Texte
Observationes de Venis lacteis (1655).
2. Lettre de Charles Le Noble
à Jean ii Riolan, seconde partie  >

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[Suite et fin de la lettre] [1]

La portion du chyle qui gagne le cœur est très aqueuse, ce qui la destine à nourrir les parties froides et humides du corps après s’être mêlée au sang, très probablement pour modérer son ardeur, comme fait l’eau qui coupe le vin.

Tout accès au foie lui est barré pour empêcher qu’elle ne soit plus complètement modifiée : par une admirable ségrégation qui la sépare de l’autre portion du chyle, la nature l’envoie tout droit vers le cœur en la chassant dans des veinules très fines et étroites qui lui offrent un chemin bien caché, mais fort court ; tandis que, par des voies plus visibles, et certainement plus larges et développées, elle conduit d’abord le reste du chyle, qui est bien plus visqueux, d’un autre côté, à savoir dans le foie, où il est transformé avant de rejoindre lui aussi, mais secondairement, le cœur. [1][2]

Il ne faut surtout pas penser que l’exiguïté et la finesse des veinules aselliennes [3] soient accidentelles ou fortuites : cela reflète une très spéciale intention de la nature, car elles reçoivent non seulement du chyle pur (alors que les autres mésaraïques [4] transportent du chyle mélangé au sang), [2][5] mais aussi sa portion la plus liquide et la moins copieuse. Il faut donc qu’elles soient fort ténues, de manière que s’ouvrent deux sortes de méats au chyle extrait des intestins (et plus encore, que ces deux sortes de canaux qui l’importent possèdent chacun un pouvoir d’attraction propre et distinct) : la partie la plus liquide et la mieux purifiée se glisse dans les veinules aselliennes, et la plus grossière, qui est fort fibreuse mais tout enflée d’esprits, s’écoule dans les autres veines du mésentère. S’il est en effet permis de déduire que l’inégalité de ces vaisseaux leur confère des pores et des accès distincts, il devient parfaitement clair (comme j’en suis convaincu) [Page 17 | LAT | IMG] que la substance très épaisse du chyle ne peut emprunter les ouvertures fines et très étroites des veinules aselliennes.

Cette opinion une fois énoncée, nul ne devrait plus s’étonner que le chyle contenu dans les lactifères se transforme si vite en humeur séreuse[6] puisqu’il est essentiellement aqueux.

Le sang qui reflue depuis les parties supérieures du corps [7] puis parcourt derechef le même circuit, disperse et perd une quantité non négligeable d’esprits et d’humidité [8] dans les lieux qu’il a irrigués, nourris et revigorés, ce qui le rend plus épais et lent, et donc moins apte à s’écouler facilement dans les labyrinthes sinueux de la circulation. Voilà pourquoi la nature a sagement, justement et ingénieusement disposé et inséré les vaisseaux pecquétiens[9] de manière que le bénéfique mélange du chyle au sang le rende plus fluide [10] et mieux disposé à entrer dans le cœur : ainsi s’écoule-t-il beaucoup plus aisément et légèrement dans les enroulements sinueux des branches de la veine artérieuse [11] et de l’artère veineuse[12][13] ou (suivant votre opinion) à travers le septum médian du cœur. [14] Pour faciliter sa circulation, l’autre portion du chyle, qui était mélangée au sang des veines mésaraïques, le dilue et l’enrichit en esprits nouveaux : [15][16] le sang récemment fabriqué par le foie à partir de ce chyle se mêle au sang qui remonte au cœur par la veine cave inférieure, [17] lui transmet ses esprits et sa fluidité, qu’il doit à l’humidité qu’il a extraite et retenue du chyle, et qui favorise grandement la circulation et lui est même indispensable. [3]

Cette augmentation de la fluidité du susdit sang [Page 18 | LAT | IMG] est en outre favorisée par l’addition et le mélange de celui, plus dilué, qui vient de la veine cave supérieure.

Si la nature n’avait pas voulu envoyer le chyle dans le foie, elle aurait sans aucun doute inséré de nombreux lactifères, ou du moins leur collecteur unique, dans le segment de la veine cave inférieure qui va du foie au cœur.

Et si, pour affaiblir mon raisonnement, quelqu’un nie que l’adjonction de cette humidité chyleuse rend le sang plus fluide, il lui faut expliquer pourquoi la nature n’a pas chassé le chyle dans le cœur en empruntant un chemin direct et droit, au lieu de le dévier dans les veines subclavières ou axillaires. [18]

En vérité, qui n’admet pas que le chyle accroît la fluidité du sang quand il se mêle à lui, ne peut absolument pas douter que l’expérience prouve l’humidité aqueuse du chyle car si, peu de temps après la mort, il le cherche dans le réservoir, [19] ou surtout dans les lactifères pecquétiens, il trouvera qu’il y a entièrement disparu et s’est transformé en humeur séreuse.

Les premiers germes des fibres et de la viscosité sanguine [20] sont certes contenus dans le chyle et continueraient à se manifester dans le sang si l’abondance du sérum ne les diluait et masquait entièrement, si la coction très complète qu’elles subissent d’abord dans le foie ne les avait en grande partie consommées, et si ensuite les reins ne les avaient éliminées. [21]

J’en viens maintenant à examiner le mouvement du chyle contenu dans les lactifères, qu’on dit être tantôt poussé par la tension des muscles lombaires, [22] [Page 19 | LAT | IMG] tantôt par l’impulsion péristaltique des intestins ; [23] on croit aussi parfois qu’y contribuent la contraction des muscles de la paroi abdominale, [24] et du diaphragme, [25] les battements de l’aorte [26] ou même, comme dit Pecquet, la respiration car, en se dilatant, les poumons font descendre le diaphragme et le foie qui, agissant alors comme un piston [27] qui s’ébranle de tout son poids à intervalles réguliers, force le chyle à sortir de l’estomac en passant par le pylore et à descendre dans les intestins, et à dilater leurs petits pores, [28] pour qu’ils expulsent dans les lactifères la très subtile substance qu’ils contiennent, etc.

Je ne disconviens pas que les mouvements de ces parties contribuent sensiblement à la progression du chyle dans les veines lactées aselliennes, mais pense qu’une fois entré dedans, il y progresse jusque dans les veines subclavières ou axillaires sans être aidé par une force qui lui vienne de l’extérieur, mais sous le seul effet du mouvement péristaltique dont la nature a doté ces canaux.

J’estime mon opinion d’autant plus certaine qu’elle repose sur une expérience peu douteuse, dont pourra témoigner quiconque aura exposé et observé avec attention les viscères d’un animal vivant, et c’est la question sur laquelle je vais maintenant me pencher (l’ayant ainsi convenablement introduite).

[Dissections animales réalisées à Rouen] [29]

Après avoir ouvert les thorax et l’abdomen d’un chien ou de n’importe quel autre animal encore en vie, il faut détacher de l’aorte [30] le ou les canaux pecquétiens [31] et les séparer de toutes les parties voisines, tout particulièrement de l’œsophage [32] [Page 20 | LAT | IMG] (auquel ils adhèrent très intimement, en raison de la membrane qui leur est commune et qui dépend de la plèvre) ; un lien très serré est ensuite noué à la partie supérieure du ou des canaux pour y bloquer entièrement la progression du chyle, puis un autre juste au-dessus de leur sortie du réservoir, avant de le ou les couper. Aussitôt qu’on les a sectionnés, on remarque que le chyle continue à distendre le segment supérieur de son conduit, en y provoquant, de haut en bas, l’apparition de renflements arrondis et bien visibles, dus aux nombreuses valvules [33] qui barrent le passage en formant autant d’étranglements et d’ampoules, où se dessinent comme des rides ; mais que son extrémité inférieure s’est affaissée après s’être entièrement vidée de son chyle. Voyant cela, qui donc dirait que le mouvement du chyle dépend de celui d’autres parties du tronc puisque, dans l’expérience que je décris, il est tout à fait certain qu’absolument rien ne peut contribuer à ce mouvement ? Une attraction [34] exercée par le cœur ne peut pas non plus aider le chyle à s’écouler puisque le premier lien susdit l’empêche de subir une telle succion. Il est si fortement bloqué qu’il lui est certainement impossible de progresser tant vers le haut que vers le bas.

J’ai fait état de mon expérience sur les canaux Pecquétiens (que leur calibre et leur longueur rendent bien visibles), mais aurais vainement essayé de la reproduire à l’identique dans les veines aselliennes. Je m’y suis néanmoins pris autrement avec un égal succès : les ayant détachées des intestins et des autres parties abdominales qui pourraient faire progresser leur contenu, et ayant aussi dilacéré le diaphragme pour lui interdire toute action, je ne suis toutefois pas parvenu à empêcher que leur aptitude naturelle à la contraction [Page 21 | LAT | IMG] péristaltique ne se manifeste très visiblement. Tout doute disparaît quand on lie un de ces lactifères à mi-distance de son trajet mésentérique : tout le chyle qui est en aval de la ligature s’évacue dans le réservoir, et celui qui est en amont s’accumule en abondance dans le vaisseau occlus, de manière semblable à ce que j’ai dit pour les canaux pecquétiens ; la partie du lactifère qui ne communique plus avec l’intestin se vide entièrement de son chyle, tandis que l’autre, en amont du lien, reste copieusement remplie et gonfle en semblant se couvrir de rides.

Pourquoi la nature a-t-elle doté les lactifères d’une paroi si fine et grêle ? La meilleure raison, je pense, est qu’elle devait la façonner ainsi pour qu’elle fût plus apte à se contracter naturellement et prompte à réagir. Elle a en outre muni ces vaisseaux d’une telle multitude de valvules et les a si diversement agencées que leur mouvement péristaltique pousse tout le chyle dans le réservoir (puis de là dans les veines subclavières ou axillaires), sans qu’une goutte n’en reflue vers les intestins. [4][35]

Ce fait apparaît aussi très clairement dans ma précédente dissection des canaux pecquétiens, d’où le chyle ne s’est pas échappé vers le bas quand je les ai coupés, et ce en dépit de sa fluidité. La seule explication concevable tient à la poussée du mouvement péristaltique vers le haut et à la disposition des valvules qui l’empêche de redescendre. Les esprits animaux [36] doivent toute la légèreté de leur écoulement à la pureté de leur substance et à la subtilité de la nature ; le déplacement rapide et fluide du sang dans les veines [Page 22 | LAT | IMG] lui vient de l’impulsion transmise au sang artériel par les systoles cardiaques ; [5][37] mais le chyle, quant à lui, ne doit son déplacement qu’au mouvement péristaltique particulier de ses vaisseaux, parce que leur manquent ces qualités éthérées propres à le mettre en mouvement, et que, faute de communications qui les lient aux autres vaisseaux, ils ne peuvent en tirer aucune impulsion.

Jusqu’ici, très illustre Monsieur, mon exposé, aussi indigeste et grossier que bref et sommaire, vous a impétueusement présenté les raisonnements qui fondent mon opinion sur la découverte des lactifères thoraciques. Néanmoins, puisque « les pensées des mortels sont timides, et nos desseins sont instables » (comme on lit dans les saintes Écritures), [6][38] je n’ai rien voulu croire de sûr et certain dans ma sentence sans que l’autorité de votre jugement, qui est aussi impartial qu’infaillible, ne m’ait dit ce qu’il en confirme et admet. Au nom de la gloire que la médecine vous a unanimement attribuée en récompense des très éminents services que vous lui avez rendus, et au nom de votre singulière et aimable bienveillance qui n’excepte personne, je vous conjure et supplie très instamment de daigner me faire part de ce que vous approuvez ou désapprouvez dans ce que je pense. Sans cela, en essayant de persuader les autres de ce dont l’expérience m’a convaincu, je pourrais témérairement m’enfermer dans de dangereux défilés, comme ceux où son imprudente audace a poussé un homme très célèbre, en l’amenant à modifier quatre fois son avis sur la sanguification en l’espace d’environ deux ans. [7][39] Chacun [Page 23 | LAT | IMG] convient certes de ses erreurs et les corrige quand il se fait une idée nouvelle de la vérité, en admettant que son ignorance ou son imprudence l’avait égaré. Il ne serait sans doute pas tombé dans le déshonneur de l’inconstance s’il avait compris la mise en garde de Sénèque disant que chacun soumette ses idées et ses ouvrages au jugement d’un homme sage ; [8][40] ou alors celle de Galien, à qui j’ai emprunté ce propos : « J’ai remarqué que très peu de ceux qui ont permis aux autres de les juger ont pour habitude de se tromper ; mais j’ai vu, au contraire, que tous ceux qui ont une très haute estime d’eux-mêmes et n’ont pas permis aux autres de les juger, tombent dans de fréquentes et très profondes erreurs » [41] Si je n’ai pas atteint toute la vérité, il faut penser que ce n’est pas faute de m’y être efforcé, nul ne doit être blâmé de scruter l’inconnu pour y débusquer le vrai, et s’il est malheureux de ne l’avoir pas trouvé, il faut juger vertueux de l’avoir cherché, comme Galien l’a aussi fort bien dit : « Il faut avant tout oser chercher la vérité, et si nous ne la trouvons pas, nous l’aurons sûrement approchée de plus près que là où nous sommes maintenant. » [9][42] La raison et la vérité ne vous ont jamais été étrangères, et quelque parti que prenne votre jugement sur mon opinion, il me procurera la consolation d’avoir eu cette occasion de vous écrire et pu opportunément vous témoigner de la très grande soumission et obéissance que vous doit ma profonde reconnaissance.

J’avoue en effet vous être redevable d’avoir, avec d’autres et dans des domaines jusqu’ici en très grande partie inconnus, à tel point éclairé et fait avancer la médecine et l’anatomie, que la postérité tout entière admirera tous les progrès que vous y [Page 24 | LAT | IMG] aurez apportés, et auxquels nul n’ajoutera rien, sauf à vouloir y perdre son temps. Les longues et fort agréables heures que j’ai passées à lire les livres que vous avez mis au jour m’ont plus attaché à vous qu’aux autres. Plus je les relis, plus j’y vois clair ; j’en ai maintes fois tiré grand avantage car votre érudition est si féconde qu’elle profite encore à celui qui revient y puiser. Dans vos ouvrages s’écoule la source intarissable du savoir, et qui s’y sera abreuvé un jour, pourra découvrir et se procurer des trésors plus grands et nombreux encore dans l’immensité de votre science. Votre œuvre est si accomplie que vous pouvez et devez, plus légitimement que Lucrèce[43] recevoir le titre d’homme incomparable et divin, et plus authentiquement que Cornelius Gemma, celui de merveille d’érudition. [10][44] Si n’est pas exaucé mon vœu de vous immortaliser, il me reste maintenant à vous souhaiter la longue vieillesse que vous méritez, toujours féconde en splendides ouvrages, afin que la postérité conserve saine et sauve la gloire qui vous est due, et la fasse croître éternellement et sans limite.

[Dissections humaines réalisées à Rouen] [45]

J’étais sur le point de remettre cette lettre au messager de la poste, mais ai reporté son envoi, ayant appris que quatre voleurs tout récemment emprisonnés allaient très bientôt être condamnés à mort. J’ai donc reporté l’expédition de mon courrier, dans l’espoir que, si notre parlement me confiait leurs cadavres, je pourrais y ajouter tout ce que j’aurais soigneusement observé sur le réservoir du chyle et les veines pecquétiennes de l’homme. À cette fin, j’ai adressé une requête aux éminents juges de cette Cour, qui m’ont volontiers cédé deux de ces corps : le premier devait être réservé, [Page 25 | LAT | IMG] selon la coutume ordinaire, à enseigner l’anatomie lors d’une dissection publique ; le second devait servir à savoir si les lactifères de l’homme sont semblables à ceux des bêtes, et si Bartholin, le seul à avoir jamais expressément publié sur le sujet, est parvenu à en donner une description complète. [46]< Pour rendre mon expérience plus aisée et probante, j’ai obtenu des dits juges que les condamnés fussent nourris cinq ou six heures avant d’être pendus, et que l’un d’eux (celui qui avait le plus mangé) me fût remis sans le moindre délai après son trépas pour être soumis à mes recherches. Quand j’ouvris ce cadavre, en présence de nombreux présidents et conseillers du parlement de Normandie, d’autres éminents personnages et d’une très vaste et brillante assemblée de mes collègues, les entrailles en étaient encore chaudes et fumantes. Je leur montrai d’abord que des veines lactées gonflées de chyle se répandaient par tout le mésentère. En fouillant ensuite les viscères de l’abdomen, je trouvai le réservoir de cet homme à l’endroit où il est placé chez les autres animaux, et l’exposai clairement aux regards de tous les spectateurs. [47] Sa forme nous a semblé identique à celle qu’on observe chez les bêtes (ou du moins, peu différente d’elle), quoi qu’en ait écrit Bartholin[48] car nous avons vu qu’il s’agissait d’une cavité dont l’intérieur était divisé en logettes de tailles et de contours inégaux ; enveloppée et bien attachée par de très fines membranes, elle était entourée d’une abondance de graisse et entortillée dans une multitude de petites fibres qui [Page 26 | LAT | IMG] l’attachaient très solidement aux parties voisines, et surtout à l’aorte. Elle était longue d’un demi-pied et large de plus de quatre travers de doigt, [11] mais sa partie supérieure s’affinait peu à peu pour devenir plus étroite et moins large que sa parie inférieure. En haut s’en éloignaient les deux canaux thoraciques : le calibre du droit égalait celui d’une plume d’oie et le droit était beaucoup plus fin ; tous deux étaient couverts de graisse et de petites glandes, et leur trajet était extrêmement sinueux et tortueux ; par endroits, ils semblaient se réunir en un seul canal, qui se tordait en tous sens, et finissaient par se joindre à nouveau l’un à l’autre à mi-hauteur de leur trajet ; et ce si parfaitement que des deux canaux ne subsistait que le gauche, qui se ramifiait entièrement alors, envoyant trois ou quatre branches à la veine subclavière gauche, et tout autant à la droite[49]

Un très savant médecin qui était là présent refusa pourtant d’admettre que je lui montrais le réservoir, et quand je l’incisai pour l’en convaincre, il en jaillit aussitôt une grande abondance de chyle ; mais comme ce liquide ressemblait à du petit-lait, [50] car il était fort aqueux et avait en partie perdu sa couleur originelle, ledit docteur persistait à nier que ce qu’il voyait s’écouler fût du chyle, affirmant que ce n’était rien d’autre que de l’eau pure ; pour le dissuader de cette opinion, ou plutôt pour me persuader de la mienne, je lui objectais sa propre expérience quotidienne et l’autorité de Bartholin, mettant hors de doute le fait que, peu après la mort, le chyle se transforme facilement en humeur séreuse et que, sauf quand on dissèque un animal vivant, les lactifères thoraciques [Page 27 | LAT | IMG] ne contiennent jamais rien d’autre que cette sérosité ; et comme j’ajoutai avec plus de fermeté que ce sérum blanchâtre, en raison de sa consistance et de sa couleur, devait plutôt être appelé du chyle que de l’eau, il me fit remarquer que le liquide contenu dans les vaisseaux lymphatiques de Bartholin ressemblait fort à de l’eau, [51][52] et pourrait donc être celui que mon incision avait fait jaillir. Cet amical différend, que seul avait allumé notre ardent désir commun de dévoiler la vérité, fut entièrement dissipé par une très légère pression du réservoir : comme l’incision que j’y avais faite était fort petite, il s’en écoula d’abord du sérum très délié puis, en appuyant un peu plus la main, le chyle visiblement plus épais qui avait attendu d’en sortir ; en le comprimant ainsi, il en jaillit plus de trois cuillerées de ce chyle authentique, ayant la blancheur et la consistance du lait, sous les yeux de tous ceux qui assistaient à la dissection ; les canaux pecquétiens étaient presque entièrement vides de chyle. Finalement, je disséquai assez aisément et retirai la totalité du réservoir, avec une partie de l’aorte et lesdits canaux thoraciques, ainsi qu’un segment de la veine subclavière que j’avais détachée des parties qui sont dans son voisinage. J’ai nettoyé toutes ces pièces et les conserve, en bonne place et très religieusement, dans mon cabinet, pour pouvoir satisfaire pleinement la curiosité de tous ceux qui désireront dorénavant les voir.

Environ quatre jours après que j’eus accompli et démontré cela, la grand’chambre du parlement a autorisé M. Guiffart[53] très brillant médecin qui est l’un de mes collègues, à faire ouvrir le cadavre d’une [Page 28 | LAT | IMG] femme qui avait été pendue, et un habile chirurgien dénommé la Bale [54] fut chargé de cette dissection. [12][55] Comme, le jour de son exécution, la condamnée s’était presque complètement abstenue de manger, on lui trouva un réservoir absolument plat et vide, et en dépit de multiples incisions, il n’en sortit pas une goutte de chyle.

Ils ont en outre vérifié que ledit réservoir se distinguait facilement des autres parties, sous la forme de multiples renflements, semblables à des vésicules membraneuses, cernés de graisse et entrecoupés de glandes molles ; et ont vu qu’en naissait un canal thoracique gauche, qui se tordait en sinuosités multiples et variées, et que plusieurs faisceaux de fibres rattachaient aux parties voisines ; il saillait sous l’effet du sérum qui l’enflait et qui, quand il en sortait, avait une apparence très semblable à celle du petit-lait, et au liquide qui avait jailli du réservoir en disséquant le cadavre que j’ai décrit plus haut.

Cela m’a définitivement convaincu qu’il s’agissait de chyle déjà transformé puisque, immédiatement après la mort, celui qui est contenu dans le réservoir et dans les canaux pecquétiens s’altère et se transforme en humeur séreuse, bien que cette modification n’ait lieu que plus tard dans les veines lactées aselliennes. Dans le dernier cadavre que j’ai disséqué, au quatrième jour suivant le décès, j’ai vu qu’un liquide laiteux blanchissait encore les lactifères mésentériques. Vous êtes le seul capable d’expliquer pourquoi le chyle demeure plus longtemps intact dans les veines lactées aselliennes que dans les pecquétiennes, et c’est de vous seul que nous attendons la réponse, sauf à vous faire rire en expliquant que cela tient au calibre des veines aselliennes qui est bien [Page 29 | LAT | IMG] inférieur à celui des canaux thoraciques, où les esprits seraient donc moins tassés et se dissiperaient plus facilement. Le fait est qu’après avoir bien mis en évidence le canal thoracique gauche, je fus appelé à visiter des malades gravement atteints, et ne sut pas ce qu’avait découvert la dissection de la femme dont j’ai parlé plus haut ; mais quelques jours plus tard, en parlant avec le susdit chirurgien la Bale, que diverses affaires avaient occupé entre-temps, j’appris malheureusement qu’il n’avait pas cherché le canal thoracique droit et n’avait pas entièrement exploré le gauche. [13][56]

Je n’ai ainsi allongé ma lettre que pour vous raconter ce que nous avons observé, étant donné que c’est à vous qu’il appartient d’en juger mieux que tout autre. Nous avons osé espérer là-dessus les très beaux, sincères et savants avis que nous vaudra votre indulgente assistance. Je vous adresse toutes mes salutations et prie Dieu tout-puissant, à qui nous devons la grâce de vous avoir, qu’il vous conserve heureux et bien portant pendant de nombreuses années. [14][57][58]

De Rouen, le 29 mars 1655.


1.

Charles Le Noble poursuivait et développait sa visionnaire description des deux chyles puisés par les vaisseaux mésentériques dans l’intestin grêle (v. notes [17] et [18], première partie de sa lettre) : les lactifères mésentériques, dits aselliens, en emportent la partie censée être la plus aqueuse directement dans le cœur, en passant par le canal thoracique, dit pecquétien, puis la veine cave supérieure ; et les veines sanguines dites mésaraïques, en mènent dans le foie la partie censée être la plus visqueuse, où elle est digérée pour se transformer en sang (ou plus exactement en plasma) avant de rejoindre le cœur, en passant par les veines sus-hépatiques puis cave inférieure.

Cela ne diffère de la physiologie moderne que sur la distinction entre les deux chyles dont la « ségrégation » (secretio) est assurée par les entérocytes de la muqueuse intestinale (v. note [2], Historia anatomica de Thomas Bartholin, chapitre xv) : celui qui se mêle au sang porte pour gagner le foie n’est pas « le plus visqueux », mais est au contraire hydrosoluble (et contient les glucides et les protides) ; celui qui se mêle au sang cave supérieur pour gagner le cœur n’est pas « le plus aqueux », mais est au contraire liposoluble (et contient les graisses).

2.

Ma traduction respecte le vocabulaire exact, mais original et désuet de Charles Le Noble, dont le raisonnement se fondait sur les connaissances scientifiques de son siècle, qui ignorait notamment l’existence des entérocytes et le tri qu’ils opèrent dans l’absorption des aliments :

3.

Charles Le Noble avait entièrement adopté la circulation harvéenne du sang, contrairement à Jean ii Riolan, mais voulait bien sûr le ménager dans la lettre qu’il lui écrivait. {a} Il y introduisait ici les deux chyles, {b} en les insérant chacun dans une des veines caves, supérieure et inférieure, {c} et en imaginant qu’ils facilitent le passage du sang dans la petite circulation, {d} et même à la périphérie de la grande circulation. {e} Hormis le vocabulaire désuet, rien de tout cela n’est radicalement contraire aux fondements de la physiologie moderne qui attribue diverses fonctions, sans doute encore incomplètement élucidées, au chyle et à la lymphe qui se mélangent au sang dans la veine cave supérieure.


  1. Avec sa parenthèse sur le prétendu passage du sang à travers la cloison interventriculaire (v. première notule {a}, note [10], première Responsio de Jean ii Riolan, 6e partie).

  2. Après avoir évoqué la très étroite parenté entre le chyle et la lymphe, dans la grande famille de la pituite, sur laquelle il est longuement revenu dans la suite de sa lettre (v. infra note [13]).

    Contrairement à Le Noble, William Harvey ne croyait pas en l’importance du chyle : v. ses trois lettres sur les Experimenta nova anatomica, écrites en 1652-1655.

  3. Veines caves supérieure pour le chyle liposoluble qui monte dans le canal thoracique, et inférieure pour le chyle hydrosoluble que le foie a transformé en sang (c’est-à-dire en plasma, ou « humidité » du sang) en lui donnant ses esprits naturels (protides et glucides).

    Incapable de faire cette distinction métabolique, qui n’a été bien établie qu’au xixe s. (v. la fin de la Brève histoire du chyle), Le Noble recourait aux notions d’esprits et de fluidité pour expliquer la physiologie du chyle (qui n’avait été clairement mis au jour que trente ans plus tôt, par Gaspare Aselli).

  4. Avant la découverte des capillaires pulmonaires qui unissent les rameaux de l’artère pulmonaire (veine artérieuse) à ceux des veines pulmonaires (artère veineuse), et permettent au sang d’acquérir son esprit vital (oxygène).

  5. Le sang avait perdu « ses esprits » et son « humidité » quand il revenait des extrémités du corps.

4.

La physiologie moderne a pleinement établi la réalité du péristaltisme des lactifères que ni Jean Pecquet ni Thomas Bartholin n’avaient alors conçu. Il s’agit plus généralement du péristaltisme des vaisseaux lymphatiques, dont Bartholin n’avait pas non plus fait état dans le chapitre vi, Humor contentus in Vasis Lymphaticis contentus, et ejus motus [Humeur contenue dans les vaisseaux lymphatiques et son mouvement], de ses Vasa lymphatica (Copenhague, 1653, v. note [25], Nova Dissertatio de Jean Pecquet, expérience i).

C’est à peine croyable, mais il s’agit, me semble-t-il, après les deux chyles et l’absence de véritable sanguification cardiaque, d’une autre remarquable trouvaille de Charles Le Noble. En dépit de son exécrable latin (v. note [2], première partie de sa lettre à Jean ii Riolan), sa lettre est un émerveillement pour qui a le courage de la lire entièrement.

5.

Les esprits animaux n’étaient encore qu’une représentation abstraite de l’influx nerveux. Comme l’avait expliqué Jean Pecquet, après William Harvey, dans les deux premiers chapitres de sa Dissertatio anatomica, les forces et les dispositifs anatomiques qui poussent le sang veineux à retourner dans le cœur demeuraient en grande partie hypothétiques et sont bien moins triviaux que ce que Charles Le Noble en disait ici.

6.

Livre de la Sagesse, 9:14, v. note [9], Brevis Destructio, chapitre v.

7.

Sans le nommer, Charles Le Noble dénonçait ici les avis changeants de Thomas Bartholin sur le lieu de la sanguification au cours des deux dernières années, en s’attirant les moqueries de Jean ii Riolan :

8.

Jean ii Riolan était l’« homme sage » dont Thomas Bartholin n’avait pas daigné recueillir l’avis. La référence à Sénèque le Jeune me semble renvoyer à ce qu’il a écrit sur l’erreur humaine dans son livre iv sur les Bienfaits, chapitre xxxiv :

Non mutat sapiens consilium, omnibus his manentibus quæ erant, quum sumeret. Ideo nunquam illum pœnitentia subit : quia nihil melius illo tempore fieri potuit, quam quod factum est : nihil melius constitui, quam quod constitutum est. Cæterum ad omnia cum exceptione veniet, si nihil inciderit, quod impediat : ideo omnia illi succedere dicimus, et nihil contra opinionem accidere, quia præsumit animo, posse aliquid intervenire, quod destinata prohibeat. Imprudentium ista fiducia est, fortunam sibi spondere. Sapiens autem vtramque partem eius cogitat. Scit quantum liceat errori, quam incerta sint humana, quam multa consiliis obstent. Ancipitem rerum ac lubricam sortem suspensus sequitur, consiliis certis incertos euentus. Exceptio autem, sine qua nihil destinat, nihil ingreditur, et his illum tuetur.

[Le sage ne change pas d’avis si toutes choses demeurent dans l’état où elles étaient quand il s’est prononcé. Ainsi n’est-il jamais sujet au repentir, car il ne pouvait alors rien faire ni décider de mieux que ce qu’il a fait et décidé. Il assortit d’ailleurs tous ses avis de cette restriction : s’il ne survient rien qui me pousse à le changer. Voilà pourquoi nous disons que tout réussit au sage, que rien ne contrarie son opinion, car il prévoit qu’un événement peut le contredire. L’assurance des imprudents se fonde sur leur confiance en la fortune, mais le sage sait qu’elle a deux visages : il connaît le pouvoir de l’erreur, l’incertitude des choses humaines et les nombreux obstacles qui s’opposent à nos desseins ; il suit indécis le sort glissant et douteux des affaires, sachant que ses avis bien arrêtés auront une issue incertaine ; en quoi pourtant, sa clause de réserve le protège car il ne projette et n’entreprend rien sans l’énoncer].

Ce passage a valu à Sénèque d’être indûment tenu pour l’auteur de l’adage errare humanum est, dont le corollaire, perseverare diabolicum, est chrétien (saint Augustin).

9.

Charles Le Noble a cité ces deux passages de Galien dans un latin un peu différent de celui de Kühn (et donc de René Chartier), mais sans en altérer le sens :

10.

V. notes Patin :

Jean ii Riolan a volontiers cité ce poète et cet anatomiste dans ses écrits. L’outrance de cette seconde couronne de laurier que lui tressait Charles Le Noble {c} est telle qu’on se demande aujourd’hui s’il n’y mêlait pas quelques ronces d’ironie, mais de si indigestes platées de louanges étaient dans la mode du temps.


  1. Aristotelis Historia de Animalibus, Iulio Cæsare Scaligero Interprete, cum eiusdem Commentariis [L’Histoire des animaux d’Aristote, traduite et commentée par Jules César Scaliger (vnote Patin 5/9)], édition de Toulouse, Dominicus et Petrus Bosc, 1619, in‑fo, livre vi, cccxxxii, page 756.

  2. Bibliotheca Belgica de Valerius Andreas (Louvain, 1643, vnote Patin 3/584), page 149.

  3. Une première volée des louanges de Le Noble a noirci les trois pages initiales de sa lettre.

11.

Soit environ 16 centimètres de long sur plus de 8 de large. V. notule {f}, note [8], Historia anatomica, chapitre vi, pour une représentation (par Bourgery) de l’enchevêtrement qu’a pu voir Charles Le Noble, en sachant que l’organisation détaillée de ces structures est éminemment variable d’un individu à l’autre.

En dépit de son mauvais latin, la description du réservoir du chyle et des canaux thoraciques humains donnée par Le Noble est plus claire et précise que celle de Thomas Bartholin en 1652 (chapitre vi de son Historia anatomica), où on peinait à toujours deviner s’il parlait de l’homme ou du chien.

12.

Le chirurgien rouennais la Bale n’a laissé aucune autre trace que j’aie su trouver. Son compatriote, le médecin Pierre Guiffart, auteur du Cor vindicatum (Rouen, 1652), en faveur de Jean Pecquet, {a} a parlé de Charles Le Noble dans sa :

Lettre à un docteur et professeur en médecine, {b} touchant la connaissance du chyle et de ses vaisseaux, qui le portent au cœur. Ensemble la nouvelle découverte de la Noble Valvule qui confirme entièrement la doctrine de la circulation du sang, {c} et établit pleinement que le cœur est le véritable auteur du sang, et non pas le foie. Doctrine qui rend la théorie de la médecine plus facile, et la pratique plus heureuse. Avec quelques observations considérables sur l’Hydropisie. Par le sieur Guiffart, docteur en médecine agrégé au Collège de Rouen. {d}


  1. V. note [10], Brevis Destructio d’Hyginus Thalassius, chapitre i.

  2. Il ne s’agissait pas de Jean ii Riolan, mais d’un de ses collègues, qui pouvait être Jacques Mentel, alors ancien professeur de médecine de la Faculté de Paris (v. note [13] du Clypeus, 1re partie).

  3. Guiffart donnait ce nom à la valvule qui est située à l’abouchement de la veine cave inférieure dans l’oreillette droite, et s’en justifiait en attribuant sa découverte à Charles Le Noble (§ 53, page 31) :

    « Or il est constant qu’en ce même point d’union dont nous venons de parler, il se trouve une Valvule notable tellement disposée que par quelque agitation qui puisse arriver au sang, il est impossible que le sang et le Chyle, qui d’en haut descendent dans le cœur, et le sang, qui d’en bas s’y vient aussi rendre, puissent jamais se confondre, et c’est cette considérable Valvule que j’appellerai Noble, tant à raison de l’excellent usage qu’elle apporte à cette noble partie, qu’à cause du nom d’un de MM. nos Collègues qui, comme excellent Anatomiste, en a fait la découverte, et qui me l’a premièrement démontrée en l’Hôtel-Dieu de Magdaleine, sur les sujets de trois corps humains qui furent ouverts à ce dessein […]. »

    La découverte de cette « Noble Valve » n’était ni originale ni fondamentale. La nomenclature anatomique a jadis retenu le nom de l’anatomiste romain Bartolomeo Eustachi (mort en 1574) pour désigner la valve de la veine cave inférieure. Chez le fœtus, c’est un repli qui dirige le sang de cette veine vers le foramen ovale ; chez l’adulte, c’est un reliquat inconstant et non une valve fonctionnelle, l’hémodynamique suffisant à empêcher tout reflux de l’oreillette droite ou de la veine cave supérieure dans l’inférieure.

  4. Rouen, François Vaultier, 1656, in‑fo de 52 pages.

13.

Le latin de Charles Le Noble rend son récit et son raisonnement incertains.

Cela dit, la lettre de Le Noble est admirable car il n’était guère possible en 1655 de pousser plus loin l’exploration de la voie du chyle et d’en tirer des déductions plus pertinentes que celles qu’il y exposait. Dans sa réponse, qui suit, Jean ii Riolan semble l’avoir perçu, mais sans en exploiter parfaitement tous les brillants enseignements (v. notes [7][11] de sa réponse à Le Noble).

14.

La lettre de Charles Le Noble a bien sûr impressionné les partisans de la sanguification cardiaque. Jean Pecquet y a immédiatement riposté par le Clypeus, sous le pseudonyme de Guillaume de Hénaut. Thomas Bartholin y a répondu cinq ans plus tard dans le Spicilegium secundum ex vasis Lymphaticis [Second Spicilège tiré des vaisseaux lymphatiques], {a} dont le chapitre iii (pages 16‑20) est intitulé Caroli le Noble de Lacteis et Lymphaticis observatio [Observation de Charles Le Noble sur les vaisseaux lactés et lymphatiques] :

Carolus le Noble Med. Doctor et Anatomicus Rothomagensis, nostro in Hominibus exemplo incitatus, Lacteorum vasorum in Homine investigationi diligenter incubuit. Plenis buccis illius industriam et labores deprædicat Magnus Riolanus in Epist. Resp. non tam quod in rei veritatem inquisiverit, quam quod Hepati suum officium sanguificandi restituerit, et longè sit ejus descriptio dissimilis à nostra descriptione in Homine, ideoque illius relationi magis fidit. Ego quoque nobilem Dn. de Noble operam æstimo ; quanquam diversa sentiat scribatque. Dignos enim encomio reputo, quicunque naturæ vocanti parent, proprijsque oculis et manibus vident palpantque. Nunquam mihi soli naturam vindicavi, quum sciam alijs quoque patere, ideoque editis monumentis omnes orbis eruditos ad Naturæ commercia invitavi. Riolani verò iniquam censuram æquo animo patiar ; quem, licet opinionibus et animo à me dissidentem, rebus humanis 1657. die 19. Febr. anno ætatis 80 Parisijs ereptum, propter alia et innumera in Rempublicam Medicinam merita, seriò doleo, semperque dolebo ; ideo manes illius turbare nolo, sed quietos esse opto. Operosus verò est le Noble in edit. Obs. Rar. et Nov. ut contra Pecquetum ejusque fautores, Hepatis officium restituat in integrum, quem conatum irritum illi reddidit et invertit Guilielmus de Henaut Doctor ididem Rhotomagensis contra collegam suum in clypeo ad Nobiliss. Mentelium, ut hoc labore supersedere possim, inprimis cum doctissimè partes cordis contra hepar ejusque cultores nuper egerit Petrus Guiffartus in Epist Gallica de chyli notitia ejusque vasis, ubi nobilis quoque valvulæ descriptionem interserit, Rhotomagi nuperrimè repertæ in trunco ascendente venæ cavæ, juxta venæ coronariæ exortum, à natura provida eo loci collocatæ, ne sanguinis per venam cavam adscendentis et chyli è superioribus descendentis fiat concussio.

Quantum verò Dn. le Noble descriptio differat à mea, videamus. […] Digna memoriæ observatio, de cujus veritate plures experientiæ judicabunt. Ego in dubium non vocabo, quia parum à mea differt. Primâ sane fronte glandulæ nostræ lumbares junctæ cernuntur, et tunica inclusæ, sicut Figurâ Primâ Lact. Thor. Lit. f. expressimus, et ipse le Noble suum Receptaculum glandulis invenit distinctum. Quod si involvens membrana vel chylum contineat, vel ex glandulis lumbaribus per sectionem læsis eum excipiat, non idcircò litem ulli movebo, aliis lucem fœnerasse contentus. Lugduno Batavorum prioribus annis ad me misit D. Wilhelmus Wormius, haud degener Magni Parentis filius, iconem Receptaculi lactei in homine ibidem inventi, manu accurate ingeniosi Olai Rudbeckij delineatam, placuitque mihi elegans lactearum augmentum, vel eo nomine, quod me judice, Lymphaticus ramus visus sit ibidem à receptaculo lacteo ad inferiora descendere, per quem aqua Receptaculo ex inferioribus infundatur. Protervi esset animi, ægrè ferre observationum suarum incrementa. Quanto quisque erectior ad honesta et vera, tanto his promovendis majori ope insudat, votoque prosequitur. Non dubitandum interim, multa se pro ordinarijs subinde dissecantium oculis subjicere, quæ raris sunt annumeranda, qualis quoque est duplex lactearum thoracicarum insertio, in brutis Pecqueto notata, et jam in homine Carolo le Noble semel visa. Neque ex sero vel chylo diluto aquæ specie effluente, haud multo dissimili illi quæ in vasis Lymphaticis reperitur, rectè negaverat doctissimus ille Medicus Rhotomagensis, cujus nomini parcit, verum esse Receptaculum, quippe in Receptaculum quoque aqua seu lympha colligitur velut in communem alveum, ut vel cum chylo, quem diluit, vel, finita illius distributione, per thoracicas sola adscendat. Reapse verò compressione Receptaculi chylum crassiorem expressit le Noble, et suæ observationis veritatem stabilivit.

[Charles Le Noble, docteur en médecine et anatomiste de Rouen, inspiré par nos recherches, s’est soigneusement penché sur l’exploration des lactifères chez l’homme. Dans la réponse qu’il a faite à sa lettre, le grand Riolan se fie tout à fait sa description, bien qu’elle soit fort différente de la nôtre, et vante haut et fort son ingéniosité et son travail, non tant parce qu’il s’est enquis du vrai de cette affaire, que parce qu’il a rendu la sanguification au foie. {b} J’estime aussi le distingué M. Le Noble, bien qu’il pense et écrive autrement que moi, mais je tiens pour dignes de louange tous ceux qui obéissent à l’appel de la nature, en se fondant sur ce que voient leurs yeux et palpent leurs mains. Jamais je n’ai prétendu être le seul à connaître la nature car je sais qu’elle se montre aussi aux autres, et c’est pourquoi, dans tous les livres que j’ai publiés, j’ai invité tous les savants du monde à la consulter comme je fais. J’ai patiemment supporté l’injuste censure de Riolan, et bien que son avis et son caractère aient été opposés aux miens, j’ai été profondément peiné et le serai toujours par sa mort, survenue à Paris le 19 février 1657, en sa 80e année d’âge, en raison des innombrables services qu’il a autrement rendus à la république médicale. Je ne désire donc en rien troubler le repos de son âme. Le Noble a vraiment beaucoup travaillé pour mettre au jour ses Observations rares et nouvelles, où il restitue entièrement la sanguification au foie, contre Pecquet et ses défenseurs ; mais en vain, car Guillaume de Hénaut, docteur agrégé au même Collège médical de Rouen, a énoncé le contraire dans le Clypeus, qu’il a dédié au très noble Mentel. J’aurais pu me dispenser de citer ce livre, étant donné que Pierre Guiffart a plus récemment et fort doctement donné la priorité au cœur sur le foie et sur ses adorateurs dans sa Lettre touchant la connaissance du chyle et de ses vaisseaux, qu’il a écrite en français. {c} Il y a aussi inséré la description d’une noble valvule, tout récemment découverte à Rouen dans le tronc de la veine cave inférieure, auprès de la terminaison de la veine coronaire, et que la prévoyante nature a placée là pour que le chyle venant de la veine cave supérieure ne se mêle pas au sang cave inférieur. {d}

Voyons donc en quoi la description de M. Le Noble est différente de la mienne. […] {e} L’observation est digne de mémoire, mais maints autres jugeront de son exactitude. Je ne la mets pas en doute car elle est presque identique à la mienne. Le tout premier coup d’œil distingue que mes petites glandes lombaires sont jointes les unes aux autres et enfermées dans une membrane, comme le montre la première figure de mes Lactifères thoraciques, à la lettre f, {f} mais Le Noble a trouvé que son réservoir était distinct des dites glandes. Je n’irai pourtant pas engager une dispute sur la question de savoir si la membrane qui les enveloppe contient du chyle, ou si le chyle qui en sort quand on l’incise vient des petites glandes lombaires qu’on a blessées dans le même temps ; je me contente de laisser à d’autres le profit de tirer cela au clair. Ces dernières années, M. Willem Wormius, digne fils d’un éminent père, {g} m’a envoyé de Leyde l’image du réservoir laiteux qu’on y a mis au jour chez un homme, dessinée par l’habile main d’Ole Rudbeck ; et j’ai eu plaisir à y voir une élégante augmentation de mes lactifères car on y observait, à mon avis, un rameau lymphatique semblant descendre du réservoir vers les parties inférieures, et par où de l’eau s’y écoulerait. Rudbeck serait hardi de présenter désagréablement cela comme une extension de ses propres observations. {h} Plus chacun est enclin à l’honnêteté et à la sincérité, plus il transpire à les promouvoir avec grande énergie, et à les désirer. Il ne faut toutefois pas douter que bien des choses se présentent souvent comme banales aux yeux de ceux qui dissèquent, mais sont à tenir pour des raretés : ainsi en va-t-il de la double insertion des lactifères thoraciques, remarquée par Pecquet chez les bêtes, mais que Charles Le Noble n’a jamais vue qu’une seule fois. {i} Ce très docte médecin de Rouen, qu’il s’abstient de nommer, n’a pas exclu que le vrai réservoir soit l’endroit d’où s’écoule du sérum ou du chyle dilué, qui ressemble à de l’eau, mais n’est guère différent du liquide qu’on trouve dans les vaisseaux lymphatiques : le fait est bien que cette eau, ou lymphe, se recueille aussi dans le réservoir, comme dans une cavité commune, recevant à la fois le chyle et la lymphe, qui le dilue, puis, quand la distribution du chyle est terminée, ladite lymphe monte seule dans les canaux thoraciques. Le Noble a réellement fait sortir du chyle épais quand il a comprimé le réservoir, établissant ainsi la vérité de son observation]. {j}


  1. Copenhague, 1660, vnote Patin 16/9075.

  2. Habitué aux curiosités du latin de Bartholin et connaissant la réponse de Riolan à Le Noble, j’ai traduit deprædicat, « blâme », par son contraire, prædicat, « vante ».

    La « description » des lactifères, qui établissait une grande différence entre Le Noble et Bartholin, ne touchait pas à leur anatomie, mais a leur physiologie : pourquoi et non comment le chyle gagne-t-il le cœur ? mais Bartholin va curieusement esquiver la question.

  3. 1656, v. supra note [12] : Bartholin ne cachait pas son plaisir de voir trois médecins de Rouen (Le Noble, Hénaut et Guiffart) émettre des avis contradictoires sur le lieu de la sanguification.

    Parmi les 68 articles qui composent l’argumentaire de Guiffart à l’appui de la sanguification cardiaque, j’ai trouvé que le 32e (pages 17‑18) illustrait sa très féconde imagination et devait ravir Bartholin :

    « Il ne faut donc point croire que le foie soit inutile, ou qu’il ne soit propre seulement qu’à en séparer les excréments. {i} Il était nécessaire que le sang tout nouvellement sorti de la fabrique du cœur, après cette grande agitation qui lui a continué dans toutes les artères, entrant plus doucement dans le foie, grande et vaste partie, afin qu’en se cuvant {ii} plus à loisir, il se tempère, fortifie et défèque, pour ensuite être présenté tout de nouveau au cœur et lui fournir la matière du sang vital et de ses esprits, dont la nature a besoin, afin de remplacer ceux qui ont été dissipés par toutes les actions de la vie ; et cependant aussi, le foie étant rempli de cette matière chaude et humide embrasse le ventricule, {iii} afin de fomenter sa chaleur naturelle, qui est faible en cette partie, puisqu’elle n’est nullement charnue, mais seulement membraneuse, de sorte que sans l’aide du foie, il lui serait entièrement impossible de convertir en chyle {iv} l’aliment qu’il aurait reçu, de quelque facile digestion qu’il peut être. »

    1. À séparer les excréments du sang : essentiellement la bile.

    2. En s’y reposant, comme le vin qui a été foulé dans la cuve du vigneron.

    3. L’estomac.

    4. Chyme (à proprement parler).
  4. Bartholin maîtrisait fort bien le français, mais semblait n’avoir pas compris que Guiffart avait appelé « noble » cette valvule parce qu’elle avait été décrite par Le Noble.

  5. Bartholin a ici fidèlement résumé la description de Le Noble

  6. « Glandes lombaires du réceptacle jointes entre elles dans leur position normale » : légende de la figure i, Historia anatomica, chapitre vii, page 24.

  7. Vnote Patin 4/1057 pour Willem Wormius, fils aîné d’Olaüs (v. note [7], Historia anatomica, chapitre v) et cousin germain de Bartholin.

  8. V. note [36], Responsio ad Pecquetianos, 5e patrie, pour la description illustrée du réservoir et du canal thoracique canins par Ole Rudbeck, {i} dans son Nova Exercitatio Anatomica (Arosia, 1653), mais il n’y a pas reproduit la figure d’anatomie humaine dont Bartholin parlait ici. Je ne l’ai pas trouvée imprimée ailleurs, mais les Insidiæ structæ de Rudbeck {ii} contiennent une transcription (pages 151‑152) de la lettre que Bartholin a écrite de Copenhague, le 10 mars 1654, à son cousin Wormius pour le remercier de ce dessin et le commenter dans les mêmes termes qu’ici.

    1. Rudbeck contestait vivement à Bartholin sa priorité dans la découverte des lymphatiques : v. note [27], seconde Responsio de Riolan, première partie. En fait, Pierre Bourdelot paraît bien être le premier à avoir distingué les lymphatiques en disséquant avec Bartholin à Copenhague à la fin de 1651 ou au début de 1652 : v. note [10], Historia anatomica, chapitre xv.

    2. Leyde, 1654, vnote Patin 4‑3/337.
  9. Le Noble a clairement dit que chez le cadavre qu’il a disséqué le canal thoracique se terminait dans chacune des deux veines subclavières, alors que Bartholin ne l’a vu s’aboucher qu’à la subclavière gauche (Historia anatomica, chapitre xii), mais lui aussi sur un seul cadavre.

  10. Discussion sur « les vaisseaux lymphatiques de Bartholin », que Le Noble a relatée avec scepticisme pages 26‑27 de sa lettre sans nommer son collègue qui lui demandait si c’était du chyle ou de la lymphe qui était contenue dans le réservoir.

Il est fort décevant que Bartholin n’ait fait que des remarques mineures sur la description anatomique de Le Noble, sans exposer leur désaccord sur le lieu de la sanguification, avec des arguments pour le cœur et contre le foie, ni surtout contester la distinction prémonitoire de Le Noble entre deux qualités de chyle : l’un qui est invisible et gagne le foie pour y être transformé en sang, et l’autre qui est laiteux et gagne le cœur pour simplement se mélanger au sang et recevoir sa chaleur et ses esprits vitaux.

a.

Page 16, observationes raræ et novæ de venis lacteis.

Hanc porrò aquosiorem esse chyli partem,
quæ ad Cor transmittitur, ideoque frigidioribus
partibus humidioribusque nutriendis destinatam,
et sicut aquam vino, sanguini temperando super-
additam, admodum ex eo sit probabile.

Quod, ne perfectius alteraretur, omni inter-
cluso iecinoris aditu, ipsam ab altera, mirabili se-
cretione diuulsam, per angustiores ac tenuiores
Venulas immissam rectà in Cor, occultiore qui-
dem, sed breviori tramité Natura depulerit, al-
teram verò partem magis scilicet viscosam, pro-
tractis in obliquum itineribus, laxioribus certè
et patentioribus, priùs in iecur abduxerit, in
idem Cor, mox adeptâ mutatione traducendam.

Nec profectò putandum est, Venulis Asellianis
casu aut temere suam exiguitatem exilitatémque
contigisse, sed sic fuisse secretissima Naturæ in-
tentione effictas, non solùm quia merum chylum
(cum cæteræ Mesentericæ sanguinem vnà cum
chylo contineant :) sed etiam quia minorem ac
liquidiorem chyli quantitatem excipiunt, ideó-
que tenuissimas esse oportuit, vt chyli in hæc duo
meatum genera ab intestinis iniecti : (imò etiam
ab ipsis canalibus vtcumque peculiari ac propria
attrahendi facultate acciti :) pars liquidior ma-
gisque defæcata in Asellianas Venulas irreperet ;
crassior autem magisque fibrosa, spiritibus tamen
prætumida, in cæteras Mesentericas influeret.
Si enim : (quod omnino arbitror) ex illarum
Venarum inæqualitate, earum poros et ingres-
sus inæquales esse coniicere liceat, planè consta-

b.

Page 17, observationes raræ et novæ de venis lacteis.

bit, per Asellianarum exiguos et angustissimos
aditus crassiorem Chyli substantiam non posse
admitti.

Ex quo fit, vt hac opinione positâ, nemini
posthæc {a} mirum videri debeat, quod in serosum
humorem tam citò resoluatur Lactearum Chy-
lus, vt pote maximè aquosus.

Et quia Sanguis, qui ex partibus superioribus
relabitur, pristináque vt iterum circumagatur,
reuertitur {b} vestigia, sparsam non modicam spiri-
tuum et humiditatis copiam reliquit in locis,
quæ irrigauit, nutriuit, roborauit, crassior idcir-
co remanens et tardior effectus non ita facilè po-
tuisset labyrintheos Circulationis anfractus per-
meare, ideo Natura sapienter æquéve {c} ac inge-
niosè vasorum Pecquetianorum situm inspectio-
némque {d} sic deposuit, vt benefica Chyli coniun-
ctione sanguis, antequam Cor subeat, adiutus ac
fluidior redditus, volubiles ac sinuosos Venæ ar-
teriosæ, et arteriæ Venosæ meatus, aut (iuxta
tuam opinionem) Cordis septum medium longè
faciliùs et fluxu leuiori traiiceret, atque vt al-
terâ Chyli portione, sanguis in Mesentericis Ve-
nis contentus, ad faciliorem Circulationem di-
luitur, et nouorum spirituum aduentu ditescit,
ita sanguis recenter in Hepate ex ea Chyli parte
generatus, iungitur sanguini, qui per Venam Ca-
uam ascendentem rursum revehitur, eique suos
spiritus impertit, fluiditatémque communicat,
propter ingentem, quam ex Chylo contraxit at-
que retinuit humiditatem, Circulationi maximè
conducentem, ac pernecessariam.

Præterquam quod etiam istud fluiditatis in-


  1. Sic pour : posthac (errata).

  2. Sic pour : remetitur (ibid.).

  3. Sic pour : æque ac (ibid.).

  4. Sic pour : insertionemque (ibid.).

c.

Page 18, observationes raræ et novæ de venis lacteis.

crementum in prædicto Sanguine videtur nonni-
hil augeri ex occursu, et admixtione descenden-
tis Sanguinis vt pote fluidioris.

Et certè nisi Chylum in Iecur Natura trans-
mitti voluisset, plures proculdubio Lacteos ra-
mos, aut saltem vnum eo fine protensum in Ve-
nam Cauam, quæ ab Hepate ad Cor vsque per-
tingit, inseruisset.

Quod si quispiam, vt rationis à me allatæ vim
eludat, negauerit Sanguinem ob istam chylosæ
humiditatis adiunctionem reddi fluidiorem, fa-
teatur saltem necesse est, cur igitur Natura Chylum non
recto et immediato tramite in Cor depulerit ? et
quare illum deuio itinere abductum priùs in Ve-
nas subclauias aut axillares deflexerit ?

Verùm, quis neget exactiori Chyli commer-
cio fluiditatem Sanguinis accrescere, id profecto
nemini dubium esse poterit, qui matura obserua-
tione tantam esse deprehenderit aquosam Chyli
humiditatem, vt paucis post mortem horis inter-
iectis, si tam in receptaculo, quàm in Lacteis ma-
ximè Pecquetianis inquiratur Chylus, euanuisse
totum, et in serosum humorem resolutum esse
manifestè comperiatur.

Et quamuis insint in Chylo prima fibrarum vi-
scositatisque sanguineæ semina, tantâ tamen mis-
centur et obscurantur seri copiâ, vt nonnisi eò
priùs accedente perfectiori coctione, magna ex
parte consumpto, necnon per renes excluso, illæ
sese prodere ac manifestare incipiant.

Iam verò vt retegam Chyli motum in Lacteis
contenti, qui ex lumborum motu sequi nunc as-

d.

Page 19, observationes raræ et novæ de venis lacteis.

seritur, nunc peristaltico intestinorum impulsu
fertur excitari, quandoque creditur ex ventris
musculorum contractione oriri, et nonnunquam
Diaphragmatis, et aortæ verberationi tribuitur,
aut etiam teste Pecqueto, respirationi, in qua dum
pulmones dilatantur, etiam deorsum Diaphrag-
ma premunt, iecúrque, quod tum pistillum agens
succutientis per interualla molis grauamine non
solum adigit Chylum è ventriculo per pylorum
in intestina secedere, sed et eorum distendit po-
rulos, illácque subtilissimam impellit in Lacteas
alimenti substantiam, etc.

Non diffiteor quin harum partium motus,
mouendo in Lacteis Chylo, non mediocre præ-
stet adminiculum ; et quin hac iuuamenti ratione
in Venas Asellianas compellatur, sed vbi primùm
illuc receptus est, tum ipsum opinor, sensim, nul-
lo etiam extrinsecus impellente, sed solo motu
peristaltico his canalibus à Natura indito ad-
actum in ramos axillares aut subclauios intro-
duci.

Meam porrò opinionem eò certiorem existi-
mo, quo minùs dubia nititur experientia ; quæ
facile cuilibet probabitur, qui patentibus inci-
sione viui animalis visceribus exactiùs obserua-
uerit, quæ (præmissâ ad id præparatione requi-
sitâ) omnino gerenda esse à me in sequentibus
commemorantur.

Statim igitur atque canis, aliúsve cuiuscun-
que viui animalis pectus et viscera sectio aperue-
rit, mox canalis siue canales Pecquetiani ab aor-
ta distrahendi sunt, et ab omnibus contiguis
partibus separandi, maximéque ab œsophago

e.

Page 20, observationes raræ et novæ de venis lacteis.

(cui propter communem vtrique Membranam,
quam hoc in loco desumptam à pleura mutuan-
tur, arctissima connectione adhærescunt) tum in
parte superiori ad sistendum omnino Chylum stri-
ctissimo vinciendi nexu, ac tandem nullo in in-
feriori parte arctati vinculo, iuxta receptacu-
lum abscindendi. Post sectionem isto modo per-
actam, illico animadvertitur Chylus sursum con-
tendere, eóque ipsius vehicula superiùs circula-
ri corrugatione manifestè distendi, tumescere,
inflari, et ob valuularum multitudinem variós-
que sinus à nexibus efformatos ampullescere, ac
veluti rigarum {a} voluminibus obduci ac delineari,
inferiùs verò omni exhauriri Chylo, et exte-
nuari. Hunc verò Chyli motum, quis dixerit à
cæterarum partium motu pendere, quas in alla-
ta experientia nihil prorsus conferre ad mouen-
dum Chylum certissimum est ? Imò nec in ipsam
Cordis attractionem, illum refundere prodesset,
siquidem prædicto vinculo omnis ligata manet
et interclusa Cordis attrahentis actio : Nec certè
immoto superiori Chylo moueretur inferior, nec
vt sursum irreperet, tanta contentione conscen-
sionem moliretur.

Verùm, tametsi meam experientiam in cana-
libus Pecquetianis exhibuerim (vt pote quorum
magnitudine et longitudine redditur explora-
tior) idem tamen non frustra testari {b} potest in Ve-
nis Asellianis, sed pari omnino successu compro-
bari. Etenim illæ ab intestinis disiunctæ, aliisque
partibus, quarum possent beneficio moueri, Dia-
phragmate etiam frustratim inciso, et omni ope-
randi facultate priuato, motum nihilominus pe-


  1. Sic pour : rugarum (errata).

  2. Sic pour : tentari (errata).

f.

Page 21, observationes raræ et novæ de venis lacteis.

ristalticum, et sibi à Natura insitum apertissimè
demonstrant. Illud profectò fit manifestum, dum
Vena in medio ligatur, Chylo scilicet, qui recep-
taculum inter et ligaturam interiacet, toto in
receptaculum secedente, et eo, qui in altera Ve-
næ parte continebatur, iuxta ligaturam copio-
sius affluente, non aliter, quàm de canalibus
Pecquetianis dictum est. Nam Vena qua parte
iungitur intestinis, Chylo exhausto vacuatur, et
quà ligaturam tangit, abundantiùs plena se mul-
tis quasi vagis {a} obuoluens supra modum intu-
mescit.

Nec puto probabiliorem posse reddi rationem,
cur tunicam Lactearum propriam adeo tenuem
et exilem Natura effinxerit, nisi quod ita forma-
ri debuerat, vt hinc naturali constrictioni para-
tior inseruiret, et promptior obsequeretur ; eo
etiam sine tanta abundat valuularum multitudi-
ne, et tam variè inter se dispositarum, vt Chyli,
qui motu peristaltico in receptaculum, et inde
in Venas axillares aut subclauias impellitur, nul-
la quantulacumque pars in intestina remeare
possit.

Hoc autem in prædicta canalium Pecquetia-
norum
præparatione manifestissimè constat, ex
quibus licet in inferiori parte resectis nulla pror-
sus Chyli portio elabitur. Nec alia huius Chyli,
maximè fluidi, suspensionis causa fingi potest,
nisi quod et motu persistaltico sursum adigitur,
et valuularum dispositione, ne deorsum effluat
retinetur. Quicquid ergo fluentis leuitatis spiri-
tibus animalibus sua tribuit Naturæ subtilitas,
puritásque substantiæ ; quidquid contentio in Ve-


  1. Sic pour : rugis (errata).

g.

Page 22, observationes raræ et novæ de venis lacteis.

nis Sanguini liquidæ celeritatis accedit, ex im-
pulsione Sanguinis arteriosi, et quidquid in hunc
mobilitatis ex Cordis arteriarúmque Systole
transfundentibus, {a} id Chylus debuit ex motu pe-
ristaltico Lactearum peculiari ac proprio, sibi
vendicare, cùm præsertim eius substantia careat
æthereis illis qualitatibus ad excitandum ab in-
trinseco motum idoneis, atque canales in quibus
defluit nulla Synasnastomosi aliis vasis cohæreant,
ex quibus motum necessarium desumere potuis-
sent.

Huc vsque, Vir Illustrissime,
meæ, de hac noua doctrina opinionis, rationúm-
que quibus ad id sentiendum moueor, tam rudis
et impolita, quàm breuis et compendiosa pro-
rupit expositio.

Sed quia (vt legitur in sacris paginis) cogita-
tiones mortalium sunt timidæ, et incertæ sunt pro-
uidentiæ nostræ
, in mea sententia nihil volui esse
securum, nihil certum, nisi quod tui authorita-
te æquissimi et nunquam fallentis iudicij proba-
tum ac firmatum extitisset. Itaque Te, per eam
quam meritissimis officiis ab omni Medicina
consequutus es laudem, et gloriam, enixissimè
obsecro, atque obtestor, vt mihi pro tua singu-
lari in omnes beneuolentia et humanitate, signi-
ficare digneris, quid probes in mea opinione, aut
quid in illa improbes, ne dum forsan aliis tenta-
rem persuadere, quod mihi suadet experientia
esse certum, in eas me angustias temere compin-
gerem, in quas virum percelebrem imprudens
redegit audacia, quia biennij circiter spatio suam
de Hæmatosi sententiam quater immutauit. Er-


  1. Sic pour : transfuditur (errata).

h.

Page 23, observationes raræ et novæ de venis lacteis.

ratum quidem agnoscit, dum emendat, et si ve-
ritatis sit noua sentire, certe inscitiæ aut impru-
dentiæ fuit pristina sensisse. In id sine dubio non
incidisset inconstantiæ dedecus, si Senecam audis-
set monentem, vt sua quisque tum cogitata, tum
opera Viri sapientis iudicio permittat, aut Gale-
num
, cuius perpulchra hîc verba subtexui : Qui-
cumque
, inquit, aliis prmiserunt, {a} vt de seipsis fer-
rent sententiam, hoc 
{b} in paucissimis aberrare solitos
animaduerti : At quicumque seipsos esse maximos
existimarunt, nec aliis iudicium sui ipsorum facere
permiserunt, hos contrà, et in maximis rebus et
in plurimis offendentes inspexi
. Cæterùm, si verita-
tem non omnino attigi, inculpabilis tamen cona-
tus censendus est, latentem quærere et scrutari
veritatem nemini vitio vertitur, et si non inue-
nisse sit infelicitatis, tamen inuestigasse virtuti
tribuendum est. Quod idem optimè subindica-
uit Galenus his verbis. Audendum est, inquit ille,
et veritas inuestiganda, quam licèt non assequa-
mur, omnino tamen propiùs quàm nunc sumus, ad
eam perueniemus
. Quamlibet igitur in partem
tuum de mea sententia iudicium ratio et veritas
Tibi nunquam ignota, inflectat, illud tamen
animo meo relinquetur solatium, quod hac da-
ta ad Te scribendi occasione, et meæ summæ erga
Te obseruantiæ monimentum aliquod, et debi-
tum gratæ mentis obsequium non importunè
Tibi exhibere potuero.

Hoc enim me Tibi fateor debere cum cæteris,
quod Medicinam et Anatomiam, magnâ hacte-
nus ex parte incognitam sic illustrasti ac perfeci-
sti, vt posteri suspicient omnes, quæ huic incre-


  1. Sic pour : permiserunt (dans la source citée).

  2. Sic pour : hos (errata).

i.

Page 24, observationes raræ et novæ de venis lacteis.

menta præstiteris, nullúsque quidpiam addere,
nisi frustra sit tentaturus. At me plus cæteris Tibi
deuinxit diuturnior et suavuior editorum à Te
librorum lectio, quos quanto pluries relego,
tanto profundiùs penetro, et si vel semel legisse
plurimùm profuit, tanta tamen est tuæ fœcundi-
tas eruditionis, vt magis adhuc repetita lectio
proficiat ; in tuis enim libris fons scaturit doctri-
næ nunquam exsiccandus, vt qui semel ex eo
scientiam hauserit, plures adhuc et maiores in
immensum tuæ doctrinæ thesauros possit et in-
uenire et sibi comparare. Eousque certè tantus
euasisti, vt meliori ratione quàm Lucretius, Vir
diuinus atque incomparabilis, et veriùs quàm
Cornelius Gemma, doctrinæ miraculum possis ac
debeas nuncupari. Quid mihi nunc superest, ni-
si votis Diuino Numini nuncupatis, tibi vene-
rabilem felicem, eximiis adhuc operibus fœcun-
dam, et in multos annos prorogatam senectutem
exoptare ac promereri, vt tua gloria tuis in æter-
num meritis adæquata crescat in immensum, et
apud posteros salua semper seruetur et incolu-
mis.

Hanc Epistolam iam fermè tabellario daturus,
cùm accepissem fures quatuor in carcerem nu-
perrimè coniectos, morti non paulò pòst addi-
cendos esse, ad Te mittendam in aliud tempus
distuli, vt impetratis à Senatu nostro demortuo-
rum cadaueribus, subscriberem quidquid in ho-
mine de Chyli receptaculo, Venisque Pecquetianis di-
ligentiori inspectione obseruassem. Oblato igitur
eo fine, summis Iudicibus, supplici libello, non
inuitè concesserunt duorum corpora, vnum si-

j.

Page 25, observationes raræ et novæ de venis lacteis.

gillatim arte Anatomica pro more meo publicè
dissecandum : alterum ad explorandum, an Ve-
næ Lacteæ in homine ac brutis essent similes
 ; adeó-
que an Bartholinus, qui solus de his in homine
repertis ex instituto scripsit, rem omnino, vt se
habet, narrando attigisset : id verò vt faciliori
possem et certiori experientiâ consequi, ab iis-
dem supremis Iudicibus obtinui, vt reis præbe-
rentur alimenta antequam sua ipsis mortis sen-
tentia denuntiaretur, et vt horâ à comestione
circiter quinta aut sexta, suspendio præfocatis,
vnum statim, et nullâ post mortem interpositâ
morâ, (eum scilicet, qui plus comederat) lice-
ret ad experientiam assumere. Huius itaque cùm
cadaver incisione aperuissem, calentibus adhuc
et fumum exhalantibus visceribus, coram mul-
torum in Suprema Neustriæ Curia Præsidum,
Senatorum aliorúmque Nobilium et Collega-
rum meorum clarissimo atque amplissimo cœtu,
palam ostendi primum Mesenterium Venis La-
cteis Chylo turgidis totum respersum esse. De-
inde interiora scrutatus, repertum in eadem cor-
poris humani regione, in qua situm esse visitur in
brutis, receptaculum, explanatè proferens in me-
dium omnium oculis euidentissimum exhibui,
nec vllatenus nobis (aut certè parum) à bellui-
no visum est (quidquid scripserit Bartholinus)
formæ specie diuersum esse. Perspeximus enim
corpus cauum, Cellulis diuisum intus et interse-
ctum magnitudine ac figura inæqualibus, constans
et obuolutum Membranis tenuissimis, mollissimis,
glandulis distinctum, copiosâ circumfusum adipe,
infinitáque implicatum fibrillarum multitudine, quæ

k.

Page 26, observationes raræ et novæ de venis lacteis.

vicinas partes, sed maximè Aortam nexu arctissi-
mo complectebantur. Huius longitudo fere semipe-
dalis erat, latitudo superior trium quatuórve digi-
torum, sed à summo paulatim decrescens, in imo
angustior et constrictior existebat. Producti ex eius
parte superiori duo
Canales Thoracici longiùs pro-
tendebantur, quorum dexter crassitie pennam anse-
ris exæquabat, sinister verò longè exilior erat. Am-
bo minutis glandulis, et pinguenide abundabant,
et in multos flexus sinuosósque anfractus,
in qui-
bus videbantur in vnum coïre, variè contorti, tan-
dem adeo perfectè post medium sui curriculi spa-
tium sibi inuicem iungebantur, vt ex duobus iam
vnus remaneret sinister Canalis, qui trium quatuór-
ve ramulorum beneficio in subclauiam sinistram,
et totidem in eandem Venam dextram influens
illic totus affigebatur
.

Sed Doctissimus quidam Medicus renuit fa-
teri id quod à me demonstrabatur esse receptacu-
lum. Verùm, cùm ad id comprobandum, illud in
parte superiori incidissem, magna illico exiliuit
Chyli copia, seri lactis speciem præferentis quod
tamen, quia nimis aquosum erat, et natiuo colo-
re imminutum
, dictus Doctor Medicus pernega-
bat esse Chylum, idque quod ipso vidente efflu-
xerat, nihil esse præter meram aquam affirma-
bat. Ego autem, vt eius opinionem refellerem,
vel potiùs meam confirmarem, Bartholini obii-
ciebam authoritatem, ipsámque quotidianam
experientiam, ex quibus manifestè constat, Chy-
lum in serosum humorem facilè paulò post mor-
tem resolui, nihilque ferè semper nisi viua se-
centur animalia, in Venis Lacteis Thoracicis

l.

Page 27, observationes raræ et novæ de venis lacteis.

præter serosum humorem iueniri. Cúmque
constantiùs assererem serum hoc albidum potius
dicendum esse Chylum, quàm aquam, eò quod
ad Chyli propiùs, quàm ad aquæ similitudinem,
et colore et corporis consistentia accederet, ille
contendebat aquam non multò dissimilem con-
tineri in vasis Lymphaticis Bartholini, ex quibus
illuc defluere potuisset. Verùm amicam illam dis-
ceptationem, quam sola mouerat vtrinque veri-
tatis explorandæ cupiditas, omnino diremit, ac
sustulit vel leuissima receptaculi compressio ;
Cùm enim quæ facta fuerat, perangusta esset in-
cisio, seri substantia liquidior sponte primum
exierat, Chylus verò concretior, aliqualem ma-
nus adstringentis tactum, vt intuitè erumperet
opperiebatur ; Itaque tria et amplius veri Chyli
albedinem et consistentiam lacteam habentis
Cochlearia, palam, et in omnium, qui spectato-
res aderant, oculis passim {a} effudit receptaculum,
ac eo sic exinanito reperti sunt Pecquetiani Ca-
nales
, omni ferè Chylo vacui. Denique recepta-
culum totum partemque Aortæ, dictos canales
Thoracicos, partémque item Venæ subclauiæ si-
nistræ, solutâ quam cum aliis partibus habebat
connexione, satis commodè sejunxi ac detraxi,
quæ quidem omnia, et alia id genus multa accu-
ratè expurgata in Musæo meo secretiùs et san-
ctiùs asseruo, vt eorum, qui ista deinceps videre
cupierint, curiositati abundè possit satisfieri.

Præterea, quatriduo circiter postquam hæc à
me gesta sunt, et apertè demonstrata, D. Guiffar-
tus
clarissimus Medicus, et Collega meus, à su-
premo Senatu mulieris cuiusdam patibulo adiu-


  1. Sic pour : pressum (errata).

m.

Page 28, observationes raræ et novæ de venis lacteis.

dicatæ cadaver impetrauit, quod à perito Chi-
rugo cognominato la Bale incisione aperien-
dum curauit ; sed quia ipso suæ mortis die ab
omni ferè cibo illa abstinuerat, in eius corpore
receptaculum inane prorsus et vacuum inuen-
tum est, nec vllum, multis licet in locis incisum,
Chylum reddidit.

Porrò illud facilè distinctum ab aliis partibus
probauerunt eminentes multæ velut Vesiculæ
membranosæ adipe circumcinctæ, tenellis in-
tercisæ glandulis, ex eóque visus est nasci Cana-
lis Thoracicus sinister, multis et variis flexibus
intortus, pluribus fibris per singulos plexus ad
vicinas partes alligatus, qui eò eminentior appa-
rebat, quo pleniori turgebat sero, quod quidem
lactis sero persimile prodiit, nec vllo modo dis-
simile illius, quod suprà memoraui exiisse ex præ-
dicti cadaueris receptaculo.

Hoc autem nihil aliud fuisse, quàm Chylum
iam alteratum, omnino mihi persuasum est, si
quidem illico post mortem Chylus in receptaculo
et Canalibus Pecquetianis
degenerat, et in sero-
sum humorem conuertitur, licèt tardiùs in Ve-
nis Lacteis Asellianis
huiusmodi alteratione cor-
rumpatur. In vltimo enim à me dissecto cadaue-
re, quarto adhuc post mortem die nonnullas Ve-
nas Lacteas Mesentericas ostendi humore planè
lacteo albicantes. Cur autem diutius integer
conseruetur Chylus in Venis Lacteis Asellianis,
qàm in Pecquetianis, Vni tibi quæstionem hanc
enucleare facile est, eiúsque à Te vno solutio-
nem præstolamur, nisi Tibi arrideat ratio ex Ve-
narum Asellianarum
exilitate et Thoracicarum

n.

Page 29, observationes raræ et novæ de venis lacteis.

maiori amplitudine desumpta, vnde in his non
ita coangustati Spiritus faciliùs resoluantur. Quia
verò post demonstratam Canalis Thoracici si-
nistri partem euocatus sum ad inuisendos peri-
culosè ægrotantes, quid postea gestum sit vlte-
rius in dicto mulieris cadauere dissecando, ne-
sciebam, nisi quod post dies aliquot, referente
prædicto la Bale, Chirurgo, accepi, non fuisse
quæsitum Canalem Thoracicum dextrum, imò
nec reliquam Canalis sinistri partem detectam
fuisse, propter varia quæ ipsi tunc temporis ne-
gotia contigerant.

Cæterùm, hæc omnia idcirco tantùm addidi,
vt res à nobis obseruatas ad Te referrem, vt po-
te quarum iudicium ad nullum alium meliori iu-
re pertineat. In his igitur à Te tua opitulante in-
dulgentia pulcherrimas, verissimas, et doctissi-
mas decisiones tuas sperare confidentiùs ausi su-
mus. Plurimùm vale, teque felicem ad multos
annos et incolumem Orbi seruet, qui te nobis
dedit Deus Optimus Maximus.

Rothomagi, 29. Martij,
              1655
.


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Observationes de Venis lacteis (1655). 2. Lettre de Charles Le Noble à Jean ii Riolan, seconde partie

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(Consulté le 21/12/2025)

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