Texte
Jean Pecquet
Nova de thoracicis
lacteis Dissertatio
(1654)
Épître dédicatoire  >

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Ioan.
Pecqueti
Diepæi
Doct. Med. Monspeliensis
Nova
de thoracis lacteis
Dissertatio

In qua Ioan. Riolani Responsio ad G ejusdem Pecqueti refutatur, et inventis recentibus canalis Virsungici demonstratur usus, et lacteum ad mammas à Receptaculo iter indigitatur[1]

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Jean Pecquet adresse toutes ses salutations au
très distingué M. Thomas Bartholin,
très honoré docteur en médecine et professeur royal en l’Université de Copenhague,
et anatomiste des plus expérimentés.

Très brillant Monsieur, [1][2][3]

Tandis que je m’apprêtais à soumettre aux jugements des amoureux de la vérité la réponse que j’avais depuis longtemps conçue contre l’ouvrage médisant de Riolan[4] dont une accumulation de très sérieuses affaires avait jusque là troublé la rédaction, j’ai tout d’abord reçu d’un ami votre traité sur nos < lactifères > thoraciques, [5] dans l’impression de Londres, puis le monument d’acharnement [Page 96 | LAT | IMG] riolanique qui a tout récemment paru contre nous à Paris. [2][6][7] Je me suis grandement réjoui que le poids de votre témoignage vienne freiner son ardeur, en confirmant mes expériences et en les enrichissant d’un prolongement si lourd de conséquence. [8] La primeur d’une découverte n’engendre pas toujours la gloire, car il lui faut être suivie d’une claire et indépendante confirmation. Je suis certes fort peiné de vous avoir devancé, mais aucun honnête homme n’est jamais en droit de taire impunément la très évidente vérité des preuves qu’il a mises au jour. Je pense néanmoins que vous n’avez pas à vous tracasser des mordantes insultes riolaniques car quelle serait la gloire de Pollux s’il n’avait osé défier Amycus ? [3][9][10] Le fleuve s’est cabré contre l’obstacle, non sans faire étinceler ses silex. Tous les gens savants en anatomie apprennent que nous sommes attaqués par Riolan, qui les mordille tous, et c’est ce qui nous donne courage. Nos doléances personnelles ne valent pas la peine que nous nous lamentions sur des désagréments que tous doivent endurer solidairement. En vérité, qu’espéreriez-vous et quel mal n’attendriez-vous pas d’un homme qui a poussé l’audace jusqu’à délirer par écrit sur sa propre Université de Paris[4][11] que pour ma part je vénère profondément ? Il n’hésite pas à tenir pour un monstre un homme que ladite Université a remarqué et jugé digne du grade de maître ès arts (ce dont attesteront les documents publics que je suis disposé à exhiber), [5][12] et quand sa découverte, dont il a publié la vérité au grand jour, a été approuvée et louée par les plus savants professeurs de médecine, [13] [Page 97 | LAT | IMG] à l’exception de Riolan. J’ai ri pourtant ou, pour le dire plus sincèrement, j’ai eu pitié de voir un gladiateur couronné de tant de lauriers porter des coups si faibles, se ruer dans le combat à la manière des andabates, et, dans un élan de colère plus furieux que celui de Polyphème lancer des volées de sarcasmes contre un Utis qui n’a rien à en craindre (c’est-à-dire contre un Ulysse qu’il n’a pas impunément méprisé). [6][14][15][16] Je pourrais certainement prendre la plume pour écrire un discours plus incisif contre ce bavard sénile, si j’avais la bonne fortune d’en avoir le temps, mais un cavalier perd le sien à cravacher sa bête qui rue ; Tirynthius n’a pas traîné Cerbère écumant de rage jusqu’aux charmes du grand jour en l’étranglant de trois nœuds, mais en lui donnant une friandise à manger ; [7][17][18] j’ajoute (pour que cet homme qui a déjà un pied dans la tombe n’aille pas s’indigner qu’un jouvenceau, comme il m’appelle, ne lui débite que des fables) qu’un sage médecin plaint la folie de son malade et ne se venge pas d’un coup qu’il lui donne, et qu’une défense n’est pas louable si elle riposte à l’affront par l’outrage. Mon existence ayant passé les sept lustres, [8] j’estime que me reprocher ma jeunesse et presque mon adolescence, sans parler d’être encore un enfant, voire un nourrisson, est pitoyable à maints égards : parlant d’âge, il dit qu’un jeune homme n’est pas encore capable d’écrire car la sagesse se compte au nombre des années ; il oublie que ne plus faire de différence entre les vétilles et les affaires sérieuses a abouti plus d’une fois à établir des enfants comme juges des vieillards et comme pasteurs de leur peuple ; en s’acharnant à accabler la jeunesse de paroles terriblement amères, au lieu de l’amadouer par la modération de ses propos, [Page 98 | LAT | IMG] un vieillard ne l’incite pas à travailler pour se couvrir de gloire, mais à tout le contraire, et c’est ainsi qu’il empêche les plus jeunes d’accéder à la vérité. Il me fait grief du titre de philiatre, noble vocable qu’il espère pourtant être profondément dégradant pour mon honorabilité ; comme si tout sage qui se dit philosophe méritait l’opprobre, quand il devrait légitimement envier à Riolan le titre de misiatre[9][19] Mais, de grâce, qu’est-ce que cela a donc à voir avec les lactifères ? Eh bien, j’étais philiatre quand j’en écrivais, mon crime est d’en avoir écrit (conclurait Riolan), je n’ai donc pas trouvé ceux du thorax. J’ai pourtant des témoins de ma découverte, et Riolan en aurait augmenté le nombre si je m’étais soumis à lui genoux pliés et tête fléchie. Il est vain de s’interroger sur leur bonne foi, et c’est pécher contre la vérité quand les yeux de Son Altesse Armand de Bourbon ne laissent aucune place au doute. [10][20] Pour les talents que nous partageons, au nom de la France xénophile, [11] et pour la purger de la terrible honte que lui vaut la grossièreté riolanique à votre encontre, je vous donne, dédie et soumets cet opuscule, quelle qu’en soit la valeur. Comprenez ainsi que je vous le donne comme votre ami, dédie comme votre admirateur, et soumets comme celui qui désire ardemment vos remarques. Je n’ambitionne pourtant pas d’inciter Riolan à vous harceler, mais je pense que nous devons craindre les effets de vos sagaces attaques. Elles vous ont jusqu’ici valu ma profonde admiration. Puisse tout le monde clairement percevoir à quel point est digne de respect [Page 99 | LAT | IMG] un arbitre qui, contrairement à la coutume riolanique, ne veut pas se fier à un vieillard qui tient pour faux ce qu’il a appris d’un autre, certes jeune, mais qui sait s’en remettre à la seule vérité. Je ne vous remercie pas moins d’égratigner l’obscurité de mon style (sans parler de mes autres défauts) que de confirmer ma découverte, et il n’est que juste de vous en louer doublement. Je suis certes capable de montrer la véritable cause d’un phénomène obscur aux hommes qui consacrent leur talent à étudier âprement ce qui est difficile à comprendre, mais j’avoue ingénument qu’il manque à mes écrits ce qui caractérise un bon auteur, devant ces lacunes autant à ma personne qu’à mon pays natal. La coutume de France, j’ai failli dire sa calamité, est que ses grands personnages farcissent presque impunément leur discours de mots latins ; au mépris des étrangers, ils cultivent leurs idiotismes et, faute de bonne pratique, les tournures vicieuses y fourmillent. [12] Puisque le charme de la vérité est sa simplicité, je ferai en sorte que les mots fleuris, comme vous les appelez, n’obscurcissent plus mon propos. [13][21] Il est bien vrai que la parure dénonce l’imparfaite beauté et que l’accessoire aggrave franchement le défaut d’élégance. Pour que l’ennuyeuse longueur de mon verbiage n’abuse pas plus longuement du temps que vous me consacrez généreusement, je conclurai cette petite lettre maussade en souhaitant que tout comme, selon l’habitude établie, le bûcher [Page 100 | LAT | IMG] transmet la chaleur de ses flammes aux gens qui entourent celui qu’on va y brûler, nous, que la subite explosion de la jalousie riolanique a embrasés, soyons désormais bons amis et que ses ardeurs nous consument tous deux pour l’avantage du monde anatomique, et même de la Terre entière.

Vale.

De Montpellier, le 1er janvier de la 1654e année suivant l’Incarnation.


1.

« Nouvelle Dissertation de Jean Pecquet, natif de Dieppe, docteur en médecine de Montpellier, {a} sur les lactifères thoraciques, où est réfutée la Réponse de Jean ii Riolan contre les Expériences anatomiques nouvelles du dit Pecquet, et où de récentes découvertes démontrent l’utilité du canal de Wirsung {b} et décrivent le cheminement des lactifères depuis le réservoir jusqu’aux mamelles. »


  1. En mars 1652.

  2. V. note [5], Dissertatio anatomica, chapitre x.

Cette Nova Dissertatio est le premier des textes que Jean Pecquet et ses défenseurs ont ajoutés en 1654 à la première édition des Experimenta nova anatomica (1651) pour honorer l’Historia anatomica de Thomas Bartholin (1652) et répliquer à la rude première Responsio de Jean ii Riolan.

2.

Vnote Patin 16/308 pour la description détaillée de ces deux ouvrages.

3.

Cette allégorie parlante se réfère à trois personnages mythiques dont Fr. Noël a résumé les symboles.

4.

Allusion très probable aux anonymes et insultantes Curieuses recherches sur les Écoles de médecine de Paris et de Montpellier (Paris, 1651, vnote Patin 13/177), dont Jean ii Riolan a sûrement été un des auteurs (avec Guy Patin).

5.

Une maîtrise ès arts et trois années révolues d’études préliminaires (quatre inscriptions) étaient le minimum exigé par la Faculté de médecine de Paris pour y être candidat au baccalauréat. Il arrivait aux doyens de mentionner les noms des étudiants à qui la Faculté refusait de s’y présenter (pour leur mauvaise conduite ou l’insuffisance de leurs titres). Je n’ai vu celui de Jean Pecquet dans aucun des Commentaires F.M.P. (tome xiii) rédigés pour les baccalauréats de 1644 (décanat de Michel de La Vigne), 1646 (Jean Merlet), 1648 (Jacques Perreau) et 1650 (Jean Piètre).

Ce que disait ici Jean Pecquet de sa maîtrise contre les calomnies de Jean ii Riolan (v. infra note [9], notule {e}) pourrait mener à supposer (mais je suis très loin de le croire) que les examinateurs du baccalauréat parisien en avaient contesté l’authenticité, ce qui l’aurait contraint à partir se faire graduer ailleurs, en s’inscrivant à l’Université de médecine de Montpellier.

6.

Jean Pecquet durcissait ses attaques contre Jean ii Riolan :

7.

Dans le mythe, Tyrinthius est une épithète réservée à Hercule, qui aurait été élevé à Tirynthe en Argolide. Le dernier de ses Douze Travaux a été de mater Cerbère, le redoutable chien à trois têtes qui gardait les enfers, en étranglant ses trois cous, pour l’enchaîner et le faire sortir de son antre.

Jean Pecquet se souvenait de Virgile (Énéide, chant v), dont le récit est tout autre : pour franchir l’entrée des enfers, Énée et la Sibylle endorment Cerbère en lui faisant manger melle soporatam et medicatis frugibus offam [une boulette soporifique mêlant du miel et des plantes médicinales] (vers 420).

8.

Sept lustres (septem lustra) font 35 ans, mais né en 1622, Jean Pecquet n’en avait que 32 au moment où il écrivait sa Nova Dissertatio : il aurait dû dire qu’il avait passé six lustres, ou qu’il en était au septième de son existence.

9.

Jean Pecquet me semble avoir créé le mot misiatre, néo-hellénisme qui est le contraire de philiatre, en y remplaçant la racine philéô [j’aime] par miséô [je déteste] : le philosophe est « celui qui aime la sagesse » et le misiatre, « celui qui déteste l’art de soigner ».

Ce propos répondait à une attaque fielleuse que Jean ii Riolan avait portée contre Pecquet l’année précédente, dans ses Opuscula nova anatomica, pages 3‑4 : {a}

Postquam Bartholinus de viiis, per quas Chylus ad hepar deferri potest, disseruit ad libitum, agnoscit veras et legitimas vias Asellium deprehendisse, ac demonstrasse per venas lacteas, quæ sunt nunc omnibus notæ ac receptæ : iis adiunxit Pecquetus duas venas chyliferas, per thoracem traductas, vsque ad axillares venas : sed pag. 31. observationes suas Pecquetus, adeo verborum, sententiarúmque flosculis exornavit, ut Lectores repetitâ dubios semper dimittat, sic laudat Pecquetum, nec immeritò ; nam R. Iesuitarum Rhetorum ornamenta sunt, vbi aliquot annos vixit Parisiis, in Collegio Claromontano, Nobilium adolescentum pædagogus ; cùm scripsit erat adhuc philiater, nullum vnquam gradum in Academia Parisiensi est assequutus : Noli igitur ipsum appellare Medicum Parisiensem ; nam talia ingenii monstra nunquam nostra Schola protulit aut passa est.

[Après avoir amplement disserté sur les voies par lesquelles le chyle peut être transporté vers le foie, Bartholin convient qu’Aselli a découvert les veines lactées et démontré qu’elles assurent cette fonction, et tout le monde aujourd’hui les a vues et en a admis l’existence. Pecquet y a ajouté deux veines chylifères qui traversent le thorax pour le mener jusque dans les veines axillaires ; mais < Bartholin écrit > de Pecquet, page 31 : il a tant enjolivé ses descriptions de mots et de phrases fleuries qu’il laisse toujours place au doute, même après qu’on l’a relu plusieurs fois. {b} Voilà comme il fait la louange de Pecquet, et non sans qu’il le mérite car il a employé les fioritures des révérends jésuites, chez qui il a vécu quelques années à Paris dans le Collège de Clermont, comme pédagogue de jeunes gentilshommes. {c} Il était encore philiatre {d} quand il a écrit son livre, et n’a jamais obtenu aucun diplôme de l’Université de Paris. Je n’ai donc pas voulu l’appeler médecin de Paris car notre École n’a jamais produit ni toléré de telles monstruosités de l’esprit]. {e}


  1. « Opuscules anatomiques nouveaux » (Paris, 1653).

  2. Jean Pecquet a lui-même relevé ce propos de Bartholin : v. infra note [13] ; la page 31 de l’Historia anatomica (Londres, 1652), citée par Riolan, correspond à la page 16 du même chapitre v dans notre édition, qui a transcrit et traduit celle de Copenhague (même année).

  3. Vnote Patin 2/381 pour le Collège jésuite parisien de Clermont. Inférieur au régent qui prodiguait les cours, le pédagogue (ou répétiteur) était un jeune « maître à qui on donne le soin d’instruire et de gouverner un écolier, de lui apprendre la grammaire, et de prendre garde à ses actions » (Furetière). La première lettre de Pecquet au R.P. Marin Mersenne en mai 1648 atteste de fonctions pédagogiques qu’il remplissait alors (v. sa note [9]).

  4. Dans sa première Responsio de 1652, Jean ii Riolan a reproché à Jean Pecquet son jeune âge, mais sans le qualifier de « philiatre » (comme il l’a fait dans ses écrits ultérieurs).

  5. L’Université de Paris délivrait la maîtrise ès arts, diplôme indispensable pour enseigner dans un de ses collèges et pour entrer dans l’une de ses facultés (vnote Patin 8/679).

    Les jésuites étaient certes indépendants de l’Université, mais ne confiaient probablement pas leurs écoliers à des pédagogues sans maîtrise. En outre Pecquet a fréquenté les bancs de la Faculté de médecine de Paris où il a fait la connaissance de divers régents (comme Jacques Mentel ou Pierre De Mercenne) ou étudiants (comme Samuel Sorbière), et où les auditeurs libres n’étaient guère tolérés (et encore moins autorisés à disséquer des chiens). La médisance de Riolan était donc infondée et Pecquet a dénoncé son injustice (v. supra note [5]).


Étant donné sa syntaxe barbelée, j’ai beaucoup peiné à traduire et ne suis pas certain d’avoir correctement compris toutes les invectives de Pecquet contre le vieux Riolan qui lui reprochait d’être trop jeune pour avoir droit à la parole. Il est certain que sa plume n’avait pas l’agilité requise pour briller dans ce genre d’exercice.

10.

J’y perds une fois de plus mon latin, mais Jean Pecquet paraît en appeler au témoignage d’Armand de Bourbon, prince de Conti, cousin du roi et docteur en théologie (vnote Patin 5/166), qui avait dû assister en personne à l’une de ses dissections.

11.

L’Académie française n’a admis l’adjectif xénophile (contraire de xénophobe) que dans la 8e édition de son dictionnaire (1935), mais je n’ai pas trouvé mieux pour traduire le néologisme gréco-latin de Jean Pecquet, philoxena, s’adressant ici au Danois Thomas Bartholin.

12.

Il est donc normal que le latin de Jean Pecquet soit exécrable, et que l’excuse qu’il en donne soit incompréhensible… La fin de son épître en donne une navrante démonstration.

13.

V. note [8] de l’Historia anatomica, chapitre v pour les « mots fleuris » (flosculi) et le style opaque que Thomas Bartholin a justement reprochés au latin de Jean Pecquet.

a.

Page 95, Ioan. Pecqueti Diepæi Doct. Med. Monspeliensis Nova de thoracicis lacteis Dissertatio.

viro clarissimo
thomæ Bartholino
doct. med. et in hafniensi
academia
professori regio digissimo,
anatomico peritissimo.
S.P.D.
ioannes pecquetus.

Dum parabam (Vir Clarissime)
conceptum pridem adversus maledi-
cum Riolani opus Responsum, quod
varij huc usque gravissimorum nego-
tiorum recursus interturbaverant, Ale-
thophilorum judiciis exponere, accepi tum primum
ab amico tuum de nostris Thoracicis Londinensi cha-
ractere tractatum et unà recens de prælo Parisiensi

b.

Page 96, Ioan. Pecqueti Diepæi Doct. Med. Monspeliensis Nova de thoracicis lacteis Dissertatio.

Riolanicæ contra nos pervicaciæ monimentum.
Gavisus sum apprimè tui testimonij sufflaminatum,
firmamento nostrorum experimentorum subsistere
pondus, atque adeo gravi additamento crescere : Non
enim primatus semper splendorem generat, at ultro-
neum sectantis claritudinis suffragium. Sed non parum
indolui traduci honorem tuum nec esse licitum impunè
bonorum cuilibet ab evidentissimis veritatis partibus
consistere. Non tamen est quòd te miserum ex Rio-
lanicæ
mordacitatis insultibus putem : nam Polluci
quæ gloria si non in Amycum incidisset ? obstaculo
fluvius attollitur, nec sine offendiculo silices scintilla-
rent. Incentivum nobis ad virtutem est, quod ab uni-
versorum, quotquot in anatomicis docti audiunt, vel-
licatore Riolano impetimur ; nec est quod privatis
querimoniis defleamus incommoda, quæ omnibus in-
cumbunt in solidum toleranda.  ; Et veró quid speres,
imo quid ab eo non expectes mali, qui tam insanire
suammet, quam veneror Parisiensem Academiam
pronuntiare, idque scriptis, audeatut quem in Ar-
tibus magisterij laureâ dignum et iudicavit ipsa, et
(ut publicis qualia exhiberem convincitur instru-
mentis) insignivit, Monstro habere non dubitet, si
quid ad veritatis lucem inventi vel peritissimorum
in eadem Medices Professorum præconio stabilitum,

c.

Page 97, Ioan. Pecqueti Diepæi Doct. Med. Monspeliensis Nova de thoracicis lacteis Dissertatio.

Riolano repugnante manifestaverit. Risi tamen,
veriùs dixero, misertus sum tot palmarum gladiato-
rem tam debiles ictus incutere, ruere Andabatarum
instar et Polyphemicâ plusquam iracundiâ densas
scommatum moles in securum Vtin (id est non im-
punè contemptum Vlyssem) porricere. {a} Possem profe-
ctò, nec ita nos hoc tempore fortuna reliquit in lo-
cutuleïum senem confossorij {b} sermonis stylum arripe-
re ; Verùm decedit non recalcitrat eques pecori cal-
citranti ; sævientem ad amœnitatem lucis Cerberum
Tirynthius non trinodi robore traxit, sed miti edu-
lio : ac (ne mihi juvenculo, ut vocat, Fabularum
usum capularis indignetur) sapiens Medicus ægri mi-
seratur insaniam non ulciscitur ictus ; Nec laudabi-
lis defensio est quæ injuriam propulsat opprobrio. Quod
mihi tamen post septem meæ vitæ lustra inventutem {c}
ac prope adolescentiam, ne pueritiam dicam aut in-
fantiam improperet, multiplici commiseratione di-
gnum existimo : Et quia id ætatis nondum aptam
scribendo inventutem {c} vocat ; et quia sapientiam
computat annorum numero ; et quia immemorem se
præstat eligentis infima, ut fortia quæque confundat,
atque adeo non semel senum judices populique sui pa-
stores pueros constituentis ; et quia senex juvenem
nititur amarulentis verbis obruere, non moderatis


  1. Sic pour : projicere.

  2. Sic pour : confossioris.

  3. Sic pour : juventutem (errata).

d.

Page 98, Ioan. Pecqueti Diepæi Doct. Med. Monspeliensis Nova de thoracicis lacteis Dissertatio.

demulcet, nec laude vel immeritò incitat ad laborem,
atque ita non sinit ad veritatem parvulos accedere.
Philiatri mihi nomen exprobrat et ex laudabili vo-
cabulo grandem meæ existimationi sperat infamiam :
quasi meritò ex Philosophiæ modesto nomine sa-
pienti cuilibet oriatur opprobrium, et ipsi Riolano
jure quis Misiatri titulum debeat invidere. Sed
quid amabo te ad Lacteas ? Philiater fui dum scri-
bebam, ergo (concludet Riolanus) scripsisse crimen
est, ergo Thoracicas non inveni. Atqui tales habeo re-
pertarum testes, quos non nisi flexi poplitis et pronæ
frontis obsequio Riolanus accesserit. Sed frustra
poscitur testium fides, nec sine culpa in veritatis opem
Armanda Borboniorum Celsitu-
do
, ubi penitùs illa stat penes oculum dubitantis.
Cæterum in Philoxenæ Galliæ ex horrida nostratum
ingeniis Riolanicæ contra te rusticitatis turpitudine
purgationem, et utriusque solatium et amorem, hoc
qualecunque est tibi opusculum do, dico, ad-
dico
. Do, inquam, ut amantem ; Dico, ut ob-
servantem, Addico, ut emendari cupientem prorsus
intelligas. Non eo quidem ambitu ; ne, quò te Rio-
lanus
urgere nititur, metuendos sagacitatis, quam
dudum eximiam in te miratus sum, sentiam ictus ;
verùm ut omnibus planum fiat, quanto dignum cultu

e.

Page 99, Ioan. Pecqueti Diepæi Doct. Med. Monspeliensis Nova de thoracicis lacteis Dissertatio.

judicem, qui non Riolanico more, quod in juven-
tute perperam didicit, in senectute confiteri non vult,
sed integerrimi consoris instar, soli veritati novit par-
cere. Nec enim tibi gratulor minùs dictionis meæ (ut
cætera prætermittam) obscuritatem perstringenti,
quàm inventum nostrum confirmanti ; æquus utrin-
que laudem mereris. Et quamvis possim hominum
ingenium acriori studio incumbens in ea, quæ intellectu
magis ardua sunt, veram affectati causam involucri
prætendere ; Verumtamen ingenuè fatebor scriptis meis
deesse plurima, quæ auctorem soleant commendare
cùm privato defectu, tum patriæ. Nam quoniam est
ea Galliæ consuetudo, pene dixi calamitas, ut vix im-
punè quis apud Magnates nostros in Latinas voces
linguam expediat ; neglectis extraneis coluntur ver-
naculæ et ex loquendi insolentiâ, orationis vitia sca-
turiunt. Faxo tamen, ut, quandoquidem simplex est
gratia veritatis, nullis imposterum verborum, ut vo-
cas, flosculis obveletur. Reverà imperfectam pulchri-
tudinem arguit ornamentum : nec syncerè decorum
est, quod adventitiâ indiget venustate. Sed ne gene-
rosas tui temporis impensas tædula meæ verbositatis
prolixitas ad inutile diverticulum derivet ulteriùs,
querulum voto concludam epistolium ; ut, veluti con-
ceptum ex subitis perituri mos cremij flammis pyra

f.

Page 100, Ioan. Pecqueti Diepæi Doct. Med. Monspeliensis Nova de thoracicis lacteis Dissertatio.

circumstantibus calorem insinuat, ita nos ex repen-
tinâ Riolanicæ invidiæ indignatione succensi mu-
tuis tum demum, sed amicis Anatomici ac forsitan
universi orbis commodum ardoribus consumatur.
Vale.

                 Datum Monspelij Kal. Ian. Incarn. 1654.


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Jean Pecquet, Nova de thoracicis lacteis Dissertatio (1654) : Épître dédicatoire

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(Consulté le 11/12/2025)

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