Texte
Hyginus Thalassius (1654)
alias Pierre De Mercenne,
Brevis Destructio de la
première Responsio (1652)
de Jean ii Riolan (1654) :
chapitre ii  >

[Page 188 | LAT | IMG]

Riolan condamne injustement la découverte des lactifères thoraciques parce que le premier à les découvrir a été un jeune homme, et il écarte ainsi à tort la jeunesse de la science[1][2]

Grande est la force de la science, déclare Riolan au tout début de sa Responsio[3] en présageant que, pour son assaut non moins puissant que singulier, il aura raison de craindre l’opprobre et le mépris de la Faculté de médecine de Paris, dont il est le plus ancien des collègues, [4][5] parce qu’il engage le combat contre les Experimenta anatomica nova[6] Tout comme il s’est précédemment attaqué au très savant Harvey, en s’opposant aux très manifestes preuves de la circulation du sang que ses nombreuses observations lui ont fournies, [7] il conteste ce livre avec tout autant de conviction et met en pièces ce qui y est dit des voies thoraciques du chyle[8] Quelle gloire, autre que vaine et factice, Riolan en tire-t-il pourtant, et quel profit peut-il en attendre, quand il déracine les fondements [Page 189 | LAT | IMG] de toute la certitude médicale et désapprouve le plus solide étalon qui donne accès à la découverte de la vérité ? [1] Il est le jouet de sa propre espérance et quiconque navigue contre le vent et le fort courant d’un fleuve est toujours repoussé vers le port d’où il est parti : contra naturam nitentibus non alia via est quàm contra aquam remigantibus, dit Sénèque ; [9] et pour Cicéron, neque aliud est Gigantum modo bellare cum diis, nisi repugnare naturæ[2][10][11] Rien n’est pourtant plus inconvenant que lutter contre la nature et l’expérience, puisque l’une est l’expression de l’autre. Je n’entends pas la nature inconnue, silencieuse, impénétrable et noyée dans le puits de Démocrite, [12] qui cache ses œuvres au plus profond de son sein ; mais celle qui s’expose manifestement aux regards de tous et qui s’ouvre à l’examen assidu des observateurs les plus zélés. Voilà les bien funestes auspices sous lesquels Riolan s’est attaqué aux Experimenta nova anatomica qu’a publiées Pecquet. Les multiples observations de ce sagace jeune homme ont révélé que le chyle, ou suc blanc que vient d’engendrer la digestion des aliments dans le ventre, monte dans deux canaux situés de part et d’autre de la cavité thoracique. Sans autre intention que d’aider ceux qui viendront après lui, il a décrit une réalité que ni la médecine ni la physique n’avaient jusqu’ici révélée à aucun mortel. En prenant la nature pour maître, il a écrit que les anatomistes et les philosophes de tous les siècles qui l’ont précédé se sont trompés et que cette partie de la physiologie animale avait entièrement échappé à leurs regards. Puisque la dissection[13] à elle seule, force les incrédules à reconnaître la vérité de tout cela, c’est en vain que le vindicatif Riolan s’y oppose en menaçant Pecquet du fouet de sa censure ; c’est donc tout aussi vainement que sa préface entreprend de le confondre en l’accusant d’arrogance et d’impudente forfanterie, mais surtout en ajoutant que, pour attiser leur jalousie, il a bravé tous les anatomistes, sans épargner Riolan, dont il déchire les opinions sur les veines lactées. [3][14]

[Page 190 | LAT | IMG] À vrai dire, si Riolan s’est permis de clamer et vanter sa science en maints endroits de ses livres, n’a-t-il pas dépassé les bornes de la modestie quand il s’est établi comme le plus puissant athlète de l’anatomie, et même comme un roi capable de rivaliser avec Alexandre le Grand ? [4][15] Comment ne pas tenir cela pour une éclatante, mais orgueilleuse et insolente proclamation de la vérité nouvelle, sauf peut-être à penser qu’un homme, tel le Soleil chassant les ténèbres, éclaire désormais une antique erreur en ne voulant rien apprendre de nouvelles recherches, car il croyait tout savoir et semble tacitement admettre son coupable et très long aveuglement ? [16]

Pour autant, Pecquet ne se glorifie pas de sa découverte, dont il confesse humblement et chrétiennement qu’il l’a reçue comme un présent de la divine Providence, dévoilant un splendide trésor à un ignorant. [5] Il ne fait pas non plus injure à tous les anatomistes quand il attribue leur ignorance à l’infortune de l’humaine condition plutôt qu’à leur négligence : homines genitos omnia humana non novisse, et haud ullo in genere venia justiore, dit Pline [6][17] Voilà pourquoi, en tant d’universités d’Europe, maints anatomistes professent et dissèquent désormais en faisant briller le nom de Pecquet, sans qu’aucun d’eux n’ait encore témoigné avoir été insulté par lui ; et dans leurs livres sur les lactifères thoraciques, plusieurs l’ont même publiquement félicité d’avoir hautement mérité le respect de la république anatomique : tels ont été l’insigne Danois Bartholin [18] et le Normand Guiffart[19] Riolan est le seul à se plaindre que Pecquet l’ait attaqué, alors qu’il a particulièrement souhaité l’honorer en prônant ses talents, et a écrit que son admirable perspicacité l’a placé au premier rang de notre art ; mais peut-être n’est-ce là qu’un prétexte pour justifier dignement le combat que Riolan engage contre Pecquet : Attamen non facile se lædi putat qui magnitudinem suam novit, dit Sénèque, [7][20] [Page 191 | LAT | IMG] et je ne vois guère de quelles bienveillantes attentions il faudrait séduire Riolan pour gagner sa profonde estime.

Peut-être que chez cet homme, si imbu de sa propre gloire, le mépris de Pecquet s’est tant outré qu’il est devenu du dégoût, comme il a désiré le faire entendre au lecteur dans une autre partie de sa préface, où il a en effet recouru à un artifice bien connu des orateurs, en se persuadant qu’il affaiblirait et flétrirait une invention en humiliant son auteur. Son désir de rabaisser un si éminent jeune homme s’est enflé jusqu’à médire de la jeunesse tout entière, et cela le conduit à avouer que, « ramené au rang de simple soldat et sans égard pour sa dignité de vieillard partout vénéré, il descend dans l’arène » ; et chacun se demandera ici si Riolan n’aurait pas pu rajeunir, à l’instar de Pélias sous l’effet des sortilèges de quelque Médée, [8][21][22] ou s’il se serait débarrassé de sa vieillesse en ayant goûté au jus de fenouil, comme fait le serpent, au dire de Pline. [9][23] Tout homme sérieux aura pourtant pensé que son jeu ressemble plus à la manière dont les flèches qu’on tire dans le sol rebondissent pour atteindre la tête de l’archer, tout comme la force d’un coup porté contre une vérité établie affaiblit à tout jamais la dignité de l’agresseur. Comment celui qui s’est une fois volontairement dépouillé de sa dignité de vieillard s’attend-il à ce que les lecteurs aient ensuite quelque respect pour ses ans et ses rides ? Comment estime-t-il élégants les lieux communs qu’il débite pour prouver que la jeunesse est inapte aux sciences, et qu’elle doit être détournée et même vivement chassée de leur étude, alors que tous les philosophes vénèrent cet âge et que leur discipline en est plus avide que toutes les autres ? [10] Ainsi juge-t-il les jeunes, ainsi les encourage-t-il, sans craindre, quand il les appelle à dormir et à se délasser dans l’oisiveté, que la volupté et les mauvaises études ne corrompent en eux ce qu’ils ont de vivacité et d’énergie. [11][24]

Riolan ajoute que cet âge n’a aucun attrait pour la science, mais [Page 192 | LAT | IMG] sans le justifier. Qui donc éveillerait l’intelligence des jeunes si seuls les vieux en étaient dotés ? Je dirais même que les jeunes gens sont bien plus à même d’extraire la vérité des hypothèses que procurent les sens car les leurs bourgeonnent quand ceux des vieillards se fanent. En outre, l’esprit de jeunes est fort semblable à une table rase, les préjugés y font moins obstacle à la découverte du vrai. Ils sont plus aptes à tous les métiers que les vieux. Veterana difficile est reformare (lois prescrites dans l’Édit sur l’édilité[12][25] Sénèque, lettre cviii : Iuvenes possumus discere, possumus facilem animum et adhuc tractabilem ad meliora convertere : quia hoc tempus idoneum est laboribus ; idoneum agitandis per studia ingeniis ; le reste de l’existence est plus paresseux et languissant, subeunt morbi tristisque senectus[26] Nec quælibet insitionem vitis patitur, si vetus et exesa est, aut non recipiet surculum, aut non alet[13] Si Riolan se délecte de ses rides jusqu’à estimer que seuls les vieillards savent penser, qu’il détruise donc ce qu’un jeune a écrit, qu’il brûle les bibliothèques, qu’il livre aux flammes les livres anciens et modernes, en ne concédant son pardon qu’aux très rares que des vieillards ont publiés ! Et si tout cela ne l’a pas convaincu, il peut envier les jeunes, ce qui est un vice ordinaire aux vieillards, selon Aristote, Rhétorique, livre ii, chapitre x ; [14][27] qu’il pense enfin que le Verbe et l’éternelle sagesse de Dieu n’ont pas vieilli sur terre, et qu’il ne méprise pas l’âge du Sauveur qu’il a donné au genre humain. [15]

Riolan a mis en avant l’opinion de Platon sur l’inconstance des jeunes gens, et celle d’Aristote, selon laquelle leur particularité est de penser tout savoir ; mais il n’a guère loué l’intelligence de la nature chez les vieillards dans le livre ii, chapitre xiii, de sa Rhétorique, où il a dit : Neque affirmant aliquid et longe minùs omnia quàm oportet, et putant ; sciunt autem nihil et [Page 193 | LAT | IMG] controversantes adjungunt semper forsan et fortasse, et omnia dicunt sic asservanter autem nihil, et malorum morum sunt. Est enim κακοηθεια omnia in pejus interpretari[16] Chez l’adolescent et le jeune adulte, Platon n’a blâmé que l’inconstance à comprendre ; c’est en effet vers l’âge de trente ou trente-cinq ans que la jeunesse s’épanouit en tout son éclat ; force et intelligence se mêlent harmonieusement, et déjà s’est assagie la brûlante et excessive ardeur du sang, qui donnait naissance aux mouvements précipités de la pensée ; une assez longue expérience lui a édifié un esprit que la nouveauté des choses ne renverse plus si aisément et ne déracine plus de ses assises. C’est au milieu de leur vie, aurais-tu dit, que les hommes philosophent véritablement. C’est alors que le tempérament du cerveau atteint son plus haut degré de perfection ; étant à la fois sec et chaud, mais avec une certaine modération, il accède à l’âge de la stabilité, et engendre les esprits animaux [28] les plus purs, les plus lucides et les plus abondants, et de là naissent les plus brillantes fonctions des sens, de l’imagination et de la pensée. Le cerveau des vieillards est au contraire plus froid car la chaleur innée y décline, [29] il est surchargé d’excréments humides, il souffre d’une pénurie d’esprits, et il s’imprègne sans discernement de l’apparence des sensations qui y affluent. Cela fait que les vieux regardent ce qui est fort éloigné sans voir ce qu’ils ont sous les yeux ; oublieux du présent, ils ne vivent, selon Aristote, qu’en se souvenant du passé, et ne peuvent tirer profit que du savoir acquis durant leur jeunesse. [17] Risit poëta conversam in cineres facem, alii contemnunt spinam cum cecidere rosæ[18][30][31] Je suis pourtant bien loin de penser ainsi et que nul ne me reproche de vouloir, comme on dit, sexagenarios de ponte dejicere[19] Fidèle au précepte de l’Apôtre, [32] je vénère les vieillards comme mes parents, dont nullum numen abest, si sit prudentia ; [20][33] mais je n’ai dit tout cela que pour bien montrer comment, [Page 194 | LAT | IMG] si les défauts de la vieillesse n’éclipsent nullement la parfaite sagesse de tous les vieillards, les défauts de la jeunesse ne diminuent en aucune façon l’ingéniosité des jeunes gens. C’est à tout âge que les plus belles découvertes des sciences sont mises au jour, louées, admirées. L’autorité divine le confirme (Sagesse 4:8) : Senectus venerabilis est, non diuturna, neque annorum numero computata ; cani autem sunt sensus hominis[21][34] Saint Jérôme en a donné cette interprétation dans sa lettre à Paulin sur l’institution du moine : Noli nos annorum æstimare numero, nec sapientiam canos reputes, sed canos sapientiam, attestante Salomone. Cani hominis prudentia ejus[22][35][36] Certains vieillards pensent que la sagesse vient avant les cheveux blancs, nec reputantur senectæ anni in pœnam vivacis, dit Pline ; Cicéron, après Euripide, appelle la vieillesse onus Æthnâ gravius, où souvent l’esprit chancelle comme l’habitant in ædificio ruenti et putrido [23][3][38] Puisse donc Riolan cesser de tourner la découverte de Pecquet en dérision comme étant puérile, sous prétexte de son âge !


1.

Hyginus Thalassius reprenait en le déformant le début de la première Responsio de Jean ii Riolan, qui le lui a reproché : v. notes [2][3] de ses Responsiones ad Pecquetianos, 3e partie.

Ma traduction a laborieusement interprété le latin de tout ce chapitre, dont la syntaxe et les élisions sont déroutantes. La gaucherie de Pierre De Mercenne, même dissimulé derrière le pseudonyme d’Hyginus Thalassius, tient probablement à son audace d’attaquer aussi délibérément le très vénérable premier maître de la Compagnie médicale parisienne, dont Petrus de Mersenne n’était (sur le tableau du 20 novembre 1653, Commentaires F.M.P., tome xiv, page 68) que le 82e des 110 docteurs régents.

2.

Certain (mais bien à tort) que les critiques de Jean ii Riolan étaient entièrement infondées, Hyginus Thalassius citait deux philosophes latins antiques pour dénoncer l’inanité de sa première Responsio.

3.

Une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie à la page 139 de la première Responsio de Jean ii Riolan.

4.

Une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie à la Ioannis Riolani Responsio ad Harvei primam exercitationem anatomicam de Circulations Sanguinis (Paris, 1652), chapitre xi et dernier, Conclusio Operis, cum actione gratiarum ad Harveum [Conclusion de l’ouvrage, avec remerciements à Harvey], pages 55‑56 :

Expectauit Harvevs Athletam versatum in Anatomicis et Professorem, cum quo ipsemet Professor rei Anatomicæ disputaret. Sic Alexander Magnus noluit in arenam descendere ad pugnandum, nisi cum Regibus ; nunc siue Victus, siue Victor discendam à certamine, gloriabor de Circulatione Sanguinis disputasse contra Harvevm, Inventorem, et Authorem Circulationis, necessariæ ad vitæ conseruationem. Trophæum ferre me à forti viro pulchrum est ; sin autem et vincar, vinci à tali, nullum est probum, inquiebat atticus antiquus poëta. Vnicuique grata est sua sponsa, tibi tua, mihi mea ; Sed iudicium penes Lectorem erit in Anatomicis eruditum. Interea lubenter dissimulabo cauillationes tuas, ab amico forsan irritato effutitas, quid enim aliud laudare et lædere, quàm fumum dare naribus, et thuribulo ipsas offendere ; fascinatio est laudentis, simulque imprecantis. Itaque præfiscine dicam,

Quod si ultra placitum laudaris, Bacchare frontem
Cingito, ne Medico noceat mala lingua.

[Harvey attendait qu’un athlète de poids, qui enseignait l’anatomie, débattît avec lui car lui-même professe cette matière : ainsi Alexandre le Grand n’a-t-il voulu descendre dans l’arène que pour se battre contre un roi. {a} Que je sorte vainqueur ou vaincu de ce duel, je me glorifierai d’avoir argumenté contre Harvey, qui a découvert la circulation et écrit qu’elle était nécessaire au maintien de la vie. Trophæum ferre me à forti viro pulchrum est ; sin autem et vincar, vinci à tali, nullum est probum, {b} disait un ancien poète grec. Chacun chérit sa fiancée, vous la vôtre, moi la mienne ; mais en anatomie le jugement appartiendra au lecteur averti. Cela dit, je tairai volontiers les railleries que vous avez amicalement répandues contre moi, peut-être sous l’effet de la colère, car louer et blesser n’est rien d’autre que jeter de la fumée par le nez et se battre à coups d’encensoir ; il y a autant de charme à flatter qu’à maudire. Aussi dirai-je, sans vouloir offenser personne :

Quod si ultra placitum laudaris, Bacchare frontem
Cingito, ne Medico noceat mala lingua
.] {c}


  1. Selon certains récits, Alexandre le Grand (vnote Patin 21/197) aurait lui-même tué le roi de Perse Darius iii après l’avoir vaincu à la bataille de Gaugamèles (330 av. J.‑C.).

  2. Ce sont deux vers du tragédien latin (et non grec) Lucius Accius du iieier s. av. J.‑C., que Macrobe a rapportés (Saturnales, livre vi, i) :

    Accius in Armorum iudicio,

    “ Nam tropaeum ferre me a forti viro
    Pulchrum est : si autem vincar, vinci a tali nullum est probrum. ”

    [Accius, dans Le Jugement des armes :

    « Il serait beau pour moi de gagner un trophée sur un homme courageux ; mais si je suis vaincu, je n’aurai pas de honte à l’être par un homme de sa valeur. »]

  3. « Si vous me louez à m’en dégoûter, couronnez-moi alors de baccar {i} pour que sa langue venimeuse ne nuise pas au médecin que je suis » : imitation de Virgile, Bucoliques, vii, vers 27‑28. {ii}.

    1. Plante antique sur laquelle Jean-Baptiste Du Molin a copieusement glosé (Flore poétique ancienne de, Paris, 1856, pages 193‑204) : dans la circonstance, elle « dégageait un parfum propre à détourner les maléfices ». Vigile a néanmoins pu simplement recourir à baccar pour ne pas répéter hereda (lierre, dont on tresse des couronnes de gloire), qu’il avait employé deux vers plus haut.

    2. Avec remplacement de ne vati noceat mala lingua futuro [pour garantir un futur poète de sa langue venimeuse] par ne medico noceat mala lingua : Virgile, « futur poète », s’adressait au jaloux Codrus ; Riolan, médecin, s’adressait à Harvey.

5.

Une note marginale renvoie au chapitre ii des Experimenta nova anatomica, page 4 (premier paragraphe), mais la citation d’Hyginus Thalassius n’est pas textuelle, ce qui explique ma traduction différente.

6.

Une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie au chapitre i des Experimenta nova anatomica, page 3 (deuxième paragraphe), mais Jean Pecquet n’a nulle part cité Pline l’Ancien disant que « les hommes ne connaissent pas toutes les choses humaines, et nulle part l’indulgence n’est plus de mise » : Histoire naturelle, début du livre iii, que Jean ii Riolan a repris dans son Anthropographie (1649, page 35), v. notule {g}, note [9], chapitre i de la Brevis Destructio.

7.

« Pourtant, qui connaît sa propre grandeur peine à se convaincre qu’on l’a blessé », abrégé de Sénèque le Jeune, De la Constance du sage, chapitre x :

Sapiens autem a nullo contemnitur, magnitudinem suam novit nullique tantum de se licere renuntiat sibi et omnis has, quas non miserias animorum sed molestias dixerim, non uincit sed ne sentit quidem

[Personne pourtant ne méprise le sage : il connaît sa propre grandeur ; il pense que nul n’a plus de pouvoir sur lui que lui-même ; non seulement il surmonte entièrement ces mots d’esprit que j’appellerais des méchancetés, mais il ne les sent même pas].

Pour justifier les bonnes intentions de Jean Pecquet à l’égard de Jean ii Riolan, une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie au chapitre i des Experimenta nova anatomica, pages 3‑4.

8.

Une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie à la préface de la Responsio de Jean ii Riolan, page 139 ; mais sans bien sûr le ricanement sur le mythe de Pélias, cruel roi d’Iolchos, dont les filles eurent le malheur de demander à Médée la Magicienne de rajeunir leur père (qui finit coupé en morceaux, v. la seconde notule {d} de la note Patin 1/1200).

9.

Pline l’Ancien, Histoire naturelle, livre viii, chapitre xli (Littré Pli, volume 1, page 334) :

Anguis hiberno situ membrana corporis obducta, feniculi succo impedimentum illud exuit, nitidusque vernat.

« Le serpent qui mue par l’effet de l’hiver se délivre de sa peau avec le jus du fenouil, et reparaît, au printemps, brillant de jeunesse. »

10.

Une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie à la préface de la Responsio, pages 139‑140, où Jean ii Riolan cite Platon, Aristote et Cicéron à l’appui de son idée que la jeunesse est inapte aux sciences (v. ses notes [10][12]).

11.

Sénèque, De la Brièveté de la vie, chapitre xviii :

Nec te ad segnem aut inertem quietem voco : non ut somno, et caris turbæ voluptatibus, quidquid est in te indolis vivæ demergas. Non est istud adquiescere.

[Ce n’est pas à un repos plein d’indolence et d’inertie que je te convie. Ce n’est ni dans le sommeil ni dans les voluptés chéries de la foule que je veux te voir ensevelir tout ce qu’il y a en toi de vivacité et d’énergie. Ce n’est pas là se reposer].


  1. Sénèque s’adresse à son beau-père Paulinus, qui aspire à une paisible retraite.

12.

Codex Justinien, livre xxi, 1, 37, Ulpianus libro primo ad edictum ædilium curulium [Ulpien, au livre premier sur l’édit des édiles curules], {a} à propos des ventes d’esclaves :

Præsumptum est enim ea mancipia, quæ rudia sunt, simpliciora esse et ad ministeria aptiora et dociliora et ad omne ministerium habilia : trita vero mancipia et veterana difficile est reformare et ad suos mores formare.

[On présume en effet que les esclaves non formés {b} sont plus naïfs, plus aptes et dociles aux travaux, et habiles à toute fonction ; tandis qu’il est difficile de corriger les esclaves aguerris et vétérans, et de les habituer aux mœurs de leur maître]. {c}


  1. Ulpien est un juriste romain du iiie s. Les édiles étaient des magistrats municipaux, ceux qui étaient issus de la noblesse étaient dits curules.

  2. Appelés novicia (neutre pluriel), ils devenaient veteratores (masculin pluriel) après une année de servilité.

  3. Hyginus Thalassius ne craignait vraiment pas les comparaisons scabreuses quand il s’agissait d’accabler Jean ii Riolan.

13.

« “ Étant jeunes, nous pouvons apprendre, nous pouvons tourner vers le bien un esprit encore souple et docile ; parce que cet âge est propice aux travaux, propice à agiter l’intelligence par l’étude. ” […]  “puis viennent les maladies et la triste vieillesse. ” {a} “ Toute vigne n’admet pas la greffe : si le cep est vieux ou ruiné, il rejettera le drageon, ou ne pourra pas le nourrir. ” » {b}


  1. Virgile, Géorgiques, livre iii, vers 66‑67 :

    Optima quæque dies miseris mortalibus ævi prima fugit ; subeunt morbi tristisque senectus.

    [Pour les misérables mortels, les meilleurs jours de la vie sont les premiers à fuir ; puis viennent les maladies et la triste vieillesse].

    Hyginus Thalassius a plus haut emprunté à la Lettre cviii à Lucilius, où Sénèque le Jeune commente le premier des deux vers de Virgile, en se demandant Quare optima ? [Pourquoi « les meilleurs » ?], avec cette réponse :

    [Parce qu’étant jeunes, nous pouvons apprendre, nous pouvons tourner vers le bien un esprit encore souple et docile ; parce que cet âge est propice aux travaux, propice à agiter l’intelligence par l’étude].

  2. Sénèque le Jeune, Lettre cxii à Lucilius.

14.

Aristote, loc. cit., chapitre intitulé De l’envie, § ix (traduction de Ch. Émile Ruelle, 1922) :

« De même à ceux qui possèdent ou se sont procuré tels biens qu’il nous eût été convenable de posséder, ou que nous possédions jadis ; c’est ce qui fait que les vieillards portent envie aux jeunes gens. »

15.

Dans la foi chrétienne, Jésus-Christ a incarné le Verbe divin qui procure le salut aux hommes ; sa vie publique a occupé les trois années qui ont précédé sa mort et sa montée aux cieux vers l’âge de 33 ans.

16.

Aristote, loc. cit., Des mœurs de la vieillesse : {a}

Και οιονται, ισασι δε ουδεν. και αμφισβητουντες προσιθεασιν αει το ισως, και ταχα·και παντα λεγουσιν ουτω, παγιως δε ουδεν. Και κακοηθεις εισιν· εστι γαρ κακοηθεια, το επι το χειρον υπολαμβανειν απαντα.

« Ils n’assurent rien et en tout, ils font moins qu’il ne faut. Ils pensent, ils ne savent pas ; dans leur irrésolution, ils ajoutent toujours “ peut-être, il peut se faire ”. Ils disent tout ainsi et n’affirment rien. Ils sont malicieux, car la malice consiste à prendre tout du côté pire. » {b}


  1. La traduction latine est celle de Guillaume Du Val, Aristotelis Opera omnia (vnote Patin 3/1462), édition de Paris, 1654, tome troisième, page 769, avec une fin un peu différente : Esse autem malorum morum, significat omnia in peius interpretari.

  2. Traduction française de Norbert Bonafous, Paris, 1856, page 211.

17.

V. note [11], préface de la première Responsio de Jean ii Riolan pour sa référence non éclaircie à Platon. Je n’ai pas non plus trouvé où Aristote a tenu les propos que lui prêtait Hyginus Thalassius sur les tempéraments du cerveau et les esprits animaux (influx nerveux) qu’il engendre, mais cela m’a mené au § 6, chapitre i de son traité sur la Mémoire et la Réminiscence (traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, 1847) :

« Ici l’on pourrait se demander comment il se fait que la modification de l’esprit étant seule présente, et l’objet même étant absent, on se rappelle ce qui n’est pas présent. Évidemment on doit croire que l’impression qui se produit par suite de la sensation dans l’âme, et dans cette partie du corps qui perçoit la sensation, est analogue à une espèce de peinture, et que la perception de cette impression constitue précisément ce qu’on appelle la mémoire. Le mouvement qui se passe alors empreint dans l’esprit comme une sorte de type de la sensation, analogue au cachet qu’on imprime sur la cire avec un anneau. Voilà pourquoi ceux qui par la violence de l’impression, ou par l’ardeur de l’âge, sont dans un grand mouvement, n’ont pas la mémoire des choses, comme si le mouvement et le cachet étaient appliqués sur une eau courante. Chez d’autres, au contraire, qui en quelque sorte sont froids comme le plâtre des vieilles constructions, la dureté même de la partie qui reçoit l’impression empêche que l’image n’y laisse la moindre trace. Voilà pourquoi les tout jeunes enfants et les vieillards ont très peu de mémoire. Ils coulent en effet, les uns parce qu’ils se développent, les autres parce qu’ils dépérissent. De même encore ceux qui sont trop vifs et ceux qui sont trop lents n’ont ordinairement de mémoire ni les uns ni les autres : ceux-ci sont trop humides, et ceux-là sont trop durs ; par conséquent, l’image ne demeure point dans l’âme des uns et n’effleure pas l’âme des autres. »

18.

« Le poète rit de la torche réduite en cendres, {a} et d’autres méprisent l’épine quand la rose est tombée. » {b}


  1. Horace, Odes, livre iv, xiii, vers 22‑28, se remémorant les charmes de deux femmes, Licé et Cinara :

            Sed Cinaræ brevis
    annos fata dederunt,
    servatura diu parem
    cornicis vetulæ temporibus Licen,
    possent ut iuvenes visere fervidi
    multo non sine risu
    dilapsam in cineres facem
    .

    [Si la mort a tôt emporté Cinara, elle a longtemps épargné Licé, dont l’âge égale celui d’une vieille corneille, afin que les ardents jeunes gens ne voient sans en rire une torche réduite en cendre].

  2. Ovide, Fastes, livre v, vers 355 : Contemni spinam, cum cecidere rosæ [On méprise l’épine quand la rose est tombée].

19.

Vnote Patin 5/1313 pour l’adage romain antique recommandant de « jeter les sexagénaires par-dessus le pont ».

20.

« aucune divinité n’est éloignée puisque la sagesse les guide », Juvénal, Satire x, vers 365 (dans une des interprétations qu’on peut lui donner).

L’allusion à l’Apôtre, c’est-à-dire à saint Paul, pourrait renvoyer à son Épître aux Éphésiens (6:23) : « “ Honore ton père et ta mère ”, tel est le premier commandement, accompagné d’une promesse : “ afin que tu sois heureux et que tu vives longtemps sur la terre. ” »

21.

« La vieillesse honorable n’est pas celle que donnent de longs jours, elle ne se mesure pas au nombre des années ; la sagesse tient lieu pour l’homme de cheveux blancs. »

22.

Saint Jérôme, lettre xxvii, à Paulin : {a}

Noli igitur, frater charissime, annorum nos æstimare numero, nec sapientiam canos reputes, sed canos sapientiam, attestante Salomone : “ Cani hominis prudentia ejus. ”

[Refuse donc, mon très cher frère, de me juger au nombre de mes ans, ni de prendre les cheveux blancs pour signes de sagesse ; mais crois qu’on a les cheveux blancs dès qu’on est sage, comme dit Salomon : « La prudence de l’homme lui tient lieu de cheveux blancs. »]


  1. Paulin (Meropius Pontius Paulinus, Bordeaux vers 353-431), saint évêque de Nole (Campanie), a été l’un des fondateurs du monachisme chrétien.

23.

« et “ on ne compte pas les années de la vieillesse, qui vit pour souffrir ”, dit Pline ; {a} Cicéron, après Euripide, appelle la vieillesse “ un poids plus lourd que celui de l’Etna ”,  {b} où souvent l’esprit chancelle comme l’habitant d’“ un édifice vermoulu et prêt à s’écrouler. ” » {c}


  1. Pline l’Ancien, Histoire naturelle, livre vii, chapitre li (Littré Pli, volume 1, pages 306‑307) :

    Incertum ac fragile nimium est hoc munus naturæ, quidquid datur nobis : malignum vero et breve etiam in his, quibus largissime contigit, universum utique ævi tempus intuentibus. Quid quod æstimatione nocturnæ quietis, simidio quisque spatio vitæ suæ vivit ? Pars æqua morti similis exigitur, aut pœnæ, nisi contigit quies. Nec reputantur infantiæ anni, qui sensu carent : non senectæ, in pœnam vivacis.

    « La vie, ce présent de la nature, quel qu’il soit, n’est que trop incertaine et fragile ; et même elle est accordée d’une main avare à ceux qui en jouissent le plus longtemps, si on considère l’éternité. Évaluons aussi le repos de la nuit, et nous verrons que chacun ne vit que la moitié du temps de sa vie ; l’autre moitié se passe dans un état semblable à la mort, ou dans le tourment, si le sommeil ne vient pas. On ne compte pas non plus les années de l’enfance, qui ne se connaît pas, < ni > de la vieillesse, qui vit pour souffrir. »

  2. De la Vieillesse, chapitre ii, paroles de Scipion à Caton :

    Tum vel maxime quod numquam tibi senectutem gravem esse senserim, quae plerisque senibus sic odiosa est, ut onus se Ætna grauius dicant sustinere.

    [Jamais je n’ai le sentiment que la vieillesse te pèse, alors qu’elle est si odieuse à la plupart des vieillards qu’à les entendre, on les croirait accablés sous un poids plus lourd que celui de l’Etna].

    Euripide (vnote Patin 16/0290), Hercule furieux, chœur, vers 637‑639 :

    « La jeunesse me charme, mais la vieillesse, fardeau toujours plus lourd que les rochers de l’Etna, pèse sur ma tête et étend sur mes paupières un voile ténébreux. »

  3. Sénèque, Lettres à Lucilius, épître lviii :

    Non relinquam senectutem, si me totum mihi reservabit ; totum autem ab illa parte meliore ; at, si cœperit concutere mentem, si partes ejus convellere ; si mihi non vitam reliquerit, sed animam ; prosiliam ex ædificio putrido ac ruenti.

    [Je ne renoncerai pas à la vieillesse, si elle me laisse la jouissance entière de moi-même, c’est-à-dire de la meilleure partie de mon être ; mais si elle vient à ébranler mon âme et à en troubler les fonctions, si au lieu de la vie, elle ne me laisse plus que le souffle, je déserterai un édifice vermoulu et prêt à s’écrouler]. {i}

    1. Vnote Patin 51/8208, pour les avis partagés sur la mort volontaire (suicide), dont celui favorable des stoïciens (comme Sénèque).

a.

Page 188, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

Riolanum injuriâ Lactearum Thoracicarum inven-
tum damnare, quoniam primùm à juvene dete-
ctum est, illumque malo exemplo juvenilem ætatem
à scientia deterrere
.

Magnam vim esse veritatis statim suæ
responsionis initio declarat Riolanus, cu-
jus non minùs potenti quàm secreto im-
pulsu præsagit ipse, non sine ratione
Scholæ Medicæ Parisiensis cœterarum
principis seniori, {a} probro ac dedecori verendum {b} fore,
quod adversus Experimenta anatomica pugnam in-
stauret. Vt enim prius in doctissimum Harveum de
sanguinis circulatione disputans plurimarum obser-
uationum evidentissimæ experientiæ se opponit : sic
in hocce opere canales Chyli thoracicos discerpens,
eidem manifestissimè adversatur. Quam verò gloriam,
nisi inanem et falsam captare, quemnam operis fru-
ctum percipere potest ? {c} qui omnis medicæ certitudi-


  1. Traduction à mes yeux impossible sans remplacer “ cœterarum principis seniori ” par “ cæterorum collegarum principi seniori ”.
  2. Sic pour : verendum.
  3. Sic pour : non potest.

b.

Page 189, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

nis fundamenta convellit, qui firmissimum invenien-
dæ veritatis κριτηριον explodit. Luditur sua spe sem-
perque à portu repellitur, quisquis adverso flatu
contra rapidissimum flumen navigat. At contra natu-
ram nitentibus non alia via est, inquit Seneca, {a} quàm
contra aquam remigantibus : neque aliud est Ci-
cerone, Gigantum modo bellare cum diis, nisi repu-
gnare naturæ. Nihil autem discrepat experientiæ ac
naturæ reluctari. Siquidem et experientia natura est,
non hæc quidem ignota, silens, abstrusa, ac demersa
Democriti puteo, et solitudini sua opera condens :
sed palam et in oculis omnium semetipsam explicans,
ac frequenti solertiorum virorum inspectioni aperta.
Hinc patet, quàm infaustis avibus Riolanus propter
vulgata Experimenta nova Pecquetum aggressus est.
it sagax ille juvenis multiplici observatione,
Chylum, seu genitum è cibis recens ventre confectis
albescentem succum, duobus vasculis hinc et inde
per cava thoracis sursum deferri. Descripsit nullo
alio quàm posteros juvandi studio, rem ab inventa
Physica et Medicina cunctis mortalibus incomper-
tam ; naturæ magisterio edoctus, erravisse scripsit om-
nium retro sæculorum anatomicos et philosophos ; et
hac in parte naturalis animantium œconomiæ cæcutiis-
se Hæc si vera sunt, quæ ab incredulis ipsa extorque-
bit αυτοψια, frustra minacis censuræ flagello ultor à
tergo adest Riolanus ; frustra etiam inde accusationis
exordium sumit, in quo non modo arrogantiæ et in-
solentis iactantiæ Pecquetum insimulat, sed addit insu-
per, ut majorem moveat invidiam cum omnibus Ana-
tomicis insultasse, nec pepercisse Riolano, quem carpsit {b}
in venis lacteis. {c}


  1. Note marginale : Epistol. 122.

  2. Sic pour : carpit.

  3. Note marginale : Respons. pag. 139.

c.

Page 190, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

Verùm si licuit Riolano passim et ubique in suis libris
suam peritiam occinere et extollere, si modestiæ limi-
tes non egressus, se ipsum inter anatomicos fortissi-
mum Athletam constituit ; imo Regem, qui cum Ale-
xandro magno possit congredi ? {a} Num superba et inso-
lens dici debet novæ veritatis sincera prædicatio ? nisi
forsitan talem putet aliquis, quæ antiquum erro-
rem velut sol tenebras fugans, lucendo pungit, qua-
dam veluti tacitâ longævæ ignorationis exprobratio-
ne scire credentem omnia, nihilque novâ inquisitione
volentem addiscere.

Non tamen propterea superbè se effert Pecquetus,
qui humili et Christianâ confessione inventum suum
divinæ Providentiæ muneri acceptum refert, reve-
lantis imprudenti beneficium eximium. {b} Neque om-
nibus anatomicis insultat, qui non eorum incuriæ, sed
humanæ conditionis infelicitati tribuit, homines
genitos omnia humana non novisse. {c} Et haud ullo in
genere venia justior {d} inquit Plinius. Quapropter cum-
plurimi nunc in tot florentissimis Europæ Academiis
anatomen cum præclara nominis sui commendatione
profiteantur et exerceant, eorum hactenus nemo Pec-
quetum
sibi insultasse testatus est ; imo plures libris de
lacteis thoracicis ex professo conscriptis, ipsi velut de
re anatomicâ optimè merito publicè gratulati sunt.
Vt Bartholinus insignis Anatomicus in Dania, Guiffar-
tus
in Neustria. Solus Riolanus, quem præcipuè deme-
reri ac colere Pecquetus in votis habuit, quem eximiâ
sagacitate in reb. anatomicis cæteros anteijsse scripsit,
provocatum se queriritur, forsan ut honestiorem ineun-
di certaminis causam prætexat : Attamen non facile se
lædi putat qui magnitudinem suam novit, {e} inquit Se-


  1. Note marginale : In resp. ad Haru. de circul. sang. pag. 56.

  2. Note marginale : Experim. anat. c. 2. pag. 4.

  3. Note marginale : Cap. 1 pag. 3.

  4. Sic pour : justiore (dans Pline).

  5. Note marginale : Cap. 1 pag. 3.

d.

Page 191, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

neca ; nec video quibus studiis amicis concilietur,
quem summa laus provocat.

Forsan viro in suam gloriam effusissimo fastidium
istud creavit nimius Pecqueti contemptus, quem in al-
tera exordij parte lectori insinuare cupiebat, hoc enim
artificio, quod oratorum vulgus novit, ex inventoris
despectu inuentum labefactare atque extenuare sibi
persuasit. In tantum autem crevit juvenem deprimen-
di cupido, ut ideo universæ juvenili ætati maledixe-
rit : unde fatetur se ad gregarij militis officium reda-
ctum, depositâ senectutis dignitate vbique venerandâ,
in arenam descendere. {a} Hîc quæreret aliquis an cujus-
piam Medæ artibus Pelei {b} instar Riolanus juvenescere
potuerit ? an ut legitur apud Plinium, quemadmo-
dum serpens gustato fœniculo ; sic ille senectutem
exuerit ? Sed verò similius est sensisse virum gravem,
quemadmodum tela in solem vibrata, relapsu caput
projectoris feriunt : sic vim notæ veritati illatam op-
pugnatoris dignitatem perpetuò deterere. Quomo-
do autem qui lubens senili majestate semel se spolia-
vit, aliquam postea annis et rugis haberi reverentiam
à lectoribus expectat, quomodo sibi decorum putat
tot locos communes volvere, quibus scientiis ine-
ptam probet juventutem : {c} unde hæc ætas quam inter
cæteras disciplinarum rapacissimam omnes Philoso-
phi excolunt, ab earum investigatione non deterrea-
tur modo, sed prorsus arceatur. Sic instituit juve-
nes, sic iis animos addit, nec metuit dum eos ad som-
num et inertem quietem vocat, ne quidquid est in il-
lis indolis vivæ voluptate et malis artibus corrum-
patur.

Porrò nequaquam scientia ætatis affectio est, sed


  1. Note marginale : Respons. pag. 139.

  2. Sic pour : Peliæ (errata).

  3. Note marginale : Respons. pag. 139. et 140.

e.

Page 192, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

rationis opus. Quis autem juvenibus rationem eripiat,
ut solis senibus concedat ? Imò ad juvenes magis per-
tinet quæ è sensuum hypothesibus deducitur veritas,
in quibus hi acutiores vigent, ut in senibus hebescunt.
Præterea juvenum mens tabulæ rasæ similior, minùs
præjudicatis opinionibus impeditur à cognitione ve-
ri. Iuniores sunt habiliores ad quodcunque artifi-
cium, quàm Senes. Veterana difficile est reformare
L. præcipiunt. ff. De ædilitio Edicto. Iuvenes possu-
mus discere, inquit Seneca epist. 108. possumus faci-
lem animum et adhuc tractabilem ad meliora conver-
tere : quia hoc tempus idoneum est laboribus ; ido-
neum agitandis per studia ingeniis ; quod superest se-
gnius et languidius est, subeunt morbi tristisque se-
nectus. Nec quælibet insitionem vitis patitur, si ve-
tus et exesa est, aut non recipiet surculum, aut non
alet. Igitur si Riolanum adeò suæ rugæ delectent, ut
solos sapere senes arbitretur, deleat ipse, quæ juvenis
scripsit, bibliothecas comburat, veterum et recentio-
rum volumina flammis addicat, paucissimis, quæ se-
nes edidêre veniam concessurus. Et si supradictis
non persuasus, juvenibus invidere potest, quod vi-
tium senioribus familiare est, ex Arist. l. 2. Rhetoric.
c. 10. Cogitet tandem non senuisse in terris ipsum Dei
Verbum et æternam sapientiam, nec ætatem contem-
nat, quæ humano generi dedit Saluatorem.

Iuvenibus ratiocinationis inconstantiam ex Plato-
ne objicit Riolanus, {a} illorumque proprium esse ait ex
Aristotelis opinione, putare se omnia scire. Sed non
magis senibus fauet naturæ genius, quos sic describit
l. 2. Rhetoric. c. 13 ; Neque affirmant aliquid et longe mi-
nùs omnia quàm oportet, et putant ; sciunt autem nihil et


  1. Note marginale : Respons. pag. 140.

f.

Page 193, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

controversantes adjungunt semper forsan et fortasse, et om-
nia dicunt sic asservantes
{a} autem nihil, et malorum mo-
rum sunt. Est enim
κακοηθεια omnia in pejus interpretari.
Itaque de ephæbis, {b} adolescentibus, ac primâ ju-
ventutis parte, solùm intelligenda est inconstantia à
Platone damnata ; Etenim circa annum trigesimum
vel trigesimum quintum, quo tempore maximè ju-
ventus floret, egregiâ roboris et ingenij concordiâ,
jam resedit nimius et igneus sanguinis fervor, à quo
præcipites cogitationis motus oriebantur, ipsaque
mens satis longo experiendi usu edocta non ampliùs,
ita facilè rerum novitate percellitur, atque è sua se-
de dimovetur. Homines tunc verè dixeris in meri-
die vitæ Philosophantes. Tunc perfectissima est ce-
rebri temperies, calida quidem et sicca, sed cum qua-
dam moderatione ad constantis ætatis temperiem ac-
cedens, purissimos, lucidissimos et copiosissimos ani-
males spiritus gignit. Hinc sensuum, phantasiæ et
mentis functiones præstantiores. Contra verò senum
cerebrum ruente ad occasum nativo calore frigi-
dius est, atque humidis excrementis scatet, spiri-
tuum penuriâ laborat, et fluxuras statim rerum spe-
cies excipit. Vnde ut senes remotiora cernunt, pro-
xima non vident, sic præsentium obliviosi, teste A-
ristotele, vivunt solum memoriâ præteritorum, et
solum partis in juventute bonis frui possunt. Risit
poëta conversam in cineres facem. Alij contemnunt
spinam cum cecidere rosæ. Absit tamen à me is ani-
mus, nec arguat aliquis velle me, ut aiunt, sexage-
narios de ponte dejicere. Veneror ex Apostoli con-
silio senes ut parentes, in quibus nullum numen ab-
est, si sit prudentia. At ista protuli ut pateret, quem-


  1. Sic pour : asseveranter.

  2. Sic pour : ephebis (errata).

g.

Page 194, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

admodum vitia senilis ætatis nihil tenebrarum offun-
dunt senum sapientiæ omnium perfectissimæ, sic ju-
venilis ætatis vitia juvenum solertiam nequicquam
imminuere, et præclara artium inventa esse à quavis
ætate excipienda, in quavis ætate suspicienda, lau-
danda, celebranda. Hoc confirmat ipsa Dei authori-
tas Sapient. 4. v. 8. Senectus venerabilis est, non diutur-
na, neque annorum numero computata ; cani autem
sunt sensus hominis. Quod ita interpretatur Divus
Hieronymus in epistola ad Paulinum de institutio-
ne Monachi. Noli, inquit, nos annorum æstimare
numero, nec sapientiam canos reputes, sed canos sa-
pientiam, attestante Salomone. Cani hominis pru-
dentia ejus. Siquidem sunt quidam mente senes qui-
bus rerum prudentia velox ante pilos venit, nec re-
putantur senectæ anni in pœnam vivacis, inquit Pli-
nius, quæ onus æthnâ gravius à Cicerone post Euri-
pidem vocata est ; et in qua sæpe animus nutat, velut
hospes in ædificio ruenti et putrido. Desinat ergo
Riolanus Pecqueti inventum ætatis ratione velut pue-
rile in ludibrium vertere.


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Hyginus Thalassius (1654), alias Pierre De Mercenne, Brevis Destructio de la première Responsio (1652) de Jean ii Riolan : chapitre ii

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(Consulté le 09/12/2025)

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