler ses certitudes, avait été moins aveuglé par la gloire de son âge et de ses écrits, il aurait, semble-t-il aujourd’hui, beaucoup mieux fait d’associer Pecquet à sa chaire royale d’anatomie, plutôt que de la transmettre au très médiocre anatomiste qu’était Guy Patin. Dans ces conflits imprégnés d’envie, d’orgueil et de vieilles rancunes, le Danois Thomas Bartholin a fait preuve d’une plus louable clairvoyance en se faisant le chantre enthousiaste de Pecquet, mais en le suivant malheureusement dans toutes ses erreurs.


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Jean ii Riolan
Première Responsio (1652) aux
Experimenta nova anatomica
de Jean Pecquet (1651).
1. Préface, note 24.

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(Consulté le 08/12/2025)

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