Texte
Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre xiii  >

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Fonctions des lactifères thoraciques[1]

Les fonctions des lactifères thoraciques [2] et mésentériques [3] sont identiques, et ils ne diffèrent que par leur origine et leur terminaison : ceux qu’on a récemment découverts dans le thorax mènent le chyle depuis les nouvelles glandes lactées lombaires, ou réservoir, [4][5] jusqu’aux subclavières, [6][7] tandis que les lactifères mésentériques le mènent des intestins soit au foie, soit au réservoir. Dissections et ligatures prouvent manifestement qu’ils transportent du chyle. Leur insertion montre qu’ils déversent leur liquide laiteux dans les veines subclavières, l’injection d’air la rompt et si vous levez la ligature, il arrive parfois que les rameaux de la veine cave les bleuissent et que la cavité du thorax se colore en blanc. [1] D’ailleurs, du lait peut s’écouler quand on saigne les veines des bras ; et même quand le sang est louable, le sérum de celui qu’on puise lors de la phlébotomie m’est très souvent apparu semblable à du lait. Chez une jeune fille de Copenhague qui souffrait d’aménorrhée depuis quelques années, [8] j’ai conseillé la saignée périodique de la saphène [9] aux dates habituelles des règles, et en l’alternant avec celle du bras ; dernièrement, avant de subir la phlébotomie, elle avait bu du lait mêlé aux friandises ordinaires et au lieu de sérum, son sang a produit du lait ; [10] j’ai d’abord interprété cela comme une putréfaction du sang, mais bientôt changé d’avis en voyant que la jeune fille ne présentait aucun signe fâcheux, et elle a guéri depuis. [2][11] Tout à fait semblable à celle du pus, une teinte laiteuse mêlée au sang indique en revanche l’extinction de la chaleur native [12] et la menace d’une mort imminente, comme le note, parmi d’autres, Fr. Joel au livre iv, [Page 40 | LAT | IMG] section v, de sa Pratique[13] Actuarius, au livre i, chapitre xv, sur les Causes des urines[14] prévient à juste titre qu’on voit la teinte du sang virer au blanc selon les lois de la nature, qui modifient sa couleur quand il est altéré et transformé, comme en attestent le lait, [15] conformément à la doctrine de Galien[16] et le sperme. [3][17] Le sang qu’on tire aux malades atteints de cacochymie [18] et de scorbut [19] engendre volontiers un sérum laiteux, comme Olaüs Wormius, qui est la fierté de notre patrie et du monde entier, m’a raconté l’avoir très souvent vu à Copenhague. [4][20] Les Annales Ecclesiastici [21] relatent une histoire merveilleuse, que beaucoup ont jusqu’ici tenue pour une fable ou pour un miracle, sur le lait qui a jailli du cou de saint Paul [22] quand il a été décapité sous le règne de Néron. [23] Maints auteurs l’ont contée, dont Baronius a rapporté et approuvé les propos, au § xi de l’an 69e suivant la naissance du Christ : Actes des saints Nérée et Achillée, [24] sermon 68 de saint Ambroise[25] Jean Chrysostome[5][26] Si ce récit est vrai, nous lui avons trouvé une explication simple avec les lactifères thoraciques que nous avons découverts : la hache a tranché les branches axillaires, ou plutôt l’insertion des lactifères qui s’y ouvre. D’autres n’admettent pas que du lait pur se soit écoulé, mais de l’eau douce issue de trois sources, qu’on voit encore entre la Via Ostiensis et la Via Ardeatina, et qui ont donné leur nom à une église et à un monastère : voyez entre autres là-dessus Blondus, trois livres de Roma instaurata[27] Onuphrius Panvinus, de Basilicis Romanis[28] et Schottus, à la 2e partie du Voyage d’Italie[6][29] Quelques auteurs ajoutent que quand on lui eut coupé la tête, Paul proclama trois fois le nom de Jésus. Si c’est de l’eau qui s’est écoulée, il faut savoir que nous avons aussi vu sortir des veines axillaires, par les lactifères thoraciques, du sérum, [Page 41 | LAT | IMG] lequel gonflait pareillement ceux de l’abdomen et du thorax : le corps de ce saint homme, profondément affaibli par une longue captivité, de nombreux voyages et les maladies qu’il avait endurées, avait accumulé une abondance de chyle et de sang séreux[7][30] Quant au fait qu’il ait proclamé le nom de Jésus après avoir eu la tête coupée, il s’explique de la même façon que pour cet homme, dont parle Fr. Verulamius, article 15 de son Hist. Vit. et Mort., § 32, à qui on avait infligé le genre de supplice que les Anglais réservent aux traîtres, et qu’on entendit prononcer trois ou quatre mots de prière après avoir été éviscéré, alors que le bourreau tenait dans sa main le cœur qu’il lui avait arraché. [8][31]

Divers indices permettent de prouver que le chyle contenu dans les lactifères thoraciques provient du réservoir ou nouvelles glandes lactées du mésentère : 1. il n’émane pas des parties supérieures du corps car quand on serre et comprime le cou et les membres antérieurs, il n’en sort rien d’autre que du sang ; 2. si nous appuyons sur l’abdomen, les lactifères du thorax gonflent, et le liquide qu’ils contiennent monte vers les subclavières, de même que nous le voyons se répandre de bas en haut si nous les incisons ; 3. les valvules tournées vers le bas montrent que cette voie fonctionne dans ce même sens unique ; 4. les lactifères s’affaissent en aval et enflent en amont d’un lien qu’on a serré un peu au-dessous des clavicules ou à mi-hauteur du thorax ; 5. enfin, qu’il soit laiteux ou séreux, le chyle contenu dans les glandes ou dans le réservoir a le même aspect que celui qui monte dans les lactifères thoraciques, et son apparence y varie de la même façon que dans les glandes d’où on l’expulse. [9][32][33]

Si vous me demandez où part le chyle après son entrée dans les subclavières, [Page 42 | LAT | IMG] je vous répondrai qu’il ne va certainement pas dans la tête et dans les membres supérieurs, pour les raisons que j’ai déjà données, mais dans le cœur, où la circulation sanguine l’emporte pour qu’il y soit transformé en sang, comme l’a en partie voulu Artistote[34][35][36] Pecquet a été le premier à découvrir cela et les diverses expériences qu’il a montrées dans son chapitre ii [37] nous l’ont enseigné : 1. chez un chien vivant, une fois enlevés le cœur et les organes qui y étaient accolés, et le sang épongé, un liquide blanc s’écoulait dans le conduit de la veine cave vers là où était le ventricule droit ; 2. il a ouvert les deux veines caves depuis le diaphragme jusqu’à la gorge, où il a vu ce liquide s’écouler, pur de tout mélange avec le sang ; 3. cette humeur blanche, exactement semblable au chyle mésentérique, stagnait dans la veine cave depuis les branches subclavières jusqu’à l’insertion du péricarde. Lors des expériences que nous avons menées à Copenhague, nous avons très souvent taillé une petite ouverture dans la paroi du canal thoracique, sous la clavicule, pour y insérer une canule et y injecter de l’air ou de l’eau ; le gonflement de la veine cave supérieure ainsi provoqué incluait ses deux versants, axillaire et subclavier, jusqu’au cœur, se prolongeant dans l’oreillette puis dans le ventricule droit, [38][39] et enfin dans les poumons par la veine artérieuse[40] Quiconque refera cette expérience me servira de garant, sans être jamais déçu, à condition de bien oblitérer autour de la canule le petit orifice qu’il aura percé dans la fine paroi du canal thoracique pour l’y introduire. [10]


1.

À vouloir tout résumer en trop peu de mots, Thomas Bartholin est devenu inintelligible : je ne suis pas parvenu à comprendre dans quel ordre il a disséqué, insufflé, lié et délié le canal thoracique autour de son insertion dans la veine subclavière, et ce qu’il a exactement vu. Il n’a expliqué cela qu’à la fin du chapitre : v. infra notes [9] et [10].

Bartholin semble néanmoins supposer que le chyle mésentérique gagne non seulement le réservoir lombaire, mais aussi le foie ; soit une sanguification à la fois cardiaque et hépatique.

2.

Vnote Patin 22/544 pour la saignée de la veine saphène (à la cheville) et ses indications gynécologiques. La lactescence que Thomas Bartholin constatait dans le sérum de la patiente après qu’elle eut bu du lait était moins bizarre : v. note [34‑3], première Responsio de Jean ii Riolan, 4e partie.

3.

Après être convenu que la lactescence du sérum peut être un phénomène normal, Thomas Bartholin citait deux auteurs qui ne l’ont pas tenue pour telle.

  1. Operum Medicorum Francisci Joelis Tomus Primus, in quo Universæ Medicinæ Compendium succinctis Quæstionibus et Tabulis comprehensum, et in Academia Graphiswaldensi ante complures annos publicè traditum… [Premier tome des Œuvres médicales de Franciscus Joel : {a} Abrégé de toute la Médecine présenté sous forme de courtes questions et tables, et enseigné publiquement il y a bien des années en l’Université de Greifswald…], section intitulée De Significationibus cruoris vena secta detracti [Informations que fournit le sang tiré par la phlébotomie], loc. cit., page 224, § 3, Colores cruoris quas habent significationes ? [Quelles sont les indications fournies par la couleur du sang ?] : {b}

    Ad albedinem vergens color, pituitæ naturalis redundantiam ostendit.

    Lacteus color sanguini admixtus nativi caloris extinctentionem ostendit et mortem præsentem minatur.

    [Une couleur tirant sur le blanc montre l’abondance de la pituite naturelle.

    Une couleur laiteuse mêlée au sang indique l’extinction de la chaleur innée {c} et la menace d’une mort imminente].


    1. Franciscus (Franz) Joel (Szöllös, Hongrie 1510-Greifswald 1579) a enseigné la médecine à l’Université de Greifswald (ville hanséatique de Poméranie). La première édition de ses Opera Medica compte 6 tomes, parus entre 1616 et 1630.

    2. Hambourg, Henr. Carsyens, 1616, in‑4o de 282 pages, édité par Matthæus Bachmeisterus, médecin de la République de Lunebourg (Basse-Saxe).

    3. V. note [10], Dissertatio anatomica, chapitre v.

  2. Actuarius de Caussis Urinarum [Actuarius sur les Causes des urines], chapitre intitulé De caussa contentorum alborum [Cause de leurs contenus blancs], loc. cit., pages 309‑310 : {a}

    Nanque sicuti in sanguine perfectè concocto colamentum appparet subrusum, atque subflauum, cui opus fuit humore colorante, ita oportet considerare quoque in ipsa concoctione, quæ in genere venarum agitur. Si quidem sanguis nondum perfectus generatur cibo succificato in ventre, distributo, atque in hepatis concauitatibus alterato. Sed vbi idem purè alteratus ac perfectus fuerit in genere venarum. Atque ratione compertum est, hîc atque in concoctione quæ in venis excrementum ac inutilem substantiam vrinam esse : illic verò et in concoctione quæ in ventre et intestinis, superfluitatem esse excrementa, ac vtraque signa esse. Quin et vt pus à mediocri concoctione hoc consequitur vt exquisitè album sit, ita ratione compertum est, sanguinem ad album colorem vergi, cùm de colore suo transmutatur legibus naturæ alteratus atque transuersus. Fidem etiam faciunt humores, tum lac, tum semen : quippe quæ de sanguine mutantur in album colorem.

    [Puisque dans le sang parfaitement digéré apparaît un sérum rosé ou jaunet, en raison de l’humeur qui le colore, il faut aussi considérer l’influence propre que les veines exercent dans la coction. Après que la nourriture a été transformée en sucs par le ventre, puis distribuée et modifiée dans les parties concaves du foie, elle produit un sang qui n’est pas encore parfait, mais sera purifié et achevé dans les veines. Les preuves de cette double digestion sont fournies par l’excrément et la substance inutile qui sont rejetés dans l’urine, et par les fèces et les matières superflues qui sont éliminées par le ventre et les intestins. De même qu’une coction incomplète provoque la remarquable blancheur, de même le sang vire-t-il au blanc selon les lois de la nature, qui modifient sa couleur quand il est altéré et transformé. Des humeurs comme le sperme et le lait en font foi car elles dérivent du sang en devenant blanches]. {b}


    1. Operum Tomus primus [Tome premier des Œuvres] (Lyon, 1556, v. note [14], Historia anatomica, chapitre ix).

    2. Le lait et le sperme sont blancs et dérivent du sang (comme le pus), mais ne doivent pas directement leur couleur au chyle.

4.

V. notes :

5.

Annales Ecclesiastici [Annales ecclésiastiques] de Cæsar Baronius, {a} an 69 de l’ère chrétienne, {b} chapitre xii, Lac cum sanguine ex Pauli collo fluxit [Du lait mêlé de sang s’est écoulé du cou de Paul], tome premier, colonne 725 : {c}

Res quidem adeò insignis non tantùm ex dictis Actis, sed et alijs compluribus habetur testibus confirmata. Nam et Sanctus Ambrosius de tam celebri et clara, nec dubitatione aliqua obscurata, his verbis meminit : De Pauli verò cervice, cùm eam persecutor gladio percussisset, dicitur fluxisse lactis magis vnda quàm sanguinis, et mirum in modum sanctum Apostolum baptismi gratia in ipsa cæde extitisse splendidum potiùs quàm cruentum. Quæ quidem res in sancto Paulo stupenda non est. Quid enim mirum, si abundat lacte nutritor Ecclesiæ, sicut ipse ad Corinthios ait : Lac vobis potum dedi, non escam. Hac est plane promissionis illa terra, quam Deus patribus nostris promisit, dicendo : Dabo vobis terram fluentem lac et mel. Non enim de hac terra locutus est, quæ dimanantibus aquis cœnum inuoluit, lutumque permiscet : sed de illa tum Pauli, tum similium Pauli, quæ iugiter purum suaueque distillat. Quæ enim Pauli epistola non melle dulcior, et lacte candidior ? quæ epistolæ tanquam vbera Ecclesiarum populos enutriunt ad salutem. De ceruice ergo Apostoli pro sanguine lac manauit. Hucusque Ambrosius. Sed et sanctus Ioannes Chrysostomus, eiusdem veritatis grauissimus assertor, sic ait : Beatus autem Paulus, cui caput ense præcisum est, vir cuius laudes verbis exprimi nequeunt. At cuiusmodi ensis illius guttur, Dominicum inquam instrumentum cœlo suscipiendum, et terræ tremendum, peruasit ? Qualis locus tuum, Paule, sanguinem excepit, qui lacteus apparuit in ejus veste, qui te percussit ? qui quidem sanguis barbaricum illius animum reddens melle dulciorem, ut ipse unà cum socijs ad fidem traduceretur, ita affecit. Hæc de lacte.

[Cette fort célèbre affaire a été confirmée par les susdits Actes, {d} mais aussi par d’autres témoignages fort nombreux qui l’ont rapportée, dont surtout le fameux et clair récit de saint Ambroise, {e} qui ne laisse aucune place au doute : Quand le bourreau a frappé de son glaive le cou de Paul, il en a jailli, dit-on, plus de lait que de sang, et en cette exécution capitale, par miracle et par la grâce du baptême, le saint Apôtre est apparu plus resplendissant que sanglant. Cela ne doit pas surprendre dans le cas de Paul : pourquoi s’étonner qu’il y eût abondance de lait en celui qui a nourri l’Église, comme lui-même l’a écrit aux Corinthiens, {f} “ C’est du lait que je vous ai donné à boire, non une nourriture solide. ” Il s’agit absolument de cette terre de promesse que Dieu a annoncée à nos pères en disant : “ Je vous donnerai une terre où ruissellent le lait et le miel. ” {g} En effet, il n’a pas parlé de cette terre dont les eaux charrient la fange et la mêlent à la boue, mais de celle, chère à Paul comme à ses semblables, qui distille la pureté et la douceur. Laquelle des lettres de Paul n’est pas plus douce que le miel et plus blanche que le lait ? Telles les mamelles de l’Église, elles nourrissent les peuples en vue de leur salut. Au lieu de sang, c’est donc bien du lait qui a coulé du cou de l’Apôtre. Voilà pour le témoignage d’Ambroise, auquel saint Jean Chrysostome, en très sérieux défenseur de cette vérité, a ajouté : {h} Un glaive a tranché la gorge de Paul, ce saint dont les mots sont impuissants à exprimer la gloire ; mais qu’en a donc fait couler ce qui fut, dirais-je, l’instrument divin qui soutient le ciel et fait trembler la terre ? Ô Paul, pourquoi celui qui t’a frappé a-t-il alors répandu sur son vêtement du sang qui avait l’apparence du lait ? Ce sang a rendu cet esprit barbare plus doux que le miel, afin que lui et ses compagnons soient conduits à la foi. Voilà ce qu’on dit de ce lait]. {i}


  1. Vnote Patin 6/119 pour le cardinal italien Cæsar Baronius (Cesare Baronio) et sa monumentale histoire de l’Église romaine parue à la fin du xvie s., et continuée après lui.

  2. Donnée pour la 25e année de la papauté de Pierre et la 13e du règne de Néron (vnote Patin 6/215), empereur romain de 54 à 68.

    Saint Paul (Saul) de Tarse, surnommé l’Apôtre (sans avoir été l’un des 12 disciples de Jésus), et saint Pierre furent les premiers fondateurs de l’Église romaine.

  3. Cologne, Ioannes Gymnicus et Antonius Hieratus, 1609, in‑fo.

  4. Le Martyrologium Romanum, ad novam Kalendarii rationem, et Ecclesiasticæ historiæ veritatem restitutum [Martyrologe romain, selon le nouvel ordre du calendrier et la vérité rétablie de l’histoire ecclésiastique] (édition de Lyon, 1583, page 108) donne le 10 mai pour fête de Nérée et Achillée, deux frères qui auraient été martyrisés à la même époque que saint Paul. Leurs Acta [Actes] sont une hagiographie rédigée au vevie s., en grec et en latin.

  5. Sermon 68 de saint Ambroise, évêque de Milan au ive s. Père de l’Église.

  6. Première Épître aux Corinthiens, 3:2.

  7. Exode, 8:17.

  8. Le Discours sur les premiers apôtres, Pierre et Paul est tenu pour un apocryphe de saint Jean Chrysostome, évêque de Constantinople au ive s. Père de l’Église.

  9. Soit, mais force est de se demander s’il ne s’agissait pas plutôt d’un volumineux abcès tuberculeux du cou ou du médiastin supérieur, dont le bourreau aurait assuré la radicale évacuation.

    V. notes Patin 2/1081, pour une autre référence de Bartholin à ce supposé miracle, et [26][29], Brevis Destructio, chapitre v, pour la riposte d’Hyginus Thalassius (le très pieux janséniste Pierre De Mercenne).


6.

Les deux voies romaines antiques citées correspondaient à deux portes voisines qui menaient au port d’Ostie (situé 35 kilomètres au sud-ouest) et à Ardea (40 kilomètres au sud). À l’appui de son propos, Thomas Bartholin citait trois ouvrages historiques.

7.

Pour éclaircir l’hagiographie de Paul, Thomas Bartholin insistait sur le double transport du chyle et de la lymphe par le canal thoracique, mais sans aboutir à une démonstration bien convaincante, en lien avec l’épuisement corporel du saint. Hyginus Thalassius n’a guère mieux fait, même en s’aidant de quelques vers de Virgile (v. note [28] de sa Brevis Destructio, chapitre v).

8.

Francisci Baronis de Verulamio, Vice-Comitis Sancti Albani, Historia Vitæ et Mortis… [Histoire de la vie et de la mort, par le baron Francis de Verulam, vicomte de St Albans…], {a} loc. cit., page 391, sur les animaux qui continuent à bouger après qu’on les a mis à mort :

At magis certa de Homine, qui eo Supplicij genere (quod diximus) euisceratus, postquàm Cor auulsum penitùs esset, et in Carnificis Manu, tria aut quatuor Verba Precum, auditus est proferre

[Le fait est bien plus certain encore pour cet homme qui subit le supplice d’éviscération (comme on dit chez nous) : {b} alors que le bourreau tenait dans sa main le cœur qu’il lui avait arraché, on l’entendit prononcer trois ou quatre mots de prière]. {c}


  1. Vnote Patin 50/8129 pour ce livre (Londres, 1623) et Francis Bacon, son auteur.

  2. Quartering en anglais : mise à mort réservée aux coupables du crime de haute trahison.

  3. Thomas Bartholin choisissait mal sa comparaison : peut-être un homme est-il capable de murmurer quelques mots après qu’on lui a arraché le cœur de la poitrine, mais sûrement pas après qu’on lui a coupé la tête.

9.

Thomas Bartholin a refait chez le chien et chez l’homme les expériences relatées par Jean Pecquet, en y ajoutant l’importante notion que selon la proximité ou l’éloignement d’un repas, le réservoir et le canal thoracique contiennent soit du chyle blanc soit de la lymphe incolore.

10.

Dans un latin dont la grammaire défie à nouveau toutes les règles, Thomas Bartholin décrivait enfin une des expériences qu’il avait menées pour corroborer les conclusions de Jean Pecquet sur la terminaison du canal thoracique.

V. note [10], Experimenta nova anatomica, chapitre i, pour Aristote sur l’origine cardiaque du sang. En lui donnant raison « en partie » (ex parte), Bartholin confirmait son option de 1652 pour une sanguification partagée entre le cœur et le foie.

Ce chapitre aurait énormément gagné à être entièrement réécrit, notamment en distinguant bien les observations menées sur le chien et sur l’homme, et en leur donnant la priorité sur saint Paul ; mais sans doute y avait-il alors urgence à publier et à frapper les esprits, tant la concurrence devait être vive en Europe pour éprouver l’exactitude des Experimenta nova anatomica.

a.

Page 39, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.

CAP. XIII.

Lactearum Thoracicarum Usus.

Usus lactearum thoracicarum idem, qvi mesaraica-
rum, si terminum à qvo et ad quem distinxeris.
Nempe novæ chylum vehunt ex glandulis lacteis
novis seu Receptaculo mesenterii, ad subclavias. Mesara-
icæ verò lacteæ ab intestinis deferunt chylum ; sive ad he-
par, sive Receptaculum. Chylum vehere patet, qvia con-
tinent chylum manifestè in dissectis diffluentem, et liga-
tura testatur. Eundem subclaviis venis infundi insertio
docet, qvò etiam exstillat liqvor lacteus, flatusqve perrum-
pi, {a} si vinculum laxes, ut qvandoqve surculi venæ cavæ ex-
inde liveant, et thoracis cavitas candore inficiatur. Aliàs
visum nonnunqvam lac ex venis brachii sectis prodiisse.
Sæpius in sanguine per Venæ sectionem exhausto, alio-
qvin bono, vidi serum lactis instar. Puellæ Hafniensis
suppressione mensium laboranti paucis abhinc annis sva-
si saphenæ sectionem consveto menstruorum tempore,
intermedio verò cubiti. Posterius consilium anteqvam
exseqveretur puella, lac, solitas delicias hausit. Unde lo-
co seri in sangvine lac conspiciebam, qvod qvidem pro
putrido sanguine interpretabar primum, mox sententiam
mutavi, qvum nihil gravius experta puella optimè con-
valuerit. Nam lacteus color sangvuini admixtus puri si-
millimus, calidi nativi extinctionem signat, mortemqve
præsentem minatur, ut præter alios, annotat Fr. Joel l.4


  1. Sic pour : pit (errata).

b.

Page 40, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.

Prax. Sect.5, et recte monet Actuarius lib.1. de Caus. Ur. c.15.
ratione compertum esse, sanguinem ad album colorem
vergere, qvum de colore suo transmutatur legibus naturæ
alteratus, atqve transversus, quod ex lacte, secundum Gale-
ni
doctrinam, et semine confirmatur. Ita in cacochymi-
cis et scorbuticis non semel in misso sangvine serum lacte-
um vidi, et à se qvoqve visum persæpe in hac urbe narravit
Vir summus Olaus Worm patriæ nostræ et orbis orna-
mentum. Mirum est, et pro fabula vel miraculo hacte-
nus à multis æstimatum, qvod Annales qvidam Ecclesia-
stici referunt, ex S. Paulli sub Neronis dominatu decolla-
ti collo lactis undam profluxisse. Narratio auctores habet
qvamplurimos, præcipuè verò Acta Sanctorum Nerei et
Achillei, S. Ambrosium Serm.68. Jo. Chrysostomum, qvo
rum verba affert Baronius ad Ann. Chr.69. §.11. approbatqve.
Si vera est historia, inventis lacteis thoracicis facilè viam
modumqve inviniemus. Axillares rami, seu potius inser-
tio lactearum in axillares ampliata fuit et solito majori-
bus ostiolis hiabat. Alii non lac sincerum, sed fontes tres
aqvarum concedunt manasse dulcium, qvi adhuc inter
Ostiensem Ardentinamqve {a} viam conspiciuntur, et nomen
dedere et Ecclesiæ et Monasterio, de qvibus videnti Blon-
dus
l.3. Instaur. Rom. Onuphrius Panuinus de Basil. Ro-
man. Schottus part.2. Itin. Ital. aliiqve. Addunt verò nar-
rationis auctores nonnulli, abscissum qvoqve caput ter Je-
su nomen inclamasse. Si qvidem aqva fluxit, sciendum et
ex axillaribus per lacteas thoracicas serum subinde à no-


  1. Sic pour : Adeatinamqve.

c.

Page 41, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.

bis prodire, visum, qvo et abdominis vasa et thoracis, ali-
às lactea, turgebant : Virum autem sanctum longa capti-
vitate, et plurimis itineribus et perpessis malis debilita-
tum serosi sanguinis et chyli proventum cumulasse. Qvod
si et caput abscissum nomen Jesu inclamavit, eadem hic
ratio fuit, qvæ in illo homine apud Fr. Verulamium Hist.
Vit. et Mort. Art.15. §.32, qvi eo supplicii genere apud An-
glos versus Proditores recepto evisceratus, postqvam cor a-
vulsum penitus esset et in carnificis manu, tria aut qvatu-
or verba precum auditus est proferre.

Ex Receptaculo seu glandulis lacteis novis mesente-
rii prodire chylum in thoracicis venis contentum variis
indiciis demonstrari potest. Nam 1. Non à superioribus
derivatur, qvippe stricto et compresso collo, et artubus ni-
hil præter sanguinem prodit. 2. Si comprimamus abdo-
men, turgere vasa thoracis videmus, et ad subclavias dedu-
ci liqvorem. Qvod etiam apparet, si diffindamus vasa,
ab inferioribus serpere sursum. 3. Valvulæ sursum spe-
ctantes ejusdem cursus viam nobis monstrant. 4. Qvin
injecto paulò infra claviculas vel in medio thoracis, vin-
culo, à ligatura sursum flaccescunt, versus inferiora tu-
ment. 5. Deniqve qvalis chylus est in glandulis seu Rece-
ptaculo, talis qvoqve in lacteis thoracis conspicitur, sive can-
didus, sive serosus, et vidimus alternare has vices subitoqve
expulso chylo, intumuisse thoracicas sero in glandulis an-
tea contento.

Ex subclaviis autem qvorsum abeat chylus, si qvæ-

d.

Page 42, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.

ras ; certum habebis responsum non caput, aut artus pe-
tere ob rationes supra allatas, sed ad cor cum decurrente
per circulationem sangvine deduci, ut in cruorem trans-
mutetur, qvemadmodum ex parte voluit Aristoteles.
Varia id experimenta docuerunt inventorem primum
Pecquetum, cap.2. signata. 1. Resecti {a} vivi canis corde et
adhærentibus, absterso cruore, albicans liqvor intra ve-
næ cavæ fistulam, circa dextri ventriculi sedem, effluebat.
2. Venam cavam à diaphragmate ad jugulum aperuit, u-
bi apparuit liqvor hic fluens, expurgatus à sanguinis mix-
tura. 3. A ramis usqve subclaviis ad pericardium intra ve-
nam subsidebat candidus liqvor, planè similis lacteo in
Mesenterio. 4. Aliud experimentum nos Hafniæ sæpi-
us fecimus folle et fistula excavata, qvam levi foramine
facto, in lacteam thoracicam infra claviculas inseruimus,
spiritumqve et aqvam sufflatu immissimus. In tumorem
dictum factum attollebantur non hæc tantum vasa axil-
larem versus, sed et axillaris pars prope cor, mox auricula
dextra, et ipse cordis ventriculus dexter, tum ipsi pulmo-
nes per tumidam flatu et aqva venam arteriosam. Qvi-
cunqve hujus rei periculum est facturus, me sponsore, spe
nunqvam excidet, nisi tenuis valde thoracicarum tunica
læsa et collapsa foramen factum obliteret.


  1. Sic pour : Resectis.


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Thomas Bartholin, Historia anatomica sur les lactifères thoraciques (1652), chapitre xiii

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(Consulté le 11/12/2025)

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