Né en 1830, Marey poursuivit des études de médecine, mais trouva
la nouvelle science de la physiologie plus adaptée à son goût pour
la recherche pure et à ses talents – Marey était un génie de la
mécanique. Positiviste, attiré par le monde intellectuel de la physique
organique allemande, Marey était persuadé de pouvoir faire de la
physiologie une science plus exacte – l'égale de la physique et
de la chimie, les sciences les plus en pointe à l’époque – en recourant
aux machines pour mesurer les fonctions du corps, comme pour déterminer
les lois qui les gouvernent. A l’origine des idées de Marey, il
y avait une intuition fondamentale du corps humain – il le voyait
comme une machine, une machine animée dont les mouvements pouvaient
être expliqués par les lois de la mécanique théorique. Plus fondamentalement,
il définissait la vie qui anime cette machine animale comme un moteur
complexe qui, à l’instar des moteurs inanimés, consomme du carburant
et fournit de l’énergie – un moteur, en fait, dont les fonctions
pouvaient être réduites aux lois récemment découvertes de la thermodynamique.
Finalement, Marey se consacra à un seul objet : la forme la plus
manifeste de l’énergie du corps – le mouvement, ou, comme il le
dit, le langage de la vie elle-même. Mais c’était un langage que
personne n’avait déchiffré jusqu’alors. Marey avait choisi d’explorer
un domaine où les sens seuls demeuraient sans pouvoir.
La grande œuvre de Marey fut d’adapter les machines graphiques
utilisées en physique pour enregistrer le mouvement du corps ou
dans le corps, sans recourir à la main ni à l’œil. Il commença par
représenter la dynamique interne du corps, puis en traça la cinétique
externe. A la fin de sa vie, il étudia les milieux au sein desquels
les êtres mouvants se meuvent, les tourbillons et les frémissements
de l’air et de l’eau. A chaque fois il fit en sorte que le mouvement
inscrive ses propres traces au moyen d'instruments qu'il créa.
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Le premier instrument construit par Marey, le
sphymographe, illustre les principes qu’on allait
retrouver dans tous les instruments ultérieurs,
y compris les appareils photographiques.
Le sphymographe transcrit le signe manifeste
de la circulation sanguine, le pouls, et ce fut
la grande contribution de Marey à la cardiologie.
Il était à la fois léger, de façon à ne pas interférer
avec ce qu'il décrivait, et simple. Son levier et
son stylet convertissaient le battement du cœur
en une inscription permanente, fluide, sur une feuille
de papier noirci à la fumée.
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