Texte
Jean Pecquet
Nova de thoracicis
lacteis Dissertatio
(1654)
Expérience iv  >

[Page 132 | LAT | IMG] [1]

Pour en finir tout à fait avec les remarques de Riolan [2] sur les lactifères[3] il me reste à examiner la voie par où le chyle monte jusqu’aux veines subclavières [4] et si une partie en est [Page 133 | LAT | IMG] dérivée vers les mamelles. [5] Sur cette question, il soupçonne que la vérité est à tenir pour obscure, mais je lui réponds qu’elle serait à tenir pour claire s’il fondait son avis sur la preuve que fournit l’expérience des sages-femmes [6] et si, bien qu’ayant un pied dans la tombe, il voulait bien corriger les erreurs qu’il a commises en sa jeunesse.

Il dit aux pages 368 et 369 de ses Omissions qu’il faut placer aux endroits indiqués : [1] « Si ces veines lactées se trouvent en l’homme, peut-être que ce chyle se distribue aux branches axillaires [7][8] et iliaques de la veine cave [9][10] afin qu’étant mêlé avec le sang d’en haut, elles fournissent un aliment visqueux et gluant à diverses glandes qui en sont voisines, comme aux glandes axillaires, à celles du larynx, du gosier, du dessous du menton, et aux autres du cou, qui sont placées le long de la veine jugulaire externe, [11][12] aux parotides, [13] et même aux mamelles des femmes. » [14] Note bien, je te prie, sa plaisante doctrine sur le cheminement du chyle, où il le mélange au sang veineux pour qu’il parvienne à une telle quantité de glandes. La belle voie que voilà, cher Riolan ! car selon l’indubitable règle de la circulation, tout le sang qui est dans les veines retourne dans le cœur, et seul celui des artères irrigue toutes les parties du corps et nourrit donc lesdites glandes. [15] Force est d’en conclure que le sang des artères leur parvient, auquel du chyle a aussi mélangé son aliment visqueux et gluant, et qu’il en va de même pour les mamelles. Il n’admettrait pourtant sûrement pas ce fait, faute d’avoir eu connaissance de l’expérience que je décris ici et de savoir admettre ce qu’il voit. Qu’il écoute donc bien quelle est la voie qui mène le chyle aux mamelles sans qu’il se soit mêlé au sang, et qui existe chez les mammifères aussi clairement que la Voie lactée dans le ciel. [2][16][17]

Après avoir ouvert abdomen puis thorax, je repère les lactifères de ce dernier et les lie aussi près du cou qu’il m’est possible. [18] Pour faciliter la dissection, j’éviscère les poumons, ainsi que le cœur, les veines caves, l’œsophage et l’aorte. Les veines lactées du thorax sont alors vides depuis leur lien jusqu’à [Page 134 | LAT | IMG] l’endroit où elles se divisent en deux pour s’insérer dans les veines subclavières, j’en dissèque une ou les deux à petits coups de scalpel, pour ne pas les égratigner, jusqu’à ce qu’elles soient libérées de tout contact avec les parties voisines. Une fois parvenu aux branches subclavières auxquelles elles s’attachent, je lève la ligature et un flot de chyle se répand immédiatement dans les bifurcations. Ayant précédemment plus d’une fois remarqué qu’une petite branche sort de ces bifurcations, et qu’elle ne gagne pas la subclavière mais se glisse, comme à la dérobée, vers l’aisselle, entre les muscles du thorax, je suspecte qu’elle se rend aux mamelles pour les atteindre et les alimenter.

Mes conjectures sur ce canal sont d’autant plus fortes que je l’ai trouvé à maintes reprises chez des chiennes qui allaitaient. Je l’y ai suivi avec incroyable difficulté car il est bien caché et je ne suis encore jamais parvenu à le dégager entièrement sans le blesser et le vider, particulièrement à l’endroit où il franchit la première côte pour sortir du thorax. C’est pourquoi j’ai entrepris de faire téter des chiots aux mamelles de leur mère que je disséquais pour réexaminer ses conduits lactés. J’ai assidûment mené ce travail à la fois opiniâtre et monstrueux, mais la dissection des parties externes a provoqué une si vigoureuse contraction des muscles du thorax qu’ils comprimaient ledit canal, au point d’en vider le contenu et de le rendre invisible.

Il y a peu, à Montpellier, j’ouvris une petite chienne qui allaitait, en présence du très illustre M. Rivière (qui y occupe l’éminente charge de professeur royal, à la louange unanime de sa célèbre Université), et aussi du chirurgien Martet, qui est fort habile anatomista[3][19][20] tout comme de quelques autres personnages de mérite non moins remarquable, à qui nous avons enseigné la manière de mettre en évidence les lactifères thoraciques et le réservoir ; [21] mais en voulant exposer ce petit conduit [Page 135 | LAT | IMG] lacté, une très grande abondance de lait s’écoula quand je coupai le cartilage de la troisième côte ; et dans le même temps je sectionnai la veine et l’artère thoraciques, [4][22] provoquant une hémorragie qui obscurcit la région disséquée et ne permit pas aux spectateurs de bien voir, en dépit de toute leur attention à me regarder faire, si ce qui sortait du conduit chyleux blessé pouvait être du lait. J’ai très souvent répété cette même expérience chez des chiennes allaitantes, mais j’ai toujours provoqué une très abondante effusion de sang en tranchant les vaisseaux quand j’ai entrepris d’exposer les parties du thorax qui jouxtent les premières côtes, et jusqu’ici, je ne suis pas parvenu à disséquer avec suffisamment de soin pour aboutir à un résultat parfait. Il te reste donc à appliquer tes talents pour y réussir mieux que moi. [5]

Conclusions que je tire de cette expérience[6]

  1. Puisque les lactifères suivent un chemin ininterrompu qui mène le chyle des intestins au réservoir du mésentère, puis aux veines subclavières, il existe, grâce au dit réservoir intermédiaire, une continuité entre les veines lactées de l’abdomen et du thorax, grâce à laquelle le chyle s’écoule donc depuis les intestins jusqu’aux subclavières, mais sans passer par le foie, la veine cave inférieure ou la veine porte. [23]

  2. Puisque mon expérience ii [24] a prouvé que les lactifères mésentériques se déversent directement dans la cavité du réservoir, d’où naissent pareillement les lactifères thoraciques, comme l’établit la présente expérience, [7] et puisqu’aucune de ces veines lactées ne communique où que ce soit avec [Page 136 | LAT | IMG] la veine cave inférieure ni avec la veine porte, Riolan a tort de les voir s’unir avec les branches de cette dernière, en contestant, page 185, qu’on doive pour autant « s’éloigner de l’ancienne doctrine touchant la distribution du chyle ». Avec téméraire hardiesse, pour ne pas dire en usant d’un vocabulaire impie (mais qui pourrait correspondre au vain privilège du titre divin pour qui parle à son prochain, ou pour qui use inconsidérément de ses lèvres), il ne doute pas de proclamer que le mortel qui fait monter le chyle au cœur rabaisse indiscutablement Dieu, dépouille celui qui n’abandonnera pas sa gloire à un autre, et se prend lui-même (ah Michel !) pour le vigoureux jaloux[8][25] Je proteste pareillement contre le babil de Riolan s’imaginant à la page suivante que « le chyle prend la couleur du sang dans le tronc de la veine porte ». [26]

  3. Il suit, au livre ii, chapitre xvii de son Anthropographie[9][27][28] la sentence de Galien [29] imaginant que la racine de la veine porte se situe dans le mésentère et dans la rate, [30] et non dans le foie, car la veine porte est semblable à un arbre et ses racines font pénétrer dans son tronc l’humeur émanant du suc alimentaire, pour l’envoyer ensuite dans ses branches ; et puisque le sang parvient au tronc de la porte depuis les veines mésaraïques et spléniques, il ne serait pas inepte de dire que ce sont les racines de la porte. Suivant l’exemple riolano-galéniste, j’oserai aussi assimiler la ramification tout entière des lactifères à un arbre : ses racines aséliennes [31] se situeront dans le mésentère ; le réservoir sera à considérer comme son tronc ; nos lactifères thoraciques s’en détacheront comme les branches d’un tronc ; et pour que le jardinier ne laisse rien désirer à la richesse anatomique, les subclavières imiteront les godets que les campagnards insèrent dans les rameaux des plus doux arbres pour en faire couler la sève, dont la saveur combine les divers liquides qui la composent et s’imprègne de leur douceur naturelle. Si tu préfères penser [Page 137 | LAT | IMG] que le principe de l’enracinement ne tient pas au mouvement de l’humeur, mais à l’origine des veines, autrement dit que la veine cave a pour racines toutes les parties du corps qu’atteignent ses rameaux les plus éloignés, alors la circulation prouve manifestement que, de même que la sève monte dans l’arbre par ses racines, le sang et le chyle parviennent au tronc du cœur depuis les extrémités respectives des veines et des lactifères, pour être ensuite distribués de tous côtés par les artères. Dans son témoignage en faveur de mes expériences anatomiques, notre ami Auzout [32] a déclaré que « les veines, le cœur et les artères forment comme une plante » car les veines en sont les racines, le cœur en est le tronc et les artères en sont les branches. [10][33]

  4. Quant au véritable sort des lactifères qui serpentent le long de l’épine dorsale, les doutes de Riolan doivent être mis sur le compte de sa vue que les ans ont affaiblie [34] voire, soit dit sans méchanceté, de sa négligence : pourquoi ne pas le dire, puisque Gayan [35] les lui a montrés, et dans quelle intention met-il en accusation ma sincérité ? Sinon du moins, pourquoi proclame-t-il avoir démontré la même chose que moi ? Il pense qu’il va m’écraser et m’offrir en éternel sacrifice à Harpocrate [11][36] avec le verbeux affront, parfaitement futile pour lui, mais éloquent et extrêmement utile pour moi, qu’il répand avec véhémence page 181 : « Si ces veines lactées sont couchées et fortement attachées aux vertèbres des lombes et du dos, puisqu’elles sont fort menues et donc plus faciles à rompre, quand il y aura luxation de plusieurs vertèbres comme en cas de grande cyphose, [37] qui imprime une violente torsion aux lombes et au dos ; ces veines, avec le réceptacle du chyle, pourront aussi se briser lors des mouvements violents du rachis. » Ce que vous dites n’est pas faux, cher Riolan, mais en vérité, si les canaux lactés spinaux rompaient, ou si la cavité du réceptacle était blessée, la lésion couperait [Page 138 | LAT | IMG] la voie où se rue l’aliment, ce qui provoquerait inévitablement une mort très rapide. [12]

Voilà à quoi me pousse malgré moi l’âpreté de Riolan ou, pour parler plus sincèrement, la légitime défense de la vérité, car il l’a injustement attaquée et je ne puis, sans dommage pour elle, l’abandonner quand elle est ainsi malmenée. Je n’ai pas recensé toutes les bévues qu’il y a dans son livre, pour que les flots de ses divers sarcasmes n’accablent pas le paisible esprit des lecteurs, qui réclame des faits solides et utiles. Résumer les outrages de ce bavard sénile m’a suffi, je n’ai pas voulu en dire trop pour l’attaquer car cela nuirait au succès de mon ouvrage, dont je médite que la parution ne sera peut-être pas inutile aux anatomistes et, j’ose l’espérer, à la république médicale tout entière. La méchanceté des sarcasmes riolaniques a heurté nombre d’autres éminents auteurs, mais je n’ai pas jugé bon de les citer car leur gloire est trop brillante et solide pour en avoir été flétrie ; [13] ses médisances ne peuvent que mettre en lumière mes propres mérites, sans entraver leur essor. [38] Nous sommes tous très loin de trouver redoutables les flèches que contiennent ses écrits, mais la pitié pour son grand âge et la retenue persuadent les plus sages de ne pas gaspiller leur précieux temps à prolonger un débat si clairement résolu. Il a réservé ses plus rudes attaques à ceux dont il a estimé qu’ils devaient se soumettre à son génie, en blâmant à tel point leur talent que nul ne saurait pardonner à l’esprit riolanique, acharné à éreinter tout ce qu’il estime contraire à lui, de tourner hippocratiquement en rond, comme en attestent ses propos et ses ouvrages. [14]

FIN.

1.

V. leur note [30] pour cette addition de Jean ii Riolan dans les omissions de son Discours contre les veines lactées.

2.

La Voie lactée, Via lactea, portait aussi le nom de Galaxie (Galaxias), que les progrès de l’astronomie ont étendu à bien d’autres systèmes stellaires que celui où gravite la Terre.

Comme les trois précédentes, cette quatrième expérience porte sur des chiens qui ont été copieusement alimentés avant les dissections. Bien qu’il la prétendît aussi nette que la Voie lactée, Jean Pecquet allait se tromper sur l’existence d’une communication directe entre les lactifères thoraciques et les mamelles, qu’il n’est pas parvenu à trouver, en dépit de tous ses efforts.

3.

Cette dissection de 1654, en petit comité, portait sur les liens supposés entre les lactifères et les mamelles. Elle est distincte de celle qui, en janvier 1652, avait bruyamment célébré l’arrivée de Jean Pecquet à l’Université de Montpellier, relatée dans la note [11], seconde Responsio de Jean ii Riolan, 2e partie.

Lazare Rivière, professeur de médecine à Montpellier mort en 1655, est resté fidèle à la physiologie classique du chyle dans sa Pratique de médecine avec la théorie (vnote Patin 5/49), qui a été traduite en français (Lyon, 1723).

L’Abrégé des nouvelles expériences anatomiques, des veines lactées, réservoirs du chyle, avec leur continuité jusques aux veines sous-clavières ; et comme le chyle est porté au cœur pour faire le sang. Ensemble de la circulation du sang. Le tout exactement recherché et expérimenté par Jean Martet, maître chirurgien juré, anatomiste royal en la Faculté de médecine de Montpellier, et commis aux rapports qui se font d’autorité de justice en la même ville et son voisinage {a} ne cite Pecquet qu’une fois (pages 9‑10), au début du chapitre ii, Des deux réservoirs ou gardouches {b} du chyle avec leur continuité, jusques aux veines subclavières :

« Il est très certain qu’au-dessous du mésentère, entre les reins et les tendons du diaphragme, il se trouve deux réservoirs du chyle, qui sont assez grands, selon la grandeur de l’animal, et qui n’ont jamais été décrits ni découverts de personne que par le sieur Jean Pequet {c} de Dieppe, docteur en la Faculté {d} de médecine de Montpellier, et grand anatomiste ; lequel, par fréquentes dissections des animaux vivants, les a découverts et en a écrit un petit livre en latin, qu’il a fait imprimer. {e} De ces réservoirs, qui sont un de chaque côté, sortent deux conduits qui sont comme deux petits tuyaux couchés sous l’artère et qui vont aux veines subclavières, où ils dégorgent le chyle.

Lorsque je voulus savoir par expérience la vérité de ces réservoirs et conduits qui vont aux subclavières, je ne les pouvais trouver qu’à des chiennes ; ce qui me mettait en doute, et je croyais que ce fussent quelques conduits qui portassent le lait aux mamelles, car je crois qu’il y a des vaisseaux particuliers qui portent le lait aux mamelles sans passer par le sang ; comme aussi je crois qu’il y a quelque conduit qui porte les sérosités du ventricule {f} aux reins. » {g}


  1. Paris, Charles de Sercy et Jean Guignard, 1664, in‑12 de 72 pages : seul ouvrage que Jean Martet a publié (à ma connaissance).

    Riolan a reproché à Pecquet son emploi du barbarisme anatomista, au lieu d’anatomicus, dans le sens d’« anatomiste » : v. notes [11], deuxième partie de sa seconde Responsio et [14] de sa Responsio ad Pecquetianos, 3e partie.

  2. Mot peut-être occitan dont je n’ai nulle part trouvé la définition, mais il semble ici aller de soi qu’il signifie « gourdes ».

  3. Sic.

  4. Sic pour « l’Université ».

  5. Les Experimenta nova anatomica (Paris, 1651 et 1654), dont notre édition procure une traduction intégrale et annotée.

  6. À l’estomac.

  7. La suite confirme en tous points les observations de Pecquet sur les voies du chyle chez les chiens (femelles comme mâles), y compris la croyance en une fictive communication entre les lactifères et les mamelles.

4.

La dénomination anatomique de Jean Pecquet manque de précision, mais les seules grosse artères de la paroi antérieure du thorax à être proches des cartilages costaux sont les deux mammaires internes, nées des subclavières et accompagnées de leur veine satellite.

Étant donné leur abondante hémorragie, ces dissections de chiennes allaitantes n’avaient pas été préalablement éviscérées comme le chien décrit plus haut pour démontrer les lactifères thoraciques.

5.

Les vivisections de Jean Pecquet étaient aussi cruelles que vaines car il convenait n’être jamais parvenu à mettre au jour le canal qu’il recherchait. On se demande bien pourquoi il a relaté ses inutiles recherches. Le lait des mamelles dérive du sang comme Jean ii Riolan l’a énergiquement défendu dans l’article Mammæ (page 821) de ses remarques contre le Syntagma anatomicum (chapitre ix) de Johann Vesling : {a}

Pag. 106. Miror quomodo Veslingius scripserit, mammas lac generare, non tantum ex sanguine, è paucis paruisque vasis subministrato, sed ob largiter affusos à Pancreate ventriculoque vapores, ac lactescentem humiditatem instinctu naturæ, et sequenti Pag. 107. Declarat, nondum perspectum satis esse, quibus viis mammæ materiam in lac convertendam admittant. An ipse ignorat thoracicas venas materiam, siue sanguinem abunde suppeditare ? […] Propterea valde absurdum est proferre à Pancreatis ventriculique vaporibus materiam lactis suppeditari vberibus, quamuis aliquid simile scriptum fuerit ab Hippocrate, libro de natura pueri, de Omento, quod materiam lacti præbet, sed malè prolatum à Prospero Martiano suis in eum locum commentariis, si mammas sitas haberet mulier in ventre, vt reliqua animalia. Hæc opinio, aliquam probabilitatem præ se ferret, sed quomodo isti vapores possunt penetrato diaphragmate, traiectisque pleura musculis intercostalibus ad mammas pervenire.

[Je m’étonne que Vesling ait écrit, page 106, que les mamelles produisent moins leur lait à partir du sang, car elles ne sont irriguées que par des vaisseaux grêles et peu nombreux, qu’à partir des vapeurs qui leur parviennent en abondance du pancréas et de l’estomac, {b} et de l’humidité allaitante qui dépend de l’instinct naturel ; et il déclare à la page suivante, 107, qu’on n’a pas encore suffisamment étudié les voies par lesquelles les mamelles reçoivent la matière qu’elles transforment en lait. Ignore-t-il que les veines thoraciques procurent en abondance cette matière, qui n’est autre que le sang ? […] {c} Il est donc parfaitement absurde de prétendre que la matière du lait est fournie aux mamelles par des vapeurs émanant du pancréas et de l’estomac, bien qu’Hippocrate ait écrit dans le même sens à propos de l’épiploon qui fournirait la matière du lait, dans son livre sur la Nature de l’enfant ; {d} Prospero Marziano en a mal déduit, dans ses commentaires sur ce passage, {e} que si tel était le cas, la femme devrait alors avoir les seins sur le ventre comme les autres mammifères. Cette opinion peut avoir quelque vraisemblance, mais comment ces vapeurs peuvent-elles atteindre ses seins après avoir traversé le diaphragme, puis la plèvre et les muscles intercostaux ?] {f}


  1. V. notes [3‑1], Experimenta nova anatomica, chapitre vi, pour le Syntagma anatomicum [Traité anatomique] de Vesling (Padoue, 1647), et [5], première Responsio de Riolan, 3e partie, pour la critique qu’il en a publiée dans ses Opera anatomica vetera et nova (Paris, 1649).

  2. S’il n’était pas mort en 1649, Vesling aurait sans doute porté très grand intérêt à la description des lactifères thoraciques par Pecquet.

  3. Suit une description sommaire des vaisseaux mammaires, mais à la manière de Riolan qui attribuait aux veines l’irrigation des organes.

  4. Chapitre 21, Littré Hip, volume 7, page 513.

  5. V. note [34], lettre de Thomas Bartholin à Johann Daniel Horst.

  6. V. note [4], thèse de Pierre De Mercenne sur la sanguification en 1661, pour l’avis plus exact de Richard Lower en 1669 sur la formation du lait à partir du chyle mélangé au sang.

6.

Les conclusions de Jean Pecquet défient la logique car il ne les dérive pas de l’expérience qu’il a rapportée : elles ne portent pas sur la communication des lactifères thoraciques avec les mamelles, mais sur le trajet thoracique du chyle et sur sa signification physiologique, dans la ferme intention de contrer les idées de Jean ii Riolan sur la question.

7.

La présente expérience iv n’a pas établi cela : c’est à son expérience iii que Jean Pecquet devait attribuer cette démonstration sur les chylifères thoraciques.

8.

Le latin de Jean Pecquet est ici particulièrement barbelé et prête aux contresens, mais sa furieuse diatribe répond à la conclusion de la première Responsio (6e partie) où, après la loi d’Adastrée invoquée par Galien (v. sa note [41]), Jean ii Riolan en appelait à Dieu pour inspirer plus de sagesse au jeune anatomiste, dont il avait sévèrement fustigé l’arrogance et l’ignorance dans sa Préface.

V. note [2], Experimenta nova anatomica, chapitre ii, pour la source biblique (Exode) du vigoureux Jaloux, qui figure Dieu blâmant l’adoration des idoles. {a} Le même livre (23:20‑21) incite à deviner que l’invocation de « Michel » se réfère à l’archange Michel que Yahvé envoie à Moïse afin qu’il le guide pour faire entrer son peuple à Canaan :

« Je m’en vais envoyer un ange devant toi, pour qu’il veille sur toi au cours de ton voyage, et te fasse parvenir au lieu que j’ai fixé. Révère-le et écoute sa voix. Ne lui sois point rebelle. Il ne pardonnerait pas, alors, vos transgressions, car il a en lui mon Nom. » {b}


  1. Figurant Pecquet mettant en garde ceux qui voudraient usurper sa découverte.

  2. Pecquet se compare à l’archange que Dieu envoie à Moïse (Riolan) pour lui faire voir comment le chyle monte au cœur (Canaan, ou la Terre promise).

V. note [11], première Responsio, 2e partie, pour la vigoureuse riposte de Jean ii Riolan sur cette référence biblique.

9.

Jean ii Riolan, De vena portæ [La veine de la porte], Anthropographia, livre ii, page 112 : {a}

Eleganter Galenus officium venæ Portæ describit lib. 4. de vsu partium, et comment ad lib. 2. de nat. hum. part. 6. Venarum, quæ à Ventriculo et Intestinis succum ciborum in Iecur deferunt, nulla vltra Iecur progreditur, imò nec in multis secundum Iecur locis apparet, quamuis numerosæ admodum ex ea parte sint, qua ventrem et cætera attingunt Intestina, sed in vnum locum quem portas Iecoris vocant omnes, coëunt ; quem locum qui primus portas nominavit, Iecur vrbi aut ædibus amplis comparauit, Intestina ventremque agris, ex quibus instar viarum per venas multas, cibi in vrbis ædiumve portas vehuntur.

Propterea ista magna vena dicitur φλεψ απο των πυλεων, vel προς τας πυλας. Ruffo Ephesio lib. 1. cap. 20. dicitur φλεψ πυλη. Vena Porta nuncupabitur Latinis, vel vena ad portas Hepatis, de quo nomine pleniùs in Hepate dicetur : huius venæ mentionem facit Hipp. lib. 2. Epid. dum vocat φλεβα επι πυλας, και λοβον ηπατος, Venam quæ ad portas, et lobum Hepatis situ est, intelligit paruum lobum Hepatis, vt altera vena Cava ηπατιτης, dicitur Iecoraria.

In historia venæ Portæ, non leuis occurrit difficultas, quam primus excitauit Galenus, libro de venis, vbi debeat assignari principium huius venæ. Imaginare, inquit arboris quemdam truncum, qui parte inferiore in multas radices, superiore in numerosam ramorum sobolem findatur : hoc pacto quæ in ventrem et Intestina deferuntur venæ, proportione radicibus respondent, truncus verò est in Hepate. Opinione igitur Galeni, venæ Portæ radices in Mesenterio et Liene collocare oportet, ac proinde radicatio venarum non est in Hepate.

Quod autem vera sit Galeni sententia, ratione et authoritate Hippocratis demonstratur ; radices in arbore dicuntur, per quas alimentum attrahitur, at Iecur per mesaraicas chylum ad se rapit : ipsemet Hippocrates hunc ingressum Portam appellat, et cum eo tota Asclepiadarum familia, authore Galeno. Inde colligitur per truncum venæ Portæ, veluti per portam, chylum Iecur ingredi : accedit quod ramus mesentericus, vmbilicalis bifidæ in fœtu portionem accipit, authore Vesalio. Quod verum est in canibus, non in homine ; nam vt in Portam, sic in Cauam intra Hepar inseritur.

[Galien décrit finement la fonction de la veine porte dans le livre iv sur l’Utilité des parties {b} et dans le livre ii, 6e partie, de son commentaire sur la nature de l’homme. {c} Aucune des veines qui transportent le suc des aliments depuis l’estomac et l’intestin jusqu’au foie ne progresse au delà de cet organe, et ne s’y distingue même en sa volumineuse substance. Elles sont pourtant fort nombreuses à naître du ventre et de ses intestins, mais elles se rassemblent en un lieu unique que tous appellent la porte du foie. Il a été le premier à lui donner le nom de portes, en comparant le foie à une ville ou à un ensemble de grandes demeures, et les intestins et le ventre à des champs d’où par quantité de veines, comparables à des chemins, les aliments sont transportés aux portes de ladite ville ou des dites demeures.

C’est pourquoi on appelle cette grande veine phleps apo tôn puleôn, ou pros tas pulas. {d} Rufus d’Éphèse, livre i, chapitre xx la nomme phleps pulê: {e} vena porta ou vena ad portas Hepatis {f} pour les Latins, dénomination dont il sera plus longuement question dans le chapitre sur le foie. Hippocrate mentionne cette veine au livre ii des Épidémies, où il l’appelle phléba épi pulas, kai lobon êpatos, « la veine qui est située aux portes et au lobe du foie », en voulant parler du petit lobe du foie, de même qu’il appelle la veine cave êpatitês, « hépatitide ». {g}

La description de la veine porte n’est pas dénuée de difficultés, que Galien a le premier soulevées dans son Livre des veines quand il doit établir l’origine de cette veine : « Imaginez, dit-il, le tronc d’un arbre qui se divise dans sa partie inférieure en de nombreuses racines, et dans sa partie supérieure, en une multitude de branches ; de ce fait, les veines qui se portent dans le ventre et les intestins ont un nombre de racines qui est proportionné au leur, et leur tronc dans le foie » {h} Suivant l’opinion de Galien, il faut donc placer les racines de la veine porte dans le mésentère et dans la rate, ce qui fait qu’elles ne prennent pas naissance dans le foie. {i}

La vérité de la sentence de Galien est démontrée par les arguments et l’autorité d’Hippocrate : on dit qu’un arbre puise l’aliment par ses racines, mais le foie fait venir à lui le chyle par les veines mésaraïques ; Hippocrate lui-même appelle cette entrée la porte, {g} comme a fait avec lui, dit Galien, toute la famille des Asclépiades. {j} Le tronc de la veine porte collecte donc le chyle et le fait entrer dans le foie comme par une porte ; selon Vésale, {k} c’est la branche mésaraïque, laquelle est une branche de l’ombilicale bifide chez le fœtus, qui le reçoit. Cela est vrai chez les chiens, mais non chez l’homme, car dans le foie, elle s’insère en même temps dans la veine porte et dans la veine cave].


  1. Opera anatomica vetera et nova, Paris, 1649, v. supra notule {a}, note [5].

  2. Chapitre xiii, Daremberg, volume 1, pages 307‑315.

  3. Deuxième livre de Commentaires sur Hippocrate de la Nature de l’homme, Kühn, volume 15, pages 130‑146.

  4. La « veine qui sépare les portes » ou qui est « devant les portes ».

  5. La « veine porte » : Rufus d’Éphèse, Du nom des parties du corps (vnote Patin 4/1090), édition grecque et française de Paris, 1879, page 158.

  6. La « veine qui est aux portes du foie ».

  7. Quatrième section, Littré Hip, volume 5, pages 122‑125.

    Les deux premiers paragraphes de cet extrait ont un intérêt étymologique et historique qui m’a semblé digne de mémoire, mais sans relation directe avec le propos de Jean Pecquet.

  8. Début du traité sur la Dissection des artères et des veines, Kühn, volume 2, pages 779‑781.

  9. Comme Galien, Riolan pensait que le sang de la veine porte peut s’y déplacer alternativement dans les deux sens (vers le foie et vers les autres viscères digestifs).

  10. Les descendants d’Esculape vnote Patin 5/551

  11. Fabrica, livre iii, chapitre v, Venæ portæ ortus, ipsiusque propaginum series [Origine de la veine porte et liste de ses branches], Bâle, 1543, pages 262‑274.

10.

Pages 158‑159 de la lettre d’Adrien Auzout (1651), où il passait en revue les arguments qu’on pouvait alors opposer à la circulation du sang (v. sa note [7]).

Thomas Bartholin s’est aussi penché sur la comparaison entre végétaux et animaux (mais à propos de leur mode de nutrition) : v. notes [42][44] de sa lettre de 1655 à Johann Daniel Horst.

11.

Pour dire : « me réduire définitivement au silence », v. note [9], Dissertatio anatomica, chapitre iii.

12.

Ma traduction du latin de Jean ii Riolan est moins verbeuse et plus fidèle que celle de son Discours contre la nouvelle doctrine des veines lactées donnée par Sauvin en 1661 (v. sa note [1]).

Toutefois, l’attaque de Jean Pecquet manque ici de substance car il s’est lui-même imaginé que les gibbosités puissent provoquer une obstruction des voies du chyle : v. note [19], Nova dissertatio, expérience i.

13.

Les sommaires des Opera anatomica vetera et nova (1649, v. supra notule {a}, note [5]), des Opuscula anatomica varia et nova (1652, vnote Patin 30/282) et des Opuscula nova anatomica (1653, v. notule {a}, note Patin 16/308) de Jean ii Riolan procurent la liste presque complète des nombreux anatomistes européens dont il a rudement critiqué les travaux.

14.

Hippocraticè circulans m’a semblé signifier « tourner hippocratiquement en rond », pour attaquer à la fois l’aveugle vénération pour l’antique médecine grecque et le rejet obstiné de la circulation sanguine qui bornaient l’esprit de Jean ii Riolan et le rendaient incapable de juger sainement les progrès anatomiques de son siècle.

Tout lecteur qui croit connaître le latin ne peut qu’être médusé par la barbarie et l’hermétisme de cette conclusion. J’ai malgré tout tenté d’en donner une traduction intelligible, sans égard pour les règles grammaticales d’une langue que Jean Pecquet torturait ici plus horriblement que nulle part ailleurs dans son livre. J’avoue pourtant très humblement avoir pu m’y fourvoyer et exprimer infidèlement la véhémence de son ressentiment contre Riolan.

Après cela, Pecquet n’a plus signé aucun texte sur la controverse du chyle, bien qu’il se soit, je pense, exprimé sous le pseudonyme de Guillaume de Hénaut, dans le Clypeus(1655). Riolan s’est encore déchaîné contre lui et ses partisans (les « docteurs Pecquétiens ») dans ses Responsiones duæ [Deux réponses] (même année).

Hormis les acerbes attaques de Pecquet contre Riolan et sa fâcheuse erreur sur l’origine chyleuse du lait mammaire, exposée dans ce dernier chapitre, la Nova Dissertatio n’ajoute à peu près rien aux conclusions exposées dans ses Experimenta nova anatomica de 1651. Il s’agit néanmoins d’un épisode marquant de la Tempête du chyle, dont les hardiesses ont alimenté la suite.

a.

Page 132, Ioan. Pecqueti Diepæi Doct. Med. Monspeliensis

Nova de thoracicis lacteis Dissertatio
.

                              experimentum iv

Qvò absolutam tum demum Riolanus adipisci
valeat lactearum notitiam, superest, ut eam,
qua chylus ad subclavios canales conscendat semi-
tam, atque adeo, num chyli quidpiam ad ubera de-

b.

Page 133, Ioan. Pecqueti Diepæi Doct. Med. Monspeliensis

Nova de thoracicis lacteis Dissertatio
.

rivetur, dispiciamus. Suspicatur ille nonnihil hanc
in rem, et quam habet in ambiguo veritatem, faxo
dilucidam habeat obstetricantis experientiæ eviden-
tiâ, si fortè capularis admiserit à juventutis errroribus
resipiscendi consilium.

Pag. 368. et 369. inter prætermissa suis locis resti-
tuenda. Forsan etiam (inquit) chylus ad axillares ramos
venæ cavæ et ad iliacos distribuitur in homine, si reperian-
tur isti tubuli lactei ut sanguini permixtus, alimentum vi-
scidum, glutinosum præbeant supernè variis glandulis vici-
nis, quales sunt glandulæ axillæ laryngis, faucium et sub
mento, et aliis in collo secundum longitudinem jugularis
externæ, parotidibus, quin etiam mammis mulierum.
Nota,
sodes, lepidam chylosi doctrinam itineris ; venoso
sanguini chylum, ut tot glandes adeat, miscet. Quâ
tandem viâ, Riolane, si indubitatâ circulationis lege
quidquid est in venis remeet in cor, et solus arteria-
rum sanguis universas corporis partes, atque adeò
glandes ipsas nutritum obeat. Hinc concludat ne-
cessè est arteriarum sanguinem, admixtum etiam chy-
lum sibi ad ejusmodi glandulas in viscidum eisdem
glutinosumque alimentum, ipsasque proinde mam-
mas deducere. At hæc profectò non admitteret, si
ejus experimenti, quod describo, conscius nosset
oculis aliquid concedere. Audiat sanè, quænam sit
ad mammas impermixti cum sanguine chyli semita, et
esse quoque in animantibus perinde ut in cælo la-
cteam viam.

Post apertum cum abdomine thoracem, hujus la-
cteas utrinque quàm proximè collo licitum detectas
vincio : ad faciliorem operationem pulmones, et unà
cor, cavam, æsophagum, aortam exseco ; et quo-
niam interim ligatæ thoracis lacteæ à vinculo ad eum

c.

Page 134, Ioan. Pecqueti Diepæi Doct. Med. Monspeliensis

Nova de thoracicis lacteis Dissertatio
.

locum, in quo bifurcationes earundem subclaviis
inseruntur canalibus, vacuantur, parcente scalpello,
ne quâ in parte libentur, eò usque ab omni vicini
corporis societate, utramque vel alterutram expedio.
Cum ad subclavios, quà iisdem inseruntur, ramos
perventum, ligamen relaxo : opplentur illico bifur-
cationes chyloso flumine. Et quia non semel animad-
verteram ex bifurcationibus ejusmodi esse ramulum,
qui non subclavio canali insereretur sed quasi furtim
versus axillam inter thoracis musculos diverteret,
uberibus illac suspicor annonam succedere ac com-
portari.

Conjectura auget repertus pluries in iis quæ la-
ctassent canum femellis canaliculus. Sequor ergo la-
titantem incredibili labore, nec mihi tamen licuit ha-
ctenus illæsum et ineffusum planè detegere, eo præ-
sertim in loco quà supra costarum superiorum pri-
mam ad exteriora se penetrat : et eâ de causâ catellas
actu lactantes coactus sum exponere ad anatomem et
ab earum mammis lactis ductum retro perquirere.
Labor fuit profectò sed improbus, sed immanis :
nempe dum externas partes excoriarem, ita sese tho-
racis musculi contrahebant, ut in compressum cana-
liculum nil lactis sinerent exhausto, et proinde non
ampliùs visibili succedere.

Aperui non ita pridem Monspelij lactantem catel-
lam coram illustrissimo Riverio (qui regius ibidem
medices professor summâ cum almæ universitatis
laude munus eximium obit) perito quoque inter
chirurgos anatomistâ Martetio, quem Thoracola-
ctearum et receptaculi demonstrandorum methodum
edocuimus, aliisque pariter spectabili merito non
paucis ; ac tum inter operandum lacteum ejusmodi

d.

Page 135, Ioan. Pecqueti Diepæi Doct. Med. Monspeliensis

Nova de thoracicis lacteis Dissertatio
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canaliculum ad tertiæ ex superioribus costæ cartila-
ginem secui, effusa est perampla lactis copia : et quid-
quid sanguinis ex venâ et arteriâ thoracicâ eodem
ictu abscissis eruptiones spectantium obtutus cona-
rentur confundere, nihilo tamen seciùs dignosci
exactè potuit ex chyloso alveolo lac scaturire. Hoc
ego experimentum sæpius iteravi pari semper in la-
ctantibus catellis lactis uberrimi ex rupto vasculo ef-
fusione, quoties ab exterioribus juxta primas costas
thoracis partibus operationem exorsus sum. Verùm
quoniam hactenus tam exactè laborare, ut integrum
detegerem, non potui, sufficiat tibi esse ibidem in
quod peritiam tuam non frustra valeas exercere.

            Ex hoc Experimento concludo.

I. Qvandoqvidem thoracicæ lacteæ con-
tinuato ductu à receptaculo ad subclavios
ramos feruntur, nec minùs ab intestinis ad recepta-
culum mesentericæ, esse à mesentericis lacteis ad
thoracicas continuum receptaculi sequestri operâ
demeaculum ; et chylum proinde ab intestinis ad ra-
mos subclavios, non verò ad jecur, aut ad cavam de-
scendentem, portam-ve continuatâ pariter alvei li-
centiâ profluere.

II. Qvandoqvidem mesentericæ lacteæ,
sicut experimenti secundi patuit evidentiâ, continua-
tè profluunt in receptaculi capacitatem, et conti-
nuato similiter alveo thoracicæ quoque lacteæ rece-
ptaculi lacunam, ut et hâc planum experientiâ fit,
exhauriunt ; atque adeò tum demum eodem tenore
cavæ scandentis subeunt canales, nec proinde qua-
piam utræque lactearum ullâ commissuræ cum portâ

e.

Page 136, Ioan. Pecqueti Diepæi Doct. Med. Monspeliensis

Nova de thoracicis lacteis Dissertatio
.

societate coalescere deprehenduntur, Riolano perpe-
ram easdem portæ ramos pronunciari : et proptereà
quodquid 185. pag. reclamet discedendum scilicet ab
antiquâ doctrinâ de chyli anadosi
, cujus quidem ho-
mo ascendens ad cor altum, et Deum dubio pro-
cul deprimens, atque adeò spolians eum, qui gloriam
suam alteri non dabit, temerariâ audaciâ, ne impiæ
dicam nomenclaturæ usurpatione (quasi verò divini
tituli prærogativa loquenti ad proximum suum vana
possit congruere, aut labia ejus ab eo sint) Fortem se
(proh Michaël !) zeloten prædicare non du-
bitat. Esse pariter falsum increpo, quod in sequenti
blaterat pagina Riolanus, chylum in trunco portæ assumere
tincturam sanguinis
.

III. Seqvitur Riolanus anthropographiæ lib.
2. cap. 17. Galeni mentem, qui radicationis venæ
portæ figit in mesenterio et splene, non in jecore,
principium : sicut enim arbor, cui porta similis est,
hinc radicibus alimentaris succi humorem in trunci
capacitatem excipit, quem ramis postmodùm inde
diffundat ; ita quandoquidem, qui trunco portæ san-
guis succedit ex mesaraicis confluit et splenicis venis,
has portæ radices quis dixerit non ineptè. Sequar
et ego Riolani-galenicum exemplum audebóque etiam
arbori totam lactearum fruticationem assimilare. Ra-
dices in mesenterio Asellianæ constituent ; trunci vi-
ces receptaculum obtinebit : thoracicæ nostræ ra-
morum instar truncum divident, atque adeò, ne quid
hortulanus in anatomica desideret ubertate, cubcla-
vij, quos influunt alvei insertos aggrestibus mitio-
rum arborum ramos imitabuntur, qui exceptum di-
versæ naturæ humorem in suum saporem temperant
et innata sibi imbuunt dulcedine. Nisi malis non ab

f.

Page 137, Ioan. Pecqueti Diepæi Doct. Med. Monspeliensis

Nova de thoracicis lacteis Dissertatio
.

humoris, quem trunco venæ conferunt, motu, sed à
venarum origine radicationis principium æstiman-
dum : alioquin in omnibus corporis partibus, quas
singulas extremis flagellis attingit, obtineret vena
cava suæ radicationis principium, circulationis sci-
licet evidentiâ manifestum est, ut succus per radices
arborum {a} scandit, ita sanguinem per venarum, et la-
ctearum extrema chylum in cordis truncum succe-
dere, postmodùm per arterias circumquaque distri-
buendum. Et sapienter proinde Ausotius noster in
amico ad experimenta mea anatomica testimonio ve-
nas, cor et arterias plantam constituere
, venis quidem
radicum, corde trunci, ramorum arteriis agentibus
vices pronunciavit.

IV. De vero serpentium per spinalem agge-
rem lactearum situ Riolani dubia visûs ejusdem an-
nosæ debilitati tribuenda sunt, vel etiam ne malitiam
vocem, incuriæ. Quidni ? siquidem enim demon-
stravit Gayanus, quorsum mea synceritas noxæ arcessi-
tur ? sin minùs, cur eundem nuncupat demonstran-
tem ? oppressum iri me putat et Harpocrati æternum
cum ignominiâ litaturum verbosâ profectò et futili
sibi, at eloquente atque utili apprimè mihi, quam
pag. 181. effundit instantiâ ; si venæ (inquit) istæ lacteæ
sint insratæ et firmiter affixæ vertebris lumborum, et dor-
si, cumque sint tenuissimæ, ac proinde frangibiles, si luxan-
tur vertebræ plurimæ in cyphosi magna, dum violenter spina
in lumbis et dorso contorquetur ; possunt istæ venæ simulque
receptaculum chyli effringi in violentis motionibus lumbo-
rum
. Vera refers, Riolane, nam reverâ, si vel rum-
pantur lactei spinæ canales, vel effringatur recepta-
culi laguncula, interruptum alimoniæ per impul-


  1. Sic pour : arborem (errata).

g.

Page 138, Ioan. Pecqueti Diepæi Doct. Med. Monspeliensis

Nova de thoracicis lacteis Dissertatio
.

sionem festinantis iter instantis inevitabiliter fati ne-
cessitas subsequetur.

Atque hæc sunt in quæ me propulit invitum Rio-
lani
asperitas, veriùs dixero, legitima defensio verita-
tis, quam quia injustè aggressus est, non sine injuriâ
duxi deseri posse. Singula non perstrinxi, ne placi-
dus lectorum animus, dum solida quærit atque uti-
lia, scommatum alternis fluctibus obrueretur. Placuit
compendium, ne contra verbosum, et contumelio-
sum, et senem voluisse dicerer verbis contendere ;
et ne mihi præripiatur ansa promovendi, quod me-
ditor, operis, et cujus fortè non inutilem Anatomi-
corum, atque adeò Medicorum Reipublicæ sperare
audeam editionem. Quod autem viros eximios in-
cesserit dicteriorum mordacitate, ne carpendum qui-
dem arbitratus sum ; ipsorum gloria per se splendi-
dior est et firmior, quàm ut Riolanicâ possit deturpari
maledicentiâ, aut illustrari queat meorum encomio-
rum accessu, vel stabiliri sufflamine. Tales sanè sunt
et tanti, ut se Riolano formidabiles literariis jaculis
approbarent, nisi et in senem miseratio, et in rem le-
vissimam verecundia pluris facere pretiosi temporis
impensas prudentissimos suaderet. In illos eo dunta-
xat nomine duriùs invectus est, quia obnoxios ha-
buit, in quos indolem exerceret, adeò ad exprobran-
dum Riolanico innatam animo, ut nec, post lacessitos
quotquot obvios habuit, sibi ipsi, aut suis operibus,
ut ipse fatetur Hippocraticè circulans, potuerit igno-
scere.

                              FINIS.


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Jean Pecquet, Nova de thoracicis lacteis Dissertatio (1654) : Expérience iv

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(Consulté le 11/12/2025)

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