Ou pour être exact, «soyez créatifs» ce qui revient au même dans le contexte. Telle est l’injonction assenée par le docteur John Thackery à ses deux subordonnés. Car comment se renseigner sur une nouvelle technique chirurgicale française quand on officie dans un hôpital de New York au début du XXe s. ? En l’occurrence, le Knickborder (surnommé le «Knick»).
Voilà donc nos deux médecins contraints de visiter nuitamment la bibliothèque d’un hôpital concurrent, réputée pour être abonnée à des revues françaises. Ils finiront par trouver l’article, mais encore faudra-t-il en comprendre la teneur : «En français, chaque mot a cinq ou six sens différents !»
The Knick est une série télévisée qui a créé le buzz l’été dernier, pour plusieurs raisons. En premier lieu, elle est réalisée par un cinéaste de renom, Steven Soderbergh – qui a d’ailleurs signé les 10 épisodes de la première saison, et pas seulement le pilote. Avec une distribution remarquable, Clive Owen en tête.
Cette série met en scène la vie quotidienne au Knickborder hospital aux alentours de 1900. L’intrigue est centrée sur le docteur Thackery. Brillant médecin, bourreau de travail et chercheur infatigable. Mais aussi misanthrope en puissance et toxicomane invétéré.
On frémit souvent devant cette évocation de la médecine d’il y a un siècle : hygiène approximative, instruments artisanaux (dans tous les sens du terme), entraînement sur les porcs élevés dans la cour de l’hôpital, ou sur des cadavres que les différents établissements s’arrachent à coups de dollars, débuts grésillants de l’électricité et de la radiologie, ou encore bagarres entre ambulanciers pour savoir qui ramènera les blessés dans «son» hôpital. Calibrée pour être diffusée sur le câble, la série ne rechigne pas à verser dans le gore et la violence, mais toujours au service du récit. Dès la scène d’ouverture, le ton est donné : une opération en public, dans un amphithéâtre qui en rappelle d’autres (l’amphithéâtre Vulpian, bien caché au centre des Saints-Pères, par exemple).
L’anecdote du vol des revues n’est pas la seule qui renvoie indirectement aux bibliothèques. L’un des héros, le docteur Algernon Edwards, noir américain, ne peut publier ses recherches en tant que premier auteur. Il doit laisser son collègue blanc proposer l’article à sa place pour qu’il ait une chance d’être accepté. La place des noirs dans la société américaine (comme patients ou comme médecins) revient tout au long des épisodes, de même que celle des femmes, cantonnées pour la plupart aux rôles d’infirmière ou de bonne sœur.
The Burns Archive participe activement à la reconstitution de cet environnement médical. Le personnage principal étant lui-même inspiré d’un célèbre médecin, lui aussi toxicomane, William Halsted. Des historiens pointilleux ont néanmoins souligné quelques inexactitudes : à l’époque, on utilisait déjà des gants chirurgicaux, et les césariennes étaient déjà pratiquées, entre autres.
En France, The Knick est diffusée sur OCS Go (jusqu’au 8 août prochain). Une saison 2 est prévue à l’automne 2015.
En savoir plus
Billets du blog de l’Académie de médecine de New York sur la série
Article sur le rôle des archives Burns
Critique sur le blog « Le monde des séries »
Critique sur le blog « Premières prises »
Je suis vite dévenu fan de cette serie The Knick.