Voici le deuxième billet d’une série de 3 sur l’histoire de Medica – rédigé par Lou Delaveau, conservatrice-stagiaire Enssib, à l’occasion des 20 ans de la bibliothèque numérique Medica. Retrouvez le premier billet ici et la troisième là.
II. Du Corpus des médecins de l’Antiquité à la « bibliothèque » Medic@ : quelques exemples
Avec et pour les chercheurs.
Les différents cartons d’archives relatives au Service d’histoire de la santé regorgent de courriels imprimés dans les premières années du XXIème siècle et qui témoignent des contacts nourris avec des chercheurs, « public en or » et véritables « piliers » de la bibliothèque. Ces échanges reflètent les recherches personnelles – car on « n’attrape pas les mouches avec du vinaigre » – mais aussi les thèmes à la mode et les sujets d’actualité. En 2002, le bicentenaire de la mort de Xavier Bichat inspire la mise en ligne d’un corpus dédié. Ce concours de circonstances profite à la statue du médecin et anatomo-pathologiste située dans la cour de l’Université et dont l’état piteux aiguillonne les bibliothécaires et chercheurs ayant participé au dossier : elle est restaurée à cette occasion. D’autres corpus bénéficient d’interfaces de recherche spécifiques comme les dictionnaires et les périodiques, premières sources consultées par les lecteurs néophytes. Des contributeurs célèbres, comme Jean Starobinski, apportent aussi leur pierre à l’édifice Medic@ en rédigeant des présentations de dossiers.
Corollaires de cette expertise développée sur la valorisation numérique du patrimoine, la BIUM organise de nombreux colloques qui renforcent sa position dans le paysage de la recherche en histoire de la santé mais resserrent aussi ses liens avec des sociétés et académies savantes : elle héberge leurs sites web et participe parfois même à leurs publications[1]. La pluridisciplinarité est le maître-mot. Une collaboration plus active est également entérinée avec le Musée d’histoire de la médecine qui partage les murs du 12 rue de l’école de médecine[2]. En 2005, la consultation mensuelle de Medic@ s’établit à 130 000 pages consultées pour plus de 10 000 visiteurs[3].
Il va sans dire que les contacts avec les chercheurs et chercheuses de la première heure se poursuivent au long cours. En 2009, Le Corpus électronique des médecins de l’Antiquité, désormais constitué de 180 volumes et témoin de longue date des relations étroites entre la BIUM et le laboratoire « Médecine grecque » reçoit le prix Plottel de l’Académie des inscriptions et belles lettres[4]. Ainsi que le précise le dossier de candidature, plus d’un million de pages ont été téléchargées en 2007 et 60 % de connexions sont issues de l’étranger, ce qui atteste du rayonnement de la BIUM à l’international après une première décennie d’existence.
De la persistance du papier ….
En dépit de son « @ », Medic@ n’est pas envisagée au départ comme une collection strictement dématérialisée. En 2000, l’équipe de la bibliothèque prévoit de faire réaliser des reprints pour satisfaire les demandes de chercheurs et sociétés savantes adeptes de fac-similés. La bibliothèque développe donc au fur et à mesure des numérisations un catalogue de réimpressions qu’elle diffuse elle-même ou via des diffuseurs professionnels, pour peu que le nombre de souscriptions – fixé à quelques dizaines d’exemplaires[5] – ait été atteint. Plusieurs formules, standard ou plus luxueuses, sont proposées[6]. Un soin tout particulier est apporté aux choix des titres : « Arkana » est par exemple retenu avec l’accord d’un éditeur pour son caractère mystérieux susceptible d’attirer les lecteurs férus de sciences occultes. Le service prévoit également de fournir des supports cédéroms. Toutefois, une partie de l’équipe de la BIU Santé avoue aujourd’hui avoir été mal à l’aise face à cette distribution commerciale. Les demandes se faisant rares, les reprints sont progressivement abandonnés et Medic@ se déleste de ses assises matérielles pour se transformer, de « collection » hybride, en bibliothèque entièrement numérique.
… au tout numérique !
Medic@ ne rassemble pas des photographies mais des numérisations : les reproductions des documents n’étaient donc pas réalisées dans le laboratoire photographique précédemment mentionné. Un scanner, d’abord en noir et blanc, avait été loué dès les débuts de l’entreprise auprès de la société Arkhênum, dont l’un des employés rejoindra, après un changement de carrière, l’équipe des magasiniers du Service d’histoire de la santé.
Des échanges avec Arkhênum font aussi état des recherches concernant les possibilités d’océrisation, c’est-à-dire de reconnaissance des caractères[7]. En raison d’un coût élevé, du nombre de documents concernés et de résultats décevants pour les éditions antérieures à 1850, cette fonctionnalité sera abandonnée pour un certain temps. En 2004, Jean-François Vincent vient remplacer Henry Ferreira-Lopes, qui avoue aujourd’hui s’être inspiré de son expérience à la BIUM pour développer la bibliothèque numérique de la Bibliothèque municipale de Besançon, dont il est le directeur. A partir de 2008, la Bibliothèque nationale de France réoriente ses subventions au pôle associé qu’était la BIUM pour encourager la numérisation. Même si une étroite coopération documentaire avec Gallica existait dès les débuts de Medica, ces subventions permettent d’entériner la politique documentaire et le champ d’action de Medic@ par rapport à celui de Gallica et favorise une synergie entre les deux bibliothèques. Deux filières de numérisation sont mises en place à la BIUM : les documents rares ou fragiles sont traités en interne tandis que les corpus très volumineux, homogènes, dont la numérisation et l’indexation sont aisées, sont externalisés. Un scanner couleur sera acquis en 2012.
A suivre… Comment Medic@ devint-elle Medica ? Retrouvez l’épisode trois de l’histoire de Medica sur le blog de la BIU Santé à partir du 7 décembre 2020.
[1] La BIUM collabore ainsi avec l’Académie nationale de chirurgie pour faire paraître en ligne à partir de 2002, un journal électronique trimestriel, « Les e-mémoires de l’Académie nationale de chirurgie »- Archives, c. 99.
[2] Convention établissant un partenariat de recherche entre la BIUM et le Musée- Archives, c. 99.
[3] Tableau des consultations- Archives, c. 100
[4] Dossier pour le prix Pottel- Archives, c. 101.
[5] Mail du 13/04/2001 (Henry Ferreira-Lopes) – Archives, c. 95 et « La Politique documentaire de Medica », version mai 2006, p. 4 – Archives, c. 96.
[6] Mail du 5/10/2001 (Guy Cobolet) – Archives, c. 100.
[7] Un devis établi en janvier 2005 indique qu’un traitement OCR pour une centaine d’ouvrages numérisés s’élèverait alors à 4000 euros (sans correction du texte brut obtenu) – Archives, c. 95.
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