Texte : Jean ii Riolan
Responsiones duæ (1655),
Responsio ad Pecquetianos
4e de 6 parties
Note [32]
Jean ii Riolan se fondait sur trois ouvrages pour nier l’existence d’un canal thoracique droit, et affirmer que les voies du chyle avaient été décrites au xvie s. et le menaient exclusivement au foie.
Semper existimaui cum Galeno, et recentioribus Anatomicis Vesalio et Fallopio, Chylum in intestina delapsum à Venis Mesaraïcis per Mesenterium dispersis, et intestino affixis exsugi, ac deferri ad Hepar ; Venas cum Mesenterio dictas fuisse à candore lactis ; Mesenterium lactes, vt Onomasticum Græcum interpretatur ; Vbi autem fuit editus liber Asellij de Venis lacteis, non potui mutare sententiam, et noua hæc vasa lactea admittere separata à Venis Mesaraïcis, quum scirem istas venas posse et vehere chylum ad Hepar, et inde sanguinem reuehere ad intestinorum nutritionem. Quum verò animaduerti in epistolis Valæi, et in libro Coringij de motu sanguinis, Venas lacteas communicari trunco et tubulis Venæ Cauæ, id mihi suspicionem iniecit synastomosis Venæ Portæ cum Caua, quam constituit Galenus. Verum vbi Pecqueti surculus, soboles Mesenterici rami, ex suo receptaculo enatus, et ascendens ad subclauias Venas mihi innotuit, tunc non amplius dubitaui de ista Vnione, et synanastomosi Venæ Cauæ cum Porta, et occasionem dedit huic novi iudicio, quod nunc audacter pronuncio. Quum animaduertam istud mysterium Naturæ detectum fuisse à Vesalio, quem nunc intelligo, olim à me repudiatum ; sciliect in centro Mesenterij appositam esse magnam glandulam, et sitam inter duos renes, vbi prima fuit vasorum distributio. Et cap. de Intestinis, Vasa mesenterica quemadmodum in duodeno, secundum Ieiuni et Ilei longitudinem non deducuntur, sed velut ex Mesenterij centro, ex alto sursum tendunt, rectáque antrorsum in intestina pertingunt, in qua numerosa sobole, arboris radicum modo implantantur, osculis suis in internam intestinorum sedem hiantia. Nonne hîc Vesalius depingit in ista magna glandula, quam Asellius nouum Pancreas vocat, receptaculum chyli Asellij et Pecqueti ? Ab ista glandula Mesentericus ramus chylum vndique corriuatum deducit ad Hepar ; In trunco rami Mesenterici et Portæ, chylus incipit rubescere, ex permixtione sanguinis : Nec alius truncus est inquirendus Venarum lactearum. Propterea ineptæ sunt istæ fibrillæ, quas depingit Highmorus, truncum Venæ Portæ amplexantes, et ad verum Pancreas pertingentes, quibus fauet Bartholinus, vt eas reddat lymphaticas. Atque ita componi omnes Anatomicorum de Venis lacteis dissensiones. Picturæ Vesalij decima quinti libri et vndecima diligenter inspiciantur, et expendantur.[Comme Galien {b} et les anatomistes plus récents, Vésale et Fallope, {c} j’ai toujours estimé que le chyle intestinal est sucé par les veines mésaraïques éparses du mésentère et fixées à l’intestin, puis qu’il est porté au foie. La blancheur du lait a valu leur nom à ces veines, comme au mésentère, mot d’origine grecque qui se dit lactes en latin. {d} La parution du livre d’Aselli sur les Veines lactées n’a pourtant pu me faire ni changer d’avis ni admettre que ces vaisseaux lactés nouveaux étaient distincts des veines mésaraïques, puisque je savais qu’elles sont à la fois capables de transporter le chyle dans le foie et, en sens inverse, d’en conduire le sang destiné à nourrir les intestins. Quand pourtant j’ai lu, dans les lettres de Wale et le livre de Conring sur le mouvement du sang, {e} que les veines lactées communiquent avec le tronc et les branches de la veine cave, j’ai soupçonné qu’il s’agissait de l’anastomose entre les veines porte et cave, dont Galien a postulé l’existence ; mais quand le petit conduit de Pecquet, branche de la veine mésentérique, née de son réservoir, qui monte vers les subclavières, est venu à ma connaissance, je n’ai plus eu de doute sur l’existence de cette synanastomose qui unit la veine porte à la cave, et cela m’a donné l’occasion d’élaborer le jugement que je prononce aujourd’hui hardiment. Je comprends maintenant ce mystère de la nature que Vésale avait mis au jour et que j’avais précédemment réfuté, à savoir qu’existe, au centre du mésentère, une grande glande sise entre les deux reins, où a été placée la première distribution des vaisseaux ; {f} il ajoute au chapitre sur les intestins que « les vaisseaux mésentériques ne parcourent pas toute la longueur du jéjunum et de l’iléon, comme ils font pour le duodénum, mais y viennent du centre du mésentère, car ils remontent de la profondeur vers l’avant pour atteindre les intestins, où ils s’épanouissent en de nombreux rameaux, à la manière des branches d’un arbre, et s’implantent dans la couche interne des intestins par les petits orifices qui béent à leurs extrémités. » {g} Vésale n’a-t-il pas dépeint là, avec cette grande glande, ce qu’Aselli a appelé le nouveau pancréas, et Pecquet le réservoir du chyle ? Depuis ladite glande où le chyle a ruisselé de toutes parts, la veine mésentérique le mène au foie. Dans le tronc de ladite veine et de la porte, le chyle commence à rougir en se mêlant au sang. Il n’y a pas à chercher d’autre tronc commun des veines lactées : les petits rameaux entourant le tronc de la veine porte et gagnant le vrai pancréas, qu’Highmore a décrits et que Bartholin préfère appeler lymphatiques, {h} n’ont donc aucun sens. Ainsi ai-je résolu tous les désaccords des anatomistes sur les veines lactées : qu’ils regardent avec attention les figures x et xi du livre v de Vésale, et y réfléchissent mûrement]. {i}
- Opuscula nova anatomica, Paris, 1653, v. supra note [15].
- Dans le livre iv de l’Utilité des parties, v. note [29], lettre de Jacques Mentel.
- André Vésale est largement cité plus bas ; v. note [3], Historia anatomica, chapitre xv, pour la douteuse allusion de Gabriel Fallope à l’entrée du chyle dans le foie.
- V. supra note [18].
- V. note [2], première Responsio de Riolan, 4e partie, pour les deux lettres de Jan de Wale à Thomas Bartholin sur le mouvement du chyle et du sang (Leyde, 1641), et pour les 22 chapitres d’Hermann Conring sur la sanguification (Helmstedt, 1643), où je n’ai pas cherché à vérifier ce qu’en disait ici Riolan sur les anastomoses porto-caves extra-hépatiques.
- Fabrica (Bâle, 1555), livre v, chapitre vi, De Mesenterio, page 617 ; v. note [21], seconde Responsio, première partie, pour la même référence dans l’édition de 1543.
- Ibid. supra, chapitre v, page 609.
- V. notes [7] et [12], Historia anatomica, chapitre xv, pour la description, par Nathaniel Highmore dans sa Disquisitio Anatomica (La Haye, 1651), de petits vaisseaux (fibrillæ) entourant le tronc porte, dont Thomas Bartholin a montré qu’il s’agissait de vaisseaux lymphatiques (Vasa Lymphatica, Copenhague, 1653).
- Figures x, page 564 et xi, page 565.
[…] vbera tota ita fungosa sunt, vt si in poculo forte pilum hauserit mulier, dolor moueatur in mammis, quod malum pilare appellant, nec sedatur donec pilus vel pressus exeat sponte, vel cun lacte exugatur. Ego verò malum ex pilo hausto fieri nullomodo posse contendo, etenim planè repugnat anatome, nam pilus haustus per ventriculum in intestina delabitur, et inde per anum cum excrementis reliquis egeritur. Quî enim pilus per venas mesaraicas, et ex his per tot hepatis exiguos ductus et meandros in cauam venam, à caua vena ad axillares venas, ab iis ad mammas penetrare possit ? Vel si illuc permearit, cur non per venas in papillam desinentes potiùs delabitur, vel sucti extrahitur, cùm hæ multò latiores sint mediis, idque non ex pilo hausto oriri puto, sed ex vermiculo paruo capilli specie,[(…) toute la substance des mamelles est si spongieuse que si par accident une femme avale un poil en buvant, une douleur s’y porte, qu’on appelle la maladie du poil ; elle subsiste tant que le poil n’est pas sorti en pressant le sein ou en étant tété avec le lait. Je conteste, quant à moi, qu’un poil avalé puisse jamais provoquer cette maladie, qui est tout à fait contraire à l’anatomie car, ainsi dégluti, un poil passera de l’estomac dans les intestins, pour être éliminé par l’anus avec les autres excréments. Comment pourrait-il pénétrer dans les veines mésaraïques, puis dans la veine cave, en passant par les nombreux canaux exigus et sinueux du foie, puis de la veine cave dans les veines axillaires pour arriver dans les mamelles ?] {d}
- Veine impaire du thorax qui chemine sur le flanc droit du rachis dorsal, v. note [2], Historia anatomica, chapitre xi.
- V. notule {g}, note [5], Historia anatomica, chapitre xviii
- Lyon, 1554, v. note [16], appendice de la lettre de Riolan à Charles Le Noble ; je n’ai rien vu dans ce livre sur la veine azygos.
- Rondelet raisonnait très sainement, mais il y a très loin de là à dire qu’il a décrit les canaux thoraciques du chyle. La suite de son texte attribue la maladie du poil à la pénétration d’un petit vermisseau qui gagnait les seins.
Comme Pecquet, Riolan a ignoré Bartolomeo Eustachi, le seul à avoir clairement décrit le canal thoracique chez le cheval en 1563, mais sans en avoir tiré de conclusion : v. note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre vi.
"Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la
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