Texte
Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre xvi  >

[Page 56 | LAT | IMG]

Quel chyle passerait par les lactifères thoraciques ? [1]

La nature a heureusement choisi d’attribuer deux insertions aux conduits du chyle car il doit parvenir aux deux organes de la sanguification ; [2] et de même qu’elle a inséré les lactifères mésentériques du côté droit, dans le foie, [3] elle a presque toujours placé la terminaison des thoraciques à gauche. [4] La division des tâches exigeait celle des voies. Il faut maintenant examiner brièvement s’il est vrai que le chyle ténu ne se rend qu’au cœur en empruntant la voie thoracique, et que celui qui est plus épais gagne le foie par la voie mésentérique. [1][5]

Je dispose de nombreux indices montrant que seul le chyle ténu gagne le cœur en passant par le réservoir [6] et par les lactifères thoraciques. Tel semble avoir certainement été l’avis de Platon, [7] qui n’a pas voulu que le cœur soit l’origine de n’importe quel sang, mais de celui qui se rue et jaillit sous son impulsion, selon ce qu’en a dit Galien au livre vi sur les Doctrines d’Hippocrate et de Platon[2][8] L’insertion supérieure du canal thoracique n’admet que les liquides ténus et légers qui sont capables d’y monter, mais le foie, qui est plus bas, reçoit facilement le suc plus épais, qui y est attiré par son propre poids. Cela contraste avec l’étroitesse du dit canal, et plus encore avec la petitesse des orifices par où il pénètre dans les subclavières, [9] lesquels ne sont pas constamment protégés par une fine valvule, [10] qu’un chyle épais romprait aisément. Ce chyle grossier ne doit pas gagner le cœur en passant par les subclavières car il n’a pas été digéré ou préparé par un séjour suffisamment long dans le foie ; faute de quoi la chaleur du cœur le brûlerait et il tuerait son homme, car les systoles ou contractions ventriculaires ininterrompues disperseraient les impuretés qu’il contient en direction des parties à sustenter, ce qui provoquerait [Page 57 | LAT | IMG] une iliade de maux [3] et altérerait profondément la nutrition corporelle. Le réservoir ne reçoit et n’expulse rien d’autre que du chyle subtil car les orifices par où il se remplit et se vide sont imperméables au chyle grossier qui sort de l’estomac avant d’y avoir été entièrement élaboré, [11] et va s’attacher aux reins, aux capsules atrabilaires et à l’artère émulgente[4][12][13]

Il ne manque pas non plus d’arguments qui convainquent du contraire, à savoir que le chyle ténu gagne le foie et l’épais va au cœur : dans son livre iv des Maladies, l’Auteur a affirmé que le foie attire à soi ce qui est bilieux ; [14][15] et en disséquant trois ou quatre heures après un repas, quand l’aliment plus grossier n’a pas encore été digéré dans l’estomac, on voit des lactifères monter vers le foie, qui deviennent ensuite séreux, mais on trouvera de l’humeur dans le canal thoracique aussitôt après une prise de nourriture. [5][16]

Étant quelqu’un à qui la voie médiane a toujours plu, je ne penche vers aucun versant de cette alternative : il n’est pas inconcevable que les deux sortes de chyle, épais et ténu, gagnent tantôt le foie, tantôt le cœur, selon la commodité et la disposition des voies ; en principe, le chyle le plus liquide et subtil va au cœur, et le plus grossier va au foie, soit en même temps, soit l’un après l’autre. En ouvrant des chiens à la quatrième heure suivant leur repas, nous avons vu leur réservoir, et leurs lactifères mésentériques remplis de chyle blanc, alors que l’estomac ne s’était pas encore déchargé des aliments les plus épais qu’il contenait ; mais chez d’autres chiens examinés à la même heure, les susdites cavités étaient remplies d’un sérum brillant ; [17] et chez d’autres encore, lait et sérum s’y rencontraient alternativement. Il nous a intéressé d’en examiner certains à la septième heure, sans y trouver rien qui différât des précédents, et qui plus est, leurs conduits lactés séreux, tant dans le thorax, [Page 58 | LAT | IMG] près des axillaires, que dans l’abdomen, à côté du foie, étaient luxuriants et resplendissants. [6] L’infanticide que nous avons publiquement disséqué avait mangé environ six heures avant d’être pendu, et bu du vin entre-temps ; son estomac contenait encore des aliments et du chyle, tant ténu qu’épais ; ses lactifères thoraciques n’étaient pas bien visibles, [18] mais ses glandes lactées lombaires étaient pleines de chyle blanc ; [19] il y avait des filaments blanchâtres autour de son foie et son mésentère était farci de lactifères blancs. Le second condamné, qui était un voleur, avait été pareillement nourri et avait bu plus largement que le premier, mais nous n’avons pas trouvé de chyle dans ses lactifères, tant abdominaux que thoraciques, bien qu’il eût préalablement joui d’une bonne santé et que son estomac fût encore assez rempli des deux sortes de chyles. [20] De ces observations et d’autres semblables, nous déduisons que, quelle que soit l’heure, les deux sortes de liquides laiteux gagnent les deux viscères : les lactifères qui gagnent le foie sont aussi fins mais moins nombreux que ceux qui montent dans le thorax. Je ne puis néanmoins douter qu’en cas de nécessité, le chyle plus subtil passe sans délai dans les lactifères thoraciques, car après un jeûne ou en cas d’évanouissement, la prompte prise de nourriture ou d’une potion cordiale dissipe la faim ou rétablit les forces, étant donné qu’un tel chyle peut remplir des conduits affaissés et vides plus facilement qu’un chyle épais dont la digestion dans l’estomac prend plus de temps. [7]

Il est néanmoins difficile de dire si le chyle est destiné au thorax ou au foie selon qu’il s’accumule respectivement dans le réservoir ou dans le pancréas. [21] Le verdict de Pecquet est que tout le chyle issu du mésentère comme du pancréas s’écoule dans le réservoir. En revanche, ceux qui tiennent le parti d’Aselli maintiennent que le pancréas alimente aussi le foie. La compression du pancréas montre que [Page 59 | LAT | IMG] son chyle gagne le réservoir. La communauté des lactifères qui sortent du pancréas indique qu’une partie gagne le foie, comme fait l’identité de suc qui, pour employer un terme barbare, est semblable ici et là. [8] Chez le chien et chez l’homme, nous avons même observé une insertion confuse de veines lactées venues du réservoir dans le foie, près de son hile, et je suspecte que le chyle qui sort du réservoir ne s’en va pas seulement dans le canal thoracique, mais aussi dans le foie, tout comme celui qui s’écoule du mésentère dans le pancréas gagne pareillement et le foie et le réservoir. La position du pancréas et du réservoir atteste incontestablement qu’ils s’entendent pour accomplir une tâche commune ; nous avons en effet observé que si le réservoir repose au milieu des vertèbres, le pancréas le surplombe exactement ; du reste, peut-être que toutes les glandes du mésentère, par les petits rameaux qu’elles disséminent çà et là, divisent leur travail en alimentant soit le réservoir soit le foie. [9]

Pecquet a certes dit, page 16, n’avoir pas trouvé cette grande glande d’Aselli dans le mésentère, parce qu’elle est presque toujours absente chez les animaux domestiques, où parce qu’elle se divise certainement en plusieurs petites glandes, que de Wale a dit pouvoir atteindre le nombre de cinq ; mais lui-même n’en a trouvé que trois, à côté des émulgentes, [22] une oblongue à droite et deux rondes à gauche, qui reçoivent le chyle par les petits lactifères qui les traversent et l’envoient dans le réservoir ; étant donné les variations d’un animal à l’autre, il ne peut en donner le nombre exact. [10][23][24] Aselli[25] Highmore [26] et d’autres ont vu la grande glande médiane du chyle, comme nous-mêmes l’avons fait à maintes reprises, et ce non seulement chez les chiens, mais aussi chez l’homme. Il est impossible de dénombrer les plus petites, tant chez l’homme que chez les bêtes, comme Pecquet a dû l’observer s’il a accompli autant de dissections qu’il s’en glorifie. [11]


1.

La note [2] du chapitre xv a confronté l’hypothèse de Thomas Bartholin à la réalité physiologique moderne. Il cherchait à rétablir le dogme que Jean Pecquet avait miné, mais contrairement à lui, Bartholin s’appuyait sur des arguments issus de sa féconde imagination et des anciens préjugés, bien plus que d’impeccables expériences.

2.

Chapitre viii, livre vi de Galien « sur les doctrines d’Hippocrate et de Platon » (Kühn, volume 5, pages 573‑574, traduit du grec) :

[…] erraverint, qui cor venarum principium esse pronunciarunt […]. Si enim sanguinis cujusdam, statim nimirum et venarum censuerunt, tanquam non etiam arteriæ sanguinem subtilissimum calidissimumque haberent. Vt igitur arteriarum, sic et spirituosi fervidique sanguinis initium et fons animantibus cor inest : et ideo irascibilis anima ibidem habitare ostenditur. Hac ratione itaque et Plato cor sanguinis, qui per omnia membra vehementer rapitur, fontem appellabat. Non idem enim est, aut fontem sanguinis simpliciter dicere, aut apponere, qui valide circumfertur. Nam ex jecore proficiscens sanguis non valide circumfertur, quoniam neque spirituosus est, neque omnino venæ eum continentes pulsant. At qui ex sinistro cordis sinu provenit, calidior hoc et spirituosus admodum est, ut cujus vasa pulsent.

[(…) ceux qui ont décidé que le cœur est le principe des veines se sont trompés (…). S’ils portent en effet ce jugement sur les veines, ils ne pensent pas que le sang des artères est le plus subtil et le plus chaud. Chez les animaux, le cœur est pourtant le principe et la source des artères et du sang ardent et spiritueux, {a} et c’est donc là que siège aussi l’âme irascible. C’est pourquoi Platon disait que le cœur est la source du sang qui se précipite avec force dans toutes les parties du corps ; {b} et ce n’est pas la même chose de dire que le cœur est la source du sang, et d’ajouter qu’il s’agit du sang qui se disperse impétueusement ; car le sang qui émane du foie ne se répand pas avec cette vigueur et n’est pas spiritueux, et les veines qui le transportent ne battent pas du tout, tandis que celui qui sort de la cavité gauche du cœur est fort chaud et spiritueux, en sorte qu’il fait battre les vaisseaux].


  1. Chargé d’esprits vitaux.

  2. Platon, Le Timée (traduction de Victor Cousin, 1839) :

    « Le cœur, le principe des veines et la source d’où le sang se répand avec impétuosité dans tous les membres, fut placé comme une sentinelle ; car il faut que, quand la partie courageuse de l’âme s’émeut, averti par la raison qu’il se passe quelque chose de contraire à l’ordre, soit à l’extérieur, soit au dedans de la part des passions, le cœur transmette sur-le-champ par tous les canaux, à toutes les parties du corps, les avis et les menaces de la raison, de telle sorte que toutes ces parties s’y soumettent et suivent exactement l’impulsion reçue, et que ce qu’il y a de meilleur en nous puisse ainsi gouverner tout le reste. »

3.

V. notule {a}, note Patin 6/8169, pour l’« iliade de maux » (dans la Schola Salernitana de René Moreau, 1625) : référence homérique aux innombrables malheurs qui accablèrent Ilion (Troie), et qui ne dépare guère dans les rêveries de Thomas Bartholin.

4.

La cohérence de cette phrase tortueuse m’échappe car le chyle épais qui sort de l’estomac serait en principe destiné au foie, selon ce que Thomas Bartholin a écrit plus haut et confirmera plus bas ; mais il empruntait à Jean Pecquet l’idée saugrenue qu’il en pénètre quand même dans le réservoir, qui l’expédierait alors vers les reins et les surrénales (ainsi que le péritoine), comme il l’a expliqué (et corrigé) dans le chapitre xi de sa Dissertatio anatomica (v. sa note [21]).

Toutes ces arguties n’en reposent pas moins sur des faits parfaitement imaginaires : ce qui différencie les « deux chyles » est leur composition nutritive – glucides et protides pour le chyle aqueux invisible, et lipides pour le chyle proprement dit, laiteux et visible (v. note [2], Historia anatomica, chapitre xv).

5.

L’« Auteur » (Auctor) est Hippocrate, Des Maladies, § 36 du livre indiqué (Littré Hip, volume 7, pages 551‑553) :

« Quand on a mangé ou bu quelque chose d’amer, ou, en général, quelque chose de bilieux et de léger, et que la bile devient plus abondante au foie, aussitôt on souffre dans le foie, que les enfants nomment cœur (cardia). {a} Nous sommes témoins de ce fait, et il nous est manifeste que cela provient de l’aliment ou de la boisson. En effet, d’une part, le corps attire à soi, hors des aliments, toute l’humeur susdite ; d’autre part, le réservoir qui est au foie attire à soi ce qui est bilieux. » {b}


  1. Parenthèse ajoutée par Émile Littré : au vocabulaire naïf des enfants, dont Hippocrate se moquait déjà, s’ajoute encore aujourd’hui celui de maints adultes qui prétendent avoir « mal au cœur » ou « mal au foie » quand il peinent à digérer ou ont une migraine ; v. notule {c}, note [10], Historia anatomica, chapitre xiv, pour le cardia et la cardialgie.

  2. Il n’est pas question de chyle dans ce paragraphe hippocratique : sa citation par Thomas Bartholin ne peut s’entendre que si on admet, avec Jean Fernel, que la bile jaune, comme toutes les autres humeurs, dérive du chyle (v. note [3], Dissertatio anatomica, chapitre xii), et qu’elle est un suc grossier qui peut le contaminer.

Tel qu’il est exposé, l’argument qui suit l’affirmation d’Hippocrate, probablement tiré de vivisections canines, est inintelligible car, en réalité : 1. il ne monte jamais de chyle laiteux dans le foie ; 2. le canal thoracique n’est pas visible quand il n’en contient pas.

6.

Tout cela est aussi confus qu’invraisemblable : les démonstrations de Thomas Bartholin étaient très loin d’égaler celles de Jean Pecquet, qui n’a pas vu de lactifères gagnant le foie, au point qu’on en vient à se demander si Bartholin a seulement vu ce qu’il décrit.

J’ai respecté son vocabulaire qui donnait le même nom de « chyle » au chyme et au chyle proprement dit, qui en dérive (v. note [17], Nova Dissertatio, expérience i). Il appelait « chyle séreux » la lymphe qui se trouve dans les lactifères en période de jeûne.

7.

En complément de ce qu’il a écrit dans ses chapitres v et vi, et montré dans ses trois figures, Thomas Bartholin revenait sur les deux pendus qu’il avait eu la permission de disséquer (en laissant entendre qu’il y en a eu d’autres), mais sans bien satisfaire la curiosité de ses lecteurs. Il donne en effet plus de place à l’interprétation qu’à la description. Son point essentiel, solide et original (car il avait échappé à Jean Pecquet) est que quand ils ne sont pas remplis de chyle, les lactifères contiennent de la lymphe.

En regardant de très près la figure i de l’Historia anatomica et sa légende, on parvient à voir le minuscule repère i, qui désigne les « rameaux lactés issus des glandes, dispersés sur la surface du pancréas », allant des glandes lombaires (repère f) au pancréas (repère e) ; mais il n’y est pas dessiné de lactifères qui se rendent au foie ou y pénètrent.

8.

En convenant de la barbarie de son latin, c’est-à-dire son incorrection (emploi de hic et ibi au lieu de hic et illic pour dire « ici et là »), Thomas Bartholin s’acharnait à défendre l’idée que du chyle laiteux passe du pancréas dans le foie, en admettant toutefois, comme à contrecœur, son incapacité à prouver qu’il était différent de celui qui s’en va dans le réservoir lombaire puis dans le canal thoracique.

9.

Telles sont enfin les preuves chancelantes de Thomas Bartholin pour établir, sans le démontrer irréfutablement, que du chyle blanc pénètre dans le foie ; mais les faits sont têtus et Jean Pecquet avait entièrement raison de dire que tout le chyle du mésentère, sans en excepter une goutte, gagne le réservoir lombaire puis monte au cœur en passant par le canal thoracique.

10.

Thomas Bartholin reprenait fidèlement un paragraphe du chapitre v des Experimenta nova anatomica, page 15 dans l’édition de 1654 : v. sa note [15] pour les sources qu’il y citait.

Le propos exact de Jan de Wale est transcrit et traduit dans le chapitre i des Experimenta nova anatomica et dans sa note [6], mais Bartholin le déformait pour faire curieusement décrire à de Wale les trois glandes lactées lombaires qu’il a découvertes et dessinées chez l’homme (v. supra note [7]).

11.

La queue de ce chapitre a un léger goût de venin et il est difficile de ne pas y voir poindre quelque jalousie de Thomas Bartholin, dont la démonstration était très loin d’être aussi nette et éclatante que celle de Jean Pecquet (quand on s’acharne à déchiffrer son latin), qui ne lui en tint pas rigueur car il lui dédia de tout cœur sa Nova Dissertatio de 1654.

V. notes [7], Historia anatomica, chapitre xv, et [22], préface de la première Responsio de Jean ii Riolan, pour les figures montrant les lactifères mésentériques canins dans la Disquisitio anatomica de Nathaniel Highmore (La Haye, 1651).

a.

Page 56, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.

CAP. XVI.

Qvalis chylus thoracicas lacteas pervadat ?

Ita eleganter divisit Natura duplicem ductuum chylo-
sorum insertionem, qvia ad duo sanguificationis orga-
na erat chylus perducendus. Et siqvidem insertionem
in hepar dextro latere molita est, in sinistro ferè tantum
thoracicarum lactearum ingressum firmavit. Partitum
munus divisas vias poscebat. Num verò tenuis chylus per
thoracicas tantum feratur ad cor, et crassior per lacteas
mesenterii ad hepar, paucis dispiciendum.

Ad cor per Receptaculum et thoracicas tenuem tan-
tum distribui multa habeo indicia. Certè ejus sententiæ
videtur fuisse Plato, qvi cor non cujuslibet sangvuinis ori-
ginem voluit, sed ejus qvi impetu ruit et salit, referente
Galeno l.6. de Placit. Plat. et Hipp.Vasorum thoracico-
rum insertio sublimis tenuia et levia tantum admittit, a-
pta sursum adscendere, hepar verò depressius crassiorem
et pondere suo gravem succum facilè excipit. Qvò spectat
et eorundem ductuum angustia, imò exilia foraminula
qvibus patent in subclavias, nonnunqvam unicum tan-
tum tenui valvula munitum, facilè à crasso chylo rum-
pendâ. Nec debet ad cor per subclavias crassus chylus in-
ferri nondum satis per moras in hepate concoctus aut
præparatus, nam à calore cordis adureretur potius vel
suffocaret hominem, vel continua ejus systole seu contra-
ctione impura ad partes nutriendas devolverentur, ex qui-

b.

Page 57, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.

bus Ilias morborum et pessima exsurgeret nutritio. Rece-
ptaculum ipsum, præter subtilem, nec alium recipit, nec
expellit, qvia cæca sunt ostia per qvæ illabitur chylus et e-
labitur, turgetqve chylo anteqvam crassior in ventriculo sit
perfectus. Hinc adhæret renibus, capsulis atrabilariis, et
arteriæ emulgenti.

Nec desunt qvæ contrarium evincant, tenuem nem-
pe chylum ad hepar pergere, ad cor crassiorem. Enimve-
Auctor lib.4. de Morb. biliosa solum ab hepate adduci
contendit. Et post pastum interjectis horis tribus vel qva-
tuor, qvando crassior in ventriculo concoctus non est, ad
hepar lacteæ conspiciuntur, subinde serosæ, in thoracicis
autem sumpto mox cibo vix liqvor reperietur.

Cæterum ad neutram partem consensum flecto, cvi
media, via semper placuit. Scilicet vero absimile non est,
utrumqve chylum crassum tenuemqve modo ad Hepar, mo-
do ad Cor distribui, pro viarum commoditate et necessitate,
primariò tamen liqvidiorem et subtiliorem ad cor, crassi-
orem ad hepar, sive simul sive per vices. In dissectis cani-
bus qvibusdam vidimus qvarta post escam sumptam ho-
ra, Receptaculum, venas thoracicas, lacteas mesenterii, la-
cteo chylo abundare, ventriculo nondum à crassioribus
alimentis exonerato. In aliis eadem hora dissectis appa-
ruerunt nominatæ viæ splendente sero plenæ. In aliis per
vices, serum et lac commeabant iisdem viis. Placuit alios
septimâ horâ inspicere, et nihil à prioribus invenimus di-
versum, quin imò lacteos ductus serosos in thorace

c.

Page 58, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.

prope axillares, qvam in abdomine juxta hepar luxuriare
et spendescere. Dissectus publicè infanticida jentaculo
copioso sex circiter horis ante strangulationem refectus,
vinoqve intermedia mora, in ventriculo adhuc cibi chyliqve
crassi tenuisqve partem reconditam servabat. Lacteæ tho-
racicæ non ita conspicuæ in illo, glandulæ verò lacteæ no-
væ plenæ chylo albo, et circa hepar candicantes fibræ,
mesenteriumqve candidis venis refertum. Alter fur eo-
dem modo pastus, et largius potus, nihil chyli ostendit
nobis sive in lacteis abdominis sive thoracis, qvum ta-
men valdè sanus fuerit, et ventriculum utroqve chylo ad-
huc satis repletum haberet. Ex his similibusqve observati-
onibus, ad utrunqve viscus, utrumqve liqvorem lacteum
dispergi colligimus, qvacunqve horâ. Lacteæ sanè qvæ in
hepar terminantur tam sunt, qvam thoracicæ exiles, nisi
qvod numero et ramorum multitudine superent. Neces-
sitatis tamen tempore subtiliorem statim thoracicas per-
vadere dubitare non possum, qvia sumpto cibo vel cordi-
ali potione, post jejunium vel virium lapsum, dictum fa-
ctum fames sedatur, vires reficiuntur, qvod subtilior per-
vadere possit viis flaccidis et inanibus, crassior verò in
ventriculo concoctionem longiorem expectet.

An autem in Receptaculo coacervetur tantum chy-
lus pro thoracicis in pancreate verò pro hepate, difficile
dictu est. In Receptaculum confluere omnem chylum ex
mesenterio ejusqve pancreate, Pecqveti est placitum. Con-
tra qvi partes Asellij tutantur, Pancreas hepati qvoqve in-
servire contendunt. Confluere ad Receptaculum, pressum

d.

Page 59, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.

Pancreas docet. Hepati aliqvid transmitti communio la-
ctearum ex pancreate prodeuntium monstrat, et succi
identitas, ut barbarè loqvar, hic et ibi similis. Imò obser-
vavimus in homine, canibusqve promiscuam lactearum
à Recepaculo in hepar prope portam insertionem, ut su-
spicio sit ex Receptaculo non tantum ad thoracicas pro-
trudi chylum, sed ad hepar qvoqve qvemadmodum ex pancre-
ate mesenterii et ad hepar et Receptaculum distribuitur i-
dem. In communem usum conspirare Receptaculum et
Pancreas, situs utriusqve indubiam facit fidem. Nam si Recepta-
culum medio vertebrarum incumbat, Pancreas huic exactè
suprajectum observavimus. In reliqvis, singulæ forsan mesen-
terii glandulæ, sive Receptaculo sive hepati deserviunt, com-
municatisqve hinc inde ramulis lacteis, operas dividunt.

Pecqvetus qvidem in Mesenterio glandulam illam
magnam Asellij non invenit p. 15. qvia ea in domesticis a-
nimalibus utplurimum desit, aut certè in plures parvas, e-
asqve qvinqve ferè ex Waleo, dividatur. Ipse tres invenit tan-
tum juxta Emulgentes, in dextro oblongiorem, in sinistro
duas rotundiores, qvæ recipiunt chylum per suos canali-
culos transeuntem, et in Receptaculum reddere. {a} Sed cer-
tus glandularum numerus iniri neqvit, varius pro subje-
ctorum varietate. Magnam mediam viderunt Asellius,
Highmorus, nos sæpius, aliiqve non in homine tantum, sed
in canibus. Reliqvæ minores numero definiri neqva-
qvam possunt, seu in homine, seu brutis, qvod Pecqvetus ob-
servasse debuit, si tot extispicinas exercuit, qvot gloriatur.


  1. Sic pour : reddunt (errata).


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Thomas Bartholin, Historia anatomica sur les lactifères thoraciques (1652), chapitre xvi

Adresse permanente : https://numerabilis.u-paris.fr/editions-critiques/pecquet/?do=pg&let=1036

(Consulté le 11/12/2025)

Licence Creative Commons "Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.