Guillelmi
de Henaut
Doctoris Medici
origine et ordine Rothomagensis,
Clypeus.
Quo tela in Pecqueti
cor, a clarissimo viro Carolo le Noble,
collega suo, coniecta infriguntur, et eluduntur.
Ad Nobilissimum Virum Iacobum Mentelium,
Doctorem Medicum Parisiensem. [1][Bouclier
de Guillaume de Hénaut, [2] docteur en médecine
originaire de Rouen et appartenant au Collège de cette ville,
qui brise et esquive les traits que Charles Le Noble, [3]
son très distingué collègue, a lancés dans le cœur de Pecquet. [4]
Adressé au très noble M. Jacques Mentel,
docteur en médecine de Paris]. [1][5]Quelle est cette folie, très noble Monsieur ? Bella, certè horrida bella ! [2][6] Vous voyez Apollon, [7]
In sua victrici conuersum viscera dextra,
Cognatasque acies, et rupto fœdere regni
Certatum totis concussi viribus orbis.
In commune nefas, infestisque obvia signis
Signa, pares aquilas, et peila minantia peilis. [3][8]Voilà quelques années, en notre chère ville de Rouen, Pierre Guiffart, notre très docte collègue, avait consacré son courage et ses heureuses armes à revendiquer la gloire du cœur ; [4][9][10] mais voici qu’on lui tend à nouveau de fort dangereux pièges et que, de tous côtés, on l’accable d’une horrifiante moisson de flèches. Pecquet est loin et n’en a pas connaissance, urget præsentia Turni, cor sanguineam uomit animam, [5][11][12] et comme s’il était tout près de mourir, le cœur est privé de sa principale action. Il y a de quoi pleurer, aucun Machaon ne se présente, qui s’efforcerait de panser les blessures indignes de celui qui les endure et qui succombe maintenant à l’épuisement. Arma amens capio, [6][13] bien que je sois peut-être incapable de les manier, car aucune peau n’a jamais été pourvue de nerfs plus délicats que les miens ; bien que ce soit en tremblant encore que je les ose empoigner, car elles ne serviront peut-être à rien ; bien que vous puissiez, non sans raison, m’accuser de cette témérité [Pages 5‑6 | LAT | IMG] qu’Hécube a jadis reprochée à son époux,
Ipsum autem sumptis Priamum iuuenilibus armis
Vt vidit, “ Qæ mens tam dira miserrime coniux.
Impulit his cingi telis, aut quò ruis ? ” inquit.
“ Nec tali auxilio, nec defensoribus istis tempus eget. ” [7][14]La juste cause de cette guerre me portera au cœur de la mêlée, quitte à en périr. Voici mon bouclier, il me protégera et j’ai confiance en mon courage. Reconnaissez mes armes car ce sont les vôtres, vous les avez fabriquées de vos propres mains, et c’est votre minerve, invincible et toujours à la tâche, qui me les a jadis tendues. [8][15] Pour fabriquer ce bouclier, il a fallu plus d’adresse qu’en ont jadis déployée les Cyclopes, parce que sur un objet si étroit et finement marqueté sont dépeints plus de faits mémorables que n’en a décrit Virgile sur le bouclier d’Énée : [9][16][17] ici, les ancêtres de vos très nobles aïeux, mus par un merveilleux éclair de génie, inventent l’imprimerie, ce divin présent dont ils ont gratifié le genre humain ; ici aussi, la Parænesis remarquablement élégante, docte et élaborée, que vous avez publiée sur l’origine de votre illustre lignée, car elle a bien mérité pour l’éternité la gloire universelle d’avoir donné naissance à la typographie, [18] que d’aucuns avaient essayé de lui dérober, mais que vous revendiquez et lui restituez ; et voilà décrites les remarquables actions et la splendeur de vos aînés,
Quæ sibi, quæ soboli maneant decora alta futuræ. [10]Là encore, se voit comment vous avez hérité de votre illustre ancêtre le don de découvrir les secrets et les mystères enfouis dans le monde souterrain : n’étant encore qu’un imberbe Apollon, [Pages 7‑8 | LAT | IMG] un simple bachelier, mais élu archidiacre des philiatres en l’an 1629, [11][19][20] l’occasion vous fut offerte de discourir sur les lactifères d’Aselli ; [21] dans l’amphithéâtre d’anatomie, [22] vous avez alors ouvert le ventre d’un chien qu’on avait par hasard nourri, [23] et sous les regards de tous, en parvenant fort heureusement à disséquer les veines lactées jusqu’à leur terminaison, voilà qu’admiré par l’auditoire et sous ses acclamations, vous avez été le premier de tous les mortels à découvrir le réservoir du chyle. [24] Votre expérience a eu de longues suites : en 1635, ayant hautement mérité de devenir professeur de chirurgie, [25] au même endroit et dans les mêmes circonstances, vous dévoilez ledit réservoir du chyle devant une foule d’étudiants de cette discipline ; cela n’a pas manqué de témoins oculaires, comme en fit notamment foi un chirurgien parisien du nom de Fournier ; [12][26] toujours au même endroit, élu très éminent professeur des Écoles parisiennes, [13][27] en 1647 et les années suivantes, en présence de nombreux spectateurs, vous avez fréquemment dirigé des dissections que pratiquait un chirurgien dénommé Gayan ; [28] Pecquet en personne y a assisté, [29] comme en témoigne la lettre qu’il vous a envoyée, datée du 2 août 1650. Je fus présent à la plupart de ces séances, et vous nous y avez encore et encore montré du doigt le réservoir du chyle. [14] Celui qui doit vraiment beaucoup à votre heureuse découverte devrait légitimement dire, comme fit jadis Éole à Junon :
Tu mihi quodcumque hoc regni est, tu sceptra, Iovemque
Concilias, tu das epulis accumbere Divum. [15][30][31][32]Sur ce bouclier, enfin, est artistement dessiné votre portrait, il vous présente comme docteur en médecine appartenant à la plus célèbre faculté du monde [Pages 9‑10 | LAT | IMG] et son plus méritant professeur, le plus dévoué à ses élèves, la consolation des malades, l’espoir et le secours des pauvres ; comme son plus aguerri et vénérable maître, [16][33] dont les cheveux blanchissent déjà sur les livres, et qui défend la vérité nouvelle et lutte très ardemment en sa faveur ; [34] et enfin de loin le mieux disposé au parfait exercice de toutes les vertus. Pourquoi donc, très éminent Monsieur, étant armé d’un tel bouclier, devrions-nous être épouvantés par les ennemis du cœur, quand cette protection nous mettra tous à l’abri ? Enhardi par cette très solide garantie, je descends donc dans l’arène, me tenant pour assuré que votre minerve, qu’on n’a jamais assez louée parce qu’elle est munie d’un casque, d’une lance, d’une cuirasse, et que Gorgone protège son bouclier, siège au milieu du mien et elle ne me fera jamais défaut. [17][35] À la vue de cette égide, personne ne manque d’être saisi de stupeur, comme pétrifié, une sueur froide lui dégouline sur le corps, les cheveux se dressent sur sa tête et les mots s’arrêtent dans sa gorge.
Partant de la description des vaisseaux de Pecquet, qui est le sujet du présent débat, mon très savant collègue [18] commence ainsi : « Il est clair pour tout le monde que les veines lactées recueillent le chyle expulsé par les intestins, puis s’enfuit pour tomber dans le réservoir de Pecquet [36] ou dans les glandes lombaires de Bartholin ; [37] qu’il chemine ensuite dans le canal ou les canaux pecquétiens [38] et s’écoule de proche en proche dans les veines axillaires ou subclavières, [39] où il se jette dans le sang, en se mêlant indistinctement à lui ; et qu’enfin, conformément à la doctrine de la circulation, il parvient dans le ventricule sanguin droit du cœur. » [40] À cela [Pages 11‑12 | LAT | IMG] il ajoute : « Je pense pourtant que cela ne convainc pas que le cœur soit le principe de la sanguification, puisque cette expérience ne le prouve pas, et j’estime que seule une partie du chyle emprunte cette voie. » Soit dit sans l’offenser, cette expérience établit pourtant que le cœur est le principe de la sanguification, [41][42] et je fonde mon raisonnement sur le fait qu’aucune humeur louable ne gagne spontanément une partie quelconque du corps, surtout quand elle y assure une importante fonction, si ladite humeur n’est pas digérée dans et par cet organe, c’est-à-dire modifiée pour que son essence acquière un caractère nouveau qui la perfectionne : ainsi le sang veineux devient-il artériel quand il a pénétré dans le ventricule gauche du cœur ; [43] ainsi l’esprit vital devient-il animal quand il s’est enfoncé dans les secrets replis du cerveau ; [44][45] ainsi le sang, artériel comme veineux, devient-il semence féconde quand il est allé et venu dans les testicules. [46] Le sang acquiert donc la substance de la partie du corps dans laquelle il est naturellement poussé. À son propre avis, page 15, et tous les médecins en sont d’accord, le chyle est une humeur louable qui monte d’abord, et de son propre et premier élan, vers le cœur : il est donc digéré dans le cœur et par le cœur, c’est-à-dire modifié pour que son essence acquière un caractère nouveau qui la perfectionne ; et il se transforme en sang, et non en quelque autre humeur, à la fois parce que le pouvoir du chyle n’est intimement voisin d’aucune autre substance que le sang, [19] et pour d’autres raisons que j’exposerai plus bas. L’expérience présentée établit aussi que ce n’est pas seulement une partie du chyle, mais sa totalité, qui gagne le cœur, car si la nature le dérivait en partie [Pages 13‑14 | LAT | IMG] ailleurs, tout comme elle a conçu une voie pour le porter au cœur, elle en aurait établi une semblable pour qu’il aille ailleurs, par exemple au foie ; [47] or, elle a choisi de destiner les vaisseaux chylifères au cœur plutôt qu’au foie, alors qu’elle pouvait établir des canaux qui gagnent cet organe. [48] Si, pour défendre son opinion, il objecte que de mêmes vaisseaux servent parfois à produire des humeurs diverses, nous y répondrons aussitôt que, selon le même raisonnement, le chyle pourrait aussi se diriger vers le cœur sans pour autant y pénétrer, mais qu’en matière anatomique, il vaut mieux se fier à ce que voient les yeux qu’à d’inconsistantes arguties qu’un simple retour aux notions élémentaires suffit à démembrer. [20]
Comme s’il avait irréfutablement établi que seule une partie du chyle monte vers le cœur, il poursuit : [21] « Puisqu’il m’est donc permis de raisonner sur cette matière, je dirai librement que si le cœur reçoit une portion du chyle, cela ne me convainc pas qu’il possède le pouvoir de produire le sang, car les raisons présentées plus bas me font penser autrement, en établissant que cette fonction appartient au foie et en démontrant sur-le-champ que le cœur est fort peu disposé à la remplir. » Et voici ses arguments : « Si deux parties du corps qui sont de nature et de tempérament dissemblables, qui sont placées dans des endroits distincts et qui ont des parenchymes différents, avaient la même vertu agissante et pouvaient accomplir les mêmes fonctions, il en résulterait sûrement alors que l’action d’un cœur sain réparerait les dommages engendrés par un foie malade ; mais cela renverserait le dogme établi par l’ancienne médecine, [Pages 15‑16 | LAT | IMG] selon lequel la défaillance d’une partie donnée n’est réparable par l’action d’aucune autre ; et puisque, selon une règle essentielle de Galien, [49] chaque fois qu’une partie exerce une fonction qui ne lui est communiquée par aucune autre, il faut qu’elle possède un tempérament particulier qui lui permet d’accomplir ladite fonction ; la conclusion s’impose que quand existent une structure propre et un tempérament particulier, la partie qui les possède exerce aussi une fonction propre, qui ne peut être partagée par aucune autre partie. » Puisque Pecquet consentira volontiers à cette majeure, venons-en à la mineure : [22] « Comment, au nom du ciel, le cœur, dont l’action est si vigoureuse et efficace, est-il capable de convertir en sang la substance fuyante du chyle qui le traverse à grande vitesse ? Comment pourra-t-il se faire qu’une matière adopte une forme nouvelle si des dispositions préalables ne l’y ont pas convenablement préparée ? Qui dirait qu’un instant de contact avec le cœur suffit, en un seul passage, à modifier le chyle qui s’y rue à grande vitesse, de manière qu’il engendre soudainement du sang ? Pour qu’une telle transformation ait lieu, il est absolument nécessaire que le chyle soit retenu dans le cœur et y séjourne pendant le temps suffisant pour la rendre possible ; ou alors il faut tout à fait contredire le philosophe [50] qui, entre autres conditions requises pour la perfection d’une action, exige surtout que son agent exerce un effet continu pendant la durée requise, parce que si sa vertu opérante est limitée et faible, il ne peut accomplir la tâche que la nature lui a impartie ; [Page 17 | LAT | IMG] son pouvoir peut toutefois s’exercer en plusieurs étapes successives si chacune est de durée convenable. » Nul ne conteste que pour qu’une action s’opère, il y faille l’énergie de sa cause efficiente, une disposition favorable de la matière sur laquelle elle agit, un contact entre l’une et l’autre, et, le plus souvent, du temps. Nous admettons aussi cet argument, puisqu’il est aristotélicien et véridique. Cependant, ni lui ni nous-mêmes ne sommes en mesure de prouver sa mineure, qui prétend que le cœur manque de la vigueur, de l’efficacité et du temps requis pour exercer son action ; et nous défendrons l’avis contraire. [23]
Ce livre {a} est une riposte immédiate aux Observationes raræ et novæ de Charles Le Noble (Paris, 1655), très brillante lettre à Jean ii Riolan, qui en avait permis la publication, fondée sur la vivisection canine et l’autopsie d’un condamné copieusement alimenté avant d’être pendu à Rouen. Le Noble y ôtait la sanguification au cœur pour la rendre au foie, en supposant que le chyle se sépare en deux portions dont l’une gagne la veine porte, en passant par les veines sanguines du mésentère, et l’autre, la veine cave supérieure, en passant par les lactifères mésentériques, le réservoir du chyle et les canaux thoraciques. Il avait ainsi déduit tout ce qu’il était possible de comprendre en 1655 et aurait dû mettre un admirable point final à la querelle, en laissant aux siècles suivants le soin d’en régler les détails.
Guy Patin a parlé du Clypeus en spéculant sur son véritable auteur dans sa lettre du 12 septembre 1655 à Thomas Bartholin (traduite du latin) :
« J’ai joint un autre petit livre, {b} publié à Rouen, et dédié à Mentel ; Riolan l’a méprisé comme étant quelque chose de ridicule ; mais il a remué la bile de Pecquet et on dit qu’il va écrire contre lui. Riolan et Pecquet font de Mentel son auteur caché, {c} ce qui les met tous deux en colère contre lui : Riolan en raison du tas d’invectives, et Pecquet parce qu’il y voit qu’on lui ôte la gloire d’avoir découvert les vaisseaux < du chyle > pour, suprême injure, la reporter sur Mentel. Charles Le Noble, médecin de Rouen, se remue aussi sur cette même controverse comme il apparaît dans une lettre que Riolan m’a montrée. {d} Voilà où en est la dispute, dont tant d’hommes s’occupent sérieusement à débattre aujourd’hui. Pour moi, je me suis placé hors des camps, je me borne à entendre le fracas des canons, sans inquiétude quant à l’issue d’une si grande guerre. »
- Rouen, Iullianus Courant, 1655, in‑4o de 71 pages, sans division en chapitres.
- Patin envoyait à Bartholin les Responsiones duæ de Riolan (Paris, 1655), auxquelles il joignait le Clypeus qui est daté du 25 juin de la même année.
- Patin a été plus affirmatif encore à la fin de sa lettre du 31 mars 1656 à Thomas Bartholin : v. sa note 4.
- Le seul énorme défaut de cette lettre, qui voulait apaiser la tempête du chyle, était son épouvantable latin.
Dans ma traduction et mes commentaires du Clypeus, j’ai porté une attention toute particulière aux indices permettant d’en deviner l’auteur car rien ne permet de croire qu’il s’agissait de Guillaume de Hénaut, tant il était étranger aux débats sur le chyle.
À mon avis, Pecquet n’enrageait pas parce que le Clypeus (dont le latin est aussi barbare et ampoulé que celui des Experimenta nova anatomica) attribuait la découverte du réservoir du chyle à Mentel (et non celle des canaux thoraciques qui lui donnaient une signification insoupçonnée), mais parce que Le Noble avait compris et expliqué des faits essentiels qui lui avaient échappé.
« Une guerre, assurément une horrible guerre ! », Virgile, Énéide, chant vi, vers 86 : Bella, horrida bella (oracle de la Sibylle de Cumes).
Lucain, La Pharsale, {a} livre i, vers 3‑7, à propos du peuple romain {b} effrayé par la guerre civile de César contre Pompée :
« tournant sa main victorieuse contre ses propres entrailles, car les deux camps sont unis par le même sang et l’alliance du royaume est rompue. Toutes les forces du monde ébranlé servent un crime commun, enseignes contre enseignes, aigles contre aigles, javelots contre javelots. »
- V. note Patin 33/104.
- Et non d’Apollon, symbole divin de la médecine (v. note [23], lettre de Sebastianus Alethophilus).
Cette citation me semble exclure que Pierre Guiffart soit l’auteur du Clypeus : autre médecin de Rouen, il s’était attiré les foudres de Jean ii Riolan pour avoir pris la défense de Jean Pecquet dans son Cor vindicatum (1652, v. note [10], Brevis Destructio d’Hyginus Thalassius, chapitre i).
Dieppe, ville natale de Jean Pecquet, est à 60 kilomètres au nord de Rouen, capitale de Normandie, où il ne manquait pas de relations.
« Turnus le stimule, le cœur vomit son âme sanglante », double emprunt au chant ix de l’Énéide :
Tum uero incumbunt, urget præsentia Turni,
atque omnis facibus pubes accingitur atris,[Alors ils se mettent à l’œuvre, la présence de Turnus les stimule, {a} et toute la troupe s’arme de sinistres brandons] ;
Purpuream uomit ille animam et cum sanguine mixta
uina refert moriens.[Il {b} vomit sa pourpre vitale et recrache en mourant ce sang mêlé de vin].
- Turnus, légendaire roi des Rutules, attaquait les Troyens d’Énée qui voulaient s’installer dans le Latium, et incendiait leurs navires. Dans le contexte du Clypeus, Turnus pouvait être Jean ii Riolan, l’ennemi le plus acharné de Jean Pecquet.
- Dans la suite du combat, le Troyen Euryale enfonce son épée dans la poitrine de Rhétus, guerrier rutule ; Le Clypeus l’a remplacé par le cœur, source de l’esprit animal, que contestaient les adversaires de Pecquet.
« Hors de moi, je prends les armes » : paroles d’Énée se ruant au combat, sans prendre le temps de réfléchir, pour défendre sa patrie contre les guerriers grecs sortis du cheval qui les a introduits dans Troie (Énéide, chant ii, vers 314).
V. note Patin 4/663, pour Machaon, légendaire chirurgien, fils d’Esculape.
Virgile, Énéide, chant ii, vers 518‑522 :
« Quand elle vit Priam en personne, revêtu des armes de sa jeunesse, elle dit : {a} “ Quelle funeste idée, mon pauvre époux, vous a poussé à ceindre ces armes, où courez-vous donc ? Ce ne sont pas des secours ni des défenseurs comme vous qu’exige la circonstance. ” »
- Hécube, son épouse, s’adresse au vieux Priam, roi de Troie, qu’elle voit partir à son dernier combat contre les Grecs, qui le tueront.
Employée comme nom commun, la minerve désignait la cervelle et ses émanations supérieures : esprit, génie, savoir, etc. S’adressant à Jacques Mentel, Guillaume de Hainaut liait aussi son armement au palladium, statue protectrice de la déesse Minerve (Pallas des Grecs, v. note [5], lettre de Charles Le Noble à Jean ii Riolan, première partie), dont le bouclier était un attribut (v. infra note [17]).
Dans le livre viii de l’Énéide (vers 626‑728), Virgile a très longuement décrit le mythique bouclier, forgé par Vulcain et ses Cyclopes (v. note Patin 5/267), dont Vénus, sa mère, fit présent à Énée avant sa guerre contre les Rutules (v. supra note [5]) : y était préfigurée toute l’histoire de Rome, depuis sa fondation en 753 av. J.‑C. jusqu’au règne de l’empereur Auguste (fin du ier s. av. J.‑C.).
« Puissent les choses qu’on aura accomplies pour soi-même demeurer d’éminents agréments pour la postérité. »
Guillaume de Hénaut louait sans retenue la Jacobi Mentelii, Patricii, Castro-Theodoricensis, de vera Typographiæ Origine Parænesis [Parénèse de Jacques Mentel, gentilhomme natif de Château-Thierry, sur la véritable origine de l’imprimerie], {a} d’où il a extrait cette citation (page 102) :
Tantum dicam (quod Posteros suos ignorare noluit Proauus meus Ioannes Mentelius, à nostro Typographices Inventore Domûs Ordine iiii. Εφεδρος inquam ille, qui Primus ad Annum m. d. xlviii. in Gallias ex Alsatia concessit, prope Castro-Theodoricum vrbem) Fredericum Cæsarem non inter Equites ac Patricios Mentelium adlegisse, neque illum fecisse Nobilem, sed inuenisse ; fumosisque Majorum suorum perpetuò Imaginibus, ajectis nonnullis Insignibus et Ornamentis,Quæ sibi, quæ soboli maneant decora alta futuræ,ob Typographices Inventionem, Anno m. cccc. lxvi. illustriorem splendidiorem reddidisse. Et hoc est quod voluit jam laudatus Neptis Inventoris Filius haud inglorius, dum in Fronte multorum Typis ornatorum à se Voluminum […].
[Je dirai simplement (parce que mon bisaïeul Ioannes Mentelius, 4e successeur de notre Inventeur de l’Imprimerie, {b} dans l’ordre des générations de notre maison, n’a pas voulu ignorer ses descendants, lui qui fut, dirai-je, le premier, en l’an 1548, à venir d’Alsace en France, près de la ville de Château-Thierry) que l’empereur Frédéric n’a pas élu Mentelius parmi ses chevaliers et patriciens, il ne l’a pas fait noble, mais l’a trouvé tel ; {c} et il a rendu ce nom plus illustre et éclatant en y ajoutant à jamais de ronflantes armoiries, avec les devises et ornements de leurs ancêtres,
Quæ sibi, quæ soboli maneant decora alta futuræ,pour avoir inventé l’imprimerie en l’an 1466. Et c’est ce qu’a voulu signifier l’arrière-petit-fils du dit inventeur en ornant, non sans gloire, le frontispice des nombreux volumes qu’il a imprimés (…)]. {d}
- Paris, 1650, v. note Patin 34/242.
- Jean Mentel ou Mentelin : v. notes [6], Experimenta nova anatomica, chapitre vi, et Patin 34/242 (où d’autres extraits du livre de Jacques Mentel sont traduits et commentés).
- Manière tortueuse de dire que Frédéric iii, qui a régné sur le Saint-Empire (auquel était rattachée la ville de Strasbourg) de 1452 à 1493, aurait anobli les Mentel sans les anoblir vraiment (sans leur donner titre, terre et particule).
- Représentant un lion emplumé assis sur ce qui ressemble à un M et qui Virtutem Mente Coronat [Couronne la Vertu par l’Intelligence], les armoiries dont les imprimeurs strasbourgeois Schott, descendants de Mentelin, décoraient les frontispices de leurs ouvrages sont reproduites à la page 104. Leur devise est entourée de ce texte :
Insigne Schottorum Familiæ ab Friderico Rom. Imp. iii Ioan. Mentelio primo Typographiæ Inventori ac suis concessum Anno Christi Millesimo Quadringesimo Sexagesimo-Sexto.[Armes de la famille Schott, que l’empereur germanique Frédéric iii a octroyées à Ioannes Mentelius, premier inventeur de l’imprimerie, et à ses descendants en l’an 1466].
Bachelier de la Faculté de médecine de Paris (v. note [5], biographie de Jean Pecquet) en mars 1628, âgé de 30 ans – ce qui n’était pas particulièrement précoce et ne répond guère à l’image d’un « imberbe Apollon », imberbis Apollo – Jacques Mentel avait été élu prosecteur d’anatomie (archidiacre, v. note [30] de sa lettre à Jean Pecquet) par les étudiants (philiatres). Il avait ensuite été reçu docteur régent en novembre 1632.
Sans surprise, étant donné sa faible ancienneté d’alors sur le tableau des docteurs régents, les Commentaires F.M.P. ne citent pas Jacques Mentel parmi les professeurs de chirurgie qui ont été élus entre la création de cette chaire en 1634 (v. note Patin 71/8187) et 1647. Cette erreur grossière du Clypeus ne plaide pas pour son attribution à Mentel et dirige les soupçons vers Jean Pecquet.
La notice de Denis Fournier dans la Liste funèbre des chirurgiens de Paris, {a} est franchement sidérante (pages 129‑130) :
« né à Lagny, {b} était versé dans la mécanique des instruments dont la chirurgie se sert au défaut des organes qui manquent au corps par vice de conformation ou par accident. Il entreprenait volontiers la cure des maladies dont ses confrères avaient de la répugnance à se charger. Il composa plusieurs traités d’anatomie et de chirurgie, et principalement de la manière de réduire les fractures et les dislocations des os avec le secours des machines que fournit la mécanique ; mais ces ouvrages, pour être écrits avec peu de politesse dans un temps où la langue se trouvait au plus haut point de sa pureté, manquèrent de lecteurs qui pussent s’accommoder d’un style non seulement très dur, mais où il semble même que l’on ait pris plaisir d’insérer ce qu’un grec mal francisé a de plus barbare et de plus propre à rebuter ceux qu’une patience à toute épreuve pourrait, par une pénitence, engager à lire ces écrits, aussi bien que ce qu’il a donné sur les accouchements ; et comme le papier dont on s’est servi pour ces éditions répond parfaitement à la rudesse et à l’obscurité du style, on peut croire que les imprimeurs, au temps du carnaval, se sont divertis à faire sortir de leurs presses des feuilles habillées en masque pour réjouir le public par des grotesques de leur profession, tant par rapport au discours, vignettes, figures, qu’à la ridicule fabrique de l’impression. Il mourut le 15e novembre de l’année 1683. {c} Il a eu un fils docteur en médecine qui était aussi brouillé avec son art que son père l’avait été avec sa chirurgie. »
- Adaptation française manuscrite de l’Index funereus (page 62) imprimé à Trévoux et vendu à Paris chez Stephanus Ganeau, 1714, in‑12o, dont la notice élogieuse ne contient aucun blâme.
- V. note Patin 8/27.
- Dans une de ses lettres de 1658 (v. note Patin 13/514), Guy Patin a parlé de Fournier comme chirurgien appelé auprès du prince de Condé souffrant de suppression d’urine.
Ce texte hors du commun m’a conduit à L’Anatomie pacifique nouvelle et curieuse. Conforme à la doctrine d’Hippocrate et de Galien, qui donne les moyens d’accorder les récents avec les anciens, par des expériences nouvelles, principalement touchant les actions du cœur et des poumons, et plusieurs œuvres chirurgicales, {a} qui traite du réservoir du chyle en deux endroits.
« Ces veines, que nous appelons veines à la similitude de celles qui portent le sang, sont appelées lactées à cause de la substance chyleuse qu’ils {b} contiennent, laquelle étant blanche les blanchit comme si elles étaient pleines de lait, l’inventeur desquels a été Asellius, qui en a eu la première connaissance ; mais leur origine et leur progrès en est encore contesté : car quoique Monsieur Pecquet ait trouvé un chemin plausible et véritable depuis notre réceptacle trouvé par mes soins en 1635, jusqu’au ventricule droit du cœur, nous ne laissons pas pour cela de trouver ensuite beaucoup d’erreurs, qui changeraient bien toute l’économie naturelle si nous ne tâchions de les éclaircir, comme j’ai commencé de faire en ladite année, auquel temps on a commencé de dire que le chyle (étant parvenu au ventricule droit du cœur) entre en icelui, laquelle erreur sera décidée au traité du cœur. {c}Le progrès du chyle donc se commence par les intestins, dont le mouvement péristaltique presse les veines lactées, et par ledit mouvement il se fait une espèce de situation dans lesdites veines qui ont des valvules propres à soutenir le chyle lorsqu’il est passé ; et continuant ainsi leur chemin jusqu’au réceptacle, qui est en la bifurcation du diaphragme, {d} suit un autre mouvement par le moyen de la respiration qui comprime ledit canal, et ensuite le vaisseau thoracique qui, comme une pompe, porte le chyle en la sous-clavière, pour se rendre en la veine cave où il va se rendre dans le foie en passant durant la systole, sans entrer dans le cœur, {e} comme les Récents ont cru, s’étant abusés dans l’expérience des cadavres, qui est bien différente de celle d’un corps vivant, où ils connaîtront leur erreur, qui en a causé beaucoup d’autres, et les rendrons, avec la doctrine d’Hippocrate, de Galien et de tous les Anciens, dans notre explication de l’usage du cœur et de ses parties. »
« […] il faut savoir que (comme Galien et ceux qui l’ont suivi ont trouvé que le foie est le forgeron du sang, fondé sur de bons et valables raisonnements, et que les Récents ayant fait quelques expériences trompeuses qui, dans l’apparence, semblent étouffer cette ancienne doctrine) il est plus à propos de la suivre, puisqu’elle est appuyée sur des vives raisons et sur d’autres expériences que celles qui ont fait chopper {f} plusieurs anatomistes depuis quarante années en çà ; et quoique Galien et ses sectateurs n’aient pas connu toutes nos nouvelles expériences, il est constant qu’il a mieux établi ses connaissances avec un meilleur fondement que les Récents n’ont fait, et qu’ainsi ne soit, la première pierre d’achoppement a été qu’après la découverte des veines lactées faite par Asellius, médecin du roi d’Angleterre, {g} en 1622 ; dont je fis l’expérience en l’an 1635, en l’étude de feu Monsieur Mentel, docteur régent de la Faculté de Paris, et sous la conduite de feu Monsieur Potier, maître chirurgien en ladite ville, pour le fait des anatomies, où je fis apporter un chien vivant en ladite étude, pour examiner lesdites veines dont il était question dans les leçons anatomiques que nous faisions alors des parties nutritives ; lesquelles veines ayant été trouvées et démontrées, je voulus examiner plus exactement leur insertion, laquelle se trouva et fut vue par tous les assistants dans un réceptacle membraneux, gros comme un œuf de pigeon, dans la bifurcation du diaphragme, {d} de quoi Monsieur Mentel (ayant fait récit non seulement à ses autres écoliers en médecine, dont Monsieur Pecquet en était un, qui a trouvé depuis le vaisseau thoracique) mais aussi en écrivit à plusieurs étrangers, et particulièrement à M. Hénaut, docteur en médecine à Rouen, qui en a fait un livret où il m’a cité en la page 7. {h} Mais comme dans un beau chemin il s’y rencontre quelquefois des mauvais conducteurs, aussi dans ce rencontre, il s’est trouvé que quelques circulateurs, {i} trompés par des injections faites dans le cœur d’un cadavre, ont prétendu que le chyle et le sang circulé passent dans icelui avant que d’être purifié au foie : où je prétends faire connaître plusieurs erreurs, dont la première et principale est celle d’où s’ensuivrait l’inutilité de cette partie, que je tâcherai de faire connaître ci-après par des expériences et découvertes nouvelles, qui fortifieront le parti de Galien que nous ne devons pas abandonner, vu notre expérience conforme à sa doctrine. »
- Contenue dans L’Œconomie chirurgicale, pour le Rétablissement des Parties Molles du Corps Humain. Contenant les Principes de Chirurgie, et un Traité méthodique de la guérison de la Peste, et de tous ses accidents, par le moyen d’un remède expérimenté. Et nouvellement mis en lumière par D. Fournier, Maître Chirurgien juré à Paris, {i} avec un petit Traité de la Myologie (Paris, François Clouzier et Sébastien Cramoisy, 1671, in‑fo illustré et totalement désordonné).
Distincts des chirurgiens-barbiers, les maîtres chirurgiens jurés de Paris, dits de robe longue, appartenaient à la confrérie de Saint-Côme (v. note Patin 22/6).
- J’ai modernisé l’orthographe sans corriger les écarts de syntaxe.
- Deuxième extrait ci-dessous.
- Entre les piliers du diaphragme.
- Il fallait ne pas croire un mot de la circulation harvéenne du sang (v. infra notule {i}) pour imaginer qu’il puisse court-circuiter le cœur en passant directement de la veine cave supérieure à l’inférieure, puis de là, dans le foie, par les veines sus-hépatiques ; telle était pourtant la conviction de Jean ii Riolan (v. note [3] de sa réponse à la lettre de Charles Le Noble). V. infra note [20] pour la réfutation de cette aberration par Guillaume de Hénaut.
- Trébucher.
- Aberration à laquelle je n’ai pas trouvé d’explication.
- Voilà Hénaut authentifié comme auteur du Clypeus, mais qui croirait Fournier là-dessus, comme sur le reste de son charabia ?
- Comme il explique dans le chapitre vi (pages 83‑86), Fournier adhérait à la circulation sanguine décrite par Riolan, mais refusait catégoriquement celle de William Harvey et des hérétiques « circulateurs ».
Cette fois-ci, le renseignement était exact. V. notes Patin :
Prorogata porro fuit professio docendi Medicinam Magistro Jacobo Mentel.[Maître Jacques Mentel a été reconduit pour un an dans la charge de professer la médecine].
Guillaume de Hénaut, médecin de Rouen, était décidément bien au courant des délibérations et pratiques des Écoles de Paris (où rien ne permet d’affirmer qu’il a jamais été inscrit).
Ce « je fus » [fui] viendrait de Guillaume de Hénaut, mais émane plutôt de Jean Pecquet (v. supra note [1]).
Je n’ai malheureusement pas trouvé la trace imprimée de cette lettre de Pecquet à Mentel, dont la réponse, datée du 13 février 1651, figure seule dans notre édition. Il est tout à fait concevable et louable que Pecquet ait écrit à Mentel quelques mois avant la parution de son livre pour le prévenir de ce qu’il allait y publier, car le titre des Experimenta nova anatomica de 1651 annonçait un incognitum hactenus Chyli Receptaculum [réservoir du chyle jusqu’alors inconnu].
« C’est à toi que je dois tout mon pouvoir : et mon sceptre, et la faveur de Jupiter. C’est toi qui me donnes le droit de m’asseoir aux festins des dieux » : {a}
- Énéide, chant i, vers 78‑79 : Junon (v. note Patin 3/286) demande à Éole, dieu des vents, de provoquer une tempête qui doit anéantir les navires d’Énée fuyant Troie.
J’ai traduit decanum par « maître » et non par « doyen » car Jacques Mentel n’a jamais accédé au décanat de la Faculté de médecine de Paris : {a} pour y parvenir, il fallait d’abord avoir été choisi par cinq docteurs régents, désignés par tirage au sort, qui inscrivaient sur des billets les noms de trois de leurs collègues, et le hasard désignait ensuite celui qui « sortirait du chapeau » pour diriger la Compagnie pendant deux ans. {b}
Toutes les élections décanales sont soigneusement détaillées dans les Commentaires F.M.P. : ils établissent qu’en 1655, Mentel n’avait jamais été mis dans le chapeau, et ne le fut jamais durant les 38 années qu’il passa sur les bancs de la Compagnie (1632-1670) ; ses collègues (dont Guy Patin en 1656) ne l’ont donc pas jugé apte à remplir convenablement une telle charge ; le 6 novembre 1660, il fut néanmoins élu censeur pour une année. {c} Fidèle ami de Mentel, Patin a régulièrement parlé de lui dans ses lettres, mais sans rien dire de l’éventuelle disgrâce universitaire que son « pecquétianisme » aurait pu lui valoir. Il est néanmoins à remarquer que son collègue pecquétien, Pierre De Mercenne, ne subit pas le même sort et fut mis dans le chapeau en novembre 1654 (c’est-à-dire du vivant de Jean ii Riolan).
- Mentel était très loin d’être doyen d’âge (ancien) car il occupait le 44e rang sur le tableau des docteurs régents établi le 18 novembre 1655 (Commentaires F.M.P., tome xiv, page 178).
- V. note Patin 2/8182.
- V. note Patin 69/8008.
V. supra note [8] pour la « minerve » de Jacques Mentel et pour la déesse homonyme, dont Guillaume de Hénaut déclinait ici les attributs guerriers. Le plus particulier est le bouclier qui valait à Minerve le surnom de Gorgone car il était ornée de la tête de Méduse, l’une des trois affreuses Gorgones (Fr. Noël) :
« Neptune s’étant métamorphosé en oiseau enleva Méduse et la transporta dans un temple de Minerve, qu’ils profanèrent ensemble. La déesse en fut si irritée qu’elle changea en affreux serpents les beaux cheveux dont Méduse se glorifiait, et donna à ses yeux la force de pétrifier tous ceux qu’elle regardait. Persée, muni des talonnières de Mercure, du miroir de Minerve et du casque de Pluton, {a} se présenta devant Méduse sans en être aperçu, coupa la tête de la Gorgone, qu’il porta avec lui dans toutes ses expéditions. […] Persée, vainqueur de tous ses ennemis, {b} consacra à Minerve la tête de Méduse qui, depuis ce temps-là, fut gravée sur la redoutable égide de la déesse. »
- Dans le mythe, Persée est fils de Jupiter et de Danaé. Le casque de Pluton (Orcus), dieu des Enfers et frère de Jupiter, avait le pouvoir de le rendre invisible. V. note Patin 7/1288 pour Mercure (Hermès) et ses pieds ailés.
- Le plus célèbre fut Atlas, qui régnait sur la Mauritanie et que Persée pétrifia à l’aide de son bouclier, ce qui vaut son nom à la chaîne montagneuse homonyme d’Afrique du Nord. V. notule {a}, note [3], Brevis Destructio, chapitre v, pour les Atlantes qui peuplaient cette contrée.
Les deux passages qui suivent (mis entre guillemets) sont extraits de la lettre de Charles Le Noble à Jean ii Riolan (première partie), datée de Rouen le 29 mars 1655 et imprimée dans les Observationes raræ et novæ (Paris, 1655), page 6.
À la page indiquée de sa lettre à Jean ii Riolan (première partie), Charles Le Noble convient en effet que le chyle suit le chemin mis au jour par Jean Pecquet, mais en interprète différemment les conséquences : selon Le Noble, le chyle se mêle au sang pour gagner les parties froides et humides du corps, et leur procurer (ce que le Clypeus n’admet pas) un aliment quin congruum, familiare et ευπροσφυτον Natura deposuerit, « que la nature n’aurait pas mis à leur disposition s’il ne leur convenait pas, ne leur était pas familier et ne se liait pas à elles ». Il me semble toutefois que l’auteur du Clypeus n’a pas parfaitement compris, ou a refusé de comprendre l’admirable raisonnement de Le Noble (v. supra note [1]).
V. supra notule {e}, note [12] pour le recours de Denis Fournier à cet argument aberrant du chyle venant de la subclavière qui descendrait dans la veine cave inférieure au lieu de pénétrer dans le cœur, mais Charles Le Noble ne l’a pas invoqué.
Les deux passages qui suivent (mis entre guillemets) sont à nouveau (v. supra note [18]) extraits de la lettre de Charles Le Noble, première partie, pages 7‑8.
Comme il l’a particulièrement développé dans son traité Des lieux affectés, Galien a fondé tout son système médical sur le lien constant et exclusif qui existe entre une maladie donnée et l’altération d’une fonction assurée par une partie, ou un lieu, spécifique du corps.
Selon la règle du raisonnement scolastique, fondé sur le syllogisme (v. note [18], Brevis Destructio, chapitre ii, pour celui dont Sénèque s’est moqué), le Clypeus appelait majeure la première proposition de Charles Le Noble, fondée sur l’exclusivité et la constance du lien entre une partie (un lieu) du corps et la fonction qui lui appartient : cela fait, par exemple, qu’un seul organe peut produire le sang, ce que Jean Pecquet et ses défenseurs ne pouvaient qu’approuver. Suivait (entre guillemets) la mineure ou deuxième proposition de Le Noble, exposée à la page 8 de sa lettre.
Dans cette première partie, l’auteur du Clypeus s’est volontiers exprimé à la première personne du pluriel. Ma traduction n’en a pas fait un « nous » singulier de majesté ou de modestie car, conformément à la syntaxe latine usuelle, j’ai estimé qu’il exprimait l’opinion de Jean Pecquet et de ses défenseurs, plutôt que celle du seul Guillaume de Hénaut, tout en étant convaincu que Pecquet aurait été bien plus capable que lui d’écrire tout ce qu’on y lit. Ma remarque vaut pour toute la suite du Clypeus, où alternent néanmoins, et sans logique bien identifiable, le « nous » et le « je ».
Pages 3‑4, gvillelmi de henaut clypeus.
Qvis furor, vir No-
bilissime ? bella, cer-
tè horrida bella ! vi-
des Apollinem
In sua victrici conuersum vis-
cera dextra,
Cognatasque acies, et rupto
fœdere regni
Certatum totis concussi viri-
bus orbis.
In commune nefas, infestis-
que obuia signis
Signa, pares aquilas, et peila
minantia peilis.
Cor, quod in vrbe nostra Ro-
thomagensi paucis ab hinc annis
———
clarissimi viri, Petri Giffarti,
Collegæ nostri Doctissimi, virtu-
te et felicibus armis vindicatum
fuerat, iterum, et magis pericu-
losè structis de nouò insidiis im-
petitur, et horrenda telorum se-
gete vndique obruitur. Pecque-
tus ignarus abest, vrget præsen-
tia Turni, cor sanguineam vomit
animam, et quasi morti proxi-
mum, actione præcipua priua-
tur. Quod lugendum est, nullus
sese prodit Machaon, qui ad li-
ganda indigna ferentis, et iam
iam fatiscentis vulnera sese accin-
gat. Arma amens capio, licet
fortè ipsis ferendis impar, quòd
nullum adhuc tenerioribus ner-
uis inductum fuerit callum, licet
trementibus adhuc humeris ea
fortè inutilia circundare audeam,
licet non inferiori ratione tu me
temeritatis eiusdem accusare pos-
Pages 5‑6, gvillelmi de henaut clypeus.
sis, cuius Hecuba olim Priamum,
quæ
Ipsum autem sumptis Priamum
iuuenilibus armis.
Vt vidit ; qæ mens tam dira
miserrime coniux.
Impulit his cingi telis, aut
quò ruis ? inquit.
Nec tali auxilio, nec deffenso-
ribus istis tempus eget.
Attamen eius belli æquitas
medios in hostes me feret vel mo-
riturum. En clypeum, qui me fi-
dentem animi tuebitur, agnosce
arma, tua sunt, tuis manibus fa-
bricata, quæ mihi tradidit olim
tua semper laboriosa, et inuicta mi-
nerua ; cuius in eo construendo
clupeo maior, quàm cyclopum
olim, elucet industria, quòd in
re tam angusta, et tabulata, plura
quam in Virgilio de Æneæ clypeo
leguntur, memoria digna depin-
———
gantur. Hìc nobilissimorum tuo-
rum atauorum parentes mira qua-
dam ingenij agitatione conciti
Typographiam, diuinum huma-
no generi munus ab ipsis conces-
sum, inueniunt. Hìc prosapiæ tuæ
illustri, et de mortalibus in æter-
num benè meritæ debitum hono-
rem, quem de eiusdem Typogra-
phiæ origine subripere nonnulli
contendebant, tua elegantissima,
doctissima, et laborissima de
eius origine edita parænesi tuis
vindicas, et restituis. Illic depi-
cta sunt maiorum tuorum insi-
gnia, et ornamenta.
Quæ sibi, quæ soboli maneant
decora alta futuræ.
Illic, quasi rerum abditarum,
et a mundo condito reconditarum
inuentio illustri tuæ prosapiæ
quadam prærogativa hæredita-
ria esset, tu vel imberbis Apollo,
Pages 7‑8, gvillelmi de henaut clypeus.
quippe Baccalaureus, et Philia-
trorum Archidiaconus electus an-
no 1629, oblata de venis lacteis
Asellij disserendi occasione, for-
tè etiam edito cane in theatrum
anatomicum, apertis a te, coram
omnibus, eius visceribus, felici
admodum successu, cùm vena-
rum lactearum insertionem se-
queris, ecce cum omnium spe-
ctantium admiratione, et accla-
matione publica, primus omnium
mortalium chyli receptaculum
aperis. Longua {a} est a te facti peri-
culi eiusdem historia ; nam ibi-
dem anno 1635 Chirurgiæ Pro-
fessor meritissimus eius artis A-
lumnis quamplurimis idem chyli
recepaculum pari euentu rese-
ras : cuius rej testes oculati sunt
non pauci ; præsertim eius fidem
facit quidam Chirurgus Parisien-
sis nomine Fournier. Eòdem loci
———
anno 1647. Scholarum Parisien-
sium electus Professor Dignissi-
mus, et sequentibus annis, cùm
frequentibus dissectionibus das
operam, magna comitante cater-
ua, dissecante Chirurgo cogno-
minato Gayant, præsente, et atte-
stante vel ipso Pecqueto missa ad
te epistola data secundo die augu-
sti anno 1650, et quorum pars ma-
gna fui, rursus idem chyli recep-
taculum nobis indigitas. Cui sa-
nè tuo felici inuento multùm de-
bet iure merito dicet, quod Æoliæ
Rex olim Iunoni.
Tu mihi quodcumque hoc re-
gni est, tu scepta, {b} Iouemque
Concilias, tu das epulis accum-
bere Diuûm.
Illic tua graphyce depicta est
effigies, quæ te in totius orbis ce-
leberrima facultate Doctorem
Pages 9‑10, gvillelmi de henaut clypeus.
Medicum, Professorem meritissi-
mum, discipulorum studiossi-
mum, {a} ægrorum solatium, pau-
perum spem, et auxilium, doctis
chartis iam impallescentem ; ar-
tis Decanum {b} exercitatissimum,
et venerandum, veritatis nouæ
fautorem et propugnatorem a-
cerrimum, omnium denique
virtutum habitu perfecto logè {c}
ornatissimum representat. Quid
ergo, vir nobilissime, mihi tali
clypeo armato à cordis hostibus
perhorrescendum esset ? hæc ara
tuebitur omnes. Certè eò maio-
ri fiducia fretus in arenam des-
cendo, quò compertum habeo
tuam non satis laudatam miner-
uam galea, lancea, lorica, et
clypeo Gorgone munito instru-
ctam clypei mei vmbilico præsi-
dere, nec vnquam mihi defutu-
ram. Nemo est, quin eius ægidis
———
aspectu, quasi in saxum mutatus,
obstupeat, sudor gelidus per eius
membra excurrat ; arrectæ ma-
neant comæ, et vox faucibus hæ-
reat.
A Pecqueti vasorum historia,
de quibus nunc controuerti-
tur, {d} Doctissimus Collega sic
incipit. (Nemini non liquet
chylum ab intestinis eiectum in
venas lacteas Asellij se recipere,
indeque fugitiuo lapsu in Pecque-
ti receptaculum, aut lumbares
Bartholini Glandulas commeare,
hinc etiam per canalem, siue ca-
nales pecquetianos incedentem,
in venas axillares, aut subclavias
continuis successionibus influere,
vbi in sanguinem incurrens, illi-
que se confusè immiscens, tan-
dem ex doctrina de circulatione
tradita in dextrum cordis ventri-
culum αιματωδιης {e} delabitur.) Hæc
- Sic pour : studiosissimum (errata).
- Sic pour : Magistrum (contexte).
- Sic pour : longè.
- Sic pour : controversitur.
- Sic pour : αιματωδης (dans le texte cité).
Pages 11‑12, gvillelmi de henaut clypeus.
autem subiungit. (Verùm ex his,
vt puto non conuincitur cor esse
αιματωσεως principium, cùm id
ista non probet experientia, sed
nonnullam duntaxat chyli par-
tem in illud deduci, quod esse
veritati maximè consentaneum
arbitror.) Sed eius pace dixerim,
ex ista experientia conficitur cor
esse αιματωσεως principium ; quod
hac ratione astruo. Nullus con-
socialis humor naturali motu
partem vllam, præcipuè officia-
lem primò affectat, quin et in ea,
ab ea coquatur, atque altera-
tione vlteriùs perfectiua nouum
essentiæ caracterem ab ea mutue-
tur. Sic venosus sanguis fit arte-
riosus, cùm in sinistrum cordis
ventriculum penetrauit ; sic spiri-
tus vitalis fit animalis, cùm arca-
na cerebri subiit ; sic vterque san-
guis fit semen fœcundum, cùm
———
in testes commeauit, sic sanguis
facescit {a} in partis substantiam,
dum in corporis habitum appu-
lit. Atqui ex ipso, pagina deci-
ma quinta, et ex omnium medi-
corum consensu, chylus est hu-
mor consocialis, et motu pror-
sus naturali primò sursum ad cor
mouetur ; ergo chylus et in cor-
de, et a corde coquitur, atque al-
teratione vlteriùs perfectiua no-
uum essentiæ caracterem ab eo
mutuatur, et fit sanguis, non a-
lius quiuis humor ευπροσφυτος, tam
propterea quòd chylus non sit in
proxima potentia ad alium a san-
guine humorem, quàm propter
alia rationum momenta inferiùs
afferenda. Ea etiam experientia
supposita non chyli partem tan-
tùm, sed totum chylum ad cor
contendere conuincit. Nam si al-
teram eius partem aliò deriuasset
- Sic pour : facessit.
Pages 13‑14, gvillelmi de henaut clypeus.
natura, eo sanè consilio, quo vasa
chylum ad cor deferentia concin-
nauit, similia etiam aliò, puta ad
hepar, deflexisset : etenim non po-
tior est ratio cur vasa chylodoca
cordi tribuat potius, quàm hepa-
ti. Poterat huiusmodi canales ad
iecur prorogare. Quòd si ad suæ
opinionis propugnationom {a} obii-
ciat nonnunquam eodam vase {b} a-
buti ad diuersorum humorum
αναδοσιν, statim reponiumus eam
chylum per venas etiam ad cor
pari ratione deferre potuisse, nec
tamen illuc detulisse, atque quod
ad materiam anatomicam atti-
net, rationi magis congruum
esse autopsiæ potius fidem adhi-
bere, quàm leuibus quibusdam
ratiunculis, quarum vel leui dio-
rismo robur eneruatur.
Non secus autem ac si firmis-
simis fundamentis chyli tantùm
———
portionem nonnullam ad cor de-
duci stabiliuisset, prosequitur
(quandoquidem igitur ducem li-
cet in hac materia rationem se-
qui, liberè dicam non mihi pro-
bari, tam etsi cor excipiat chyli
partem, in eo virtutem inesse
sanguinis productiuam, aliud
enim inferiùs adscriptæ rationes
euincunt, et dum id munus ad
iecur pertinere statuitur, illico
minimè cordi conuenire demon-
stratur.) His argumentis vtitur.
(Si autem duæ partes natura, et
temperie inter se dissimiles, dis-
iunctæ situ, et molis constitutio-
ne diuersæ virtutem in agendo si-
milem haberent, eademque pos-
sent exequi munia, inde omnino
contingeret, vt vitiati iecoris
damna viuida sani cordis actio re-
sarciret, illudque rueret vulgatum
antiquitus in medicina pronun-
- Sic pour : propugnationem.
- Sic pour : eadem vasa.
Pages 15‑16, gvillelmi de henaut clypeus.
tiatum, quòd scilicet vnius Offi-
cialis partis error nulla alterius
operatione reparetur ; et vt ex
hac præcipua galeni regula, vbi-
cunque aliqua pars operationem
habet nulli alteri communica-
tam, necessariò etiam habet pro-
priam temperiem, per quam edit
eam operationem ; ita vbicum-
que propria constitutio, et pecu-
liaris temperies reperitur, ab ea
quoque parte propriam opera-
tionem, neque alteri communem
emanare necessum est conclude-
re.) Vltro concedet hanc maio-
rem Pecquetus, eamus ad mino-
rem. (Quænam obsecro fingi
potest cordis actio tam vegeta, et
efficax, vt fugacem chyli sub-
stantiam, ac celeri motu trans-
euntem vertat in sanguinem ? quî
fieri poterit, vt materia nouæ
formæ substernatur, {a} nisi præviis
———
ad ipsam dispositionibus idoneè
pæparata ? has autem quis tam
breui, et quasi momentanea cor-
dis agentis applicatione dicat
posse sufficienter induci, vt in ip-
so transitu, et quidem satis velo-
ci, tam præceps chyli alteratio,
tamque subita sanguinis genera-
tio sequatur ? profectò aut ad
huiusmodi {b} transformationem
prorsus necessaria est chyli reten-
tio, et subsidentia in corde suffi-
ciens, et ad congruam vsque tem-
poris mensuram prorogata, aut
procul amandandus est Philoso-
phus, qui inter cæteras ad perfe-
ctionem actionis conditiones,
hanc potissimum requirit, vt con-
tinuo debito temporis interuallo,
passo coniunctum, et applicatum
sit agens, nempe cum agentis
creati virtus finita sit, ac debilis,
nequit in instanti perfici eius ope-
- Sic pour : substituatur (dans le texte cité).
- Sic pour : istiusmodi (dans le texte cité).
Page 17, gvillelmi de henaut clypeus.
ratio, sed per successiuas temporis
moras vim actiuam exerens non
sine conuenienti temporis tractu
intentum a natura effectum pro-
ducere potest.) Omnium in confes-
so est, vt fiat actio, causæ efficientis
energiam, materialis dispositio-
nem, vtriusque contactum, et sæ-
pissime tempus requiri. Admitti-
mus etiam probationem, huiius
propositionis, cum sit Aristoteli-
ca, et vera. Minor verò, qua cor-
di actionem satis vegetam, et effi-
cacem, atque debitum actioni
tempus deesse contendit, nec ab
ipso, nec nobis probatur ; Quin
contrariam sic tuemus senten-
tiam.
"Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la
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