Texte : Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre iv, note 3.
Note [3]

Dans l’« Anatomie réformée » des Bartholin père et fils, {a} la Lactearum venarum Historia [Description des veines lactées] occupe les pages 418‑425 (avec deux figures) du chapitre iii, Libellus i de Venis. Thomas Bartholin renvoyait au cinquième et dernier paragraphe de la discussion finale, qui porte sur leurs fonctions (page 424) :

Gassendus eruditus, per lacteas venas contentum candidum succum deferri per universum corpus arbitratur ad adipis generationem : Verum autem chylum proximè per porum biliarum ex ventriculo deduci ad hepar. Sed neutrum concedi potest. Non prius, ob rationes suprà lib. i adductas contra Folium de pinguenidis materia, quas approbat laudatque Riolanus. Nec postremum, quia inficeretur chylus occursu amari humoris, quanquam casu necessitatis obstructo jejuno id fieri posse concedat Vir laudatus.

[Le savant Gassendi estime que les veines lactées délivrent leur suc blanc dans tout le corps pour engendrer la graisse, mais aussi que le chyle, aussitôt sorti de l’estomac, gagne le foie en passant par le pore biliaire. {b} Aucune de ces deux propositions n’est admissible : ni la première, pour les raisons que j’ai opposées à Folli dans le livre i, sur la substance de la graisse, {c} et que Riolan loue et approuve ; {d} ni la seconde, parce que le contact d’une humeur amère corromprait le chyle, bien que cela puisse survenir accidentellement lors d’une obstruction du jéjunum, comme l’admet cet auteur respecté]. {e}


  1. Leyde, 1651, V. note [5], lettre d’Adrien Auzout à Jean Pecquet.

  2. Dans son Excerptum Prius, de Nutritione Animalium, in quo inter cætera disseritur de Venis Lacteis [Premier recueil sur la Nutrition des animaux, où il est, entre autres sujets, question des Veines lactées] (Lyon, 1649), Pierre Gassendi a supposé que le chyle monte dans le foie par les canaux biliaires (en proposant d’appeler chylodoque le cholédoque). {i} Il a parlé de la graisse dans le même essai, page lx :

    Visæ sunt Imprimis huiusmodi venæ cum liquore illo suo albo reputari posse nihil esse aliud, quàm materies adipis, quo mesenterium infercitur. Videlicet potest argumento esse, quod ille testatur, statim ac animal exspirat, hasce venas obliterari, sicque suo cum succo euanescere, vt vix illum sui vestigium relinquant. Quippe hoc adipis est proprium, vt vigente calore rarescens, liquiescens, ac fluens, excedente calore concrescat, coaguletur, sistaturque. Quam enim quæso, aliam ob caussam hic fluor tam citò coagularetur, cùm præsertim neque chylosus, qui in stomacho, aut intestinis ; neque sanguineus, qui in venis ; neque lacteus, qui in mammis ; neque omnino alius sit adeò subitaneæ coagulationi obnoxius ?

    [On peut penser que le liquide blanc contenu dans ces veines semble n’être rien d’autre que la matière de la graisse dont le mésentère est farci. Une preuve possible en est que ces veines s’oblitèrent aussitôt l’animal mort et leur suc disparaît sans presque laisser aucune trace, car le propre de cette graisse est de se dissiper en se liquéfiant et s’écoulant sous l’effet d’une forte chaleur, mais de se solidifier, agglomérer et figer sous l’effet d’un refroidissement. Pour quelle autre raison ce liquide se coagulerait-il si vite, alors que ni le chyle qui est dans l’estomac et dans les intestins, ni le sang qui est dans les veines, ni le lait qui est dans les mamelles, ni le liquide qui est n’importe où ailleurs n’est sujet à ce phénomène ?] {ii}

    1. V. note [1], Historia anatomica, chapitre iii.

    2. Suivent les constats de Gassendi et Peiresc à l’autopsie d’un condamné bien nourri avant sa pendaison, à Aix-en-Provence en 1634, (publiés à Paris, 1641) : v. note [4], Experimenta nova anatomica, chapitre vi.

      La supposition de Gassendi n’est qu’une douteuse vue de l’esprit, mais avec le surprenant flair d’établir un lien entre le chyle et l’absorption des graisses.

  3. Les observations de Cecilio Folli sur la graisse et le chyle sont référencées dans la note [1] supra ; Bartholin l’a brièvement critiqué dans le chapitre iii, De Pinguenide, livre i de son Anatomia reformata, page 22 (le passage entre crochets marque son addition au texte de son père) :

    Forma pinguenidis, quamdiu in vasis est, non est concreta ; sed liquida, et fusa ob calorem, qui adhuc in vasis continetur. [Per urinam liquida excreta fuit ; observante Helmontio, et sanæ mulieri per alvum, Hildano. Folius liquidam credit esse propter homgeneitatem, concrescere extra ob fibrarum heterogeneitatem. Sed fibrarum, aut in corpore, aut extra, dissimilitudinem, nemo facile advertat.

    [Quant à sa forme, la graisse, aussi longtemps qu’elle est dans les vaisseaux, n’est pas solide, mais liquide et fondue, en raison de la chaleur qui est encore contenue dans les vaisseaux. (Van Helmont a observé son élimination sous forme liquide par l’urine, et Fabrice de Hilden, dans les fèces. Folli croit qu’elle est liquide en raison de l’homogénéité de ses fibres, mais qu’elle se solidifie à l’extérieur en raison de leur hétérogénéité ; mais personne ne constate aisément la différence des dites fibres entre l’intérieur et l’extérieur du corps)].

    V. note [33], lettre de Thomas Bartholin à Johann Daniel Horst (1655), pour son rejet des idées de Folli, dont la suite de l’histoire a prouvé la singulière pertinence.

  4. Riolan a critiqué la précédente édition de l’Anatomie des Bartholin (Leyde, 1645) dans ses Animadversiones in Caspari Bartholini Institutiones anatomicas [Animadversions sur les Institutions anatomiques de Caspar Bartholin], parues dans ses Opuscula anatomica nova (avec la dernière édition de l’Anthropographia, Paris, 1649). Le seul propos vaguement aimable que j’ai trouvé dans cet opuscule de 30 pages est à la page 766, paragraphe De Intestinis :

    Bartholinus pater et filius ita accuratè describunt vasa duodeni intestini, ac si intuiti sessent.

    [Les Bartholin père et fils présentent au lecteur les vaisseaux du duodénum avec autant d’exactitude que s’il les avait sous les yeux].

    Riolan a donné un avis sur Folli dans ses Opuscula nova anatomica (Paris, 1653), {i} à la page 3 des Animadversiones secundæ, ad Anatomiam Reformatam Thomæ Bartholini [Secondes animadversions sur l’Anatomie réformée de Thomas Bartholin] :

    Materiam pinguenidis Lacteum esse succum, seu chyli pinguiorem partem, scripsit Cæcilius Folius, ex eoque ossa nutriri. Inter obiectiones satis imbecillas hanc adfert, nullum esse ductum à Mesenterio ad extrema : at repertis Tubulis Pecquetianis, ductus sunt manifesti, tam supernè, quàm infernè, ad ossium nutritionem, si admittatur distributio chyli ex corde, per arterias.

    [Cecilio Folli a écrit que la matière de la graisse est un suc lacté, ou la partie la plus épaisse du chyle, dont les os se nourrissent. Entre autres objections assez faibles, il {ii} lui oppose celle-ci : aucun conduit ne relie le mésentère aux extrémités ; mais il en existe manifestement depuis la découverte des canaux pecquétiens, et ce tant vers les membres supérieurs qu’inférieurs, et ils sont capables de nourrir les os si on admet la distribution du chyle à partir du cœur par les artères]. {iii}

    1. V. note [2], Nova Dissertatio, épître dédicatoire.

    2. Bartholin.

    3. Riolan apportait de l’eau au moulin de Folli en imaginant une source « pecquétienne » de la graisse médullaire osseuse.
  5. Bartholin me semble conclure en parlant de Gassendi (et non de Riolan), mais je n’ai pas trouvé où il a ainsi parlé de l’obstruction jéjunale.

Hippocrate a parlé de la graisse dans le § 22, Leucophlegmasie transformée en hydropisie du traité des Maladies (Littré Hip, volume 7, pages 221‑223) :

« Le phlegme se transforme d’ordinaire en hydropisie de cette façon : la graisse se fond et, par la chaleur qui est dans le phlegme, devient de l’eau. {a} Voici à quoi on distinguera le cas curable du cas incurable : tant qu’il reste de la graisse au bas-ventre, le malade peut être guéri. »


  1. Le chyle est une forme de flegme (ou pituite), mais il faut beaucoup d’imagination pour faire dire à ce texte que la fusion du chyle provoque l’ascite de l’hydropisie.

Toutes ces spéculations sur la graisse paraissent aujourd’hui aussi confuses que fantaisistes, mais doivent retenir l’attention étant donné le rôle capital que le métabolisme des lipides et l’élaboration du tissu adipeux ont conféré au chyle.

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre iv, note 3.

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(Consulté le 08/12/2025)

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