Les DIEVX retournent ce mois-ci à leurs premières amours avec cet écorché dessiné par Edmé Bouchardon et gravé par Gabriel Huquier pour L’anatomie nécessaire pour l’usage du dessein (1741).
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À son retour d’Italie, à la fin années 1730, Edmé Bouchardon (1698-1762) produit un grand nombre d’académies qu’il fait graver par Gabriel Huquier (1695-1772)[1]. Elles sont destinées à la formation des artistes et au plaisir des amateurs. Mais Huquier ne vend pas que les recueils. Il fournit également des écorchés de terre cuite qui permettent une étude du corps humain en trois dimensions, pour qui n’a pas la chance de dessiner d’après nature[2]. En effet, la carte professionnelle du graveur et marchand montre la présence de la statuette. Il pourrait s’agir d’une simple évocation du recueil mais le catalogue de vente d’une partie de sa collection, en 1771, indique qu’il possédait «un autre écorché exécuté en terre cuite, très-utile à ceux [qui] étudient le Dessein, par Bouchardon»[3] et un «creux fait pour en tirer des plâtres»[4].
De la même manière, quand il diffuse par la gravure les dessins de l’ornemaniste Juste-Aurèle Meissonnier, il a également à sa disposition des «Moules, Plâtres & Plombs, d’après Meysonier»[5] décrits comme des modèles «pour orfèvrerie et bijoux» et comme des «petits creux en terre pour bijoux, tabatières, etc.»[6].
On peut supposer que la version 3D des objets, toujours complexes, dessinés par Meissonnier, a pu être d’un grand secours au graveur dans le processus de reproduction des dessins sur la planche de cuivre.
Mais Huquier s’est également fait une spécialité : fournir le matériel nécessaire à eux qui veulent apprendre à dessiner. Et dès lors, il ne se contente pas de vendre des recueils de gravures à reproduire. Il semble qu’il ait proposé de véritables kits pour amateurs de loisirs créatifs : une anatomie et sa statuette, tirée d’après une œuvre de sculpteur de renom, des modèles de la plus belle Rocaille et un tirage qui permet de mieux apprécier le jeu des courbes et contre-courbes ou encore des estampes prêtes à être découpées, probablement mises en couleur et collées sur un paravent[7].
En éditant ses recueils en plusieurs livres, souvent par souscription, il avait devancé les Éditions Atlas et autres du même type qui proposent d’acquérir progressivement de quoi construire un petit squelette ou la maquette d’une célèbre caravelle. Mais il est vrai que les recueils d’Huquier, relativement onéreux, ne permettaient pas à tout un chacun d’acquérir pour une somme dérisoire une mandibule en plastique d’un blanc crémeux, éternellement vouée à la solitude et à la poussière, en raison du prix toujours croissant des numéros suivants.
Chloé Perrot
[1] Catalogue d’exposition 1698-1762 Bouchardon, une idée du Beau, Musée du Louvre, 14 septembre au 5 décembre 2016, p.8.
[2] Privilège en principe réservé aux élèves de l’Académie.
[3] Catalogue des tableaux, gouaches, desseins… du Cabinet de M*** [Huquier père], Paris, 1771, p.148 – 149, lot 874. La description indique « un autre écorché », pourtant, aucun autre objet identique ne figure dans la vente.
[4] Ibidem
[5] JOULLAIN (François-Charles), Catalogue des tableaux à l’huile, à gouasse et au pastel : peintures de la Chine, enluminures… de feu M. Huquier, graveur, Paris, vente du 9 Novembre 1772.
[6] Ibidem
[7] Mercure de France, Juillet 1737, p.1622.
En savoir plus
Un fascicule sur le traité de Bouchardon de 1741 : Le Traité d’anatomie d’Edme Bouchardon — communication de M. Henry Ronot
Un autre recueil de Gabriel Huquier dans nos collections : Livre de différentes espèces d’oiseaux, insectes, plantes, fleurs et trophées de la Chine : Tirés du Cabinet du Roi