Texte
Jean Pecquet
Experimenta nova anatomica (1651)
Chapitre i  >
[Page 1 | LAT | IMG]

 Introduction[1]

Aselli, qui a découvert les lactifères, et l’ensemble des anatomistes qui l’ont suivi se sont trompés sur leur convergence dans le mésentère. Le réservoir du chyle, qui est au-dessus des lombes, et le canal qui en sort établissent que le véritable siège de l’hématose n’est pas le foie, mais le cœur.

Il est hors de doute qu’Aselli [1][2] a enrichi la république anatomique en découvrant les veines lactées [3] mais il s’est trompé en pensant, comme les Anciens, que le foie est le siège de l’hématose [2][4][5] et que les lactifères convergent vers lui (si bien sûr, ô lecteur, tu accordes de la valeur à ce que voient les yeux). Garde-toi pourtant de toute médisance contre la réputation de ce grand homme : [Page 2 | LAT | IMG] ta dette envers lui n’est pas mince car il a été le premier à explorer le cheminement inconnu du chyle, et tu ne peux lui en renier le mérite. Aselli a ouvert la voie, un point c’est tout. Ce n’est pas un fait à dédaigner, bien qu’il ne soit pas d’une importance considérable. Au plus léger grincement de poulie, les assiégés décèlent le piège des sapes ennemies. Les astrologues tirent des prodiges des ténèbres. [3]

Là où Aselli s’est égaré (si je ne m’abuse), c’est quand il a tenu pour certain que les lactifères se réunissent tous en une même petite glande située au milieu du mésentère (qu’il appelle le pancréas), [6] puis qu’ils se dirigent, tant par le haut que par le bas, sans pourtant laisser voir leur cheminement, pour monter jusqu’au hile du foie. [4][7]

Et depuis lors (que je sache), aucun de ceux qui ont autrement combattu avec le plus grand honneur dans l’arène anatomique, même en disséquant sans relâche des animaux vivants, [8] n’a pris soin d’étudier plus avant l’écoulement du liquide lacté qui parcourt ces retraits (qu’ils voyaient de leurs propres yeux). [5]

Dans ses lettres à Th. Bartholin[9] le très savant de Wale [10] dit bel et bien : Par ces veines lactées, le chyle se dirige vers le haut, mais la manière dont il le fait n’a pas été suffisamment éclaircie. Cela nous a paru fort vraisemblable car, chez des chiens de chasse grands et maigres, nous avons remarqué que depuis les intestins certaines des veines lactées se terminent dans la branche mésaraïque par un canal unique et ininterrompu, certaines, directement dans la veine porte, [11] certaines, dans la concavité du foie, et un tout petit nombre, dans la veine cave, près des veines rénales[6][12]

Ainsi pensent des médecins dont la compétence est hors du commun : Harvey[13] Vesling[14] Conring[15] Bartholin et quantité d’autres. [7] Jean Riolan (auquel on pense avec admiration [Page 3 | LAT | IMG] parce que son insigne perspicacité le place au premier rang de notre art) ne vaut pas mieux quand on apprend sa sentence sur la question, au chapitre xviii de son Encheiridium : La seule chose, dit-il, qui tourmente bien des gens est la diversité de leur destination. Dispersés dans le mésentère, [les lactifères] se voient certes chez un animal vivant qu’on a rassasié avant de l’ouvrir, mais les uns progressent vers le pancréas, d’autres vers le foie, d’autres se détournent vers le tronc de la veine cave ; aucun ne gagne la rate, et ils ne se réunissent pas en un tronc unique, à la manière des branches de la veine porte[8][16]

Pour ma part, sans vouloir offenser de si grands personnages, je dirais qu’aucun d’eux n’a soigneusement essayé de rechercher les cachettes des veines lactées dans le thorax, tout en jugeant qu’il faut attribuer cela à leur malchance plutôt qu’à leur négligence, parce qu’ils ont ignoré que le chyle n’est conduit ni vers le foie, ni vers les veines de la porte, ni vers la veine cave près des veines rénales, comme le soutient une erreur bien établie, mais bel et bien depuis les intestins vers un certain réservoir, dont la taille égale, du moins chez les chiens, l’intervalle qui est compris entre les psoas, [9][17] comme tout un chacun peut le mettre très clairement au jour en disséquant.

Ce réservoir, placé devant les vertèbres lombaires, reçoit la liqueur que recueillent les lactifères éparpillés dans le mésentère, et la répand dans ceux qui, cachés dans le thorax et formant un conduit ininterrompu, le font progresser jusqu’aux veines subclavières, [18] puis au tronc de la veine cave supérieure. [19] Elle se mêle au sang à l’entour des veines jugulaires (j’entends les externes) ; [20] et dès lors, contenue dans la même cavité que lui, elle se précipite dans le gouffre du cœur pour y être mûrie et digérée en substance nutritive. Ainsi le noble témoignage de l’expérience fait-il triompher le prince des péripatéticiens [21] qui affirme tout à fait justement que le cœur est à la fois la source des veines et l’officine du sang. [10][22]


1.

De Lactibus seu Lacteis Venis, quarto vasorum mesaraicorum genere, novo invento Gasparis Asellii Cremonensis, Anatomici Ticinensis, Dissertatio qua sententiæ Anatomicæ multæ, vel perperam receptæ convelluntur, vel parum perceptæ illustrantur.

[Dissertation de Gasparus Asellius, {a} natif de Crémone, anatomiste de Pavie, sur les lactifères ou veines lactées, quatrième genre, nouvellement découvert, des vaisseaux mésaraïques, {b} qui ébranle les nombreuses sentences anatomiques qu’on tient à tort pour acquises, ou qui éclaire celles qu’on a mal comprises]. {c}


  1. Gaspare Aselli, mort en 1626 (vnote Patin 10/1048), relatait ses travaux menés en 1622 (v. infra note [4]).

  2. Après les artères, les veines et les nerfs du mésentère.

  3. Milan, Io. Baptista Bidellius, 1627, in‑4o illustré de 79 pages.

Ce petit livre a eu un très grand retentissement dans l’Europe savante. Thomas Bartholin l’a beaucoup loué dans son Historia anatomica, v. les notes :

2.

On entend aujourd’hui par hématose l’ensemble des échanges gazeux assurés par les hématies (globules rouges, v. note [11], Dissertatio anatomica, chapitre v), mais le mot désignait alors la formation du sang, autrement dite sanguification (à présent hématopoïèse), qu’on croyait entièrement accomplie par le foie (sans encore distinguer le plasma et les cellules du sang) : vnote Patin 1/404.

3.

Ces deux métaphores n’ont pas exactement le même sens :

4.

Éloy sur Aselli :

« […] le 23 juillet 1622, il remarqua les veines lactées dans le mésentère. Il en parle comme des canaux qui portent le chyle à une grosse glande située au centre des intestins, et qu’il prit mal à propos pour le pancréas. Ce fut sans y penser qu’il rencontra ces veines dans les animaux vivants qu’il disséquait à d’autres desseins […]. Il suivit ces vaisseaux depuis les intestins jusqu’au foie, où il crut qu’ils aboutissaient ; il remarqua même leurs valvules, mais les vaisseaux lymphatiques le trompèrent dans cette fausse route qu’il assigna aux veines lactées. Malgré cet écart, Asellius s’est fait un grand nom par sa découverte : aucun des Modernes n’en avait parlé avant lui. Il convient franchement que la description qu’il en donne est faite d’après les dissections des bêtes ; il a même la modestie de renoncer à l’honneur de cette découverte, dont il pouvait se prévaloir, parce qu’on ignorait absolument l’existence des vaisseaux qui charrient le chyle lorsqu’il les aperçut et les démontra. Il s’en fait si peu accroire sur cet objet qu’il cite Hippocrate, Platon, Aristote, Hérophile, Érasistrate et Galien {a} qui, selon lui, ont eu des idées sur ces vaisseaux, vagues à la vérité, mais suffisantes pour prouver qu’ils en ont eu connaissance. Cependant, ces auteurs ont plutôt indiqué que décrit les veines lactées ; et sous ce point de vue, Asellius n’a rien perdu en les citant. Il n’en a pas acquis moins de gloire par la manière dont il s’est annoncé, bien différent en cela de quantité d’auteurs de nos jours, qui ont trouvé l’art de rajeunir les vieilles découvertes et de se les approprier. »


  1. Philosophes ou médecins qui ont écrit entre le ive s. avant et le iie s. après J.‑C.

5.

En latin, latices, ou latebræ, signifie « cachettes » ; ma traduction par « retraits » cherche à respecter une probable allusion au « lieu où on se décharge le ventre » (Furetière), qu’on appelait aussi « privé » ou « latrines ».

La dissection d’animaux vivants (vivisection), sous forte contention mais sans aucune anesthésie, est légitimement tenue aujourd’hui pour une pratique barbare et répréhensible. Depuis l’Antiquité jusqu’à la fin du xixe s., elle a permis la plupart des grandes découvertes qui ont fait accomplir ses pas de géant à la médecine.

6.

Johannis Walæi Epistolæ duæ : de Motu chyli et Sanguinis : ad Thomam Bartholinum, Casp. Filium. Editio Quinta.

[Deux Lettres de Jan de Wale {a} sur le Mouvement du chyle et du sang, adressées à Thomas Bartholin, fils de Caspar. {b} Cinquième édition]. {c}.


  1. Le médecin de Leyde Jan de Wale (Johnannes Walæsius, 1604-1649, vnote Patin 6/191) y a professé, et principalement consacré ses recherches anatomiques à la digestion et à la circulation du sang.

  2. Le médecin de Copenhague Thomas Bartholin (1616-1680), élève de Wale, était le fils de Caspar (1585-1629), auteur des Anatomicæ institutiones… [Institutions anatomiques…], publiées pour la première fois en 1611, et plusieurs fois mises à jour par son fils (vnote Patin 1/306). Bartholin a été le premier et plus enthousiaste défenseur de la découverte de Jean Pecquet, qu’il a confirmée chez l’homme dès 1652 dans son Historia anatomica.

    La note [23], préambule de la première Responsio de Jean ii Riolan, montre à quel point Bartholin, décrivant les voies du chyle chez le poisson rond (lompe) en 1651, était éloigné de ce que Pecquet a découvert.

  3. Imprimée à la fin (pages 529‑576) de l’Anatomia de Thomas Bartholin (Leyde, 1651, v. note [5] de la lettre d’Adrien Auzout) ; la première édition des deux lettres de Wale avait paru à Leyde en 1641 ; v. notes [52][53], Responsio ad Pecquetianos, 1re partie, pour l’avis critique de Jean ii Riolan sur ces lettres et leur auteur.

Le passage cité par Jean Pecquet est dans la première lettre, dernier paragraphe de la page 535. Il épargnait à de Wale la suite de son propos, dont les Experimenta nova anatomica démontraient l’inexactitude :

Ea enim animalia glandulam in Mesenterii principio unicam non habent, quam Asellius pancreas appellavit, et harum venarum ductum solet obscurare, sed ibi minoribus, ut plurimum quinque, glandulis sunt donatæ, quæ manifesto intervallo a se invicem sejuntæ, per id intervallum quibusdam venis lacteis liberum transitum largiuntur. Sed cum supra has glandulas pauciores venarum lactearum rami, quarum et quædam majores, quam infra sint ; crediderim prope eas glandulas, venas lacteas in ramos dividi, et eas ut alibi in corpore, vasorum divaricationi inservire.

[De fait, ces animaux ne possèdent pas la glande unique, située à la racine du mésentère, qu’Aselli a appelée pancréas, et le tracé de ces veines y échappe ordinairement au regard. En revanche, ces chiens sont dotés de petites glandes, dont le nombre ne dépasse pas cinq, séparées les unes des autres par un intervalle bien visible, que certaines veines lactées traversent très librement. Étant donné qu’au-dessus de ces glandes il y a beaucoup moins de veines lactées qu’au-dessous, où certaines sont de très grande taille, je croirais que les veines lactées se divisent en rameaux auprès de ce ces glandes, et que, comme ailleurs dans le corps, elles servent à la ramification des vaisseaux].

7.

Hermann Conring, mort en 1681, a correspondu avec Guy Patin. Notre édition contient une biographie de William Harvey, mort en 1657. Vnote Patin 19/192, pour Johann Vesling, mort en 1649.

8.

Livre ii, chapitre xviii, De Mesenterio [Du mésentère], page 109, Distributio [Destination (des lactifères)],

Encheiridium anatomicum et pathologicum, in quo, ex naturali constitutione Partium, recessus a naturali statu demonstratur : Ad usum Theatri Anatomici adornatum, A Ioanne Riolano, Filio, Origine et Ordine Parisiensi, Doctore Medicinæ in Academia Paris. Anatomes et Herbariæ Professore Regio, atque Decano, Reginæ Matris Regis Ludovici xiii, Primario Medico per decennium, et postremo. Editio Quarta, renovata, illustrata, variis Tractatibus locupletata, et emendata. Cum triplici Indice, Tractatum, Capitum, ac Rerum, accuratissimo.

[Manuel anatomique et pathologique où, à partir de la constitution naturelle des parties du corps, est montré ce qui s’écarte de l’état normal. Conçu pour la pratique de l’amphithéâtre d’anatomie. Par Jean Riolan le Fils, {a} né et installé à Paris, docteur en médecine de l’Université de Paris, doyen et professeur d’anatomie et botanique du Collège royal de France, premier médecin, et le dernier, de la reine mère du roi Louis xiii pendant dix ans. Quatrième édition revue, polie, corrigée et enrichie de divers traités. Avec un triple et très exact index : des traités, des chapitres et des matières]. {b}


  1. Jean ii Riolan, fils du médecin parisien homonyme, Jean i Riolan.

  2. Paris, 1648, et Leyde, Adrianus Wyngarden, 1649, in‑8o de 471 pages ; traduit en français par François Sauvin après la réédition posthume de 1658 et publié à Paris, Gaspard Meturas, 1661, in‑12 de 779 pages (vnote Patin 25/150).

9.

Tirant leur nom du grec ψοα, psoa, « lombe », les psoas sont deux longs et puissants muscles qui s’insèrent de part et d’autre du rachis lombaire pour descendre jusqu’à l’extrémité supérieure de chaque fémur. Leur contraction fléchit la cuisse sur le bassin.

10.

Aristote, {a} Les parties des animaux, livre ii, chapitre i, § 16‑17 : {b}

« Le cœur en effet se divise en éléments similaires, comme se divisent aussi tous les autres viscères ; mais par sa configuration et sa forme, il est une partie non similaire. {c} Tous les organes qu’on appelle des viscères sont dans le même cas que le cœur ; et ils se composent de la même matière que lui. La nature de tous ces viscères est sanguine, parce qu’ils sont posés sur des vaisseaux veineux et sur leurs ramifications. Semblables au limon d’une eau courante, tous les autres viscères sont comme les embranchements du courant du sang s’écoulant dans les veines ; {d} mais le cœur, qui est le principe des veines, et qui renferme en lui l’initiative et la faculté première d’élaborer le sang, {e} doit, par une suite inévitable, être formé lui aussi de la même nourriture que celle qu’il reçoit. »


  1. Les écrits d’Aristote, philosophe et naturaliste grec du ive s. av. J.‑C., « le prince des péripatéticiens » (vnote Patin 15/80), conservaient au xviie s. une profonde influence sur la pensée médicale.

  2. Traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, 1891.

  3. Organe impair (« non similaire »), le cœur contient deux parties symétriques, le cœur droit, veineux, et le gauche, artériel.

  4. Les veines sont à comprendre comme l’ensemble des vaisseaux sanguins, qu’on distingue en veines (qui vont au cœur) et en artères (qui en partent).

  5. La postérité d’Aristote avait battu ce précepte en brèche : après Galien, le foie, et non le cœur, était devenu l’organe où se forme le sang à partir des aliments (hématose ou sanguification). Les deux points de vue étaient faux, mais emporté par la splendeur de sa découverte et aussitôt suivi par Thomas Bartholin, Jean Pecquet voulait rendre au cœur la fonction qu’il avait perdue, en montrant qu’il était le premier destinataire du chyle digestif.

    La fin de la lettre de Jacques Mentel à Jean Pecquet procure de plus riches détails sur ce désaccord historique entre Aristote et Galien.


a.

Page 1Ioan. Pecqueti Diepæi Experimenta nova anatomica.

Caput primum.

Lactearum in Mesenterio Venarum et detector
Asellius, et cæteri deinceps Anatomici concursum
ignorarunt. Chyli
Receptaculum supra
Lumbos, et ab eodem semita non ad Hepar, sed
ad verum
αιματωσεως principium Cor, indicatur.

Lactearum in Anatomicâ Repu-
blicâ Venarum auctarium inventum
est Asellij, non commentum : sed quòd
et αιματωσεως cum antiquis putat esse
principium Hepar, et ad ipsum La-
cteas confluere, eiusdem (ô Lector, si-
quidem vales oculorum obsequio) est erratum. Ab-
sit tamen in famam pejus quidquam statuas tanti viri ;

b.
Page 2, Ioan. Pecqueti Diepæi Experimenta nova anatomica.

Non ei parum debes, qui primus incognita Chyli di-
verticula scrutatus est, et cujus proinde beneficio po-
tes non caligare. Aperuit Asellius, sufficit. Non est
spernendum indicium, utut sit exiguum. Detegunt
obsessi hostilium cuniculorum insidias ex levissimo
tympani repercussu ; ex umbris hauriunt astrorum
Inspectores miracula.

Causa quidem errandi (nisi me forsitan et alius er-
ror circumagit) hæc fuit Asellio, quòd cùm intra
glandulam in medio sitam Mesenterio (Pancreas
vocat) in unum omnes coïre lacteas, indéque tum
sursum porrigi, tum deorsum, nec confundi tamen
uspiam animadverteret, pro certo habuit, ad ipsam
usque Iecinoris fissuram easdem ascendere.

Nec ab eo (quod sciam) tempore, quisquam eo-
rum aliter, quotquot in Anatomico theatro, etiam
cum animantibus vivis frequentiùs et majori cum lau-
de digladiati sunt, Lacteos (quos et ipsi deprehende-
bant) venarum ejusmodi latices studuit devolvere.

Et verò doctissimus Wallæus in suis ad Th. Bartho-
linum
epistolis, Per has, inquit, Venas lacteas Chylus
sursum vergit : quo in modo, res non satis expedita est. Id
nobis videtur maximè verosimile, quod in magnis maci-
lentisque Canibus venaticis animadvertimus, Venarum
Lactearum quasdam ab Intestinis uno et continuato ductu
in Ramum Mesentericum, quasdam in ipsam Portæ Ve-
nam, in cava Hepatis quasdam, paucissimas quandoque in
Venam Cavam prope Emulgentes desinere
.

Ita sentiunt non vulgaris peritiæ Medici Harvjus,
Veslingius, Conringius, Bartholinus, aliique complu-
res ; nec meliùs ipse Ioannes Riolanus (quod mirari
subit pro eximiâ viri, quâ in rebus Anatomicis cæte-

c.
Page 3, Ioan. Pecqueti Diepæi Experimenta nova anatomica.

ros anteivit sagacitate) Audi hanc in rem illius sen-
tentiam Encheir. c. 18. Hoc unum, inquit, multos anxios
tenet distributionis diversitas ; nam in Animali vivente sa-
turo et aperto notantur quidem istæ Venæ Lacteæ sparsæ
per Mesenterium : sed aliæ ad Pancreas progrediuntur, aliæ
ad Hepar, aliæ ad truncum Cavæ deriuantur, nullæ ad
Lienem, nec more Venarum Portæ in unum caudicem
coëunt
.

Ego, pace tantorum virorum, dixerim ipsorum
neminem peculiari scrutinio Lactearum intra Thora-
cem Venarum latebras tentavisse. Eorum tamen tri-
buendum arbitrer infelicitati potiùs, quàm incuriæ
quòd ignorauerint, non ad Hepar, non ad Venas Portæ, non
ad Cavam prope Emulgentes
, ut receptus error obtinuit,
derivari Chylum ; sed, quod inter dissecandum po-
test cuilibet luce clariùs innotescere, ab Intestinis ad
receptaculum quoddam
, amplitudinis, quæ
ψοων, saltem in Brutis, compleat intercapedinem.

Illud autem supra Lumborum vertebras, dissemi-
natarum in Mesenterio Lactearum liquorem excipit,
refunditque per eas, quæ intra Thoracem abditæ, ad
ramos usque Subclavios ductu continuo propagan-
tur, donec intra Venæ cavæ caudicem ascendentem
circa Iugulares (externas intelligo) mixtus cum san-
guine, communi tum demum alveo, in cordis vora-
ginem muricandus, {a} et in alimentarem concoquendus
substantiam præcipitet ; sicut evincatur nobili expe-
rientiæ testimonio, quàm appositè Peripateticorum
Princeps et Venarum asserat cor esse principium, et
sanguinis officinam.


  1. Forme latine inexistante, que j’ai prise pour maturandus : le néologisme muricandus s’explique sans doute par le sens français du verbe latin maturare, « mûrir ».


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Jean Pecquet, Experimenta nova anatomica (1651) : Chapitre i

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(Consulté le 13/07/2025)

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