Texte
Jean Pecquet
Dissertatio anatomica
de circulatione sanguinis
et motu chyli
(1651)
Chapitre xi  >

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Le mouvement du chyle. [1]

Il est pareillement montré que le chyle pénètre dans les veines lactées,
puis est poussé, mais non aspiré, dans le cœur
.

Après avoir expliqué le mouvement du cœur, celui qui fait avancer le chyle pourra être aisément démontré.

Tout le monde sait que l’estomac digère les aliments, dont le chyle est exprimé quand ils parviennent aux intestins ; [1][2][3] lequel passe, par les petits pores [4] que la nature y a ouverts, [Page 77 | LAT | IMG] au travers de la paroi intestinale, et se retire ensuite dans les veines lactées[5] Quant à savoir si les intestins imitent un tamis ou une éponge, leur double paroi (qui leur est particulière) n’agit pas comme l’un ou l’autre, mais comme l’un et l’autre : la nature a tissé leur paroi superficielle en un fin écheveau de filaments très menus, ressemblant indéniablement à un crible ; mais dans sa prévoyance, elle a tapissé leur couche profonde, dont la substance est très molle, d’un enduit admirable, qui la rend ridée ou, si tu préfères, spongieuse ; en sorte que la partie grossière des aliments passe son chemin sans lui nuire, mais que le suc plus subtil, séparé des déchets, est tamisé dans les veines lactées. [2][6]

Les expériences précédemment décrites [3] ont montré le chemin du chyle ; il faut maintenant chercher à savoir s’il est poussé ou entraîné.

Le chyle n’est pas attiré[7]

Si tu lies les veines lactées dans le mésentère ou dans la cavité thoracique, [8] leur turgescence, sous le blocage, du côté tourné vers les intestins, ruinera toute idée que le chyle y soit attiré ou sucé. [4][9]

Tu ne diras donc pas non plus que les lactifères puisent le chyle à la manière dont agissent les sangsues : en effet, elles n’attirent pas le sang, mais ne le puisent pas autrement que nous le faisons quand nous plongeons un chalumeau dans une fontaine ou dans un tonneau et faisons monter le liquide en l’aspirant avec la bouche ou les poumons : les sangsues piquent les veines cutanées et, en élargissant leur ventre (c’est-à-dire en se distendant comme font les poumons), elles se gorgent du sang qu’elles envoient dans leur estomac qui est capable de se dilater. [5][10]

Le chyle est donc propulsé dans les lactifères ; [6] mais [Page 78 | LAT | IMG] on en vient alors à se demander s’il s’agit d’une action des intestins qui leur est particulière ou d’origine extérieure.

La contraction des intestins.

Quand le chyme, ou suc extrait des aliments, [7][11] s’écoule de l’estomac dans les intestins, il les fait enfler en tendant leurs fibres complaisantes, à la manière d’un ressort ; si bien qu’après s’être élargis sous l’effet de cette impulsion, ils retrouvent ensuite leur état naturel, en se resserrant de proche en proche depuis l’estomac jusqu’à l’anus. J’en conclus que si cette contraction est particulière aux intestins, comme aux autres viscères membraneux, leur dilatation est d’origine extérieure. Il existe néanmoins une autre contraction, que nous avons dite impétueuse et qu’on provoque en piquant, par le fer ou par l’acidité ; et il existe aussi une autre dilatation, qui n’est pas externe mais naturelle, quand l’intestin, après s’être rétréci et resserré, retrouve l’expansion spontanée qui lui convient.

Outre cette contraction de l’intestin, qui lui est propre, [12] il faut remarquer l’allongement et le froncement de sa membrane spongieuse car, en puisant le suc très fluide du chyme qui s’écoule de l’estomac, elle gonfle comme une éponge ; mais sous l’effet, je pense, d’une pression des parties adjacentes, ou de quelque autre cause, elle se ride aussi pour chasser le chyle en partie vers l’intérieur et en partie dans les veines lactées. [8]

Il convient aussi de remarquer que cette contraction et ce froncement des intestins succèdent à leur dilatation par un phénomène qui leur est extérieur, et qu’elles ne contribuent que fort peu, voire pas du tout, à chasser le chyle dans les lactifères, car le plus souvent elles l’empêchent plutôt d’y pénétrer. Plus l’intestin est contracté, plus ses pores sont serrés, ce qui obstrue [Page 79 | LAT | IMG] les orifices terminaux des lactifères et ne permet qu’à fort peu de liquide d’y passer. Nous avons plus haut relevé ce phénomène, en traitant de la contraction impétueuse des vaisseaux ; [13] il est commun aux autres organes membraneux, comme le montre facilement et clairement une expérience menée sur une vessie fraîchement excisée : bien qu’elle soit distendue par l’urine qui s’y est accumulée, il n’en sort pas une goutte par les trous qu’on y a percés avec une aiguille, mais elle en jaillira si on la comprime avec violence. [14]

Le mouvement péristaltique des intestins (que nous avons si souvent observé en disséquant des animaux vivants), [9] parce qu’il contracte leurs parois de proche en proche, en provoquant un froncement qui obstrue leurs méats, est incapable de chasser le chyle dans les vaisseaux lactés, à moins peut-être d’y ajouter un autre mouvement de dilatation : en même temps que la partie supérieure d’un segment se ride, son aval se distend et pourrait alors offrir un plus large accès de la nourriture ingérée aux lactifères et l’y faire pénétrer.

Étant donné que cette dilatation, produite par la progression du chyme, semble être peu efficace à bien ouvrir les petits pores par où s’enfuit le chyle, il faut absolument en venir à une compression plus vigoureuse des intestins.

La compression des intestins.

Je lui trouve deux causes principales, à savoir la respiration, et la contraction des muscles de l’abdomen et du thorax, laquelle permet surtout de satisfaire la nécessité de déféquer les excréments intestinaux et de vider la vessie, et peut-être même la vésicule biliaire. La poussée conjuguée de l’air inspiré retenu dans les poumons et de la violente contraction des muscles [Page 80 | LAT | IMG] comprime fortement les viscères ; et c’est, je pense, ce qui crée le mouvement qui permet à l’estomac d’expulser le chyme dans les intestins, puis aux intestins de chasser le chyle, ou suc blanc, dans les lactifères. [10][15][16]

Je n’invoque pas cette alternance de contraction et de relâchement que les muscles déploient pour assurer le mouvement incessant de la respiration, car il n’en existe pas de telle dans les viscères, qui soit capable de comprimer les intestins pour en faire sortir le chyle. Je n’invoque pas non plus les battements des artères qu’on voit luire autour des intestins car après qu’on les a affaissées en liant l’artère cœliaque, [17] le chyle continue à s’avancer et à gonfler les lactifères. Il reste donc à nous replier sur la puissante contraction des muscles ou sur la contrainte permanente imposée par l’expiration et l’inspiration.

Le mouvement du chyle est continu, tant que les aliments en procurent. Il exige une force de compression dont l’origine est à identifier ; mais il est presque inepte de la chercher dans la contraction des muscles, dans la mesure où elle n’est que momentanée. C’est donc à l’obligation de respirer que je dois maintenant recourir.

La respiration.

On montre comment se fait la respiration et en quoi elle contribue au mouvement du chyle. Des expériences prouvent que l’enveloppe des poumons n’est pas perméable.

La respiration se fait (comme chacun sait) par la dilatation alternée de l’air et des poumons : celle de l’air est provoquée par la chaleur des poumons qui le reçoivent, quand les muscles respiratoires se détendent ; [Page 81 | LAT | IMG] leur contraction volontaire force ensuite l’air à être chassé.

La distension inspiratoire provoque la béance des plaies thoraciques, ce qui prouve que l’enveloppe des poumons est parfaitement imperméable, du moins dans le sens qui va du dedans au dehors ; et aucun effort respiratoire, si intense soit-il, ne sera capable de forcer ce barrage.

Ces faits sont avérés par l’expérience : si, à l’aide d’un chalumeau que tu y as introduit, tu souffles dans les bronches d’un animal vivant (tandis que tu le dissèques), tout l’air que tu pourras y pousser ne parviendra pas à faire bouger la flamme d’une bougie que tu as approchée, tant que tu n’auras pas enlevé ladite enveloppe. [11]

Il faut noter ici que les chirurgiens se trompent très souvent dans les plaies pénétrantes du thorax : [18] ils en approchent un flambeau, et si l’air mobilisé par la respiration fait vaciller la flamme, ils sauront que le poumon a été gravement touché. S’ils répugnent à me croire, qu’ils osent donc, quand ils opèrent les malades qui crachent du pus, recourir pareillement à la mobilité de la flamme pour savoir si le poumon est rompu.

J’ai parlé d’air passant de l’intérieur du poumon vers l’extérieur car aucune observation expérimentale ne m’a clairement convaincu qu’il puisse aller dans le sens inverse, c’est-à-dire de l’extérieur à l’intérieur de l’enveloppe pulmonaire. [12]

Tu n’iras pas pourtant déduire qu’elle est poreuse en voyant parfois la sanie d’une pleurésie [19][20] teinter dans les crachats ou s’écouler dans les urines : Riolan, au chapitre iv, livre iii de son Encheiridium, a eu soin de remarquer que cela ne peut se faire sans que la plèvre ne soit rompue et les poumons excoriés : soit que poumon et plèvre aient adhéré aux côtes avant la pleurésie, soit qu’ils se soient étroitement soudés l’un à l’autre quand le phlegmon a commencé à s’échauffer, tant [Page 82 | LAT | IMG] sous l’effet collant du liquide visqueux que fait sourdre l’ardeur de l’inflammation, que sous celui de la moindre amplitude du mouvement respiratoire, due à la douleur et à l’enflure. Quand le phlegmon [21] est au contact des deux membranes et se liquéfie, il induit en effet leur putréfaction. Le pus qui fait alors irruption dans le poumon peut être emporté ou bien dans les bronches pour être craché, ou bien dans le ventricule gauche du cœur en passant par la veine artérieuse[22] passant ensuite dans l’aorte, pour être très souvent entraîné dans les reins, qui le mêlent à l’urine. [13]

Pourtant, me diras-tu, s’il n’y a pas contiguïté des membranes et si la plèvre rompt, le pus ne demeurera-t-il pas dans le fond du thorax ? Je pense qu’il y restera, et non sans dommage, si on ne l’évacue pas promptement en ouvrant l’abcès.

Revenons à la respiration : les poumons se dilatent, en même temps qu’ils compriment le diaphragme [23] et le foie vers le bas. Ce dernier, en agissant à la manière d’un pilon dont le poids s’ébranle à intervalles réguliers, pousse le chyme à traverser le pylore pour passer de l’estomac dans les intestins, tout en dilatant leurs petits pores, que la substance la plus subtile des aliments emprunte pour gagner les lactifères ; cela est comparable aux enfants qui entortillent entre leurs doigts une peau d’anguille qu’ils ont remplie d’eau, y percent çà et là des petits trous à l’aide d’une aiguille très pointue, puis s’amusent à la presser pour en faire jaillir de très fins jets d’eau.

L’abaissement du diaphragme mérite un chapitre particulier car il n’est pas hors de propos d’exposer ici tout ce que nous avons compris de son mouvement. [Page 83 | LAT | IMG]

Le mouvement du diaphragme.

Quand les poumons aspirent l’air, ils se gonflent peu à peu et descendent vers la partie médiane du diaphragme qui est attachée à l’épine dorsale. À son pourtour, la susdite partie est composée de fibres charnues, mais celles de son centre sont tendineuses et poussent vers le bas en comprimant les organes qui sont suspendus au-dessous de lui, avec un abaissement du foie et un bondissement de l’estomac. En avant, toutefois, la partie médiane du diaphragme s’attache au sternum et aux extrémités cartilagineuses des fausses côtes, et l’inspiration déplie les fibres membraneuses du centre, en tirant obliquement vers le haut les fibres charnues de son pourtour et la région antérieure du poitrail. Ainsi le gonflement des poumons abaisse-t-il les parties postérieures du diaphragme, en même temps qu’il soulève très puissamment ses parties antérieures. [14][24]

N’en déduis pourtant pas que les muscles qu’on appelle respiratoires contribuent en quoi que ce soit à ce mouvement car une fois entièrement réséqués (en épargnant toutefois les intercostaux et le diaphragme), [15] les cartilages du sternum étant mis à nu et la cavité de l’abdomen étant ouverte, l’animal n’en respire pas moins bien que si on n’avait pas du tout lésé la masse entière des dits muscles (comme je l’ai observé à maintes reprises en disséquant).

Voilà ce qu’il faut comprendre de l’inspiration. Dans l’expiration, les parties antérieures du diaphragme et le sternum s’abaissent, en même temps que ses parties postérieures s’élèvent, en entraînant bien sûr le foie et l’estomac qui lui sont suspendus, et que le diaphragme se fronce, en relâchant les fibres tendineuses de son centre et musculeuses de son pourtour.

Avant d’en finir avec ce discours sur le diaphragme, [Page 84 | LAT | IMG] je voudrais seulement te faire remarquer que ses prolongements charnus, qui sont comme appendus au-dessus des reins, se cachent sous le réservoir du chyle, [25] si bien qu’ils ne peuvent se tendre sans tendre aussi ledit réservoir, en le forçant à chasser le chyle qu’il contient. En voilà assez sur le diaphragme, venons-en à réfuter les objections qu’on oppose à notre opinion que la respiration est le moteur du chyle dans les lactifères.

Réfutation des objections contre la respiration.

La respiration étant aveugle, pourquoi donc, me diras-tu, agirait-elle autrement qu’en poussant pêle-mêle dans les lactifères les aliments, tant digérés qu’encore crus, les sucs purifiés et les déchets ? [16] Voici ce que je te répondrais si, dans le tri des opinions courantes, je ne m’étais donné pour règle de ne tenir pour raisonnable que celle qui est fondée sur l’arbitrage de l’expérience : l’estomac étant entièrement dépourvu de lactifères, il n’en sort pas directement de chyle ; [26] ce que l’estomac délivre aux intestins est complètement digéré ; il s’agit donc d’un chyle parfait, qui n’est plus mêlé à la moindre matière crue.

La vérité me force pourtant à reconnaître qu’il n’est pas rare que des aliments sortent de l’estomac avant d’avoir été complètement digérés, puisqu’il s’en précipite jusqu’à l’anus ou à la vessie, lesquels ne peuvent migrer de l’estomac dans la vessie autrement qu’en passant par les veines lactées. [17][27][28]

De plus, qui a bu sans modération du vin pur émet presque aussitôt une urine abondante, mais parfaitement limpide et dénuée de toute coloration ; [Page 85 | LAT | IMG] je pense pourtant que tout ce liquide se serait épaissi et teinté s’il s’était mélangé à la masse entière du sang. De même, les eaux minérales séjournent très brièvement dans le corps après qu’on les a bues ; l’urine prend l’odeur et la couleur des asperges environ un quart d’heure après qu’on les a mangées, tout comme elle rougit sous l’effet du jus qu’on tire des figues d’Inde. [18][29][30][31]

Je dirais donc qu’avant leur complète digestion, le pylore [32] permet probablement à ces liquides de gagner très rapidement la vessie parce qu’il y est pressé soit par son remplissage excessif, soit peut-être par leur effet diurétique, soit pour quelque autre raison, en passant par le chemin du chyle. [19]

Et ne m’objecte pas que ces surplus s’empressent de partir par derrière dans la rate en empruntant le vas breve, pour ensuite se rassembler dans le foie, puis monter vers le cœur, être poussés dans les artères et se jeter enfin dans les reins par les artères émulgentes : [20][33][34] la rapidité de leur transfert est tout à fait incompatible avec un si long parcours, et tant de détours, outre qu’ils les imprégneraient des humeurs auxquelles ils se mélangeraient, augmenteraient leur richesse en sels, ce que l’expérience contredit tous les jours.

Si tu suspectes que se cachent d’imperceptibles méats qui unissent l’estomac aux reins, souffre, de grâce, que je ne croie pas à leur existence tant qu’ils n’auront pas pris une taille qui cesse de les dissimuler aux regards.

J’estime donc plutôt que ces liquides s’écoulent de l’estomac par le pylore, puis sortent des intestins en empruntant les lactifères pour être poussés dans le réservoir du chyle que nous avons découvert sous le mésentère. Une partie emprunte ensuite la voie thoracique du chyle pour gagner le cœur, qui est l’officine du sang ; [35][36] une autre partie se sépare du chyle pour se rendre dans les reins qui sont placés de chaque côté du [Page 86 | LAT | IMG] réservoir du chyle, par le tronc des artères émulgentes, auquel il adhère fermement, et dont la paroi ressemble à une trémie qui convient au passage du sérum. [21][37][38]

À mes yeux, il ne se présente certainement aucune voie plus commode pour tamiser les substances qui s’écoulent très souvent de l’estomac sans y avoir été digérées, ni même s’être imprégnées de sa chaleur.

Quand l’air est excessivement chaud, l’absorption immodérée d’eau froide relâche le ventre, comme font le lait d’ânesse [39] ou encore les eaux minérales. Quand ils sont vomis, les pépins de raisin, les peaux des baies et des fruits similaires, ou les écorces des graines, tout comme les enveloppes des légumes, demeurent à l’état de crudité, quelle qu’ait été la durée de leur exposition à la chaleur de l’estomac. Avec quelle facilité les substances pourvues d’un pouvoir apéritif et laxatif ne s’en écouleront-elles donc pas sans avoir non plus été digérées ? Cela se remarque tout particulièrement avec les potions purgatives qui conservent et leur parfum et leur odeur, et parfois leur couleur, jusqu’à leur expulsion par en bas. [22][40]

Tu m’objecteras encore que le chyle continue à progresser dans les lactifères alors même que le souffle des poumons a disparu et que les mouvements respiratoires se sont entièrement éteints ; et de fait, lorsque le thorax d’un animal vivant a été ouvert et que ses poumons sont flasques, les veines lactées qu’on a liées dans le mésentère n’en demeurent pas moins gonflées pendant quelque temps.

Voilà sûrement un argument très solide contre notre opinion, mais pour le contrer, je voudrais que tu notes bien ce que j’ai très souvent observé : les lactifères qu’on a ligaturés dans le mésentère ne sont enflés que tant que le thorax de l’animal est intact et qu’il remue vigoureusement la masse de ses viscères abdominaux et tous les muscles de son corps ; mais une fois le thorax ouvert et ces mouvements abolis, les lactifères s’affaissent complètement ; à moins peut-être que la membrane spongieuse des intestins, en se contractant sous l’effet de l’air froid ou des derniers aiguillons de la douleur, [Page 87 | LAT | IMG] ne chasse dans lesdits lactifères ce qui reste du chyle qu’elle avait antérieurement recueilli.

La respiration (et telle est ma conclusion) chasse donc le chyle dans les lactifères, et ce grâce aux deux forces que sont la contraction et la compression. Par son lien avec les organes du voisinage, elle fait avancer le chyle dans les intestins comme dans les vaisseaux lactés. Elle est si contraire à la plénitude de ces conduits qu’après la mort, elle soustrait à la vue toute trace des chylifères du thorax ou des intestins, tout comme du réservoir situé au-dessus des reins.

Tels sont les remarquables faits que je devais publier sur les mouvements du chyle et du sang, et sur leurs moteurs. Il me reste à examiner ta complainte sur le siège de la sanguification, dont j’ai soustrait la charge au foie. [41]


1.

Jean Pecquet était fidèle aux idées simplistes qu’on se faisait de la digestion ou coction des aliments, comme en attestent les définitions données par Furetière, à partir des ouvrages anatomiques du xviie s.

2.

Jean Pecquet a fidèlement repris la description de la paroi intestinale qui figure dans l’Encheiridium anatomicum et pathologicum de Jean ii Riolan, {a} livre ii, chapitre xviii, Des boyaux : {b}

« Leur substance est composée de membranes et de fibres. Les membranes sont au nombre de deux, qui leur sont propres, dont l’une est en dedans, et est très charnue ; l’autre en dehors, et est plus nerveuse. Celle du dedans est pleine de rides et de plis, afin qu’elle puisse arrêter le chyle en passant, et laisser le loisir de le tirer aux veines lactées, qui semblent être mises en ce lieu pour sucer, comme des sangsues, la partie la plus subtile et la plus délicate de cette humeur.

Outre ces rides, il y a une certaine glaire baveuse, qui fait une couche et semble servir de défense au-dedans des boyaux, afin que l’âcreté de la bile qui y passe ne les puisse point endommager. {c} Elle a encore, outre ces deux membranes propres, celle que lui donne le péritoine, comme il fait à toutes les autres parties qu’il enveloppe. » {d}


  1. « Manuel anatomique et pathologique », Leyde, 1649, page 102 (vnote Patin 25/150).

  2. Traduction française, Paris, 1661, pages 152‑153.

  3. Riolan, comme faisait Pecquet, imaginait que la tunique intestinale interne se divisait en deux couches : des villosités supposées jouer un rôle de tamis (crible) et, semble-t-il, entre elles dans des rides profondes, un enduit, comparé à une éponge, où les lactifères puisaient le chyle.

    Cela est assez confus, mais peut correspondre à ce que l’ère microscopique a décrit comme la muqueuse et la sous-muqueuse.

  4. La tunique médiane, musculaire, manque à l’appel.

3.

Dans les trois magistrales dissections des Experimenta nova anatomica.

4.

Il existe donc une poussée du chyle vers le haut dans les lactifères, ses veines réagissent à la ligature comme celles qui transportent le sang.

5.

Sangsue (Furetière) :

« petit insecte noirâtre, ou petit ver aquatique {a} qui se trouve dans les pays marécageux, qui suce le sang des animaux. La sangsue au bout de sa tête a un trou rond comme celui d’un lamproyon, {b} et trois petites dents ou aiguillons avec quoi elle perce la peau non seulement de l’homme, mais aussi d’un cheval ou d’un bœuf, dont elle suce le sang et s’en remplit. Il y en a de venimeuses qui ont une grosse tête de couleur verdoyante et qui reluisent comme vers ardents, et sont rayées de bleu sur le dos, comme aussi celles qui viennent dans les marais et autres eaux bourbeuses. Celles-ci engendrent inflammation, apostumes, {c} fièvres et malins ulcères, qui sont quelquefois incurables. Les bonnes sangsues sont celles qui sont de couleur de foie, menues, rondes, ayant petite tête, le ventre rougeâtre, et le dos vert et rayé de couleur d’or par-dessus, et qui se trouvent dans les eaux claires et coulantes. On les applique aux endroits du corps où les ventouses et cornets ne peuvent tenir, comme au fondement, aux veines hémorroïdales, etc. {d} La sangsue se trouve de toutes sortes de grandeurs, et cet animal se colle si fort contre un verre où il est enfermé qu’il est difficile de l’en arracher. […] La sangsue avalée est un poison parce qu’elle s’attache à l’orifice de l’estomac ; pour la faire sortir, il faut boire de la saumure. Ce mot vient du latin sanguisuga (Ménage) ; {e} on l’appelle aussi hirudo. »


  1. Les sangsues, dont il existe des centaines de variétés, appartiennent toutes à la classe des annélides (vers), mais Furetière employait ici le mot insecte dans le sens vulgaire de « vermine » et d’animaux « dont on ne comprend pas bien la génération ».

  2. Petite lamproie.

  3. Suppurations, abcès.

  4. Ventouses en forme de cornets ; vnote Patin 4/8147 pour la saignée des veines hémorroïdales, qui visait principalement à évacuer l’imaginaire atrabile.

  5. Gilles Ménage, Les origines de la langue française, 1650, page 596, au mot Sansue.

Sur une remarque de Jean ii Riolan (v. note [6] de sa première Responsio, 4e partie), Jean Pecquet a modifié ce paragraphe entre les deux éditions de son livre. Il écrivait en 1651, page 76 :

pungunt enim cutaneas venas hirudines, et dum follicantis quasi Pulmonis operâ turgescunt in ipsarum dilatu facilem Ventriculum Sanguis immititur.

[les sangsues piquent les veines cutanées et, en se distendant comme sous l’effet d’un poumon, elles enflent et cette dilatation de leur corps envoie le sang dans leur estomac qui le reçoit volontiers].

6.

Pour le mouvement du chyle, comme il a longuement fait pour celui des autres liquides dans les quatre précédents chapitres, et avec la même difficulté à trouver les mots pour se faire aisément comprendre, Jean Pecquet s’échinait à établir une subtile distinction physique entre attirer et aspirer en créant un vide (c’est-à-dire sucer avec la bouche ou humer avec les poumons). Cela n’est intelligible que si l’attraction, que veut démanteler Pecquet, suppose l’intervention d’une force invisible, comme celle de l’aimant, pour introduire en physiologie le vide nouvellement affirmé par Blaise Pascal.

7.

Du grec χυμος, « suc de viande », le chyme désigne, au sens moderne et strict, les : {a}

« aliments réduits, dans l’estomac, en une sorte de bouillie grisâtre, plus ou moins épaisse, ayant une odeur fade et une saveur ordinairement acide. Le chyme est très composé, puisqu’il résulte du mélange des substances alimentaires avec la salive, les liquides fournis par les cryptes muqueux {b} de la bouche, de l’isthme du gosier, du pharynx, de l’œsophage, et avec les liquides exhalés dans l’estomac.

Le chyme mêlé dans le duodénum à la bile et au fluide pancréatique fournit le chyle et, retenant lui-même la matière colorante de la bile, il prend une couleur jaune plus ou moins foncée. Vers la fin de l’intestin grêle, il a déjà acquis une couleur légèrement fétide ; mais ce n’est que dans le gros intestin qu’il prend complètement les caractères propres aux matières fécales.

Quelques auteurs ont donné le nom de chyme à la partie la plus parfaite du chyle : cette acception n’est plus admise. »


  1. Définition donnée par Marjolin (Panckoucke, 1813, volume 5, page 182), telle que Jean Pecquet l’entendait déjà en écrivant chymus : le mot est absent des dictionnaires du xviie s. ; il y était souvent tenu pour synonyme de chyme au xviiie (Encyclopédie) ; Paracelse tenait le chymus pour une humeur ou un sel lié à l’or corporel.

  2. Sic.

8.

À moins d’y remplacer chymi par chyli, comme a fait le traducteur anglais de 1653 (pages 144‑145), ce paragraphe incite à croire que, pour Jean Pecquet, la paroi de l’intestin grêle transforme le chyme qui sort de l’estomac en chyle, puis soit l’envoie dans les lactifères, soit le renvoie dans la lumière (sans doute s’il est encore trop grossier pour être absorbé).

Cela ignore les multiples effets des sécrétions gastriques, hépatiques (bile) et pancréatiques, dont les composants chimiques (ions et enzymes) assurent la transformation du chyme en substances digérées et absorbables que la paroi intestinale (entérocytes) capte et trie : protides et glucides passent dans la veine porte, tandis que les lipides forment le chyle et cheminent dans les lactifères. Pecquet n’établissait pas cette distinction et croyait que le chyle représentait l’ensemble des aliments digérés et donc utilisables par le corps, tout particulièrement pour former le sang (v. infra note [22]).

9.

Après avoir été blâmé par Jean ii Riolan en 1652 (v. note [10], première Responsio, 4e partie), Jean Pecquet a corrigé ici, en 1654, sa grossière bévue sur le mouvement péristaltique, quand il avait écrit en 1651, page 77 :

Ita Persitalticus, si quis admitti debeat, neque enim uspiam à nobis in Animantibus vivis deprehensus est, Intestinorum motus…

[Ainsi le mouvement péristaltique des intestins, s’il faut en admettre l’existence, car nous ne l’avons jamais observé chez les animaux vivants…]

V. note [6], Dissertatio anatomica, chapitre x, pour la faiblesse de la démonstration de Pecquet sur la vasoconstriction.

10.

V. note [7], Dissertatio anatomica, chapitre x, pour l’expiration forcée à glotte fermée (manœuvre de Valsalva) qui aide à exonérer les matières fécales. Jean Pecquet ne semblait pas se rendre compte que cette manœuvre et la vidange de la vessie sont volontaires, alors que l’évacuation de l’estomac et de la vésicule, ou le péristaltisme intestinal et l’absorption du chyle sont involontaires (automatiques).

La musculature lisse des viscères, placée sous la dépendance du système nerveux autonome, n’était pas encore connue : tout mouvement dépendait donc des muscles striés, dont la contraction et le relâchement sont volontaires.

11.

Cette expérience est assurément triviale, mais nous apprend ce que Jean Pecquet entendait exactement par « l’enveloppe » (tunica) des poumons, à savoir tout ce qui sépare l’arbre bronchique de la surface du thorax : paroi bronchique, parenchyme pulmonaire, deux feuillets (viscéral et pariétal) de la plèvre et paroi du thorax (côtes, muscles et peau).

12.

Jean Pecquet a ajouté ce paragraphe dans l’édition de 1654 pour répondre à une critique de Jean ii Riolan (v. note [15], première Responsio, 4e partie).

Le souffle qui fait osciller une flamme semble être une invention de Pecquet : Jacques Guillemeau {a} n’en a pas parlé dans son traité Des plaies du thorax, recueilli d’après les leçons de Monsieur Courtin, médecin, {b} mais a insisté sur le redoutable pronostic des blessures pulmonaires et des empyèmes (abcès) qui les compliquent. Selon ce qu’en a écrit Charles-François Faudacq, chirurgien de Namur, la postérité n’a pas entériné le procédé de Pecquet et s’est fiée à d’autres signes : {c}

« Dans une plaie pénétrante de poitrine, avec lésion superficielle du poumon, les signes en sont encore assez équivoques quand il n’y a ni épanchement, ni hémorragie, ni flux de sang, ni crachement ; mais si en injectant une liqueur d’une saveur un peu forte le blessé en ressent le goût dans la bouche, il est certain que le poumon est blessé.

Si à chaque inspiration il ressent une douleur sourde et profonde dans la région du poumon qui répond à l’orifice externe de la plaie, c’est encore un signe probable de la lésion du poumon dans cette partie.

Si dans une plaie de poitrine le sang est fort écumeux, en petite ou en grande quantité, c’est un signe toujours certain de la pénétration du coup et de la lésion du poumon. » {d}


  1. Chirurgien ordinaire des rois de France Charles ix, Henri iii et Henri iv (vnote Patin 15/219).

  2. Œuvres de chirurgie, Paris, Nicolas Buon, 1612, in‑fo, page 627.

  3. Réflexions sur les plaies, ou la Méthode de procéder à leur curation… (Paris, Pierre-Michel Huart, 1736, in‑8o), pages 464‑465.

  4. Le signe, que Pecquet avait sans doute observé chez un chien, prête à sourire car seule une béance majeure et évidente de la paroi thoracique, ne laissant aucun doute sur l’atteinte du poumon, me semble capable de le provoquer. Les chirurgiens ne se donnaient donc pas même la peine de le noter dans leurs écrits, ni avant ni même après en avoir lu la naïve description. V. infra note [13], notule {d}, pour l’incision des empyèmes pleuraux (pleurésies purulentes qui peuvent provoquer le crachement de pus).

13.

Jean Pecquet citait fidèlement mais développait hardiment ce que Jean ii Riolan a écrit dans son Manuel anatomique et pathologique {a} au sujet de la pleurésie : {b}

« Quand il y a une inflammation en la plèvre, jointe à une fièvre continue, une douleur piquante de côté, avec toux, le mal s’appelle pleurésie, que beaucoup de Modernes ne croient pas pouvoir durer longtemps seule, sans que l’humeur se communique aux poumons, qui souvent sont attachés à la plèvre ; et même que l’humeur quitte la plèvre pour passer aux poumons, où elle engendre la péripneumonie. […]

Souvent les poumons en l’un des deux côtés, et parfois en tous les deux, se trouvent attachés à la membrane qui enveloppe les côtes ; {c} ou bien, encore qu’ils ne soient pas attachés, lorsque l’inflammation vient à occuper le côté, cette petite membrane étant arrosée et abreuvée de la quantité d’humeurs qu’elle attire, il en sort une sérosité fort gluante par le moyen de laquelle les poumons, qui emplissent toute la cavité quand ils s’enflent en la respiration, s’attachent facilement à la plèvre, laquelle attache se rend plus ferme par la chaleur de la fièvre, qui dessèche puissamment l’humeur et colle ces parties ensemble, sans que le mouvement continuel des poumons les puisse détacher, d’autant que le malade, sentant une violente douleur en son côté et craignant qu’elle ne s’augmente en respirant trop fort, il tire seulement son haleine petit à petit, ce qui fait que le poumon a plus de facilité à s’attacher aux côtes ; et alors la pleurésie se change en péripneumonie, où ces deux maux se rencontrent ensemble ; d’où il arrive que l’humeur se vide facilement par les crachats, qui sont au commencement sanglants, à cause de l’excoriation, tant de la plèvre que de la membrane des poumons. Ensuite, le reste de la matière se vide, et vient < pour > partie du côté où elle était au commencement amassée, < et pour > partie des poumons, où il se trouve beaucoup d’excréments, du reste du sang qui sert à les nourrir, les impuretés mêmes de toute la masse du sang pouvant se vider par ce moyen ; parce que tout le sang, agité de son mouvement circulaire par tout le corps, passe de temps en temps par les poumons {d} qui, à cause de leur substance spongieuse, attirent à eux toute l’impureté et, l’ayant épaissie, la rejettent par les crachats ; ce qui fait que l’on crache en toussant une si prodigieuse quantité d’humeur bilieuse et pituiteuse.

Que s’il arrive que le poumon ne soit point attaché à la plèvre, cette humeur séreuse ou purulente s’épanche dans la poitrine, étant difficilement attirée par les poumons ; ce qui donne origine à l’empyème. Et si cette matière ne se vide d’elle-même, il faut venir à l’ouverture du côté, laquelle réussit souvent avec succès. {e} […]

C’est un abus de croire que cette matière que fait la pleurésie se puisse transporter ou communiquer aux poumons par d’autres voies, soit en passant d’un lieu à l’autre, soit en engendrant ailleurs une semblable. » {f}


  1. V. supra note [2].

  2. Traduction française de 1661, pages 315‑318 ; édition latine de Leyde, 1649, pages 204‑205.

  3. Adhérences pleurales (synéchies), séquelles d’anciennes inflammations locales.

  4. Contrairement à Pecquet, Riolan n’admettait pas la petite circulation, pulmonaire, dans les conditions normales : elle n’avait lieu d’être que dans certaines circonstances pathologiques, comme celle qu’il décrivait ici.

  5. Pleurésie purulente compliquant une pleuropneumonie (vnotes Patin 10/40 et 9/8193), et qui peut requérir une évacuation chirurgicale quand le phlegmon (vnote Patin 14/8009) s’est transformé en abcès (ou apostume, vnote Patin 13/14).

  6. Riolan niait donc (légitimement) la possibilité, énoncée par Pecquet, que du pus migre du thorax dans les reins pour apparaître dans les urines.

14.

La nature musculaire du diaphragme et sa fonction étaient alors sujettes à de vives discussions entre les anatomistes. Jean ii Riolan en a longuement décrit les méandres dans le chapitre iii, livre troisième, de son Anthropographie, traduite dans ses Œuvres anatomiques (Paris, 1629, pages 485‑494, vnote Patin 25/146). Le point de vue présenté par Jean Pecquet, bien que peu éloigné de la physiologie moderne, n’était qu’une des hypothèses dont on débattait alors.

15.

Les muscles respiratoires (accessoires) supprimés par cette vivisection étaient ceux de la paroi abdominale : utiles à la respiration ils n’y sont pas indispensables à court terme et au repos.

16.

« Aveugle » (cæcus) peut ici être pris dans le sens qu’employaient les chimistes pour qualifier les « vaisseaux [récipients] bouchés qui n’ont qu’une ouverture d’un côté, et point d’issue par l’autre » (Furetière) : la trachée-artère est le seul orifice qui fait communiquer les poumons avec l’extérieur.

Toutefois, le contexte suggère que le mot aveugle désigne plutôt l’effet physique de la respiration sur l’abdomen : il n’est pas discriminant, mais massif et global, sans possibilité qu’il soit modulé selon la partie de l’intestin qu’il compresse ou détend, suivant le rôle précis que joue la respiration, à un instant donné, dans la progression du chyme et du chyle.

17.

Le livre troisième de la Pathologie de Jean Fernel {a} ne consacre pas moins de 11 chapitres (viii‑xviii) aux urines et aux renseignements diagnostiques que procurait leur inspection ; {b} cette explication de leur origine digestive aide à comprendre le propos de Jean Pecquet (page 173) : {c}

« Par la digestion qui se fait en l’estomac, la liqueur se mêle toute parmi les viandes, {d} et toute la vertu de la viande se communique à la liqueur, jusqu’à ce que des deux il s’en fasse une substance égale qui porte le nom de chyle ; lequel dévalant par les détours des intestins, est attiré et sucé par les veines du mésentère, qui en prennent tout ce qu’il y a de substance plus utile, qu’elles portent aux portes du foie, par le moyen du breuvage qui sert comme de véhicule. Quand de ce chyle le sang vient ensuite à être fait, l’urine (qui est le propre excrément du foie, comme les matières fécales le sont du ventricule {e} et des intestins) étant pour lors inutile, est attirée dans les reins par les veines émulgentes, {f} de même que la mélancolie {g} dans la rate et la bile jaune dans la vessie du fiel. {h} Toutefois, l’urine ne passe pas toute dans les reins, car il en reste une partie, avec le sang, distribuée par le corps, laquelle ayant ainsi servi de véhicule et achevé cet office, s’évacue par les sueurs ou bien retournant par où elle était allée, elle est semblablement attirée par les reins dans la vessie. L’urine part donc non seulement du foie, mais aussi des veines, tant grandes que petites, et de la masse du corps : ce que sentira manifestement quiconque aura passé deux ou trois jours sans boire beaucoup, ou point du tout. » {i}


  1. Universa Medicina [Médecine universelle] (première édition latine Paris, 1554) ; traduction française ibid. 1655 (vnote Patin 1/36).

  2. Fernel était un maître en l’art de mirer les urines, ce qui permettait de porter un diagnostic et de prescrire un traitement sans même voir les malades.

  3. Avant la découverte des lactifères et du chyle laiteux qu’ils transportent.

  4. C’est-à-dire les liquides et les solides ingérés.

  5. Estomac.

  6. Veines rénales, v. infra note [20].

  7. Fictive atrabile (bile noire).

  8. Vésicule biliaire.

  9. Les rebuts alimentaires qu’on supposait présents dans les urines sont notamment décrits dans le chapitre xvi, Des choses qui se trouvent mêlées parmi les urines.

    V. note [55], Brevis Destructio, chapitre iv pour la présence de chyle dans les urines (chylurie) selon Jean ii Riolan.


18.

En physiologie digestive moderne, l’absorption de l’eau qui compose les boissons n’emprunte pas la voie du chyle.

19.

Soit, mais alors pourquoi, en passant dans l’urine, le jus de figue d’Inde conserverait-il sa rougeur et les asperges, leur odeur, alors que le vin perdrait sa couleur ?

20.

Vas breve [vaisseau court] (L’Encyclopédie, 1781) :

« vaisseau au fond de l’estomac, ainsi appelé à cause de sa brièveté. {a} Il envoie plusieurs petites branches du fond de l’estomac à la rate, ou de la rate à l’estomac, suivant l’usage que les Anciens lui ont attribué, car ils croyaient que par le moyen de ce vaisseau, la rate fournissait à l’estomac un suc acide {b} qui, agissant sur les tuniques internes et nerveuses de ce viscère, causait le sentiment de la faim ; et qui, se mêlant en même temps avec les aliments contenus dans l’estomac, aidait par son acidité à leur dissolution. Mais en examinant avec plus d’attention les petites branches de ce vaisseau, on trouve qu’elles ne pénètrent pas jusqu’au dedans de l’estomac, et qu’elles ne sont autre chose que les branches de veines qui servent à reporter le sang dans la veine splénique, d’où il va dans la veine porte. » {c}


  1. Manuel anatomique et pathologique de Jean ii Riolan (Paris, 1661, v. supra note [2]), livre second, chapitre xxvii, De la rate, page 204 :

    « Elle est attachée à l’estomac par deux ou trois veines assez remarquables, lesquelles sont appelées Vas breve, c’est-à-dire vaisseau court, à cause qu’elles font très peu de chemin ; et c’est d’elles que l’on parle très souvent, à cause que c’est par ces veines que la rate se décharge dedans l’estomac, de même qu’elle se décharge dedans les boyaux et dans les reins par les artères et veines spléniques. »

    V. notes [2] et [3], Hitoria anatomica de Thomas Bartholin, chapitre ii, pour le rôle imaginaire du vas breve dans l’absorption directe du chyle gastrique.

  2. Ou bien de l’atrabile (bile noire ou mélancolie).

  3. En anatomie moderne, les vaisseaux courts (vasa brevia) de l’estomac irriguent sa gibbosité supérieure (fundus, qui jouxte la rate) : les artères sont des branches terminales de la splénique ; le sang en revient dans la veine porte en passant par la splénique.

    Le vas breve est un mythe que les anciens anatomistes ont longtemps tenu pour une communication de haute importance physiologique dans les relations entre la rate et l’estomac. Il a disparu avec l’atrabile.


21.

Les très légitimes ricanements de Jean ii Riolan (v. note [27], 3e partie de sa première Responsio, parue en 1652) ont conduit Jean Pecquet à supprimer en 1654, la dernière proposition qu’il y avait écrite en 1651 (page 84) :

[…] instar incerniculi translocando sero idoneus ; vel si mavis Atrabilarium, quæ adjacent, Capsularum ; vel Peritonæi, cujus ob partium vicinam non parum devehendis obnoxia duplicatura liquoribus, ministerio divertere.

[(…) dont la paroi ressemble à une trémie qui convient au passage du sérum ; ou si tu préfères, par les capsules atrabilaires qui le jouxtent, ou par le péritoine qui, en raison de ses liens étroits avec les viscères n’a pas pour moindre fonction d’évacuer les liquides qui s’accumulent dans ses replis].

22.

Vnote Patin 3/153 pour les mirifiques vertus revigorantes qu’on accordait alors au lait d’ânesse.

S’agissant des matières fécales, j’ai préféré traduire sapor par « parfum » (odeur agréable de certains purgatifs) que par « saveur », sans surestimer la bravoure et l’abnégation des anciens médecins.

En s’appuyant sur l’interprétation scabreuse de faits touchant au transit digestif de substances disparates, Jean Pecquet voulait prouver l’existence d’une communication directe entre le réservoir du chyle et les artères rénales. Ni lui ni personne depuis n’en a jamais démontré la réalité anatomique ou physiologique (fonctionnelle).

L’autre erreur de Pecquet, qu’il convient à nouveau (v. supra note [8]) de souligner, a été de croire que toute la substance nutritive était contenue dans le chyle laiteux, sans admettre l’autre voie majeure d’absorption que représentent les branches de la veine porte, et dont le sang ne court-circuite pas le foie. Il tombait dans l’erreur commune à bien des inventeurs, qui consiste à s’enivrer de leur découverte en lui donnant plus d’essor qu’elle n’en justifie, pour penser qu’elle anéantit absolument tout ce qu’on avait cru avant elle. Le progrès scientifique est élastique : tout bond en avant est suivi d’un recul partiel.

a.

Page 76, Ioan. Pecqueti Diepæi Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu.

Caput xi.

De chyli motu.

Etiam in Lacteas Chylum intrudi, pellíque versum
Cor, non exugi ostenditur
.

Expedito Sanguinis motu, facilè poterit
et quo devolvitur Chylu, demonstrari.

Norunt omnes ex alimentis, ab eorun-
dem coctore ventriculo intestina {a} deci-
duis, exprimi Chylum ; et per apertos a naturâ poru-


  1. Errata : in intestina.

b.

Page 77, Ioan. Pecqueti Diepæi Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu.

los trans intestinorum tunicas in Lactearum canali-
culos secedere. Sed cribrum imitentur an spongiam
pervia intestina, duplex (quæ propria quidem est)
eorum tunica non denotat alterutrum, sed utrumque.
Tenui fibrarum exilissimarum stamine tunicam exti-
mam argumentosè instar incerniculi natura conte-
xuit, cui provida illitu mirabili agglutinavit inte-
riùs rugosum, aut spongiosum, si mavis, mollissimæ
substantiæ peristroma ; ut et alimentorum innoxia
transeat asperitas, et qui subtilior succus est, ex fæ-
cibus in lacteas venas transcoletur.

Chylosam semitam Experimenta superiùs ostende-
runt ; nunc pellatur Chylus, an trahatur, vestigan-
dum.

      Quod Chylus non trahatur.

Non trahitur Chylus, fugitúrve ; nam sive li-
ges in mesenterio lacteas, sivè intra thoracis ca-
veam easdem innodaveris, trans vinculum, hoc est
intestina versùs, tumefescens Attractoriam sucto-
riámque sententiam suffocabunt.

Nec Lacteas, dixeris, hirudinum instar exsugendo
Chylum attrahere. Non enim attrahunt Sanguinem
hirudines ; nec ipsum aliter eliciunt quam nos cùm
immisâ in fontem aut dolium stipulâ, tùm oris, tùm
pulmonum distensione liquorem educimus ; pun-
gunt enim cutaneas venas hirudines, et dum folli-
cantis alvi (hoc est distendentis sese veluti pulmones
assolent) operâ turgescunt, in ipsarum ventriculum
dilatatu facilem Sanguinis immittitur.

Ergo propellitur Chylus in lacteas venas ; verùm

c.

Page 78, Ioan. Pecqueti Diepæi Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu.

an intestinorum actione propriâ, an virtute iisdem
extraneâ, venit inquirendum.

      De Intestinorum Contractione.

Cuum è ventriculo chymus, seu succus è cibis
elixus in Intestina delabitur, ipsa tumefacit, et
obsequiosas instar Elateris eorum intendit fibras, si-
cut aucto per intensionem vigore ad naturalem ultro
statum redeuntes, intestina successivè à ventriculo
ad anum Chymi depressu coangustent. Atque hinc,
concludo, instestinis est velut et cæteris corporibus
membranosisi contractio quædam propria, dilatatio
verò extranea. Est enim et alia contractio, quam vio-
lentam diximus, ut cum vel ferro vel acrimoniâ pun-
gitur intestinum ; est et dilatatio, non quidem extra-
nea, sed naturalis, cum restrictum et coangustatum
plus justo intestinum naturalem repetit extensio-
nem.

Præter propriam ejusmodi contractionem adverten-
da spongiosæ, quæ interior est, membranæ dilatatio,
corrugatióque, ea enim tunica delapsi è ventriculo
Chymi fluidiorem succum exhauriens veluti spongia
turgescit, at cum adjacentium, putà, compressione
partium, aut aliâ de causâ corrugatur, partim intus
removit Chylum, partim exprimit in lacteas venas.

Advertendum insuper eam intestinorum contra-
ctionem et interioris membranæ corrugationem, ex-
traneæ dilatationi succedere, nihilque aut parum
conferre impellendo in lacteas Chylo, imò potiùs in-
gressuro plurimùm obsistere. Intestinum enim quo
contractius, eò densiùs poros, et extremas proinde

d.

Page 79, Ioan. Pecqueti Diepæi Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu.

lactearum obstipat aperturas, minúsque pervium in-
clusis concedit effugium liquoribus. Hoc et in vio-
lentâ vasorum contractione jam suprà notatum est, et
facilis Experientia perhibet, cùm in cæteris membra-
nosis, tum maximè in vesicâ recens avulsâ corpore.
Contrahitur illa quidem effluente lotio, nec tum vel
acu circumquaque lancinata ullam urinam per acûs
effundet foramina, nisi adhibitâ violentiâ ad liquoris
expressionem comprimatur.

Ita Peristalticus (quem in vivorum sectionibus de-
prehendimus sæpe) Intestinorum motus, quia tuni-
cas eorundem successivè contrahit, occlusis corru-
gatione meatibus, impar est intrudendo lacteis Chy-
lo, nî fortè et alterum ei dilatationis motum adjun-
xeris, quo dum superiorem intestinorum corrugat
partem, inferiorem simul distendat, quæ cibis ingur-
gitata ampliorem in lacteas possit Chylum transfun-
dere.

Sed cum ista dilatatio, quæ ex Chymo deciduo
producitur, exiguæ sit virtutis et vix eos, quibus in-
truditur Chylus aperiat porulos ; ad vehementiorem
intestinorum compressionem sanè deveniendum est.

      De Intestinorum Compressione.

Hujus duplicem inprimis invenio causam, res-
pirationem scilicet, et in abdomine, thoracé-
que musculorum contractionem, qualem præsertim
excitat excernendorum ex intestinis retrimentorum,
vel exonerandæ vesicæ, vel forsitan et felleæ cystidis
vacuandæ necessitas. Tunc enim interclusus pulmo-
nibus, quem aspiraverunt, aër, et vehemens toro-

e.

Page 80, Ioan. Pecqueti Diepæi Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu.

rum enixus non parum viscera comprimunt ; sicut eo
putem motu è ventriculo exprimi chymum in intesti-
na, et ex intestinis chylum seu candicantem succum
in lacteas venas irrumpere.

Mitto contractionem illam atque distensionem,
quâ musculi respirationis operâ continuato motu
agitantur, non sic enim viscera comprimunt, ut ex
intestinis chylum valeant exprimere. Mitto et arte-
riarum circum intestina micantium vibrationem ;
nam quiescentibus post ligatam cœliacam arteriis,
nihilminùs lacteas irrepens chylus tumefacit. Super-
est igitur ut ad vehementem musculorum contractio-
nem, vel ad continuam expirandi, nec non aspirandi
vicissitudinem confugiamus.

Verùm quia perpetuus chyli, quandiu quidem ali-
menta suppetunt, transitus, jugem pariter compres-
sionis postulat causam, qualem ineptum in musculo-
rum contractione propemodum momentaneâ quæ-
rere ; ad repirationis demum vices, meo quidem ju-
dicio, recurrendum.

De respiratione.

Quî fiat Respiratio, et quid ad chyli motum confe-
rat, exponitur, Pulmonum non esse perviam tuni-
cam Experimentis innotescit
.

Fit autem Respiratio (quod ignotum nemini) al-
terno pulmonum et aëris elatere ; sicut dilatatio-
ne aëris, quem exceptum calore rarefaciunt, pul-
mones et simul Respirationis musculi distendantur,

f.

Page 81, Ioan. Pecqueti Diepæi Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu.

ac eorum deinde contractione spontaneâ ipse foras
aër cogatur erumpere.

Pulmonum autem in aspiratione distentio, quam
hiscentia thoracis vulnera manifestant, argumentum
est imperviæ prorsùs eorum tunicæ, saltem ab inte-
rioribus pulmonis partibus ad exteriora. Et verò
compactior est illa, nec unquam aëri, quâlibet respi-
randi vi, concessura transfugiendi facultatem.

Fiet dictis etiam Experimento fides, si vivæ (dum
dissecas) animantis insinuatâ bronchiis inspires ave-
nâ ; nam quidquid nitare, nullus admotæ lucernæ
flammam aër, nisi quà tunicam libaveris agitabit.

Hîc notandum venit hallucinari sæpiùs Chirurgos
in confossi thoracis vulneribus ; his quidem adhibent
illi proximam accensæ facis flammam, et ex ejus mo-
tu, quem admissus per vulneris aperturam intra tho-
racis capacitatem aër refluendo foras procurat, læ-
sum pulmonem perperam inferunt. Quòd si remur-
murent ; ergo et in empyïcis operationibus audeant
ex simili flammæ mobilitate ruptum pulmonem con-
cludere.

Ab interioribus dixi pulmonis partibus ad exte-
riora ; neque enim hactenus sat evidente mihi patuit
experimento, sit pervia nec ne a foris intus, hoc est ab
exterioribus ad interiora pulmonum tunica.

Nec porosam tamen duxeris ex sanie pleuritidis
per screationem nonnunquam, aut urinas effluente.
Nam, ut exactè Riolanus Encheir. lib. 3. cap. 4. non
nisi ruptâ pleurâ excoriatisque pulmonibus ejusmo-
di fit effluxus ; nimirum si vel ante pleuritidem costis
adhæserant, vel dum incipit effervescere phlegmo-
ne, pleuræ compacti pulmones cùm propter resu-

g.

Page 82, Ioan. Pecqueti Diepæi Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu.

dans viscosi liquoris ex phlegmones ardore glutinum,
tùm propter motûs, ex doloris et tumoris impedi-
mento, exiguitatem coagmentantur. Tunc enim
phlegmone ad utriusque membranæ contactum, in
ulcus tabescente utramque simul inficit putredine.
Quo fit, ut in pulmonem irruens sanies vel per bron-
chia egeratur in sputa, vel per arteriam venosam in
sinistrum cordis ventriculum, indéque secedens in
aortam, per renes ut plurimùm ad urinarum consor-
tium devolvatur.

Quid si non fiat, inquies, membranarum conti-
guitas, rumpatur nihilominus pleura, num in thoracis
fundo sanies remansura ? remansuram puto, et ad
perniciem, nisi promptâ empyematis aperturâ pu-
rulentæ sarcinæ exterminum indicatur.

Sed ad Respirationem redeo, in quâ dum pulmo-
nes dilatantur etiam deorsùm diaphragma premunt,
jecúrque, quod tum pistillum agens succutientis per
intervalla molis gravimine, non solum adigit chy-
mum è ventriculo per pylorum in intestina secedere,
sed et eorundem distendit porulos illácque subtilissi-
mam impellit in lacteas alimenti substantiam. Sic pue-
ri plenum aquâ circumvolunt digitis exuvium an-
guillæ ; pérque foraminula, subtilissimâ acu eidem
impressa circumquaque, aquam, dum premunt, in
tenuissimas scaturigines ejaculatione ludicrâ solent
diffundere.

At quoniam ad diaphragmatis depressionem ser-
mo devolutus est, hîc abs re non erit, quidquid à no-
bis circa motum ejus deprehensum es, explanare.

h.

Page 83, Ioan. Pecqueti Diepæi Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu.

      De motu Diaphragmatis.

Dum aërem aspirant pulmones, sensim tumes-
cendo ad eam Diaphragmatis, quà dorso sub-
tenditur medietatem descendentes, hujus (videlicet
medietatis) fibras in peripheria quidem carneas, in
centro autem membranosas deorsum adigunt et pen-
duli subtus cum hepate ventriculi subsultu compri-
munt inferiora ; at verò medietas altera, quà tum
sterno, tum etiam extremis notharum costarum car-
tilaginibus Diaphragma subjicitur, et nervosas cen-
tri fibras explicat, et circumferentiæ carneas unà cum
anteriori pectoris regione, sursum versus obliquè
sublevat ; sicut dum Diaphragmatis posteriores par-
tes deprimuntur, eodem ferè momento, vehementi
sanè contentione attolantur anteriores.

Nec ad motum ejusmodi, quos et in pectore et in
abdomine nuncupant Respirationis musculos, quid-
piam conferre duxeris ; iis enim penitùs exscissis, ut
dum (salvis tamen intercostalibus et Diaphragmate)
deteguntur sterni cartilagines, et inferioris alvi spe-
cus aperitur, nihil minùs respirat Animal (ut inter
dissecandum sæpius annotavi) quàm si nullo foret
læsa vulnere ipsorum sarcina musculorum.

Atque hi sunt, quos in aspiratione motus depre-
hendi, in exspiratione verò et Diaphragmatis ante-
riora simul cum sterno decidunt, et ascendunt certè
unà cum iecinore ventriculóque suspensis posterio-
ra ; ac tùm Diaphragma fibris et in centro nervoso et
in peripheriâ carneâ relaxatis corrugatur.

Antequam his de Diaphragmate sermonibus finem

i.

Page 84, Ioan. Pecqueti Diepæi Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu.

imponam id unum advertas velim, Diaphragmatis supra lumbos carneas productiones velut appendices
sub chyli Receptaculo delitescere, sicut di-
stendi nequeant, quin et ipsum Recepta-
culum
distendentes, quem continet chylum adi-
gant emittere, et Hæc de Diaphragmate satis : Adversus sententiam nostram, quâ Respirationem dici-
mus chyli in lacteas incitabulum, dissolvamus obje-
ctiones.

      Adversus Respirationem Objectiones
      dissolvuntur
.

Quidni ergo, inquies, cæca alioquin Respiratio
cum coctis indigesta, et cum puris in lacteas so-
leat fæcutina contrudere ? Nisi mihi constitutum fo-
ret ex vulgaribus sententiis eam duntaxat sapientiam
admittere, cui suffragetur experientiæ testimonium ;
Responderem ; Cùm non immediatè chylum è ven-
triculo lacteæ, quas ille nullas habet, excipiant,
coctionem ille esse priùs, quàm defluat, absolutam ;
et ob id, quidquid volvitur intestinis exprimendo pa-
ratissimum chylo, nullâ indigestæ substantiæ mixtura
posse recrudescere.

Verùm quoniam è ventriculo non pauca sæpè vel
ad anum, vel ad vesicam proruunt ante exquisitæ co-
ctionis complementum, nec à ventriculo patet alia,
præterquam lectearum {a} ad vesicam via, fateri cogor
et ipse non rarò fieri crudorum è ventriculo lapsum.

Et verò statim post absorptum immodicè merum
potulentus meiit, nec quam fundit urinam lym-
pidissimam ulla tinctura, sapórve consequitur. Et


  1. Sic pour : Lactearum (édition de 1651, page 83).

j.

Page 85, Ioan. Pecqueti Diepæi Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu.

hinc argumentor per Sanguinis massam, unde quid-
piam utriusque contraxisset, nullatenus diffluxisse.
Brevissima quoque ex mineralibus intra corpus uri-
narum mora : Asparagorum, intra medium post as-
sumptos horæ quadrantem, lotium odorem refert, co-
lorémque. Etiam qui ex Opopunciæ, seu ficûs Indicæ
fructu exprimitur succus, purpureasciet urinas.

Ergo, inquam, ante coctionis complementum ad
vesicam ejusmodi liquores, concedente, puto pyloro,
vel ob urgentem nimium plenitudinem, vel aperien-
tem diuretici fortè liquoris vim, vel quidpiam aliud,
per chylosam semitam festinantur.

Nec mihi tu breve vas objeceris, sicut ejus postico
facessant in lienem ista superflua, indéque per jecur
effusa colligantur iterùm, ut in cor ascendant ; ac in
arterias deinde contrusa, tandem per emulgentes in
renes præcipitent ; Nam et temporis angustia circui-
tui tanto non competit, et ipsa per tot errores, hu-
morúmque mixturam tingerentur non tantùm, ve-
rùm et contra quotidianam experientiam acuerentur
salsugine.

Quod si suspiceris è ventriculo versùs renes insen-
siles meatus delitescere, patere sodes non credi tan-
diu meatus ejusmodi, donec adultâ magnitudine
oculorum aciem desinant effugere.

Existimem ergo potiùs per pylorum eos è ventricu-
lo liquores effluere, et ex intestinis per lacteas in de-
tectum à nobis sub mesenterio chyli Recepta-
culum
trudi ; atque illinc partim per chylosam
thoracis semitam in cor Sanguinis officinam conflue-
re ; partim à chylo separatos in adjacentes hinc et in-
de renes, per emulgentium arteriarum adhærescen-

k.

Page 86, Ioan. Pecqueti Diepæi Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu.

tem firmiter chyli Receptaculo truncum, qui
et ob id fortassis illac foris intus pervius est, et instar
incerniculi translocando sero idoneus.

Certè nulla commodior, mihi quidem, ostenditur
via rebus, quæ sæpiùs absque coctione non solùm,
sed ne vel concepto calore, ventriculo defluunt, ex-
cernendis.

Ita, dùm aër ferventiùs æstuat, immodicus frigidæ
potus alvum relaxat ; eadem vis et lacti asinino, ut
et aquis mineralibus. Vinacea, baccarum folliculi,
similiúmque fructuum, seminúmve, sicut et legu-
minum involucra, quidquid interfuerint coctionis
æstibus, nihilominùs cruda etiamnum egeruntur :
Quanto magis ante coctionem ea defluent è ventri_
culo, quibus est aperiens virtus et laxativa ? et hinc
est, quod egestis deorsum, quæ pota sunt, remediis
et sapor et odor aliquando cum colore perseveret.

Objicies rursum, etiam dissipato pulmonum spiri-
tu, extinctâque prorsùs respirandi vi, chylum in la-
cteas irrepere ; sicut aperto viventis animalis pectore,
flaccidisque pulmonibus, ligatæ in mesenterio lacteæ
nihil minus ad aliquod tempus intumescant.

Gravissimum sanè adversum sententiam nostram
argumentum ; Pro cujus dissolutione velim animad-
vertas, quod sæpiùs ipse sum expertus, ligatas in me-
senterio lacteas solùm turgescere, cùm animal illæso
pectore totam in infimo ventre viscerum sarcinam
unà cum musculis totius corporis vehementer adhuc
exagitat ; nam cùm, aperto pectore, motus animalis
extinctus est, desinunt prorsus lacteæ turgescere ; ni
fortè spongiosa intestinorum membrana ob aërem
frigidiorem, aut doloris aculeos sese contrahens,

l.

Page 87, Ioan. Pecqueti Diepæi Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu.

residui, quem antea collegerat, chyli nonnihil in eas-
dem lacteas expresserit.

Ergo Respiratio chylum in lacteas (conclu-
do) reliquis Contractione videlicet Compressionéque
opem sequentibus intrudit. Hæc vicinarum connixu
partium, inclusum tum intestinis, tum etiam lacteis
chylum concitat ; Illa verò ita canalium plenitudini
infesta est, ut nec in mesenterio, nec in thorace la-
ctearum post mortem ulla sinat, nec Receptaculi
supra lumborum vertebras conspici vestigia.

Atque hæc sunt, quæ de Sanguinis chylique motibus,
nec non eorum incitabulo venerant promul-
ganda. Super est tuam, Iecinoris ergo, cui Sanguinei
artificij munus eripui, querelam sedem.


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Jean Pecquet, Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et motu chyli (1651) : Chapitre xi

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(Consulté le 11/12/2025)

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