Texte
Jean Pecquet
Experimenta nova anatomica (1651)
Chapitre v  >
[Page 12 | LAT | IMG]

Troisième et dernière dissection. [1]

On recherche le réservoir du chyle, dont l’existence a été ignorée jusqu’à ce jour. On démontre que ni le chyle, ni les lactifères ne se dirigent vers le foie. On découvre le réservoir du chyle sous la racine du mésentère, lequel reçoit le chyle sans qu’existe la confluence des lactifères décrite par Aselli : son pancréas n’est ni constant, ni identique, ni unique chez tous les animaux. Dans leur parcours thoracique les lactifères ne sont pas dénués de valvules.

Il est commode que le chien soit attiré par la nourriture (comme dit l’adage) : [1][2] j’en gavai un et l’amenai quelques heures après dans l’amphithéâtre anatomique[2][3] Le premier coup de scalpel n’a fait qu’ouvrir le thorax. Je prévins sans délai la fuite du chyle vers le cœur en liant sous les clavicules, de chaque côté, la veine où s’abouchent les lactifères[3] L’ablation des organes qui font obstacle à la vue permit d’aborder promptement les structures profondes ; et comme le relâchement des intestins sous-jacents exerce une poussée qui rétrécit la cavité thoracique, je l’ai libérée et mieux exposée au regard en prolongeant mon incision du haut en bas de l’abdomen.

Il n’y eut guère à attendre pour contempler le ruissellement des lactifères dilatés, [4] fort peu différent de celui que j’avais précédemment observé. Le soupçon d’un réservoir, dont je m’étais peu à peu convaincu de l’existence, me hantait la pensée : tout me prédisait qu’il se cachait de l’autre côté du septum transverse, [4] sous la racine du mésentère. Je n’aurais pas douté que la suppression des viscères qui s’interposent [Page 13 | LAT | IMG] le rendrait accessible si l’erreur bien ancrée sur l’hématose [5] ne m’avait tourmenté au plus haut point l’esprit, qui peine encore aujourd’hui à abandonner des croyances si solidement établies. [6] Jusqu’à présent l’opinion, contraire à la vérité, a été que le chyle progressait du mésentère jusque dans le parenchyme du foie, [5][7] viscère auquel on attribuait la prérogative de fabriquer le sang destiné au reste du corps. Je me suis plu à disséquer avec le plus grand soin un à un tous les vaisseaux qui se dirigent vers le foie, pour savoir si du chyle y affluait par l’un quelconque d’entre eux. J’ai exploré en tout sens les ruisseaux lactés du mésentère, [8] sans en trouver un seul qui s’y rende : j’ai fendu la veine porte, [9] j’ai ouvert la veine splénique, [10] je n’aurais pas épargné la mésaraïque [11] s’il ne m’avait semblé devoir la laisser intacte tant était saillante, par tout le mésentère, la turgescence blanchâtre des lactifères (le souvenir du réservoir se vidant de son chyle m’inspirait crainte et inquiétude), j’ai ouvert la veine cave, [12] non seulement là où s’abouchent les veines rénales, mais depuis les veines iliaques jusqu’au centre du diaphragme, et partout s’est répandu du sang, mais nul afflux de chyle n’a blanchi ce qu’on croit à tort être son chemin.

Et (ô lecteur) ne te fie pas à mes seuls yeux, qui me sortaient de la tête, sans faire le moindre mouvement, tout absorbés par l’immense poids de la preuve ; il y eut aussi ceux des témoins qui regardaient en étant moins mes amis que ceux de la vérité, et dont je devais moins espérer la bienveillance que redouter l’éclat de rire qu’on réserve à un insensé. Puisque je t’ai depuis longtemps piqué l’esprit et t’ai appelé à m’attaquer loyalement, ose à ton tour descendre dans l’arène. Le paresseux fait entièrement confiance à ses oreilles, dans la terreur de la tâche à accomplir ; [6] et n’est pas parfaitement digne de se dire savant celui qui adhère à une erreur qu’il serait capable de corriger.

De si pesants témoignages aboutissent à cette claire vérité : le chyle n’est détourné ni vers le foie, ni vers la veine porte, ni vers la veine cave, [Page 14 | LAT | IMG] à proximité des veines rénales. Après avoir soigneusement scruté ces viscères, il fallut chercher le chyle ailleurs avant qu’il ne s’échappe de la cavité abdominale, car l’opulence des lactifères avait été préservée par le mésentère qui n’avait pas été incisé ; [7] en plaçant ensuite des ligatures à sa base, j’empêchai ces vaisseaux dilatés de s’affaisser. Alors, progressant avec précaution, j’ai enlevé le diaphragme, ce qui me permit de bien exposer à la vue ce qui se cachait sous ses apophyses, à savoir le tronc de l’aorte et nos lactifères. [8]

Sur la gauche, derrière l’aorte, au niveau où en naissent les artères phréniques, [13] ces vaisseaux lactés se dilataient pour former chacun une cavité en forme de fiole ; plus bas, ceux de droite et de gauche se réunissaient de nouveau, en semblant se dilater en un volumineux étang de chyle. [9] Et alors, en parcourant cet endroit des yeux, mon regard s’arrêta sur le refuge où est enfermé le liquide venu de tout le voisinage et j’y appuie l’index pour le sonder. À cet endroit, chose admirable ! sous la pression intermittente du doigt, la poche sautillait sans résistance, souplesse qui prouvait l’existence, cachée sous la racine du mésentère, d’une volumineuse vessie du chyle. Enfin, à petits coups de scalpel, je la dégageai des enveloppes qui la dissimulent, mais sans la détacher de l’aorte : cette poche est comme hébergée en toute sécurité derrière l’émergence du tronc cœliaque et des artères rénales, sans être ni entièrement invisible ni tout à fait exposée. Voilà qu’était enfin découvert le tant désiré magasin secret du chyle, ce réservoir que j’avais si laborieusement recherché. [10][14][15]

Il s’étalait sous le diaphragme, sur la saillie du rachis dans l’abdomen, à peu près à hauteur de la troisième vertèbre lombaire, situé entre les deux reins, au niveau des glandes ou capsules surrénales, qu’on appelle atrabilaires ; [11][16] enfermé plus bas entre les remparts des deux muscles lombaires, [17] il occupait tout l’espace qui les sépare l’un de l’autre (mais en débordant sur son flanc droit).

[Page 15 | LAT | IMG] D’où vient donc le si grand afflux de substance nutritive qui se fait à cet endroit ? Par quels canaux, dis-je, la liqueur chyleuse se plonge-t-elle dans cet étang pour se déverser continuellement dans le thorax ? J’avais d’abord suspecté une construction du mésentère : la dilatation des lactifères, qui est dans son voisinage le plus proche, laisse croire qu’ils y ont régurgité le suc qu’ils ont extrait des intestins. Cela suppose une perpétuelle agitation, à laquelle je ne me suis pas tenu, sans laisser une vérité crépusculaire m’égarer très longtemps dans d’obscures conjectures.

Du chyle s’écoula donc dès que j’eus incisé la paroi du réservoir ; puis, par la plaie ainsi créée, l’évidence jaillit en levant tout doute, quand j’eus ôté le lien que j’avais placé à la racine du mésentère pour gonfler ses lactifères.

Quand l’évacuation complète du chyle contenu dans le réservoir eut conclu mon enquête, Aselli [18] me revint en mémoire et, en déroulant la racine du mésentère, je cherchai la très grande glande qu’il y a décrite, mais son inexistence a été toute la récompense de la peine que je m’y suis donnée : du moins cette glande est-elle absente chez les animaux domestiques, ou alors, vous la verriez se résoudre en tout au plus cinq très petites (comme de Wale l’a noté avant moi). [12][19]

Le mésentère de l’animal que j’examinais en montrait trois, qui étaient séparées par un espace bien visible. Elles jouxtaient les veines rénales : une seule du côté droit, qui avait une forme un peu oblongue, et les deux autres à gauche, de forme plus arrondie, ressemblaient beaucoup plus à de petites sphères.

Je me suis permis de chercher leur besoin d’un pancréas, comme l’appelle Aselli, où qu’il se pût trouver. [20] Tant que le mésentère s’enfle de lactifères dilatés, une partie du chyle s’écoule dans les replis caverneux de ces glandes : la preuve en est que non seulement quelques canalicules lactés se répandent autour d’elles, à la manière [Page 16 | LAT | IMG] d’une toile d’araignée, mais aussi que si vous les en séparez, s’en déverse une profusion de chyle. En vidant les lactifères du mésentère, du chyle sort des glandes pour s’écouler dans le réservoir en passant par des canaux situés au-dessous de lui, certes peu nombreux, mais de grande capacité ; leurs abouchements sont munis de valvules [21] qui empêchent le chyle de refluer vers le mésentère (comme le prouve sa progression vers le haut, sans que le réservoir ne s’affaisse). Je pensai que, comme par hospitalité, les glandes spongieuses avaient seulement absorbé cette sérosité résiduelle qui provient de l’aliment stagnant dans celles qui restaient.

J’aurais mis fin à la dissection si le double chenal des lactifères qui chemine tout le long des vertèbres thoraciques n’avait de nouveau attiré à lui nos regards admiratifs, en continuant de former deux saillies blanches. Aussi longtemps qu’on tenait serrés les liens placés sur leur extrémité, au niveau de la quatrième vertèbre dorsale, leur cavité enflait dans sa partie sous-jacente ; mais ni l’un ni l’autre ne s’amincissait, et on ne voyait ni chyle refluer par le réservoir crevé ni substance lactée s’accumuler dans le mésentère.

En y appuyant donc l’index, je dilatai plus encore les deux canaux et leurs valvules y firent apparaître de nombreuses nouures : cette démonstration fut loin de m’être désagréable car elle acheva de récompenser mon rude travail. [22]


1.

Canis ad cibum est un adage antique qu’Érasme {a} a commenté (no 3592) :

Κυων επι σιτον, id est, Canis ad cibum. De iis, qui in suum properant exitium. Qui canem volunt occidere, cibo ostendo alliciunt. Hesychius indicat hoc esse simile illis : βους επι σφαγιω, και υς επι δεσμα, id est, bos ad mactationem, et sus in vincula.

[« Le chien est attiré par la nourriture » : se dit de ceux qui se hâtent vers leur propre ruine. Ceux qui veulent tuer un chien l’appâtent en lui donnant à manger. Hésychios {b} remarque que c’est comme dire : « Mener un bœuf à l’abattoir et ligoter un cochon pour l’égorger. »]


  1. V. note [5], Experimenta nova anatomica, chapitre iv.

  2. Vnote Patin 41/8209.

2.

Ce theatrum anatomicum était l’amphithéâtre anatomique de la Faculté de médecine de Paris, où Jean Pecquet a mené ses recherches.

3.

V. note [4], Experimenta nova anatomica, chapitre iii.

4.

Septum transversum est le nom latin du diaphragme, vaste muscle en forme d’éventail, qui forme la cloison (septum) séparant les deux cavités du tronc, thorax et abdomen.

5.

Parenchyme (parenchyma) : « parties formées de sang, et qui sont comme un amas et une affusion de sang. Ainsi on dit que le foie est le premier de tous les parenchymes, parce que c’est là que la veine ombilicale verse premièrement le sang dans le fœtus. Le cœur est le second, puis le poumon, la rate et les rognons. Ce mot est grec et signifie “ engendré par la masse et épaississement d’un suc ” » (Furetière). En physiologie moderne, le sens de ce mot s’est étendu au tissu d’un organe qui en assure le fonctionnement, par opposition au tissu conjonctif de soutien (mésenchyme), qui en assure la forme et la structure.

6.

On reprochait volontiers aux médecins (et plus encore aux philosophes) de disserter sur l’anatomie sans avoir pris la peine de disséquer eux-mêmes, en se contentant des leçons et des livres de maîtres qui n’avaient pas non plus toujours beaucoup manié le scalpel.

7.

Je n’ai pas su donner du sens à cette phase (que j’ai mise au passif) autrement qu’en y remplaçant ubertas (cas nominatif, sujet du verbe servavit) par ubertatem (cas accusatif, son complément d’objet direct) dans lactearum ubertas inciduum servavit mesenterium [l’opulence des lactifères avait préservé le mésentère intact] (ce qui me semble inepte) : la seule voie qui s’ouvrait au chyle pour quitter l’abdomen était celle que Jean Pecquet avait devinée dans le thorax ; dans cette intention, il avait respecté l’intégrité du mésentère, et fait le pari que le précieux liquide dont il traquait les voies d’écoulement resterait bloqué par sa ligature des deux troncs brachiocéphaliques à la base du cou (v. supra note [3]).

8.

J’interprète les « apophyses du diaphragme » (apophyses diaphragmatis) comme étant ses insertions sur les os, et tout particulièrement ses deux piliers, droit et gauche, qui l’arriment au rachis, depuis la dernière (12e) vertèbre dorsale jusqu’aux trois ou quatre premières lombaires.

Le « tronc de l’aorte » (aortæ truncum) est l’aorte abdominale depuis l’orifice diaphragmatique jusqu’à la bifurcation iliaque. L’aorte d’amont (du cœur jusqu’au diaphragme) avait été retirée lors de l’éviscération du thorax.

9.

Examinant la jonction thoraco-abdominale de haut en bas, {a} Jean Pecquet, transpirant sans doute à grosses gouttes, retrouvait les deux canaux thoraciques vus lors de sa deuxième dissection : {b} ils se dilataient pour former chacun « une cavité en forme de fiole » (ampullescentem alveum) à leurs extrémités inférieures, {c} puis se réunissaient plus bas, {d} pour former le tant convoité « étang » (stagnum) ou réservoir du chyle. {e}


  1. Dans le sens inverse du mouvement ascendant du chyle.

  2. V. note [4], Experimenta nova anatomica, chapitre 4.

  3. Repères G et F, sur la première figure des Experimenta nova anatomica.

  4. Repère I de la même figure.

  5. V. infra note [10].

Nées de l’aorte à son entrée dans l’abdomen, les deux artères phréniques inférieures, droite et gauche, irriguent la face postérieure du diaphragme.

10.

Le réservoir du chyle que découvrait Jean Pecquet chez le chien {a} n’existe pas toujours pareillement chez l’homme :

« Il est encore classique de dire que le canal thoracique commence par un segment dilaté appelé citerne de Pecquet. La vérité est tout autre. Le canal thoracique n’est dilaté à son origine que si celle-ci est basse. La forme de cette dilatation est variable. Celle-ci est tantôt allongée, tantôt ampullaire. Lorsqu’elle est ampullaire, elle constitue la citerne de Pecquet. Mais la citerne de Pecquet n’existe que si un ou plusieurs troncs intestinaux se jettent directement dans l’extrémité inférieure du même canal thoracique (Jossifow). Cette disposition se rencontre dans un tiers des cas environ. » {b}


  1. Repères L, en bas de la première figure des Experimenta nova anatomica : Pecquet lui donnait ici le nom de penus (« garde-manger, magasin »), mot qui désignait aussi le sanctuaire du temple de Vesta, déesse du feu (vnote Patin 8/1136).

  2. Rouvière, 1967, tome ii page 222. V. note [8], Historia anatomica, chapitre vi, pour la description plus complète donnée par Bourgery.

La magistrale description de Pecquet (1651) a réveillé les souvenirs de Jacques Mentel (v. note [3], Experimenta nova anatomica, chapitre ii) : il a attendu 1654 pour revendiquer sa priorité dans la découverte du réservoir (en 1629) ; Pecquet la lui a reconnue avec grand honneur en 1655, dans le Clypeus.

11.

Les surrénales (autrement nommés « reins succentoriaux » ou « capsules atrabilaires » v. note [29], première Responsio de Jean ii Riolan, 4e partie) étaient censées produire l’atrabile (bile noire ou mélancolie), celle des quatre humeurs corporelles qui n’a jamais existé (vnotes Patin 22/8226 et 5/53).

12.

V. notes :

a.

Page 12Ioan. Pecqueti Diepæi Experimenta nova anatomica.

Caput v.

Ignotum hactenus Chyli Receptaculum inquiritur. Chylum in Iecur non tendere, nec Lacteas, demonstratur. Sub Mesenterij centro detegitur Chyli Receptaculum ; hoc abs confluentibus Asellij Lacteis Chylum excipit. Asellianum Pancreas, nec semper in omnibus, nec idem, nec unicum. Non desunt suæ Lacteis per Thoracem Valvulæ.

Commodum ad cibum Canis (ut ait ada-
gium) quem pransum opiparè post ho-
ras aliquot in Anatomicum edo Thea-
trum. Prima digladiatio solum Thora-
cem aperuit. Nec mora, præpeditis
utrinque Lactearum infra claviculas ostiis, Chylo
versum cor effugium præverto ligamine. Revulsa par-
tium obstantium remora expositionem accelerat ; et
in laxamentum inferioris alvi, Thoracis caveam an-
gustantis, continuatum per abdomen vulnus liberam
pectoris specum exposuit.

Non diu vacavit haud multùm prioribus absimiles
sororiantum Lactearum rivulos contemplari. Urge-
bat memorem sensim in fidem adolescens suspicio
Receptaculi, cujus latebram Transversum ultra
Septum sub Mesenterii Centro celari, omnia porten-
debant. Nec dubitassem illuc impedientium viscerum

b.

Page 13Ioan. Pecqueti Diepæi Experimenta nova anatomica.

excidio aditum reserare, nisi vetus circa αιματωσιν error
jam ultimùm solicitasset mentem meam, etiamnum
ægrè tam creditis decedentem.

Hactenus à Mesenterio Chylum in Hepatis paren-
chyma opinio protrusit, non veritas, et sanguinei
artifici tribuit immeritam nato ad alia visceri præro-
gativam. Libuit singilatim universos ad ipsum ten-
dentes ramos exactâ rimari diligentiâ ; num per eo-
rum quospiam Chylus eò conflueret. Lacteos Me-
senterij rivulos quaquaversum exploravi, nullus ad
Iecur porrigi inventus est ; Portam diffidi ; Splenicum
aperui meatum ; nec ipsi Mesenterico peperci, nisi
quantùm distentus candicantium tunc per Mesente-
rium Venarum Lactearum tumor (quem illibatum
anxius evanidi Chyli metus in Receptaculi
memoriam conservabat) visus est concedere ; Cavam,
non quà subit Emulgentes tantùm, sed à ramis Iliacis
ad usque Diaphragmatis centrum reseravi ; At omni
ex parte cruor effusus est, nulla Chyli scaturigo malè
creditam viam dealbavit.

Nec (ô Lector) meis, quos in tanti ponderis argu-
mento exertissimos defigebam, oculis confidito ; sunt
et testes non mei magis, quàm veritatis amici, qui
spectabant, et quorum mihi non tam speranda venia,
quàm metuendus hallucinato cachinnus. Ipse, ut ir-
ritavi pridem, et ad laudabile facinus provocavi ani-
mum tuum, aude et in arenam descendere. Ignavus
est, cujus, laboris formidine, tota in auribus fides ;
nec profectò quis sapere dignus, dum errorem secta-
tur, quem possit eluere.

Tantis testimoniis enucleatâ veritate non ad Hepar
videlicet Chylum, non ad Venas Portæ, non ad Cavam

c.

Page 14Ioan. Pecqueti Diepæi Experimenta nova anatomica.

propè Emulgentes derivari ; lustrata viscera quærendus
alibi Chylus, extra inferioris Alvi caveam eliminan-
da præcepit, Lactearum ubertas {a} inciduum servavit
Mesenterium ; turgidas injectis ad illius basim vin-
culis veto detumescere. Tum frustatim ad cautelam,
revulso Diaphragmate, licuit residuum, qui sub eius
Apophysibus delitescebat, Aortæ truncum, et no-
stras in propatulo Lacteas contueri.

Hæ sinistrorsùm pariter sub Aortà quà Phrenicas
dimittit Arterias, ampullescentem alveum explica-
bant ; inferiùs utrinque denuò coëuntes, in turgidum
Chyli Stagnum videbantur excrescere. Ac tum, ocu-
lis suas tactui vices concedentibus, indicis pressurâ
tentito {b} liquoris inclusi circumquaque suffugium. Il-
lic, res mira ! gravitanti {c} digito facile stratum seipsum
ultro complanabat, arguente subsultim mollitie deli-
tescentem sub Mesenterico centro, non exiguæ capa-
citatis Chyli vesicam. Demùm celantia, parcente scal-
pello, dissipo involucra ; non facto quidem ab Aortâ
divortio ; hujus velut in fidem recepta, sub Cœliacæ
trunco atque Emulgentium emissariis ejusmodi vesi-
ca, nec latebat penitùs, nec penitus nudabatur. Sic
tandem patuit optatissimum reconditi Chyli penus,
et tantis laboribus quæsitum Receptaculum.

Hoc deorsum à Diaphragmate supra prominentes
in infimo ventre spinæ vertebras, ad tertiam circiter
Lumborum protendebatur, glandulis hinc inde sub
Emulgentibus, seu capsulis, quas Atrabilarias vo-
cant, inter renes adhærebat ; coërcitum subtùs, Lum-
barium utrinque musculorum aggeribus, totam in
meditullio, (propensiori quidem in dexteram lacu-
nà) intercapedinem occupabat.


  1. Sic pour : ubertatem (dans mon interprétation du texte).

  2. Sic pour : tentato.

  3. Sic pour : gravanti.

d.

Page 15Ioan. Pecqueti Diepæi Experimenta nova anatomica.

Unde verò tantus illic alimoniæ proventus ? quibus
inquam, canalibus in exhauriendum, continuo per
Thoracem effluxu, stagnum Chylosus se penetrat li-
quor ? Suspecta mihi pridem fuerat Mesenterij opera ;
túmque maximè vicinus in eodem Lactearum tumor
exceptum illuc ex Intestinis succum creditus est evo-
muisse. Non sustinuit, quod est inquies semper, veri-
tatis crepusculum circumagi me diutius conjectura-
rum caligine.

Ergo lancinata illico Receptaculi tunica
Chylum effudit ; et secutus per eiusdem vulneris ri-
mam, quem turgidis Mesenterij Lacteis relaxato libe-
raveram ligamine, dubium omne revulsit scaturienti
evidentiâ.

Exhaustâ penitus cum Chylo Receptaculi
cognitione, Asellij rursum memor, evoluto Mesen-
terij meditullio glandulam, quam inibi maximam
scribit, investigo ; sed laborem meum prorsus frau-
davit absentiâ. Domesticis enim animantibus ut pluri-
mum glandula deest, aut certè in plures distinctè
parvulas ad quinarium usque numerum (ut ante me
Wallæus annotavit) videas detumescere.

Tres exhibuit animalis, quod lustrabam, Mesen-
terium, manifesto dissitas intervallo. Emulgentibus
adjacebant ; unica dexteram, oblongiori paulò figurâ,
contingebat, iuxta sinistram reliquæ rotundiori cor-
pusculo sphærulas magis imitabantur.

Libuit earundem, ut et Aselliani, ubicunque re-
pertum fuerat, Pancreatis usum inquirere. Dum, tur-
gidis Lacteis tumet Mesenterium in glandularum
hujusmodi cavernosos sinus Chyli pars infunditur :
argumento sunt circumfusi non tantum iisdem, instar

e.

Page 16Ioan. Pecqueti Diepæi Experimenta nova anatomica.

araneæ, lactarum aliquot canaliculi ; sed exundans
etiam, si dispescueris, Chyli profusio. Verùm exone-
rante Lacteas Mensenterio, Chylus ex glandulis, etiam
tum per inferiores, ut pauciores, ita et capacitatis
amplioris fistulas in Receptaculum effunditur,
à quo refluxum ostiarij valvularum obices ad Mesen-
terium (ut et hoc ipsum prorsus sublatum, perseve-
rante Receptaculi tumore, arguit) interclu-
dunt : residuo tantùm in glandulis supestitis cujus-
dam seri humore, quem ex alimento transeunte su-
perfluum, velut in hospitij mercedem, spongiosas
duxi glandulas combibisse.

Litaveram, nisi Lactearum exerrans per Thoracis
Spinam bivium admirantes oculos albicanti pertina-
citer tumore, iterum ad se revocasset. Constrictis
vinculo ad tertiam dorsi vertebram ostiolis, alveos
deorsum distenderant ; nec ipsæ tamen, deponenti-
bus per disruptum Receptaculum lacteam sub-
stantiam Mesentericis, visæ sunt tantisper Chylum
refundere ; aut minùs tereti deturgere canaliculo.

Ergo cum prementis indicis incitabulo tumentes
retrò citarem, latentes in nodosis numerosè tubulis
valvulæ supremum mihi laborem, non ingrato sanè
suis testimonio, irritum perfecerunt.


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Jean Pecquet, Experimenta nova anatomica (1651) : Chapitre v

Adresse permanente : https://numerabilis.u-paris.fr/editions-critiques/pecquet/?do=pg&let=0015

(Consulté le 09/12/2025)

Licence Creative Commons "Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.