La nouvelle a ému les spécialistes, en France comme au Japon. Un document exceptionnel, qui dormait dans les collections de la bibliothèque de pharmacie, a été retrouvé presque par hasard.
Ce document est un recueil de 28 planches photographiques concernant l’une des opérations scientifiques les plus ambitieuses que l’astronomie moderne ait connue. Il s’agit de la mission Janssen, organisée au Japon, en 1874, au moment du passage de Vénus devant le Soleil. Cette mission devait permettre de calculer le plus précisément possible la parallaxe, c’est-à-dire l’impact causé par le changement de position d’un observateur sur l’objet astronomique observé. En d’autres termes, cette mission avait pour objectif de trancher l’épineuse question de la distance exacte de la Terre au Soleil. Autrement dit : déterminer l’Unité astronomique.
Pour assurer le succès de ses observations, la France consent alors à financer six missions. Elle dirige ses savants de l’autre côté du monde, vers l’Océan indien, l’Asie et le Pacifique. Trois missions se rendent dans des stations de l’hémisphère nord (Pékin, Yokohama et Saigon) ; trois autres gagnent l’hémisphère sud (Nouméa, l’île Campbell et l’île Saint-Paul).
La mission du Japon, dite de Yokohama, est dirigée par Jules Janssen (1824-1907). Partisan résolu de la photographie, ce dernier invente pour la circonstance un curieux appareil qu’il nomme « révolver astronomique ». C’est l’ancêtre de nos appareils astronomiques modernes. C’est également l’un des ancêtres du cinématographe. Dès qu’un cliché est pris, la rotation du barillet l’escamote et présente devant l’objectif une plaque vierge. Une pression sur l’obturateur et l’on prend la photographie suivante. Un ingénieux dispositif permet de graver l’heure sur la plaque et de dater chacune des prises de vue.
Inventeur d’outils nouveaux, Jules Janssen est aussi un homme de terrain. Quand il prend la tête de l’expédition de Yokohama, ce quinquagénaire n’en est pas à sa première aventure. Il n’empêche, cette expédition ne sera pas de tout repos. Il essuie deux typhons, dont l’un particulièrement désastreux en rade de Hong Kong. Arrivé à Yokohama avec une poignée d’hommes et 250 caisses de matériel, il doit faire face à de nouvelles intempéries. Il décide alors d’installer son observatoire à Nagasaki, qui présente un climat plus clément. Mais le temps se gâte à nouveau et, devant la menace d’un nouveau cyclone, Janssen envoie une seconde équipe en station à Kobe. Le jour du passage le ciel est chargé. Heureusement une éclaircie permet aux astronomes d’observer l’essentiel du transit de Vénus devant le Soleil.
Durant l’ensemble de la mission Janssen des photographies sont prises, notamment des stations de Nagasaki et de Kobe. Certaines seront envoyées à Jean-Baptiste Dumas (1800-1884), responsable depuis 1869 de la « Commission du passage ». Cette commission était chargée de réfléchir aux moyens, aux dispositions et aux missions à entreprendre pour réussir une telle observation menée à l’échelle planétaire. Le recueil de 28 planches photographiques, provenant de la bibliothèque de Jean-Baptiste Dumas, sera ensuite donné à la bibliothèque de Pharmacie, en 1939, par l’Institut. C’est ce même recueil qui fait aujourd’hui l’objet d’un dépôt aux archives photographiques du musée Guimet où la BIU Santé sait qu’il trouvera un lieu de conservation exemplaire. Au musée Guimet, ces photographies pourront également être restaurées avec soin et être mises en les mains de chercheurs spécialisés, notamment l’équipe de recherche de l’université de Nagasaki qui développe un projet remarquable de valorisation du patrimoine photographique du Japon à l’ère Meiji, en partenariat avec les archives photographiques du musée Guimet.
Pour plus de renseignements, contacter Philippe Galanopoulos.
Pour en savoir plus :
– Françoise LAUNAY. « Les acteurs de la mission de Jules Janssen au Japon, en 1874 », dans : L’Astronomie, vol. 121, février 2007, pp.94-101
– Françoise LAUNAY et Peter D. HINGLEY. « Jules Janssen’ « Revolver photographique » and its British derivate « The Janssen Slide » », dans : Journal for the History of Astronomy, 36 (2005), pp. 435-457
– Monique SICARD. « Passage de Vénus. Le Revolver photographique de Jules Janssen », dans : Études photographiques, 4 : Photographie et hallucination / L’utopie chronophotographique, mai 1998, 10 pp.
Contacts :
Musée Guimet
Service des archives photographiques du musée Guimet
M. Jérôme Ghesquière, responsable du service des archives photographiques