Texte
Jean ii Riolan
Responsiones duæ (1655),
seconde Responsio
au livre de Jean Pecquet (1654)
4. Seconde partie  >

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Jean ii Riolan Responsiones duæ (1655), seconde Responsio (1655) au livre de Jean Pecquet (1654) 4. Seconde partie

Adresse permanente : https://numerabilis.u-paris.fr/editions-critiques/pecquet/?do=pg&let=1053

(Consulté le 18/04/2025)

 

[Page 31 | LAT | IMG] [1]

Page 129, « Riolan ne divaguant pas en toute occasion, n’a ouvertement dardé aucune raillerie contre ma sentence sur l’attraction, [2] à moins qu’il n’ait ici voulu sourdement tramer contre elle. » [3] J’ai laissé le soin de vous répondre à deux très éminents médecins, Guiffart [4] et Papin[5] qui m’ont opportunément procuré leur aide, sans que je la leur aie demandée, en examinant ce passage. [1][6] Dans ma première Responsio j’avais prévenu n’avoir pas d’intérêt pour ces artifices mécaniques dans les œuvres de la nature, à l’imitation de Wale, qui pense fou de les soumettre aux lois de la mécanique. [2][7][8] Vous n’avez pas osé vous opposer à ces brillants auteurs car ils surpassent l’étendue de votre entendement : ces dernières années, vous avez appris quelque chose des discussions sur le vide [9] qui ont eu lieu à Paris et auxquelles vous avez assisté, et c’est de là que vous avez tiré ce que vous avez compris [Page 32 | LAT | IMG] de l’attraction. Je soutiens toujours qu’aucune force n’attire ni ne pousse le chyle vers le haut, puisque vous avez abandonné le pilon hépatique [10] et les insertions du diaphragme. [11] Ni le poumon ni le cœur ne peuvent l’attirer à la manière d’un élastique, [12] puisque ce canal chylifère du thorax longe le rachis et y est fermement attaché par la plèvre. [3][13][14]

Page 131, « Ô toi qui es ami de la vérité, remarque bien, je te prie, mais avec des yeux pleins de commisération pour ce vieillard, l’irrémédiable obstination de sa contradictoire sagesse ! Après avoir affirmé que le chyle parvient dans le cœur mêlé au sang des veines caves supérieure et inférieure, [15][16] le voilà qui prétend que si ledit chyle y parvenait il serait nocif pour le cœur, l’imprégnerait de ses excréments [17] et rendrait misérable la vie de l’homme. » Le lecteur qui aime la vérité déplore la folle erreur de l’ânon, qui est incapable de s’en relever. [18] Après l’avoir déjà fait maintes fois, je préviens à nouveau Pecquet que les fonctions qu’il a conçues pour la petite portion du chyle qui monte dans la veine axillaire [19] ne s’appliquent pas à celles de la totalité du chyle, dont il prétend qu’elle s’y rend aussi, car j’ai démontré que ce trajet est impossible ; mais il en déduit que j’admets le contraire, ce qui est le rêve d’un homme en délire.

Page 133, [20] « Peut-être que le chyle se distribue aux branches axillaires et iliaques [21] afin qu’elles fournissent un aliment à diverses glandes qui sont sur leur chemin ; le chyle se mélange au sang veineux pour parvenir à ces glandes. Par la voie de Riolan, si on ne met pas en doute la règle de la circulation, tout le sang qui est dans les veines ne retourne-t-il pas dans le cœur, et seul celui des artères n’irrigue-t-il pas toutes les parties du corps et ne nourrit-il donc pas lesdites glandes ? » Vous n’avez pas lu mes derniers Opuscula anatomica, [Page 33 | LAT | IMG] car vous les déchireriez à belles dents en y trouvant, vers la fin de celui qui traite de la Circulation hippocratique du sang, que les veines distribuent le sang pour nourrir le corps, grâce à son écoulement tout le long de la veine cave, où il monte et descend depuis la tête jusqu’aux extrémités. [4][22] S’il en allait autrement, notre méthode pour remédier serait entièrement ruinée, ou rendrait la saignée inutile dans le traitement des maladies. [23] Vous qui ne connaissez absolument rien à la véritable médecine et n’y avez même pas encore touché, vous ignorez ces mystères qui dépassent la capacité de votre esprit.

Page 133, Pecquet blâme certaines de mes conjectures sur l’ascension du chyle vers les glandes des parties supérieures : « Cela, dit-il, ne peut se faire autrement qu’en passant par les veines car, selon l’indubitable règle de la circulation, tout le sang qui est dans les veines retourne dans le cœur, et seul celui des artères irrigue toutes les parties du corps et nourrit donc lesdites glandes. » J’ai démontré dans mon opuscule sur la Circulation hippocratique du sang, que le sang monte et descend en passant par les veines pour nourrir les parties corporelles, et que le chyle, même mélangé au sang dans les veines n’enfreint pas les règles de la circulation, parce qu’il monte vers les parties qu’il doit alimenter. [5]

Page 136, son ignorance et celle de son acolyte [24] me font rire et je les déplore quand il me reproche « d’oser proclamer avec téméraire hardiesse, pour ne pas dire en usant d’un vocabulaire impie, que le mortel qui fait monter le chyle au cœur rabaisse indiscutablement Dieu, et il se prend lui-même (ah Michel !) pour le vigoureux Jaloux. » [25] Disce docendus adhuc : [6][26] ce Jaloux est celui qui, au nom de son grand âge et de son savoir, reproche aux autres les erreurs qu’ils commettent et les châtie, [Page 34 | LAT | IMG] comme voulait la coutume des Hébreux et d’autres nations, ainsi que l’a démontré Selden[27] jurisconsulte anglais, dans ses livres de Natura Gentium, où il explique de quel droit Jésus-Christ, n’étant encore qu’adolescent, mais à cause de sa piété et de son grand savoir, brandit un fouet, et chassa les marchands du temple et leurs clients en disant : Templum Dei Domus est Orationis, vos autem fecistis speluncam latronum[7][28][29][30] À l’âge que la miséricorde divine m’a permis d’atteindre, je proclame être un inébranlable zélote de la vérité, en vertu du droit que me donnent la vieillesse et la connaissance.

Gaudent scribentes et se venerantur, et vltro
Si taceas laudant quidquid scripsere beati
, Horace. [8]

C’est ce qu’a fait Pecquet, il a donc eu besoin d’un correcteur.

Page 137, si les canaux lactés de l’épine dorsale rompent ou si l’ampoule du réservoir se brise, l’aliment interrompt sa course, ce qui est nécessairement suivi d’une menace de mort rapide. J’admets que vous le reconnaissiez, mais cela s’observe très fréquemment dans les déformations du rachis ou dans la luxation des vertèbres lombaires : [31] j’ai souvent vu des hommes dont la taille a diminué de six pieds à quatre pieds et demi, [9] et qui ont pourtant vécu avec cette infirmité, bien que le passage du chyle dans les subclavières ait été interrompu ; il n’est donc pas habituel qu’il monte au cœur pour assurer la sanguification.

À mes nombreux arguments contre la formation du sang dans le cœur, j’ajoute celui-ci qui montre à l’évidence que c’est une fonction innée du foie : [32] examinez donc comment évolue la nutrition [Page 35 | LAT | IMG] chez le fœtus ; [33] la veine ombilicale [34] apporte le sang au foie, où elle se divise en deux branches, dont l’une rejoint la porte [35] et l’autre la cave ; [36] le sang de la veine cave ne gagne pas le ventricule cardiaque droit, mais une anastomose, appelée foramen ovale, [37] qui fait communiquer le tronc cave avec l’artère veineuse[38] le conduit dans le ventricule gauche, [39] d’où il sort après être devenu artériel pour passer dans l’aorte ; et celui qui est en excédent gagne le placenta [40] par les artères ombilicales, [41] mais elles ne délivrent pas de sang au cœur, car il serait contraire aux lois de la circulation qu’il suive un trajet ascendant. Dans Hippocrate, « le premier et plus ancien aliment vient de l’ombilic » : [10][42] si la nature observe cet ordre chez le fœtus, pourquoi ne le ferait-elle pas chez l’enfant, l’adulte et à tous les âges ? Le fait est qu’on ne trouve aucun sang dans le ventricule droit du fœtus, [43] qu’il soit humain, canin ou bovin, ce qui est un signe manifeste que le sang maternel n’y pénètre pas, dans la mesure où il ne sert à rien dans la sanguification, chez le fœtus comme chez l’enfant. On trouve une vésicule biliaire dans le foie du fœtus [44] de l’homme, des bêtes et des oiseaux. Ce fiel est l’excrément du sang élaboré dans le foie. Les vaisseaux chylifères se forment chez le fœtus à un âge plus avancé et sont remplis de sang, [45] comme toutes les veines du mésentère, ce qui prouve qu’elles sont des branches de la veine porte, comme on le voit en soufflant de l’air dans la veine ombilicale car toutes les veines mésaraïques s’en gonflent et distendent alors.

Pecquet est ridicule quand il cherche le trajet des veines lactées jusqu’aux mamelles chez des chiennes allaitantes, lesquelles sont turgescentes, pour [Page 36 | LAT | IMG] savoir si leur lait ne dériverait pas du chyle. [46] Chez les animaux, une longue distance sépare la gorge des mamelles, mais elle est plus courte chez les femmes.

Cependant, si les veines lactées menaient le chyle aux mamelles des femmes, il nourrirait piètrement l’enfant et les parties thoraciques de sa mère, car il ne passerait pas par le cœur et ne subirait pas la nouvelle coction qui lui confère sa faculté vitale ; en outre, les hommes auraient aussi du lait car ils ont des lactifères thoraciques. Puisque les femmes n’ont qu’un seul canal thoracique, du côté gauche, le sein droit manquera de chyle pour produire son lait, et vous ne pouvez prétendre que le chyle passe d’une veine axillaire dans l’autre, car il lui faudrait d’abord gagner le tronc de la veine cave, puis remonter dans la subclavière droite. Cette expérience serait plus facile à réaliser chez la vache, dont les vaisseaux sont plus larges.

Il se glorifie d’avoir voulu démontrer cela, mais sans succès, en présence de Rivière[47] professeur royal de Montpellier, et de l’anatomista Martet[48][49] Il aurait dû n’en pas parler, car cela réveille le souvenir de la démonstration du réservoir et des canaux thoraciques qu’il a faite dans l’amphithéâtre de Montpellier, en l’accompagnant d’un discours si inepte et risible qu’il a flétri le prestige de sa découverte. J’ai appris cela d’un docteur de Montpellier qui y a assisté ; tant et si bien qu’ils ont refusé l’approbation de son livre, qu’il leur demandait. [11][50]

Il ne devait pas coudre cette pièce à son précédent livre car elle dépare sa première partie qui était écrite dans le style rhétorique ; et l’épître à Bartholin [51] l’est dans celui d’Alethophilus, son associé et adjoint, qui l’a labourée ; ou du moins a-t-il orné et poli l’humble style de sa réponse.

Quale solet syluis brumali frigore viscum
Fronde virere nouâ, quod non sua seminat arbos
[12][52]

Si vous êtes raisonnable et bon chrétien, abstenez-vous d’un nouvel assaut sur la sanguification [Page 37 | LAT | IMG] cardiaque à partir du chyle. [53] Contentez-vous d’avoir passé le flambeau à Bartholin, qui vous reconnaît la paternité de ce paradoxe, quand vous-même proclamez qu’il a mis au jour les vaisseaux lymphatiques ! [54] Cessez d’abuser deux docteurs de Paris avec vos jongleries, [55][56] et soyez satisfait d’avoir découvert la cavité ou citerne où le chyle émanant des lactifères mésentériques [57] vient converger de toutes parts. Votre canal thoracique gauche gagne la veine axillaire gauche pour remplir d’autres fonctions. Je loue néanmoins votre ingéniosité dans cette recherche, tout en rejetant votre sentence sur la fabrication du sang dans le cœur car elle bouleverse entièrement l’économie naturelle, telle que nos prédécesseurs l’ont solidement établie.

Hippocrate, au début de son Livre de l’Art[58] a prononcé une sentence mémorable que Riolan a remarquée et transcrite dans la préface de son Anthropographie [59] et qu’Alethophilus reprend dans sa lettre[60] en la pensant digne d’être inscrite au fronton des écoles médicales : Non desunt qui artes vituperant, tanquam artem quandam professi sunt, atque id quidem veluti putant, non transigunt vt ego sanè assero, sed propriam cogitationem ac scientiam, ambitiosè ostentant : mihi verò inuenire aliquid eorum, quæ non dum inuenta sunt, quod ipsum motum, quàm occultum esse præstet, Intelligentiæ votum ac opus esse videtur, similiterque et semiperfecta ad finem perducere, et absoluere. At vero verborum inhonestorum arte ad ea quæ ab aliis inuenta sunt confundenda promptum esse, nihil quidem corrigendo eorum, qui aliquid sciunt inuenta apud ignaros calumniando, non sane Intelligentiæ votum aut opus [Page 38 | LAT | IMG] esse videtur, sed proditio magis naturæ suæ, aut ignorantia artis ; solis enim artis ignaris hoc ipsum factum conuenit, qui contentiosè quidem gestiunt ac conantur, nequæquam verò possunt malitia sufficere, ad hoc vt aliorum opera quæ quidem recta sunt, calumniantur, quæ verò non recta sunt, reprehendant[13] Alethophilus a omis de citer les mots qui suivent et ne manquent pas d’intérêt : Eos igitur, qui in alias artes hoc modo irruunt quibus hæ curæ sunt, quorúmque id interest et præstare hoc possunt, prohibeant[14] Riolan peut donc légitimement blâmer ces novateurs et redresseurs de son métier.

Voici comment Mercurialis [61] a annoté ce passage : Nonnulli homines eo nascuntur ingenio, vt semper à communi sapientiorum via recedere studeant, quod siue bonum siue malum ab aliis existimetur, nihil ipsis curæ est. Atque huiusmodi fuisse Asclepiadem [62] significat Galenus, vbi eum exercuisse contradictorum habitum testatus est. Alij enim res vilissimas, et nulla cognitione dignas celebrare sibi proposuerunt ; alij quæ ab omnibus habentur in honore, communemque hominibus vtilitatem afferunt,acerbissimis conuitijs insequi non erubuerunt, quod cum temporibus Hippocratis euenerit, quando hominum non adeo creuerat prauitas, cur miremur si hisce temporibus [impurissimus Agrippa, [63] atque] aliqui alij in bonas artes linguæ suæ venenum effundere ausi sint, quando iam nullis sceleribus via clauditur. Il a tiré son argumentaire de Galien, au chapitre i de son livre sur la Faculté des médicaments purgatifs[15][64] [Page 39 | LAT | IMG]


Éloges de Pecquet donnés par
thomas bartholin[16][65]

Page 16, « Pecquet a tant enjolivé ses descriptions de mots et de phrases fleuries qu’il laisse toujours place au doute, même après qu’on l’a relu plusieurs fois. » En quoi ce sartago loquendi sied-il à un philosophe et à un médecin ? [17][66][67][68]

Ainsi excuse-t-il l’obscurité de son style ampoulé, qu’a remarquée Bartholin : « Je suis certes capable de montrer la véritable cause d’un phénomène obscur aux hommes qui consacrent leur talent à étudier âprement ce qui est difficile à comprendre, mais j’avoue ingénument qu’il manque à mes écrits ce qui caractérise un bon auteur, devant autant ces lacunes à ma personne qu’à mon pays natal. » [18] Si vous ne voulez pas être compris, vous ne devez pas être lu. Vous affectez donc l’obscurité pour que votre fausse doctrine ne soit point intelligible. La sèche échappe aux mains des pêcheurs en répandant ainsi son encre. [69][70]

Clarus ob obscuram linguam magis inter inanes
Quamde graues inter Graios qui vera requirunt.
Semper enim stolidi magis admirantur amantque
Inuersis quæ sub verbis latitantia cernunt
[19][71]

La vérité vous pousse à avouer votre défaut particulier et celui de la patrie qui vous a fait naître faussaire et menteur, et l’étude des belles-lettres ne vous a ni amélioré ni dégrossi.

Page 16, « M. Jan van Horne[72] anatomiste de Leyde, [73] a honoré du nom de sac lacté [Page 40 | LAT | IMG] ce qu’il a vu, sans avoir encore lu la description identique que Pecquet en avait donnée avant lui dans le mésentère du chien. » J’ai souvenir d’avoir entendu un Allemand, élève de Wale, qui disait avoir lui-même découvert, en étudiant le mouvement du chyle, une cavité située entre les reins, qui en était remplie ; mais une mort prématurée mit fin à ses travaux anatomiques. On connaissait donc le réservoir à Leyde avant Pecquet, et je puis appeler horniens les lactifères thoraciques. [20][74]

page 21, « Jan van Horne m’a écrit de Leyde qu’il n’avait observé que deux branches lactées vers la bifurcation aortique, qui se dispersaient près des iliaques. Plus haut, près du diaphragme, les lactifères thoraciques naissent du réservoir ou des glandes lactées. » Pecquet en nie pourtant l’existence.

Page 34, la description des lactifères thoraciques est variable chez les bovins, les chiens et les moutons, et n’est pas identique à celle des humains. [75]

Page 37, « Pecquet écrit et dessine qu’au niveau de la troisième vertèbre dorsale, le canal se divise en deux branches, droite et gauche, qui se dirigent chacune vers la clavicule du même côté qu’elle ; mais soit le graveur semble avoir ajouté quelque chose à ce qui lui a vraiment été exposé, soit il s’agit d’une conjecture de notre auteur, car nous n’avons pas pu observer que le canal se sépare ainsi, à droite et à gauche, que ce soit chez l’homme ou chez les bêtes, et ce à moins que la nature ne s’amuse à faire autrement en France qu’au Danemark. » [76] Voyez là une imposture de Pecquet.

Page 37, « Mais la confiance que j’ai en Adrien Auzout [77] excèderait celle que j’ai en quiconque si j’admettais avoir jamais vu des lactifères s’insérer du côté droit. La nature s’amuse souvent et peut-être lui a-t-elle révélé sur un cas unique ce qu’une infinité d’autres nous a montré ne pas exister. » [Page 41 | LAT | IMG] En vérité, il n’y a pas de canal à droite, ou alors il s’agit d’un rameau du gauche.

Page 59, Pecquet nie l’existence de la grande glande du mésentère [78] et des autres plus petites qui la jouxtent, « comme il a dû les observer s’il a accompli autant de dissections qu’il s’en glorifie ». [79]

Pages 60‑61, « Je ne puis passer sous silence la manière dont ledit Pecquet conçoit la formation de la bile : [80] pour célébrer plus sûrement le triomphe du foie, il lui fait retirer toute la bile qui est contenue dans le sang, comme s’il s’agissait d’un excrément de la seconde coction, et non de la première, qui porte sur le chyle. Il importait à sa propre gloire et à celle du foie, qu’il a condamné, d’avoir cousu cette frange à sa nouvelle tunique. Dans son chapitre xii sur le Mouvement du chyle, page 86, [81] Pecquet semble être d’avis contraire, mais je me demande s’il ne s’agit pas d’une faute d’impression : pour prouver la fonction de filtration hépatique, il nie en effet que la bile soit un excrément de la seconde coction, ce qui signifie qu’elle en est un de la première, c’est-à-dire qu’elle est exclue des lactifères ; je crois pourtant qu’il s’agit d’une erreur typographique car, à la page suivante, il approuve la seconde coction. » [21][82]


impostures que pecquet
a retirées de ses nouvelles expériences[22]

Pecquet a été fort hésitant et changeant dans la description de ses veines lactées.

Page 121, il écrit avoir très souvent observé dans les veines jugulaires externes les valvules [83] que Riolan a niées en disant qu’elles ne sont présentes que dans les jugulaires internes, [84] et il ajoute : « Je ne disconviendrai pourtant pas que, comparées aux hommes, les bêtes ont bien [Page 42 | LAT | IMG] plus besoin de ces valvules, parce qu’elles ont la tête penchée vers le sol et que leur pesante masse de sang ou de chyle doit être empêchée d’y monter » ; et voilà comme il reconnaît son erreur et s’en excuse dans la seconde édition. [23][85]

Pages 103‑104, dans l’expérience i de sa seconde édition, [86] il a nié que du chyle s’écoule dans la veine cave au-dessus des reins et plus bas ; mais à la page 122, il affirme qu’il en passe dans les reins voisins, par les artères émulgentes[87][88] Dans sa première expérience, il avait assuré qu’aucune goutte de chyle ne sourd dans le tronc de la veine mésentérique [89] après qu’on l’a ouverte puis qu’on en a épongé tout le sang ; mais pourquoi s’en étonner, puisqu’il écrit que les abouchements des lactifères mésentériques dans le réservoir sont dotés de valvules [90] qui s’opposent au reflux du chyle dans le mésentère chez l’animal vivant ? Puis, quand l’épanchement massif de sang qu’il a provoqué l’a tué, l’attraction exercée par le foie disparaît, la chaleur du chyle et du mésentère se dissipe, le mouvement péristaltique des intestins s’éteint, [91] tout comme le pouvoir qu’a le chyle de filer dans la branche mésentérique. Même en appuyant la main sur le réservoir, rien n’en sort. Notre madré Normand trompe ceux qui le regardent opérer, afin d’en tirer gloire et renom éternels. [24]

Pages 4‑5 de la première édition : [92] « Une fois le tronc d’un molosse ouvert par voie médiane, j’entrepris donc de lui examiner les entrailles ; puis sans tarder, j’enlevai le cœur en coupant les vaisseaux qui l’attachent au reste du corps. Une fois tari l’abondant écoulement de sang qui avait aussitôt surgi, et dont l’inondation avait rendu toute observation confuse, j’eus la surprise, immédiatement après, de voir s’écouler un torrent blanchâtre de liquide lacté, en grande abondance, issu du moignon de la veine cave, près de l’endroit où [Page 43 | LAT | IMG] siégeait le ventricule droit. »

Quant à moi, je suis surpris que vous ayez pu voir du sang couler de la veine cave supérieure dans le ventricule droit après avoir enlevé le cœur, car ce faisant, on vide les deux veines caves de tout de sang qu’elles contiennent. Notre manipulateur a abusé des deux docteurs de Paris qui l’approuvent et les a trompés.

Ensuite vous avez « ouvert la veine cave depuis le diaphragme jusqu’au cou et vu sur-le-champ un petit écoulement d’humeur blanche comme neige, lavée de tout mélange avec du sang ». Quant à moi, je soutiens que l’évacuation du sang cave rend cela impossible.

Ce qui suit est plus admirable encore : « Depuis les veines subclavières jusqu’au péricarde, [6] un liquide parfaitement blanc stagnait dans la veine cave, tout à fait semblable à celui qui s’écoule au travers du mésentère. » Comment se peut-il qu’après avoir retiré le cœur, dilacéré le péricarde et fendu deux fois la veine cave, vous ayez vu cette humeur blanche ? Tout cela vous dénonce manifestement comme un imposteur et un manipulateur qui s’est joué des deux docteurs de Paris qui le soutiennent, car vous dites maintenant, page 124 de la seconde édition : « Si tu comprimes la racine du mésentère ou le réservoir quand la veine cave est encore pleine de sang, tu verras le chyle s’y confondre avec lui sans qu’il ne perde presque rien de sa couleur pourpre ; et il m’est arrivé d’ouvrir l’oreillette droite du cœur et le sang qui s’en est écoulé avait sa couleur ordinaire, car le chyle contenu dans la veine cave avait déjà perdu sa teinte lactée. Tu conclurais donc que le sang fait la même chose que le vin : quand on y mêle un peu d’eau, elle s’y dilue pour se confondre avec lui, comme si elle adoptait sa nature. » [93]

Page 123, les orifices des lactifères sont bien visibles, [Page 44 | LAT | IMG] « proches des deux jugulaires externes, tantôt de part et d’autre, tantôt autrement ». Voilà bien ce que je désire qu’on remarque, afin que les lecteurs comprennent que rien de certain n’est établi sur les lactifères thoraciques, puisque Pecquet a observé que « la nature joue à disposer autrement les choses chez les moutons, [94] qui ne sont pas dotés de deux canaux : ils n’en ont qu’un, plus épais, pour conduire leur chyle depuis le réservoir jusqu’à la quatrième vertèbre dorsale. » [25] Si ces canaux thoraciques étaient destinés à conduire le chyle dans le cœur, ils auraient une conformation identique chez tous les animaux, comme est uniforme la structure du cœur et du foie ; la nature n’a pas pour habitude de jouer avec les parties qui sont nécessaires à la vie, comme sont les tubes lactés. S’ils portaient le chyle au cœur pour la sanguification, on ne la verrait pas jouer à les disposer diversement chez l’homme et chez les bêtes, comme elle fait souvent pour les reins, et les vaisseaux émulgents et spermatiques. [95]

Page 122 de la seconde édition, il écrit que le chyle est poussé vers le haut par sa liaison avec les psoas : [96] néanmoins, ces deux muscles ne bougent pas, sauf lors de la flexion de la cuisse, et à leur origine, leurs corps charnus sont éloignés l’un de l’autre par un espace large de trois travers de doigt ; aucune de leurs attaches ne leur permet donc de propulser le chyle. Dans la première édition, il avait dit que les deux piliers du diaphragme assuraient cette fonction ; mais repris par Riolan, il a choisi de n’en plus parler[26]


Erreurs de la première édition que Pecquet a corrigées
sur l’instance de Riolan
.

Page 77, il a rectifié son erreur sur le poumon des sangsues qui agit comme un soufflet, pour dire que c’est leur [Page 45 | LAT | IMG] ventre qui fait cela, en se comportant à la manière d’un poumon. [27][97]

Page 79, il a corrigé ce qu’il avait écrit sur le mouvement péristaltique des intestins, en disant ne l’avoir jamais vu : « Le mouvement péristaltique des intestins, que nous avons si souvent observé en disséquant des animaux vivants. » [28]

Page 81, Riolan lui ayant reproché d’avoir écrit que l’enveloppe des poumons est imperméable de l’intérieur vers l’extérieur, il a ajouté : « J’ai parlé d’air passant de l’intérieur du poumon vers l’extérieur car aucune observation expérimentale ne m’a clairement convaincu qu’il puisse ou non aller dans le sens inverse, c’est-à-dire de l’extérieur à l’intérieur de l’enveloppe pulmonaire. » Cette excuse est inepte, car si elle est perméable de l’intérieur vers l’extérieur, elle le sera aussi dans le sens inverse. [29][98]

Page 86, il a supprimé trois lignes qui contenaient des absurdités indignes d’un débutant en anatomie. Voici ses propres mots : « Ou si tu préfères, par les capsules atrabilaires qui le jouxtent, ou par le péritoine qui, en raison de ses liens étroits avec les viscères n’a pas pour moindre fonction d’évacuer les liquides qui s’accumulent dans ses replis. » Pecquet voulait que les superfluités liquides du chyle s’évacuent par ces voies, mais Riolan l’a repris là-dessus et lui en a démontré l’impossibilité. [30][99] [Page 46 | LAT | IMG]


Démonstration anatomique de la découverte pecquétienne
sur le cadavre humain
.

En disséquant trois chiens, vous seriez capable d’établir l’organisation des veines lactées, tant mésentériques que thoraciques, mieux que Pecquet ne l’a fait en en massacrant des centaines, tout en s’abstenant de décrire précisément, comme il se devait de le faire, la méthode, procédure et instruments anatomiques qu’il a employés, s’étant contenté de dire qu’il en a fait la démonstration à l’anatomista de Montpellier (comme il l’appelle). Je décrirai quant à moi ce qu’on observe dans un cadavre humain préparé selon les règles. [31][100][101] Immédiatement après son exécution, le tronc de l’homme qui a été pendu doit être incisé du cou jusqu’à l’union des os pubiens. Une autre incision transversale du ventre est pratiquée un travers de doigt au-dessus de l’ombilic et les enveloppes communes de l’abdomen sont coupées à l’aide d’un couteau ou de forts ciseaux ; puis l’épiploon est enlevé pour bien observer les lactifères éparpillés dans le mésentère ; et après avoir écarté les intestins de part et d’autre, il faut exposer le tronc de la veine porte, sous le foie et l’estomac, mais en n’usant que des ongles pour retirer les membranes qui le couvrent. Quand le tronc de la porte a été suffisamment dégagé, les mains de l’aide doivent écarter les intestins et les branches mésentériques sur le côté droit de l’abdomen et les y maintenir. Une fois retiré le feuillet interne du péritoine, apparaît, appuyé sur les lombes, ce réservoir du chyle dont on a tant parlé, et d’où sort le canal thoracique, qui peut être double. [Page 47 | LAT | IMG] Pour suivre son trajet, il faut ouvrir le thorax et retirer ses enveloppes : comme on fait lors des dissections ordinaires, le sternum est détaché au niveau des cartilages costaux, mais en prenant grand soin, quand on le sépare de la première côte, de ne pas blesser la veine axillaire et le tronc de la veine cave supérieure ; vous retirez la clavicule pour bien exposer la terminaison du canal thoracique dans la veine axillaire ; [102] puis vous incisez de haut en bas la moitié gauche du diaphragme, là où elle adhère au cœur, et si elle empêche de bien voir le canal, la main de l’aide la repousse sur le côté droit avec les poumons ; vous voyez alors le canal monter dans le thorax au-dessus du diaphragme et, après avoir enlevé la plèvre qui le cache, adhérer au flanc des vertèbres dorsales. Vous le coupez à son origine et regardez s’il envoie des branches de part et d’autre pendant son trajet. Vous procédez de même manière s’il se trouve un autre canal thoracique, du côté droit. Pour les instruments, vous aurez à portée de main : trois ou quatre éponges de taille moyenne, pour absorber l’épanchement inévitable du sang ; un couteau, un rasoir, des ciseaux, des aiguilles incurvées, du fil solide ; une canule crochetée pour saisir les vaisseaux ; deux très fins scalpels à manche de buis ou d’ivoire, qui est préférable au fer. Nul ne mènera cette dissection s’il n’est expérimenté et secondé par un aide vigilant et entraîné. Telle est la véritable méthode à suivre pour démontrer les lactifères, [Page 48 | LAT | IMG] mésentériques comme thoraciques.

L’expulsion et l’écoulement du chyle lacté dans la veine cave supérieure jusqu’au cœur sont quant à eux impossibles chez le chien vivant, puisque, selon Pecquet, page 86, l’animal cesse de bouger quand on lui a ouvert le thorax, et les lactifères ne demeurent pas enflés. [32] [Page 49 | LAT | IMG]

seconde réponse à pecquet
et aux deux docteurs pecquétiens de Paris

contre la sanguification dans le cœur.

immoderata est omnis suceptarum voluntatum pertinacia, et inde flexo motu aduersandi studium persistit, vbi non rationi voluntas subiicitur, nec studium doctrinæ impenditur : sed iis, quæ volumus, rationem conquirimus, et iis quæ studemus, do ctrinam comparamus. Iámque nominis potiùs, quàm naturæ erit doctrina, quæ fingitur, et iam non manebit veri ratio, sed placiti, quam sibi voluntas magis ad defensionem placentium coaptauit. Saint Hilaire, livre x de Trinitate[33][103]

[FIN de la seconde Responsio
de Jean ii Riolan.]

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