Texte
Hyginus Thalassius (1654)
alias Pierre De Mercenne,
Brevis Destructio de la
première Responsio (1652)
de Jean ii Riolan (1654) :
chapitre v  >

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Utilité des lactifères. Leur connaissance ne modifie en aucune façon la véritable et hippocratique méthode pour remédier[1][1][2][3][4]

Quid non miraculo est cum primùm in notitiam venit ? quam multa fieri non posse priusquam sint facta judicantur ? Naturæ rerum vis atque majestas in omnibus momentis fide caret, si quis modo partes ejus ac non totam complectatur animo, dit Pline dans le livre vii, chapitre i, de l’Histoire naturelle [2][5] Il ne faut donc pas s’étonner qu’au début, tous n’aient pas cru aux lactifères thoraciques et qu’ils aient paru improbables à la foule ignorante ; mais il est étonnant que l’homme qui se dit le prince de la science n’ait pas encore été suffisamment pénétré par la force et la majesté de la nature pour admettre leur existence, parce qu’elle est nouvelle, Dira imprecatione, ut Atlantes orientem solem solebant, contuitum fuisse[6][7] Argumentis non est investigandum quod [Page 230 | LAT | IMG] experimentis cognitum est, dit le même éminent interprète de la nature ; [3][8] mais Riolan a injurieusement attaqué la découverte de Pecquet, blâmant la mauvaise utilité qu’il lui a conférée, et « souhaitant que les admirateurs de cette observation nouvelle démontrent en quoi elle est utile à la pratique médicale et à la guérison des maladies », page 157 de sa Responsio[4][9] Quand il avoue pourtant ingénument « son ignorance », quand il « ne propose une opinion que fort froidement et tremblant, de même que les devins, qui ne disent rien que par les conjectures », [5][10] pourquoi veut-il que les jeunes soient plus sages que leur vieux maître ? Nunquid vis amplius quam ut de similem ducibus meis præsterem ? quid ergo est ? non quò miserint illi, sed quo duxerint ibo, dit Sénèque. [6][11] Il y a autant de différence entre scruter les œuvres de la nature, et concevoir leur utilité et leur dessein, qu’il y a de distance entre l’homme et Dieu : le premier découvre les choses et les montre aux autres, il relate ce qui se passe ici-bas ; mais le second révèle aux autres le dessein des choses et la raison pour laquelle il les a conçues, il relate alors ce qu’il a accompli dans le ciel. [7][12] Veros rerum fines, ut mundi extera, non capit humanæ conjectura mentis, nec interest hominum[8] Il est dit dans La Sagesse, 9:13‑14, Quis enim poterit consilium Dei aut qui poterit cogitare quid velit Deus ? cogitationes enim mortalium timidæ et incertæ providentiæ nostræ[9][13]

Il nous est impossible de nier ou de mettre en doute l’existence des lactifères thoraciques, même si nous ignorons entièrement leur utilité, et si la nature cache sous son voile sacré le dessein de leur insertion. Qui saurait compter ce que le corps humain recèle encore de choses ignorées et incompréhensibles ? Riolan égalera pour moi le grand Apollon [14] s’il m’explique à quoi servent les nævus qui s’épanouissent à la surface de la peau : peut-être quelque chose en a-t-il parsemé sans ordre le corps pour faire joli, ou pour mieux nous faire voir que les contraires s’opposent aux contraires ? [10][15][16] [Page 231 | LAT | IMG] mais comment la disgrâce peut-elle trouver plaisir à enlaidir les parties du corps ou à obliger de les cacher ? Qu’il explique à quelle fin des poils poussent sur les doigts des mains et en quantité d’autres endroits, et quel avantage offre la diversité de leurs couleurs : pourquoi la chevelure est-elle rousse, blonde, noire ou blanche, frisée ou lisse ? Qu’il explique l’utilité des mamelles dans le sexe masculin, mais j’oublie qu’il l’a fait dans le chapitre iii, livre ii de son Anthropographie : [17] « C’est pour que la femme, qui est un animal orgueilleux, ne se glorifie pas d’avoir des mamelles, que la nature a refusées aux hommes » ! [11] Il est surprenant qu’en raisonnant de la sorte, il n’ait pas dit que la nature a fait l’homme hermaphrodite afin que la femme ne s’enorgueillisse aussi de l’utérus qu’elle est seule à posséder. Qu’il explique aussi à quelle fin les mamelles masculines produiraient du lait. [12][18][19] Il semble ne s’agir là que de vétilles, mais leur valeur est immense. Comme dit Pline, Mirum enim hîc quò procedat improbitas cordis humani, parvo aliquo invitata successu, et occasionem impudentiæ ratio largitur[13] Les anatomistes devraient donc être plus modestes et prudents quand ils attribuent des utilités aux diverses parties du corps humain et les expliquent. Comme si la nature avait décidé de favoriser leurs défauts, les hommes abusent de ses limites jusqu’à l’intempérance : ainsi déclarent-ils hardiment que la substance de l’estomac est lâche afin de se dilater plus aisément et d’autoriser la gloutonnerie, comme si la nature avait attribué ce viscère à l’homme plutôt pour favoriser son ébriété que sa sobriété ; ainsi attribuent-ils aux organes une taille, une position et un nombre qui se révèlent parfaitement faux, sous prétexte qu’en certains corps leur taille, leur position et leur nombre peuvent varier sans empêcher lesdits organes d’accomplir naturellement leurs fonctions coutumières, comme l’illustrent les exemples de foie placé dans l’hypocondre gauche, avec le cœur et la rate à droite, [20] de double [Page 232 | LAT | IMG] rate ou de quadruples uretères. [21][22]

Tout organe a néanmoins de multiples fonctions : la première lui est propre, elle le dispose tout entier à l’action et repose sur son aptitude à l’accomplir, qui est elle-même fondée sur une composition adaptée à l’accomplissement de sa charge, dont la sollicitation précède l’action, que l’organe est toujours prêt à assurer, même quand il est au repos ; la deuxième fonction consiste à accomplir l’action, c’est la plus importante parce qu’elle exprime le dessein de l’organe, dont la portée ne se limite pas à lui-même, mais s’étend à l’ensemble du corps ; la troisième fonction est celle qui fait connaître l’organe et doit plutôt être appelée son utilité, car elle l’explique tout entier et donne accès à sa compréhension. En se fondant sur Galien[23] Aselli a bien établi cette distinction. [14][24][25] Dans la première fonction, qui se rapporte à l’action, les anatomistes ne peuvent pas être induits en erreur, car elle est accessible au constat des organes sensoriels ; mais les autres fonctions ne leur sont pas accessibles, et leur interprétation est soumise au jugement de chacun. Je ne traite donc ici que d’un petit nombre des fonctions conférées aux lactifères thoraciques.

La première d’entre elles est le transport ou distribution du chyle [26] dans les veines axillaires ou subclavières. [27]

Leur deuxième fonction est la nutrition du corps, mais la raison pour laquelle elle repose entièrement sur l’insertion particulière des lactifères dans les subclavières est cachée dans l’obscurité de la nature. Les premières expressions des phénomènes nouveaux sont en effet modestes, tout comme leur interprétation, et rien de grand ne se révèle d’un coup. Toutefois, après que le très savant Riolan, qui est vraiment le prince dans l’exploration des fonctions anatomiques, en aura ouvert les portes, il deviendra plus facile et rapide de progresser sur la route qui permet de conjecturer sur ce qui nous intéresse. On peut croire, à ce qu’il en dit dans les omissions de son Manuel, page 298, [15][28][29] que le chyle est dérivé vers le confluent cave supérieur [30] afin que le sang qui y reflue depuis le cerveau et les membres supérieurs, lequel a été appauvri par la perte des esprits [31] qui se sont dispersés en tous sens, [Page 233 | LAT | IMG] soit restauré par l’apport nouveau d’un chyle parfaitement pur, puis, en circulant à travers le cœur, s’enrichisse en esprits régénérés. Ceux que le chyle, après une longue digestion, mêle ainsi au sang sont attirés et fermentent plus richement et commodément dans le cœur, comme font bien voir les chimistes avec leurs distillations. [32] Ainsi le cœur, qui est la source de la chaleur innée, [33] s’imprègne-t-il très facilement d’une rosée perpétuelle, qui l’empêche de se dessécher peu à peu. Ainsi aussi le sang y est-il moins susceptible de s’enflammer et échauffer contre nature, puisque s’y dilue deux ou trois fois par jour la portion du chyle qui l’humecte. Les lactifères thoraciques contribuent donc admirablement à la fonction circulatoire car, grâce à eux, le sang s’enrichit en esprits qui le rendent plus vaillant, et pénètre plus aisément dans les poumons avant de retourner dans le ventricule gauche du cœur. [34] Qui plus est, le sang sort mieux préparé des poumons qu’il a alimentés, en raison du mélange précis de bile [35] et aussi de pituite [36] que lui a délivré le chyle qu’il vient de recevoir : ayant un tempérament chaud, les poumons exigent en effet, pour modérer leur chaleur, d’être nourris par un sang bilieux ; et parce qu’ils sont animés d’un mouvement incessant, ils ont besoin d’une certaine quantité de pituite déliée pour éviter leur prompt échauffement et embrasement ; et quand les poumons sont malades, ils préparent ou transfèrent mal le sang et s’engorgent de pituite et de crachats, comme je l’ai dit dans le chapitre précédent. [16][37][38]

La plupart des plus doctes médecins ont peiné à admettre la formation de la graisse dans le cœur, en se demandant comment elle ne s’y liquéfie pas sous l’effet de la très intense chaleur qui y règne ; mais le chyle, dont on a découvert qu’il y pénètre, peut empêcher cela et procurer une matière propice à la production de cette graisse. [39]

En outre, en raison de ladite arrivée de chyle, le cerveau semble tirer du cœur par les carotides [40] quelque aliment qui lui convient et dont il a besoin, comme je l’ai dit dans le chapitre précédent. [41] Le cerveau est en effet, [Page 234 | LAT | IMG] selon Hippocrate, dans son Livre des Chairs, μητροπολις του ψυχρου και του κολλοδεος, « le siège du froid et du glutineux » ; [17][42] mais le principe de l’humeur glutineuse [43] est dans le chyle, qui contient une certaine mucosité, d’abord chaude, qui est située dans l’estomac [44] et qui est plus haut extraite des aliments grâce à quelque dissolvant humide.

J’en viens à la troisième fonction ou utilité des lactifères thoraciques, celle qui jette sur eux un éclairage de considérable importance. Primo, ils autorisent à comprendre la sympathie [45] qui existe entre l’estomac et le cœur, car ils établissent un chemin libre et ouvert qui permet aux deux viscères de communiquer librement entre eux, avec des conséquences tant heureuses que funestes car, comme l’ont déjà savamment remarqué Guiffart et Bartholin[46][47] la puissance brute des remèdes cardiaques [48] et des poisons se transmet par leur intermédiaire. [18][49] Secundo, se font jour les causes jusqu’ici ignorées et inconnues de nombreuses maladies, pour m’exprimer comme Riolan dans sa résolution des Dubia anatomica de Bartholin, page 71. [19][50][51] Il écrit aussi dans les omissions de sa Responsio ad Experimenta nova anatomica, page 369, « Il faut remarquer la sympathie admirable du mésentère avec le cou, les aisselles et les mamelles, par le moyen de ces nouveaux canaux lactés ; et le vice des glandes scrofuleuses [52] ne paraît par ordinairement en ces lieux-là sans s’être enraciné dans le mésentère » ; [20] et dans son Iudicium de venis lacteis, etc. « Si ces veines lactées mésentériques sont fort lâches » (en raison de l’inconvénient que représente un réservoir [53] placé entre les psoas) « le sérum du chyle où le chyle lui-même peut se purger par les voies urinaires [54] ou par l’utérus, [55] ce qui provoquera d’opiniâtres pertes blanches utérines [56] et très difficiles à soigner qu’on attribuera, bien qu’elles soient dénuées d’acrimonie et d’inflammation, soit à une simple gonorrhée, [57] soit à des humeurs pituiteuses émanant de tout le corps et s’écoulant vers l’utérus » ; [21] et au-dessous, « Si on observe une humeur puriforme dans les déjections sans aucune douleur colique [Page 235 | LAT | IMG] préalable ni fièvre, la cause doit en être attribuée à l’écoulement de ce chyle lacté putréfié qui a régurgité dans les intestins. [58] Si sont émises des urines blanches ou si elles présentent un sédiment laiteux puriforme, sans aucune douleur préalable de l’abdomen ou des reins, ni aucune suspicion d’ulcère dans ces parties, il est permis de penser qu’il s’agit de chyle lactescent qui s’est épanché dans les veines rénales » [22] Selon Guiffart, il arrive même que du chyle répandu dans le thorax soit confondu avec du pus, [59] et Riolan l’a loué pour cette observation, comme je l’ai dit dans le chapitre précédent. [23][60] Il poursuit sur cette voie dans son Judicium de venis lacteis, page 29 : « Si le sang que vous avez tiré par la phlébotémie a un aspect laiteux, [61] n’allez pas penser que cette anomalie est toujours la conséquence d’une importante putréfaction qui siège dans le foie, mais bien plutôt qu’il s’agit de ce chyle qui s’est égaré dans les veines du bras ou du pied, ou qui a fini par y être attiré en raison de saignées trop copieuses. » Dans toutes ces citations, Riolan se réfère aux fonctions de lactifères qu’il a dits imaginaires dans ce même Judicium, page 7, ligne 6 : « Les fonctions de l’homme ne resplendissent pas plus nettement quand on y introduit ces lactifères imaginaires. [24] Aux pages 188‑189 de sa Responsio ad Experimenta nova anatomica, il parle encore ainsi du sang : « la couche de matière blanchâtre qu’on voit dans la poêlette de phlébotomie, épaisse d’un petit doigt, ne vient pas de la pourriture du sang, mais de cette partie du chyle qui surnage après être sortie avec le sang. » [25] Toutefois, puisque cela s’observe surtout lors du rhumatisme, [62] où le foie et les autres viscères nutritifs sont en effervescence et où, la plupart du temps, le corps entier est consumé par la fièvre, il est vraisemblable que la surface du sang se colore ainsi, formant une pellicule qui ressemble tout à fait à de la crème, sous l’effet de la chaleur qui en épaissit une partie, à la manière dont le feu épaissit la surface de la bouillie ; et Riolan ajoute aux pages 29‑30 de son Iudicium de venis lacteis, « je ne conteste pas que cela résulte de la corruption du sang dans les fièvres malignes ». Il semble en vérité que ces fièvres proviennent plutôt d’une putréfaction particulière, insolite et profonde du chyle qui s’est corrompu dans le réservoir [63] et dans les lactifères thoraciques. Sachant tout cela, on peut leur trouver une nouvelle fonction : le sang qu’on tire le plus souvent dans les fièvres est louable, tant par sa couleur que par sa [Page 236 | LAT | IMG] consistance ; seul y est visiblement corrompu le sérum [64] qui surnage, dont la teinte est sombre ou laiteuse, tandis que les urines ne diffèrent pas de celles des gens en bonne santé et que, pendant les premiers jours, les matières fécales conservent presque leur apparence naturelle ; ainsi est-il assez clair que le foyer des fièvres malignes ne se cache pas dans les voies ni dans les veines de son ressort, mais dans d’autres parties qui ne dépendent pas de lui. Tel est le réservoir du chyle, à partir duquel, en raison de sa susdite sympathie avec la veine cave supérieure, une émanation malfaisante s’exhale sans relâche en direction du cœur, laquelle aussi fait s’écouler goutte à goutte dans les subclavières un sérum lacté qui est l’émanation d’un chyle extrêmement putride et ardent ; et c’est lui qui ensuite, en nageant dans le sang, corrompt et ruine les forces directrices et les principales parties du corps, et tout particulièrement le cerveau.

J’ai décrit une autre fonction des lactifères thoraciques dans le précédent chapitre quand j’ai parlé de la matière qui engendre une abondance de crachats en se répandant dans les poumons au cours des affections rhumatiques. [16] Quand existe une mauvaise disposition et une cachexie des viscères, la matière contenue dans ces voies se transmet aisément aux poumons, car le réservoir du chyle et les lactifères sont entraînés dans l’effondrement de l’économie naturelle. On comprend aussi de manière nouvelle pourquoi, dans la fièvre tabide, [65] le frisson et les autres symptômes saisissent les malades après la prise de nourriture : le cœur, dont la chaleur est languissante, ressent l’affluence du chyle fort cru et séreux qui le refroidit plus encore, de sorte que son exhalaison attaque la membrane charnue qui revêt la totalité du corps. [66] Chez les gens en parfaite santé, au contraire, la nourriture produit un léger rafraîchissement qui indique que les lactifères thoraciques sont ouverts et libres, que les vapeurs aqueuses qui émanent en premier de l’aliment s’envolent aisément dans le thorax, puis dans tout le corps, et que [Page 237 | LAT | IMG] le libre cours des lactifères garantit le bon transport du chyle, lequel promet une prompte nutrition et une belle santé.

Il m’est impossible d’aller plus loin sur l’utilité des lactifères thoraciques. Dans le chapitre xiii de Lacteis thoracicis[67] un commentaire de Bartholin a audacieusement amoindri le miracle du lait qui s’est écoulé quand le glaive a frappé le cou de saint Paul : « Si cette histoire est vraie, dit-il, nous avons trouvé sans peine le passage et le moyen qui l’expliquent. Les branches axillaires ou plutôt les insertions des canaux thoraciques dans ces veines se sont dilatées » ; et il ajoute que « le saint homme, qui avait été affaibli par une longue captivité, de nombreux voyages et les maladies qu’il avait endurées, avait amassé une abondance de sang séreux et de chyle ». [26][68] Quand on a tranché le cou, si du sang a coulé de la plaie, il est impossible qu’un élargissement de l’insertion axillaire des lactifères ait été la cause de ce prodigieux épanchement, car elle ne peut se dilater au point de dépasser le calibre de la veine cave supérieure, qui contient une énorme quantité de sang, laquelle absorbe immédiatement le chyle qui s’y écoule doucement, goutte à goutte, et devient rouge car il se transforme presque en sang, comme je l’ai montré au chapitre iv de mon traité. [27] Chez les animaux qu’on a bien nourris et qui sont pleins de suc, quand on pose un lien très serré sur les canaux thoraciques, puis incise le réservoir ou les lactifères remplis de chyle, il ne jaillit pas en torrents comme fait le sang hors de veines, mais s’égoutte lentement. [69] En outre, même après avoir gavé l’animal tant qu’on a pu, jamais on n’a vu du lait s’écouler de son cou quand on le lui a coupé. Il est juste de croire qu’il est produit beaucoup moins de chyle chez ceux qui ont enduré captivité, voyages et maladies, car tout cela tend plutôt à diminuer, voire à abolir la faim qui détermine l’abondance du chyle ; et par conséquent, il arrive parfois que les lactifères thoraciques ne soient pas visibles quand on dissèque les animaux. J’ajoute que le sang séreux n’est pas du chyle, et les yeux ne peuvent s’y tromper en le confondant avec du lait, [Page 238 | LAT | IMG] même quand sa couleur est altérée. Le plus insigne des poètes a chanté les animaux épuisés par la maladie qu’on sacrifie aux dieux : [70]

Aut si quam ferro mactaverat ante Sacerdos,
Inde neque impositis ardent altaria fibris ;
Ac vix suppositis tinguntur sanguine cultri,
Summaque jejunâ sanie infuscatur arena
[28][71][72]

Bartholin aurait mieux fait de croire les témoignages de saint Ambroise et saint Chrysostome, éblouissantes lumières de l’Église, plutôt que se mêler de questions sacrées en inventant des arguties indignes d’un éminent anatomiste. [29][73][74] Dans la même idée, Riolan, au chapitre vii, livre iii de son Anthropographie, a dit : « C’est avec ignorance, sans parler d’impiété, que Du Laurens [75] a écrit que le liquide issu du flanc de notre Sauveur provenait du péricarde ; cela est miraculeux et contraire aux lois de la nature, étant donné que, durant la vie, il contient peu de liquide » ; [30][76] il est pareillement impossible de trouver du chyle laiteux dans une veine axillaire tant que le sang ne s’en est pas entièrement vidé car, comme j’ai remarqué plusieurs fois, le peu de chyle qui s’y écoule par les minces orifices des lactifères, à la manière d’une rosée, rougit dès qu’il se mélange au sang.

De toutes les fonctions des lactifères thoraciques que j’ai citées dans le présent chapitre, notamment de celles que j’ai tirées de Riolan, il est permis de conclure que la découverte pecquétienne n’est pas stérile, mais qu’elle contribue remarquablement au savoir médical, ainsi qu’à la connaissance et au traitement des maladies. Elle est fort éloignée de semer, si peu que ce soit, la perturbation ou de rendre nécessaire la création d’une médecine nouvelle, comme l’objecte Riolan aux pages 150 et 154 de sa Responsio, et plus disertement à sa page 176, où il dit que « par sa doctrine nouvelle et inouïe, Pecquet a contribué à bouleverser la structure du corps humain, et renverser entièrement la médecine ancienne et moderne ». [31][77] Tout le monde prétendait initialement que la circulation du sang changeait la méthode pour remédier, et Riolan lui a [Page 239 | LAT | IMG] brillamment opposé cette crainte dans une savante thèse quodlibétaire qu’il a soumise aux Écoles et qu’on lit à la page 543 de son Anthropographia, dans le Liber de Circulatione sanguinis[32][78][79] Il me sera donc maintenant très facile de mettre les lactifères thoraciques à l’abri de la même imposture. En résolvant le premier argument dans le précédent chapitre, j’ai montré que les veines mésaraïques [80] ordinaires apportent presque une moitié du chyle au foie, [33][81] qui le transforme en sang et le purge de son excrément bilieux. [82][83] Cette distribution partagée du chyle est parfaitement compatible avec les canaux pecquétiens et les vaisseaux lymphatiques de Bartholin[84] sans avoir à envisager les funérailles du foie ni à le mener au tombeau, tout vif et couronné qu’il est. Évoquant ceux qui se sont levés de leur cercueil et réveillés sur le bûcher funèbre, Pline, livre vii, chapitre lii dit : Hæc est conditio mortalium, ad has et ejusmodi occasiones fortunæ gignimur uti de homine ne morti quidem debeat credi[34][85] Ainsi, mon très cher Iatrophile, une fois chassés les soupçons de jalousie et de sédition qui animeraient les pecquétiens, la mort épargne-t-elle le foie : il surgira de son tombeau et vivra pour jouir de son trône pendant encore quantité de siècles !

Absint inani funere næniæ,
Luctusque turpes, et querimoniæ ;
Compesce clamorem, ac sepulcri
Mitte supervacuos honores
[35][86]

Jamais le principal et premier viscère de l’économie naturelle ne sera dessaisi du droit et pouvoir de fabriquer le sang, il sera toujours le siège de cette faculté vitale, toujours l’officine de la sanguification à qui le foie permet de demeurer saine et sauve, mais qui est lésée dès qu’il est malade. Le foie en bonne santé est la source d’une favorable émanation, d’une humidité qui baigne les parties d’une humeur salutaire, et leur procure splendeur et belle couleur ; Gelidum verò fundit aquas rosei vice sanguinis[36][87][88] en sorte qu’à l’ordre du [Page 240 | LAT | IMG] foie répond véritablement l’état de tout le corps. Ces constats prouvent très manifestement que dans le foie s’épanouit une certaine impulsion, qui s’en écoule partout dans le corps pour lui procurer sa force, et qu’il est, en lui-même et en premier lieu, utile à la conservation de la vie ; et ni les canaux pecquétiens ni les vaisseaux lymphatiques ne peuvent démolir cela.

Bartholin, dans le chapitre xv de son livre de lacteis thoracicis[89] a écrit qu’« à eux seuls, les lactifères thoraciques ne sont pas suffisants pour transporter la totalité du chyle », et ses vaisseaux lymphatiques ne peuvent augmenter la capacité des canaux thoraciques. En témoigne encore une lettre du très savant Conring : [90] « Il est parfaitement impossible que tout le chyle s’écoule par le canal que Pecquet a découvert. La nature semble pourtant avoir certainement été mieux avisée en lui permettant de se mélanger au sang veineux en divers et multiples endroits, plutôt que d’être entièrement élaboré en un seul endroit au même moment. » [37][91][92] Riolan est pourtant mal inspiré de penser que l’insertion de lactifères dans les subclavières a ôté sa couronne au foie, car il juge aussi qu’ils s’insèrent dans une autre veine, à savoir la cave inférieure. [93] La question principale n’est pas l’insertion des lactifères, mais l’endroit où se forme un sang parfait : les particules de chyle mélangées au sang qui se glisse dans le foie subissent une modification particulière dans son parenchyme et s’y transforment en un sang imparfait, tout en s’y purgeant de leurs excréments bilieux ; après s’être formées dans les intestins, qu’elles passent par les veines mésaraïques ordinaires ou par les lactifères thoraciques pour gagner la veine cave supérieure puis le cœur, la circulation finit toujours par les faire aller dans le foie. C’est en effet lui qui est l’autre source de la chaleur innée parce que le riche fonds de son vaste et épais parenchyme renferme une très grande quantité d’esprits naturels ; [94] en outre, les innombrables veines qui y sont éparpillées contiennent beaucoup de sang, dont [Page 241 | LAT | IMG] les particules, épaissies et comprimées par tant de chenaux étroits et de pores, [95] permettent une multiplication de la chaleur qui aide admirablement la digestion accomplie par l’estomac, sorte de grande marmite posée sur un feu qui l’entoure de tous côtés.

C’est surtout ici qu’on se convainc que la filtration n’est pas une fonction exclusive du foie et que la portion du chyle qui parvient séparément dans les subclavières n’échappe pas à cette modification, mais la subit autrement[96] Riolan est forcé, bien malgré lui, me semble-t-il, d’en convenir, car il a vu ce chyle se mêler au sang à proximité du cœur, il enseigne que ce sang, suivant la circulation qu’il professe, passe sans délai des subclavières et de la veine cave dans le cœur, et il avoue que le sang du cœur est plus pur que celui du foie et que, selon la sentence des péripatéticiens, [97] c’est dans le cœur que le sang subit une nouvelle coction pour devenir vital en acquérant sa vertu nutritive et sa chaleur. [38][98] Il reconnaît en outre que le sang est purgé de ses excréments bilieux dans le foie en passant de la veine porte à la veine cave, [99] avant de remonter vers le cœur. Ne faut-il pas nécessairement conclure de tout cela, conformément à l’aveu que j’ai arraché dans Riolan, que le sang chyleux, puisqu’il n’est pas absolument pur, n’acquiert pas sur-le-champ sa perfection dans le cœur, mais en passant successivement dans les deux viscères et en y étant préparé par des maintes traversées itératives : digéré et purgé dans le foie, il est enfin achevé dans le palais du cœur. Si nous croyons Aristote et ses sectateurs, dit Riolan au chapitre iii de son livre sur la circulation du sang conformément à la doctrine d’Hippocrate : [100] « Tout le sang qui est préparé dans le foie doit y parvenir, pour qu’il acquière sa perfection. Le sang produit par le foie est en effet fort grossier et inachevé, ce qui tient à sa matière ; celui qu’élabore le cœur est plus achevé, ce qui tient à sa forme, d’après Averroès. [101 Galien lui-même, livre vi de placitis[102] chapitre x, conclut sa longue discussion contre Érasistrate [103] en convenant qu’aucune opération importante [Page 242 | LAT | IMG] et achevée ne s’accomplit subitement et en un seul assaut, et n’atteint pas sa perfection dans un seul organe. » [39]

Qu’y a-t-il donc de scandaleux dans cette sentence, et en quoi les lactifères thoraciques modifient-ils la médecine et le traitement des maladies ? Toutes se localisent en effet dans le foie, selon Riolan, à la page 176 de sa Responsio[32] et celles qui sont dues « à son action lésée, à savoir lorsque l’attraction ou rétention du chyle est diminuée ou abolie, ou que la sanguification ne se fait pas, telles que sont la diarrhée chyleuse, la diarrhée hépatique, [104] la cachexie, l’atrophie, [105] l’hydropisie », dépendront encore du foie. Certaines dépendront cependant aussi des lactifères nouvellement découverts, mais non pas « du cœur et des poumons » comme écrit Riolan au même endroit, car les excréments du sang et du chyle ne se collectent et séparent que dans l’abdomen, et non dans ces deux viscères. [106][107] On devra donc encore prendre le foie en considération dans le traitement de ces maladies, et c’est vers lui que devront être dirigés les remèdes. Ainsi n’est-il pas nécessaire de concevoir une nouvelle méthode, et ne fait-on qu’ajouter de la lumière à la médecine antique et hippocratique. Puisque le foie demeure l’officine de la sanguification, ce n’est pas en vain qu’on travaillera à le rectifier et purger ; ce n’est pas en vain qu’on l’accuse d’être l’auteur de l’hydropisie par défaillance de la sanguification ; ce n’est pas en vain qu’on prescrit des remèdes quand un excès de sang afflue vers le foie ; [108] ce n’est pas en vain qu’Hippocrate, Aristote et Arétée [40][109] ont attribué au bon fonctionnement ou à la défaillance hépatique la saine ou la mauvaise constitution de tout le corps. En revanche, c’est en vain et à tort que Riolan mettrait tout cela sur le dos des lactifères thoraciques. Les médecins ne se fourvoient pas et ne trompent pas tous les jours leurs malades quand ils attribuent l’origine et le fondement de presque toutes les maladies à des obstructions du foie, de la rate, du mésentère, du pancréas, [Page 243 | LAT | IMG] et quand ils dirigent leurs traitements vers les parties en cause. Riolan s’est pourtant encore fourvoyé en pensant que les défenseurs des canaux pecquétiens n’étaient pas de même avis que lui, car ils concluent que du chyle pénètre dans le foie, et reconnaissent les mêmes facultés et fonctions hépatiques que Riolan, et les mêmes causes aux affections susdites.

En conclusion, je pense que mes cinq chapitres ont anéanti la Responsio de Riolan aux Experimenta nova de Pecquet. Pour la vérité sur les lactifères thoraciques, moi qui ne suis qu’un pauvre petit homme de piètre instruction et inconnu des savants, face au plus célèbre des anatomistes, « j’ai résisté parce qu’il s’était mis en tort ». [41][110] Ainsi un méprisable petit poisson peut-il parfois ralentir un grand navire chargé de victoires, [42][111] et la vérité se défend-elle d’elle-même, et non pas seulement en s’appuyant sur les titres de gloire, sur le prestige des origines, ou sur le renom personnel. Pour plaider la cause des lactifères thoraciques, j’ai donc recouru à Dieu et à la nature, sans châtier l’outrage par l’outrage, car comment peut-on mieux nuire à une très juste cause ? J’y ai observé le respect qui est dû au plus éminent des anatomistes et, plus encore, à la vérité. Si ont été tenus de trop rudes propos, je voudrais qu’ils ne l’aient pas été, mais ce n’est pas de moi qu’il les a entendus, mais de lui-même, car c’est de ses mots et ses phrases qu’il a construit les muscles et les articulations de sa propre ruine, et non ex aliis tractatibus in quos inquiri non vult, comme il dit dans ses omissions contre Schlegel, [112] page 370. [43][113] J’ai tiré mes citations des derniers opuscules de Riolan, et surtout de sa Responsio ad Experimenta nova, sans les contracter essentialia omittens, comme il en a fait grief à Bartholin, à la page 75 de la résolution de ses Dubia anatomica ; [44] et si j’ai quand même [Page 244 | LAT | IMG] retranché quelques trop rudes propos, dans l’ardeur involontaire du débat et contraint de me défendre, je prie ce très magnanime personnage de bien vouloir m’en pardonner. Être dénué de tout défaut dépasse néanmoins le sort de l’humaine félicité, et j’atteste et avoue, honnêtement et amicalement, en avoir montré certains en cédant à la démangeaison de blâmer Riolan, et surtout de le contredire et de médire de lui ; ce que je n’ai pas fait pour rabaisser un brillant homme que j’aime et respecte, mais pour l’aider à prendre en horreur ses injures et à s’en abstenir enfin. Filius potest erroris admonere patrem et à sententia ejus recedere, livre iii, § si quis ff. de condictio. caus. dat. In publicis functionibus præcedit utilitas patriæ : quia primùm reipublicæ nascimur deinde parentibus et propinquis, livre i § generaliter. ff. de vent. in possess. mittend[45][114] Hoc ab homine exigitur, ut prosit hominibus si fieri potest multis, si minùs paucis, si minùs proximis, si minùs sibi, dit Sénèque au chapitre xxx du Repos du sage[46] Cet avis est celui qui doit nous pousser à écrire, et non la loi d’Adrastée, [115] dont pourtant Riolan menace inutilement les partisans de la découverte pecquétienne, alors que lui-même porte Némésis sur son dos, selon la célèbre réplique que fit Léon de Byzance à un bossu qui s’était moqué de sa mauvaise vue. [47][116][117][118] Si je me suis glissé dans l’arène, c’est afin de lutter pour la vérité, car je sais et pense, aussi bien que n’importe qui d’autre, être exposé à l’erreur, et trouverai glorieux que quelqu’un m’en corrige. Viros suspice, dit Sénèque, etiam si decidunt, magna conantes[48][119] Se tromper est le propre de l’homme, celui du chrétien est de haïr l’erreur et d’aimer celui qui critique celle qu’il a commise. Puissions-nous tenir nos esprits vraiment à l’écart de toute malveillance, et avoir le bonheur de nous réjouir que ce siècle ait heureusement accompli cet oracle ! [Page 245 | LAT | IMG]

Flumina tunc lactis, tunc flumina nectaris ibunt[49][120]

Puisse dorénavant Riolan être plus constant en ses jugements ! Puisse-t-il ne plus batailler contre les expériences les plus probantes ! Puisse-t-il s’abstenir d’insulter, et de n’être que fiel et amertume à l’encontre des anatomistes qu’il appelle lactés ! [50] Puisse-t-il, quand il écrit, observer la modestie dont il chante les louanges, savoir que cela est juste et beau, et ne pas faire ce qu’il reproche à Schlegel, page 226 : Carpere mordaciter, atque irredere quasi stultum aliquid, quod dogmatice in controversiam venerit, id procacis atque petulantis hominis est ! [51] Nous vanterons néanmoins les qualités du très savant Riolan car elles sont remarquables et accordées à peu de gens. Nous louerons sa très féconde mémoire, qui a engrangé une si riche moisson de mots et de faits ; son omniscience admirable ; son immense connaissance de l’art médical et de l’anatomie, fondée sur l’expérience, et affermie par une très longue pratique, et par la lecture attentive et très approfondie de tous les auteurs de qualité, tant anciens que modernes, jointe à de soigneuses et fréquentes dissections des cadavres humains ; les citations des poètes et des prosateurs, qui sont autant de resplendissantes gemmes dont il illustre partout ses ouvrages ; et encore son indéfectible ardeur à étudier et à écrire, en dépit de son grand âge, et nous prions Dieu qu’il continue de vivre heureux et d’être utile au progrès du savoir anatomique. Enfin, tant que nous vivrons ici-bas, nous aimerons toujours, comme nous l’avons fait jusqu’ici, le nom de Riolan qui brille dans toutes les universités d’Europe, comme la parure des l’École médicale parisienne, qui est la régente des autres. Nous le vénérerons tout particulièrement pour sa grande Anthropographie car la vie des hommes [Page 246 | LAT | IMG] lui en est éminemment redevable ; en anatomie, elle est le digne guide du monde savant, dont la gloire volera longtemps et partout sur les lèvres des hommes ; qu’elle en jouisse aujourd’hui que son auteur est en vie et, par anticipation, durant l’éternité qu’il aura bien méritée et à qui il a consacré cet immortel ouvrage empli d’érudition, qu’on ne vantera jamais suffisamment. [52]

[Fin]


1.

V. note [7], Brevis Destructio, chapitre iv, pour la thèse que Pierre De Mercenne a présidée sur le même sujet en 1661. Elle ne mentionne ni le chyle ni les lactifères, et conclut :

Noua non sunt in hominis cæterorumque animantium fabrica, quæ simul cum mundo incœpere ; nec rejicienda venit doctrinæ nouitas, quæ antiquam methodum clariùs explicat et illustrat. Lux luci, veritas veritati inimica non est.

Ergo Hippocratis medendi Methodus posterorum inuentis mutari potest.

[La structure de l’homme et des autres animaux n’est pas nouvelle, elle a commencé avec le monde ; et la nouveauté ne doit pas mener à rejeter la doctrine, elle explique mieux l’ancienne méthode et l’éclaire. La lumière n’est pas ennemie de la lumière, ni la vérité de la vérité.

Les découvertes faites pas ceux qui ont suivi Hippocrate ne peuvent donc pas changer la méthode qu’il a établie pour remédier].

2.

« Ce que nous découvrons pour la première fois n’est-il pas merveilleux ? Que de faits ne juge-t-on pas impossibles avant de les avoir constatés ? La puissance et la majesté de la nature surpassent à tout moment notre croyance, quand l’esprit n’en considère que les parties, sans en voir le tout » ; Pline l’Ancien, loc. cit., Littré Pli, volume 1, page 280 :

Quis enim Æthiopias, antequam cerneretn credidit ? aut quid non miraculo est, quum primum in notitiam venit ? Quam multa fieri non posse, priusquam sint facta, judicantur ! Naturæ vero rerum vis atque majestas in omnibus momentis fide caret ; si quis modo partes ejus ac non totam complectatur animo.

« Qui, en effet, a cru à l’existence des Éthiopiens avant de les voir ? et quelle est la chose qui ne nous paraît pas étonnante quand elle vient à notre connaissance pour la première fois ? Que d’impossibilités supposées avant d’en avoir vu la réalisation ! La puissance et la majesté de la nature surpassent à chaque moment notre croyance, quand on n’en considère que les parties, sans l’embrasser tout entière en esprit. »

3.

Hyginus Thalassius accablait Jean ii Riolan, princeps doctrinæ [le prince de la science], de deux autres références à L’Histoire naturelle de Pline.

4.

Page indiquée, 3e partie de la première Responsio de Jean ii Riolan ; pour la « mauvaise utilité », malum usum, que Jean Pecquet a conférée à sa découverte, une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie à la page 151 de sa 2e partie, où il lui reproche de ne pas l’avoir consulté sur la question.

5.

Pour cet aveu faussement modeste de Jean ii Riolan, une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie aux pages 186‑187 de son Discours contre la nouvelle doctrine des veines lactées.

6.

« Veux-tu me demander plus qu’égaler mes maîtres ? quoi qu’il advienne ? je n’irai pas là où ils m’auront envoyé, mais là où ils m’auront conduit » ; une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie à la méditation de Sénèque le jeune sur sa philosophie dans Le Repos du sage, chapitre xxviii :

Pendemus enim toti ex alienis iudiciis, et id optimum nobis. Videtur, quod petitores laudatoresque multos habet, non id, quod laudandum petendumque est. Nec viam bonam ac malam per se æstimamus, sed turba vestigiorum, in quibus nulla sunt redeuntium.

Dices mihi : “ Quid agis Seneca ? deseris partes. Certe Stoici vestri dicunt : Usque ad ultimum vitæ finem in actu erimus, non desinemus communi bono operam dare, adiuvare singulos, opem ferre etiam inimicis miti manu. Non sumus, qui nullis annis vacationem damus, et, quod ait ille vir disertissimus : Canitiem galea premimus. Nos sumus, apud quos usque eo nihil ante mortem otiosum est, ut, si res patitur, non sit ipsa mors otiosa. Quid nobis Epicuri præcepta in ipsis Zenonis principiis loqueris ? Quin tu bene naviter, si partium piget, transfugis potius, quam prodis ! ” Hoc tibi in præsentia respondebo : Numquid vis amplius, quam ut me similem ducibus meis praestem ? Quid ergo est ? non quo miserint me illi, sed quo duxerint, ibo.

[Nous dépendons, en effet, tout entiers des jugements des autres, et le meilleur nous semble être ce que recherche et vante la majorité, et non ce qu’il faut vanter et rechercher. Nous n’estimons pas qu’une route est bonne ou mauvaise pour elle-même, mais pour la multitude des traces de pas qu’on y voit, dont aucune ne revient en arrière.

Tu me diras : « Que fais-tu, Sénèque, tu désertes ton parti ? tes amis les stoïciens disent : jusqu’au dernier terme de la vie, nous serons en action, nous ne cesserons de travailler au bien public, d’assister chacun, de lui procurer une aide aimable, même s’il est notre ennemi ; nous ne donnons aucun âge à la retraite, et Canitiem galea premimus, comme dit un héros très bavard ; {a} pour nous, pas d’oisiveté avant la mort, pas même dans la mort, si nous en sommes capables. Que viens-tu nous parler des préceptes d’Épicure ici où règne Zénon ? {b} Que n’as-tu le courage, si tu renonces à ton parti, de te faire transfuge, plutôt que traître ? » Voici, aujourd’hui, ce que je te réponds : veux-tu me demander plus que d’égaler mes maîtres ? quoi qu’il advienne ? je n’irai pas là où ils m’auront envoyé, mais là où ils m’auront conduit].


  1. « Pressons nos cheveux blancs sous le casque » : rodomontades du guerrier Ascagne dans Virgile (Énéide, chant ix, vers 612).

  2. Zénon de Cition, philosophe grec du iiie s. av. J.‑C., fondateur du stoïcisme, opposé à l’épicurisme.

7.

Hyginus Thalassius s’inspirait encore de Sénèque le Jeune, Questions naturelles, début de la préface :

Quantum inter philosophiam interest, et cæteras artes, tantum interesse existimo in ipsa philosophia ; inter illam partem quæ ad homines, et hanc quæ ad deos spectat. Altior est hæc et animiosor ; multum permisit sibi ; non suis oculis contenta. Majus esse quiddam suspicata est, ac pulchrius, quod extrà conspectum natura potuisset. Denique tantum inter duas interest, quantum inter deum et hominem. Altera docet, quid in terris agendum sit, altera, quid agatur in cælo. Altera errores nostros discutit, et lumen admovet, quo discernantur ambigua vitæ. Altera multo hanc supra caliginem in qua volutamur excedit ; e tenebris ereptos illo perducit, unde lucet

« Autant il y a de différence entre la philosophie et les autres sciences humaines, autant j’en trouve, dans la philosophie même, entre la partie qui a pour but l’étude de l’homme et celle qui a les dieux pour objet. Celle-ci, plus relevée, plus hardie, s’est donné plus de carrière ; ce que l’œil découvre n’a pu lui suffire. Elle a soupçonné qu’il y avait quelque chose de plus grand et de plus beau, placé par la nature au delà du monde visible. En un mot, il est entre les deux parties de la science une distance aussi grande que celle qui sépare l’homme de la divinité. La première nous apprend ce qu’il faut faire ici-bas ; la seconde, ce qui se fait dans les cieux. L’une dissipe nos erreurs, approche de nous le flambeau qui nous éclaire dans les pas douteux de la vie ; l’autre plane bien au-dessus des ténèbres où l’homme s’égare, et l’arrachant à cette obscurité profonde, le conduit jusqu’à la source de la lumière. » {a}


  1. Traduction de M. Charpentier et F. Lemaistre, 1861.

8.

« Rechercher le véritable dessein des choses, tout comme ce qui est en dehors du monde, est sans intérêt pour les hommes, et au-dessus des conjectures de leur esprit » ; une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie au livre ii de l’Histoire naturelle de Pline, premier paragraphe du chapitre i (Littré Pli, volume 1, page 99) :

Mundum, et hoc quodcumque nomine alio cælum appellare libuit, cujus circumflexu teguntur cuncta, numen esse credi par est, æternum, inmensum, neque genitum, neque interiturum umquam. Hujus extera indagare nec interest hominum, nec capit humanae coniectura mentis.

« Le monde, ou, ce que l’on est convenu d’appeler d’un autre nom, le ciel, qui embrasse tout dans ses replis, doit être considéré comme une divinité éternelle, immense, sans commencement et sans fin. Rechercher ce qui est en dehors est sans intérêt pour les hommes, et au-dessus des conjectures de leur esprit. »

9.

Livre de la Sagesse (Vulgate, loc. cit.) :

« Qui peut en effet connaître le dessein de Dieu, ou qui peut concevoir sa volonté ? car les pensées des mortels sont timides et nos prévisions incertaines. »

10.

Jean ii Riolan a écrit que les nævus (taches noires qu’on a plus tard appelées grains de beauté) embellissent le visage (v. infra note [11]) ; pour éclairer ce paradoxe, Hyginus Thalassius se référait au fameux précepte qu’Hippocrate : {a}

« Bref, les contraires sont les remèdes des contraires, {b} car la médecine est supplément et retranchement : retranchement de ce qui est en excès, supplément de ce qui est en défaut. Qui remplit le mieux cette double indication est le meilleur médecin ; qui y fait le plus de manquements fait aussi le plus de manquements contre l’art. »


  1. Chapitre i du Livre des Vents, Littré Hip, volume 6, page 93.

  2. Τα εναντια των εναντιων εστιν ιηματα, Contraria contrariis curantur. Après les rêveries de Samuel Hahnemann, à la fin du xviiie s., la secte des homéopathes a inversé la sentence hippocratique en disant similia similibus curantur [les semblables sont les remèdes des semblables], et donné le nom d’allopathie à la médecine qui ne croit pas dans ses principes.

11.

Hyginus Thalassius prenait plaisir à relever quelques perles qui se lisent dans l’Anthropographie de Jean ii Riolan. {a}

12.

Vnotes Patin 2/8194 et 3/8194 pour les hermaphrodites et le Discours que Jean ii Riolan leur a consacré (Paris, 1614), sans proférer la bévue que redoutait Hyginus Thalassius.

On appelle galactorrhée l’écoulement de lait en dehors de la lactation maternelle. Elle peut s’observer dans les deux sexes et est principalement liée à une production anormale de prolactine par l’hypophyse.

13.

« Il est en effet merveilleux de voir ici jusqu’où va l’audace de l’esprit humain quand elle est encouragée par quelque petit succès, et la raison fournit un prétexte à l’impudence » ; une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie au livre ii de l’Histoire naturelle de Pline, chapitre xxiii (numéroté xxi dans Littré Pli, volume 1, page 99), sur l’astronomie :

Mirum quo procedat improbitas cordis humani, parvulo aliquo invitata successu, sicut in supradictis occasionem inpudentiæ ratio largitur : ausisque divinare Solis ad terram spatia, eadem ad cælum agunt, quoniam sit medius Sol : ut protinus mundi quoque ipsius mensura veniat ad digitos. Quantas enim dimetiens habet septimas, tantas habere circulum duo et vicesimas ; tamquam plane a perpendiculo mensura cæli constet !

« Jusqu’où ne va pas l’audace de l’esprit humain, encouragée, comme dans les problèmes précédents, par quelque petit succès ! La raison fournit un prétexte à l’impudence : on a osé deviner la distance de la Terre au Soleil, et l’on double cette distance pour trouver celle du ciel, sous le prétexte que le Soleil est juste au milieu, de sorte que la dimension du ciel lui-même peut se mesurer sur les doigts. Le rapport du diamètre à la circonférence est comme 7 à 22, {a} et il ne faut plus qu’un fil à plomb pour mesurer le ciel ! »


  1. Le rapport de 22 à 7 est une approximation du nombre π.

14.

Pour conclure sa leçon de physiologie générale, {a} Hyginus Thalassius renvoyait au livre de Gaspare Aselli sur les veines lactées du mésentère, {b} dont le chapitre vingtième, page 44, {c} est d’inspiration entièrement galénique :

Actio partis antecedit vsum > Sequitur Historiam, seu Structuram actio, et Vsum præcedit. Vt enim sine Historia Actionem cognoscere non est, ita nec Vsum sine Actione. Eius naturam, vim, varietatem definiendo, diuidendoque aperire, atque explanare, nec fert instituti nostri ratio, et res est longior, difficiliorque, quàm vt paucis tota transigi possit. Egimus de re vtilissima, et haud scio, an nunquam satis explicata, alibi. < Quid ea nobis ? > Nunc id dicere sufficit. Actionem partis intelligere nos cum Galeno κινησιν δραστικην, motionem efficientem, id est efficienter à parte ipsa profectam, non ab alio : (id enim verè agere dicitur, quod ex se ipso motum obtinet) cæterùm non id solùm, sed cum hoc addito, vt sit naturæ coniuncta, quod vulgò dicunt esse secundum naturam. Quæ enim talis non est, vt immoderatus arteriarum motus, quem pulsum vocant, vitiosus crurum incessus, et similia, affectio, quàm actio censenda est. < Eius explicatio Anatomico quàm necessaria > De hac diligenter cum primis agendum nobis. Vt enim rectè Galenus in essentiam cuiuslibet instrumenti deducimur, non tàm ex fabrica, quàm ex actione. Et sine actione, inquit Aristoteles, nulla pars rectè definitur. Vnde, quæ actione priuata est pars, nisi ομωνυμως pars non appellatur. < Quotuplex sit ? > Iam cum duplex actio partium sit, vna cummunis omnibus, quæ et principalis dicitur, et prima, et per se actio, Nutritio puta, qua sibi ipsi pars quæque consulit, familiaria attrahendo, adijciendoque, aliena pellendo, et abijciendo : altera propria instrumentorum, quam secundariam vocat, et consequentem, quasi quæ ad illam primam accedat, ad totius vtilitatem comparata ; nobis vtique, qui venas has in instrumentorum numero collocauerimus, vtraque examinanda est.

[L’action d’une partie précède sa fonction > L’action d’un organe suit sa description ou structure, et précède sa fonction. De même en effet que sans description on ne peut connaître l’action, de même la fonction n’est pas accessible sans l’action. Mettre au jour l’action et l’expliquer, pour définir et discerner sa nature, sa force et sa diversité, n’est par à la portée de notre raisonnement ordinaire, et c’est une affaire trop longue et difficile pour qu’elle puisse être entièrement élucidée en peu de phrases. Nous avons porté attention au plus utile et je ne sais pas si cela a jamais été bien expliqué ailleurs. < Qu’en apprenons-nous ? > Il suffit ici de dire ce qui suit. Comme Galien, nous entendons l’action d’un organe comme son “ mouvement efficient ”, kinêsin drastikên, c’est-à-dire qui émane effectivement de l’organe lui-même, et non d’un autre (on dit qu’agit vraiment ce qui tire son mouvement de soi-même), et sous condition formelle que ladite action soit unie à la nature ou, pour le dire vulgairement, conforme à la nature ; et quand tel n’est pas le cas, l’action est à tenir pour une affection, comme l’immodération du mouvement des artères qu’on appelle le pouls, les anomalies des jambes qui perturbent la marche, etc. < Expliquer l’action est plus que nécessaire pour l’anatomiste > Tel doit être notre principal souci, puisque Galien a justement dit que “ l’essence de n’importe quel instrument ne se déduit pas tant de sa structure que de son action ”, et Aristote, que “ sans son action, aucun organe n’est correctement défini ” ; un organe dénué d’action n’en est pas un, sauf par homonymie. {d} < Combien d’actions ? > Qu’on se contente ici de distinguer deux actions des organes : {e} tous en possèdent une première, qui est l’action à proprement parler, dite principale, et qui s’exerce conjointement avec toutes les parties du corps, comme est, par exemple, la nutrition à laquelle participe chacune d’elles, soit en attirant et absorbant ce qui est utile, soit en repoussant et rejetant ce qui ne l’est pas ; l’autre action, appelée secondaire et conséquente, est particulière aux instruments et permet de mettre l’action première de l’organe au service de tout le corps. Nous avons classé les lactifères mésentériques parmi les instruments, mais devons examiner les deux modalités de leur action]. {f}


  1. Du grec φυσις, « nature », et λογος, « doctrine », la physiologie humaine est la « partie de la médecine, qui apprend à connaître la nature par rapport à la guérison de l’homme » (Furetière).

    Claude Bernard en a donné une perspective historique : {i}

    « Dans l’étude analytique des phénomènes qui l’entourent, l’homme a compris d’abord les choses les plus simples pour n’arriver que successivement aux plus compliquées. Il en est résulté que les sciences ont suivi la même loi dans leur évolution, et que celles qui reposent sur des notions très générales et peu nombreuses se sont formées les premières, tandis que celles qui renferment des conditions très multiples n’ont pu se constituer que les dernières. Sous ce rapport, la physiologie, qui est la connaissance et l’explication de toutes les manifestations de la vie, embrasse incontestablement les phénomènes les plus complexes de la nature. Il n’est pas étonnant que sa marche ait été si lente et son apparition si tardive dans l’ordre des sciences définies ; il lui fallait, pour prendre son essor, attendre que des sciences plus simples, {ii} qui devaient lui servir de points d’appui ou d’instruments, fussent elles-mêmes constituées. »

    1. De la physiologie générale, Paris, Hachette, 1872, pages 1‑2.

    2. L’anatomie, l’histoire naturelle, la pathologie et la chimie ont été les principales.
  2. Milan, 1627, v. note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre i.

  3. J’ai inséré dans le texte et mis en exergue, entre chevrons, les quatre intertitres qui composent le titre de ce chapitre, qui est le premier de la section intitulée Lactium seu venarum lactearum actio [Action des lactifères ou veines lactées]. Je n’ai pas poussé le zèle jusqu’à y insérer les 13 références (dont 12 à Galien et une à Aristote) qui sont imprimées dans la marge de droite.

    Aselli expose sa méthode pour expliquer la fonction des lactifères mésentériques, et Hyginus Thalassius suit son raisonnement pour comprendre celle des lactifères thoraciques.

  4. C’est-à-dire par confusion des termes, par abus de langage provoquant une équivoque.

  5. Contre trois pour Hyginus Thalassius.

  6. Le propos d’Aselli simplifie celui d’Hyginus Thalassius, sans en éclairer absolument toutes les subtilités. On y perçoit la double distinction moderne entre, d’une part, l’anatomie (structure) et la physiologie (fonction qui engendre l’action), et d’autre part, entre l’ensemble qui concourt à assurer une grande fonction du corps (nutrition, genèse du mouvement et des sensations, reproduction, etc.) et les fonctions individuelles des organes qui le composent, pour former un système (si les organes sont de même nature tissulaire, comme dans le système nerveux) ou un appareil (s’ils sont de natures différentes, comme dans l’appareil digestif).

15.

La référence donnée par Hyginus Thalassius correspond à deux paragraphes des Prætermissa suis locis restituenda [Omissions à replacer aux endroits indiqués] signalées à la fin de la première édition de l’Encheiridium anatomicum et pathologicum de Jean ii Riolan (Paris, 1648). Ils ont été intégrés à l’identique dans le texte de la réédition de Leyde, 1649, {a} livre iii, pages 222‑223, chapitre viii, De Corde [Du Cœur] :

Itaque necessaria est sanguinis Circulatio ad continuationem motus Cordis, ut in Molendinis cursus aquæ fluentis supra rotas, revolutionem earum propellit. Ad recalefactionem, et restaurationem sanguinis depauperati, ex jactura spirituum quoquovesum dispersorum, ut in Corde sanguis novos spiritus adipiscatur. Atque ut fons caloris nativi Cor, perpetuo rore madescat, ne sensim exarescat,, defectu istius roscidi humoris, vel ut loquar cum Ludovico Dureto, istius συρροης nectaris vivifici inopia.

Per circulationem sanguinis in Corde, vitæ et mortis causæ facilius declarantur, quam ex humido primigenio Cordi insito in ortu nostro adeo exiguo, quod facile consumitur, atque Cordis motus assiduus ac indesinens noctu diuque perseverans, tandem substantiam Cordis attereret, nisi assiduo fluxu sanguinis per circulationem rigata et reparata conservaretur.

[De même que, dans les moulins, le courant de l’eau qui coule au-dessus des roues provoque leur rotation, la circulation du sang est nécessaire au mouvement continu du cœur ; et ce pour réchauffer et restaurer le sang, qui a été appauvri par la dissipation de ses esprits partout dans le corps, car le cœur lui en procure de nouveaux ; et aussi pour que le cœur, qui est la source de la chaleur native, s’imbibe en permanence de rosée et ne se dessèche pas peu à peu par défaut de cette humeur humectante ou, pour parler comme Louis Duret, par tarissement de ce nectar vivifiant. {b}

Par la circulation du sang dans le cœur, les causes de la vie et de la mort s’entendent plus aisément que par l’humide radical établi dans le cœur qui, étant fort ténu au moment de notre naissance, est facilement consumé ; ce qui fait que le mouvement continuel du cœur, qui ne cesse ni le jour ni la nuit, finirait par user sa propre substance si elle n’était pas maintenue irriguée et régénérée par l’écoulement continu de sang que permet la circulation]. {c}


  1. V. note [8], Experimenta nova anatomica, chapitre i.

  2. En plusieurs endroits de ses commentaires sur les Prénotions coaques d’Hippocrate (Paris, 1588, vnote Patin 10/11), Louis Duret a qualifié l’humide radical de nectar vivificus (vnote Patin 8/544).

  3. Avec cette bénédiction de Riolan, Hyginus Thalassius allait appliquer ces notions au chyle, en en faisant un composant essentiel de l’humide radical.

16.

V. note [47], Brevis Destructio, chapitre iv, pour cette référence d’Hyginus Thalassius aux rhumes et aux « affections rhumatiques » (fluxions). Les progrès de la physiologie et de la pathologie ont entièrement ruiné la brillante logique de ce raisonnement humoral, qui faisait du chyle ce qu’est devenu l’oxygène de l’air, source des esprits vitaux émanant des poumons et du cœur.

17.

« la métropole du froid et du glutineux », Hippocrate, op. cit. chapitre 4, Littré Hip, volume 8, page 589 :

« Le cerveau est la métropole {a} du froid et du glutineux. {b} Le chaud est la métropole du gras, car ce qui fond tout d’abord par la chaleur, devient gras. Ainsi le cerveau ayant très peu de gras et beaucoup de glutineux, ne peut être brûlé par la chaleur ; mais avec le temps, il a formé autour de soi-même une membrane qui lui sert de tunique ; {c} et autour de cette membrane, ce qui a été vaincu par le chaud et contenait des parties grasses, est devenu os. » {d}


  1. Mot qu’Hyginus Thalassius a traduit par sedes, « siège ».

  2. Visqueux ou gluant.

  3. Les méninges.

  4. Rien de tout cela n’a survécu aux progrès de la médecine. Les lipides prennent une part dominante dans la composition de la matière cérébrale et nerveuse, ce qui peut donner une vague inspiration prémonitoire à la montée du chyle dans les carotides que soulignait Hyginus Thalassius.

V. note [41], Brevis Destructio, chapitre iv, pour la montée de bile dans le cerveau et son élimination sous forme de cérumen.

18.

La communication directe que les canaux thoraciques établissent entre le tube digestif (plutôt que le seul estomac) et le cœur est en effet exploitée dans les deux références citées par Hyginus Thalassius.

19.

Introduction des Thomæ Bartholini… Dubia anatomica, de lacteis thoracicis, a Ioanne Riolano resoluta : et demonstratum Hepatis funus immutare medendi methodum. Hepatis Funerati et Ressuscitati Vindiciæ [Doutes anatomiques de Thomas Bartholin {a}… sur les lactifères thoraciques résolus par Jean Riolan, qui démontre que les funérailles du foie changeraient la méthode pour remédier ; revanche du foie qu’on a enterré, mais que voici ressuscité], Opuscula nova anatomica, {b} première partie, page 71 :

Pudet me toties contentionis serram reciprocare in rebus vilibus exscindendis, de Venis Lacteis denuo altercari, vel potiùs de nugis rixari, nisi quod interdum nugæ seria ducunt ; nam dum in istis nugis Venarum lactearum examinandis et refellendis occupatus fui, tandem detexi, quod Veteres et Recentiores Anatomici quæsiere ; scilicet admirabiles et verissimas vniones, siue Synanastomoses Venarum Cauæ et Portæ, atque multorum morborum causas, antea Medicis indictas et ignotas aperui.

[J’ai honte de faire tant de fois aller et venir la scie de la discorde pour trancher de viles questions, en débattant à nouveau des veines lactées, ou plutôt en me querellant sur des sornettes, sinon que les sornettes provoquent parfois de sérieux soucis {c} car, tandis que j’étais occupé à examiner et à réfuter ces sornettes de veines lactées, j’ai enfin découvert ce qu’ont recherché les anatomistes, tant anciens que modernes, à savoir les admirables et parfaitement authentiques anastomoses qui unissent les réseaux veineux porte et cave, {d} et j’ai mis au jour les causes de nombreuses maladies jusqu’ici ignorées et inconnues {e} des médecins].


  1. Copenhague et Paris, 1653, v. note [26], lettre de Bartholin à Johann Daniel Horst (1655).

  2. Paris, 1653, v. note [2], épître dédicatoire de la Nova Dissertatio.

  3. Imitation d’Horace, L’Art poétique, vers 450‑452 :

    “ Cur ego amicum
    offendam in nugis ? ” Hæ nugæ seria ducent
    in mala derisum semel exceptumque sinistre
    .

    [« Pourquoi accablerais-je un ami de sornettes ? » Ces sornettes me vaudraient un jour de sérieux malheurs et un mauvais accuei].

  4. V. deuxième notule {f}, note [5], première Responsio de Riolan, 3e partie.

  5. Mise en exergue des deux adjectifs repris par Hyginus Thalassius, qui reprochait sans doute au premier, indictus, ses doubles sens contraires, « non dit » et « notoire ».

20.

V. note [31], 5e partie, première Responsio de Jean ii Riolan, dans le supplément (ou omissions) du Discours contre la nouvelle doctrine des veines lactées. Ma traduction est différente de celle qui a été imprimée en 1661.

21.

Écoulement aberrant de chyle passant dans l’utérus, responsable de pertes blanches (leucorrhée) confondues avec celles de la gonorrhée vénérienne (gonococcie ou chaude-pisse, vnote Patin 11/8175), soit de quoi excuser savamment les épouses volages auprès de leur mari (ou l’inverse).

22.

Une note marginale renvoie aux pages 8 et 29 du Iudicium novum de Venis lacteis, sive de Unione, vel Synanatomsi Venæ portæ cum Cava ; et Examen libri Thomæ Bartholini… de lacteis thoracicis in homine brutisque nuperrimè observatis, Opuscula nova anatomica de Jean ii Riolan. {a}

23.

V. note [55], Brevis Destructio, chapitre iv, pour ce passage des Opuscula anatomica varia et nova où Jean ii Riolan loue Pierre Guiffart pour ses remarques sur la confusion possible entre les accumulations thoraciques de chyle (chylothorax ou pleurésie chyleuse) et de pus (pyothorax ou pleurésie purulente).

24.

La nouvelle référence à la page 29 du Judicium de venis lacteis est la suite de celle qui apparaît plus haut (v. supra note [21]) sur l’élimination fécale ou urinaire de chyle (ou plus souvent de caséum tuberculeux qui lui ressemble).

La citation tirée de la page 7 se comprend mieux en lisant tout le paragraphe correspondant (pages 6‑7) :

Bartholinus venarum lactearum mesenterij vsus tres assignat. Auctus homo numero partium, hactenus imperfectus, perfectior Anatome reddita, et functiones clariùs elucent. Quomodo potest homo auctus numero partium, si ex te priuatur hepatis functione, et pars sit ignava, vt quondam fuit Lien reputatis ab Erasistrato ? Non potest esse perfectior Anatome, si iecur reiiciatur, et funerata sit illa pars ; functiones clariùs non elucent, introductis istis lacteis imaginariis.

[Bartholin {a} attribue trois fonctions aux lactifères mésentériques. {b} Jusque-là imparfait, l’homme voit le nombre de ses parties augmenter, l’anatomie l’améliore et ses fonctions resplendissent plus nettement. Comment l’homme peut-il augmenter le nombre de ses parties, alors que le voilà, selon vous, privé de foie, qui serait inutile, comme Érasistrate l’a jadis prétendu pour la rate ? {c} L’anatomie ne peut perfectionner l’homme si elle rejette le foie et célèbre ses funérailles ; ses fonctions ne resplendissent pas plus nettement quand on y introduit ces lactifères imaginaires]. {d}


  1. Dans le chapitre viii de son Historia anatomica (page 25).

  2. Sic pour « thoraciques » (thoracicis).

  3. Vnote Patin 23/324.

  4. Mise en exergue du passage repris par Hyginus Thalassius pour insister sur les contradictions de Jean ii Riolan.

25.

V. note [29], Responsio, 5e partie ; ma traduction est un peu différente de celle qui a été publiée en 1661.

26.

V. note [5], Historia anatomica de Thomas Bartholin, chapitre xiii, pour les détails de cette controverse médico-biblique : contrairement à Bartholin, Hyginus Thalassius soutenait que le lait qui aurait jailli du cou de saint Paul ne pouvait pas s’expliquer par les nouvelles voies du chyle, et qu’il s’agissait d’un authentique miracle (v. infra note [29]).

27.

Dans l’argument viii du chapitre cité, page 218.

28.

Une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie aux Géorgiques de Virgile ; livre iii, vers 489‑493, sur une bête frappée d’épidémie, morte avant d’avoir été sacrifiée :

« Le prêtre n’ayant pas eu le temps de l’immoler avec le fer, ses entrailles ne fument pas sur l’autel où on les a mises [et le devin interrogé ne peut rien répondre] ; {a} c’est à peine si les couteaux se sont teintés de sang et si un filet de sanie {b} a foncé le sable. »


  1. Omission du vers 491 : nec responsa potest consultus reddere vates.

  2. Sérosité sanguinolente.

29.

Hyginus Thalassius blâmait l’incrédulité de Thomas Bartholin (v. supra note [26]), qui lui a répondu dans son Spicilegium ex Vasis lymphaticis… [Spicilège tiré des vaisseaux lymphatiques…], {a} avec cette remarque contre ceux qui ont critiqué son avis sur le martyre de Paul (pages 43‑47) :

Acerbius audaciam meam castigat Hyginus Thalassius in resp. Riol. c. 5. edit. 2. Pecq. rationibusque meis nigro carbone inductis, præstare monet, me D. Ambrosii et Chrysostomi, summorum Ecclesiæ luminum, testimonio fidem adhibere, quam ratiuncularum figmentis miraculum extenuare. […] Verum quidem est sanguine plerumque tingi in axillaribus chylum guttatim fluentem, nec nisi rubrum cerni. Alia verò in orbosis ratio, ut ipse Hyginus cogatur fateri, cum sanguine laudabili in febribus serul cœruleum et lacteum separatim fluere..

[Hyginus Thalassius blâme fort rudement mon audace dans sa réponse à Riolan, parue dans la seconde édition de Pecquet. Après avoir biffé mes arguments au charbon noir, {b} il me recommande de croire les témoignages de saint Ambroise et saint Chrysostome, éblouissantes lumières de l’Église, plutôt que de dénigrer un miracle en inventant de méprisables arguties. {c} (…) En vérité, du chyle imprègne ordinairement le sang en s’écoulant goutte dans les veines axillaires, mais sans lui faire perdre sa couleur rouge. Comme Hyginus est contraint de l’avouer, il en va différemment dans les maladies, puisque le sang louable qu’on tire dans les fièvres se sépare en un sédiment noirâtre et en un sérum laiteux].


  1. Amsterdam, 1660, première édition ibid. 1655, v. seconde notule {a}, note Patin 2/1081.

  2. Contraire de la « pierre blanche » (craie, creta).

  3. Pierre De Mercenne, alias Hyginus Thalassius, était un fervent catholique (janséniste), mais le Danois Bartholin était protestant (luthérien) et sans doute moins enclin à croire aux miracles.

30.

Une note marginale d’Hyginus Thalassius indique la page 219 de l’Anthropographia, {a} chapitre De Pericardio [Du Péricarde] :

Cum igitur paucus humor in viuentibus intra Pericardium contineatur, miraculosum est, et præter naturæ legem, quod ex latere nostri Salvatoris lancea perfosso, illico sanguis et aqua effluxerint. D. Ioannes Evangelista latus non exprimit. At Textus Arabicus codicis Euangeliorum Romæ excusi, dextrum latus designauit, vt miraculi magnitudinem designaret, quam significare voluit sanctus Evangelista, testis oculatus, quando tergeminatam hanc assertionem apposuit, Et qui vidit testimonium perhibuit, et verum est testimonium eius, et ille scit, quia vera dicit, vt et vos credatis, quod in comprobando vllo, quantumuis maximo etiam miraculo, in tota scriptura similiter scriptum non inuenitur. […] Ideoque Laurentius imperitè, ne dicam impiè, è capsulâ Cordis effluxisse scripsit.

[Durant la vie le péricarde contient peu de liquide, il est donc miraculeux et contraire aux lois de la nature qu’un coup de lance porté dans le flanc de notre Sauveur ait immédiatement donné issue à du sang et à de l’eau. Saint Jean l’Évangéliste n’en a pas précisé le côté, mais le texte arabe d’un manuscrit des Évangiles, qui a été imprimé à Rome, {b} a désigné le côté droit pour bien signifier la grandeur de ce miracle, tout comme l’a voulu le saint Évangéliste, témoin oculaire, quand il a ajouté cette triple déclaration : Et qui vidit testimonium perhibuit, et verum est testimonium eius, et ille scit, quia vera dicit, vt et vos credatis ; {c} et cela n’est dit nulle part ailleurs dans les Écritures pour authentifier un miracle, si grand soit-il. (…) C’est donc avec ignorance, sans parler d’impiété, que Du Laurens {d} a écrit que cet écoulement provenait du cœur]. {e}


  1. Opera anatomica vetera et nova, 1649, v. supra note [11].

  2. J’ignore de quoi il s’agit, mais il existe de très nombreux écrits plaidant pour le côté droit, qu’a généralement retenu l’iconographie de la Crucifixion.

  3. Jean 19:35 : « Celui qui a vu en rend témoignage – un authentique témoignage, et celui-là sait qu’il dit vrai, – pour que vous aussi vous croyiez. » Le mot testimonium figure 43 fois dans le texte latin (Vulgate) l’Évangile de Jean.

  4. L’anatomiste André Du Laurens, v. note [9], lettre de Thomas Bartholin à Johann Daniel Horst (1655).

  5. Les sceptiques pensent plus ordinairement que la lance avait frappé l’hypocondre droit, perçant le foie et provoquant un écoulement de sang et de bile. La question avait aussi passionné Bartholin et Claude Saumaise, qui y avaient consacré un livre (Leyde, 1646, vnote Patin 5/9092).

31.

Dans la première Responsio de Jean ii Riolan, la page 176 est dans la cinquième partie ; les pages 150 et 154 sont dans ses deuxième et troisième parties, et expriment autrement le même blâme.

32.

Loc. cit., pages 543‑545 de l’Anthropographie : {a}

Quæstio Medica, quodlibetariis disputationibus mane discutienda in Scholis Medicorum, Die Iovis ix. Februarij, M. Ioanne Riolano, Doctore Medico, Moderatore, Professore Regio, Decano, Reginæ Matris, Regis Ludovici xiii. Primario Medico et postremo. An propter modum sanguinis in Corde circulatorium, mutanda Galeni Methodus medendi ?

[Question médicale mise en discussion aux Écoles de médecine, parmi les thèses quodlibétaires, {b} le matin du jeudi 9 février, {c} sous la présidence de M. Jean Riolan, docteur en médecine, doyen des professeurs royaux, qui a été l’ultime premier médecin de la reine, {d} mère du roi Louis xiii. La Méthode de remédier établie par Galien doit-elle être modifiée en raison du mouvement circulaire du sang dans le cœur ?] {e}


  1. Opera anatomica vetera et nova, 1649, v. supra note [11].

  2. Vnote Patin 1/1 pour les deux thèses médicales quodlibétaires que les bacheliers parisiens devaient soutenir en vue d’accéder à la licence.

  3. 1645, le candidat était le bachelier Jean Maurin, natif de Nantes, vnote Patin 37/117.

  4. Marie de Médicis, morte en 1642.

  5. Conclusion négative, l’original de cette thèse est numérisé dans Medica.

33.

V. note [7], Brevis Destructio, chapitre iv.

34.

Pline l’Ancien, Histoire naturelle, loc. cit. (Littré Pli, chapitre liii, volume 1, page 308) :

« Telle est la condition des mortels : nous naissons pour ces caprices du sort, et dans l’homme il ne faut pas même croire à la mort. »

35.

Une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie à Horace, Odes, livre ii, 20, vers 20‑24 :

« Qu’il n’y ait ni lamentations ni lugubres gémissements à mes ineptes funérailles : retiens tes cris et ne rends pas de vains honneurs à mon tombeau ! »

36.

« En vérité, quand il est glacé, au lieu de sang rose, il répand des eaux » ; sans crier gare, Hyginus Thalassius mettait à sa sauce le deux derniers vers du chapitre xiv, Hydropis signa, causæque [Signes et causes de l’hydropisie], livre iii de la Francisci Porti Medica Decas [Décade médicale de François Duport], page 104 : {a}

Hydropis verò sequitur generatio, quando
Fundit aquas gelidum rosei vice sanguinis Hepar
.

[En vérité l’hydropisie survient quand, au lieu de sang, le foie glacé répand des eaux]


  1. Vnote Patin 2/359 pour François Duport, docteur régent de la Faculté de médecine de Paris, et sa Decas didactique en vers (Paris, 1613).

37.

Non omnem chylum per thoracicas lacteas ad cor ferri, sed aliquem ad hepar per lacteas mesenteri [Tout le chyle n’est pas transporté au cœur par les lactifères thoraciques, mais une partie gagne le foie par les lactifères mésentériques] est le titre que Thomas Bartholin a donné au chapitre xv de son Historia anatomica « sur les Lactifères thoraciques » (Copenhague, 1652).

38.

Hyginus Thalassius n’a pas repris mot à mot le latin de Jean ii Riolan, mais une note marginale renvoie à la page 178 de son Discours sur les veines lactées (5e partie de la première Responsio), où il écrivait (en modernisant la traduction de 1661) :

« Tous les péripatéticiens qui défendent la doctrine d’Aristote disent que le sang se prépare dans le foie, puis se perfectionne dans le cœur, où il reçoit sa vertu nutritive et vitale, et sa chaleur, pour être encore digéré dans les ventricules et devenir vital. »

La moelle osseuse était encore loin d’être de la partie, mais les conceptions d’Hyginus Thalassius étaient compatibles avec les deux notions modernes que : 1. le foie fabrique l’essentiel des protéines du plasma sanguin ; 2. le cœur, en envoyant le sang dans les poumons et en l’en reprenant, assure la « perfection » du sang grâce à l’hématose, dans le sens que ce mot a aujourd’hui acquis, qui ne désigne plus la sanguification, mais les échanges gazeux sanguins (oxygénation et épuration du dioxyde de carbone).

39.
V. note [6], Brevis Destructio, chapitre iii, pour ce livre de Jean ii Riolan (Paris, 1652), dont le chapitre iii est intitulé An totus Sanguis, vel portio Circuletur [Si c’est tout le sang ou seulement une partie qui circule] ; la citation est tirée des pages 16‑17 et se réfère à deux sources.

40.

V. note [6], première Responsio de Jean ii Riolan, 5e partie, pour un extrait d’Arétée de Cappadoce sur les maladies du foie.

41.

Une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie à saint Paul, Épître aux Galates, 2:11, à propos de Cephas (autre nom contesté de saint Pierre) venu à Antioche : « Je lui résistai en face parce qu’il s’était mis en tort. »

42.

Pline l’Ancien, Histoire naturelle, livre ix, chapitre xxv (Littré Pli, volume 1, page 372) :

Est parvus admodum piscis assuetus petris, echeneis appellatus : hoc carinis adhærente naves tardius ire creduntur, inde nomine inposito : quam ob causam amatoriis quoque veneficiis infamis est et iudiciorum ac litium mora : quæ crimina una laude pensat, fluxus gravidarum utero sistens partusque continens ad puerperium. In cibos tamen non admittitur. Pedes eum habere arbitratur Aristoteles, ita posita pinnarum similitudine.

« Il y a un tout petit poisson accoutumé à vivre dans les rochers, qu’on appelle rémora. {a} On croit que les vaisseaux auxquels il s’attache vont plus lentement ; c’est de là que lui vient son nom. Cela fait qu’il a une fâcheuse renommée pour la composition des philtres amoureux et pour retarder les jugements et les procès. Ces propriétés funestes ne sont compensées que par une seule qualité : il arrête les pertes des femmes grosses, et fait garder l’enfant jusqu’au terme de l’accouchement. On n’en use pas comme aliment. Aristote pense qu’il a des pieds, il a été trompé par la forme de ses nageoires. » {b}


  1. Remora en latin, εχενηις en grec, signifie « obstacle, retardement ». Ce nom désigne plusieurs sortes de poissons-pilotes.

  2. Histoire des animaux, livre ii, chapitre x. La nageoire dorsale de ces poissons est remplacée par une ventouse qui leur permet en effet de s’attacher fermement à d’autres poissons, tels les requins ou, en effet, à la coque des navires, mais sans, pour autant, ralentir leur course, comme disait la légende. Il est distrayant de les voir figurer dans l’antique pharmacopée comme retardateurs de l’orgasme ou des accouchements.

43.

« et non d’autres traités où il ne veut pas qu’on aille chercher » ; les prætermissa [omissions] de Jean ii Riolan contre Paul Markward Schlegel sont imprimées à la fin de sa Responsio ad duas Exercitationes anatomicas postremas Guillielmi Harvei… de Circulatione sanguinis [Réponse aux deux derniers Essais anatomiques de William Harvey… sur la Circulation du sang] (page indiquée) : {a}

Si velit Slegelius respondere Riolano, contineat se in istis opusculis postremis, nec inquirat in alios Tractatus, quia in re difficili et obscura, qualis est Circulatio Sanguinis, postremae cogitationes sunt sapentiores, Dies diei eructat verbum, et nox nocti indicat scientium, vt est in Sacra Scriptura.

[Si Schlegel veut répondre à Riolan, qu’il se contente de ses derniers opuscules et n’aille pas chercher dans d’autres traités parce qu’en une question difficile et obscure telle qu’est la circulation du sang, les dernières cogitations sont les plus sages, « le jour au jour en publie le récit, et la nuit à la nuit en transmet la connaissance », comme dit l’Écriture sainte].


  1. Paris, 1652, v. note [14], première Responsio, 2e partie.

    L’addition de Riolan porte sur la dernière page (354) de sa Defensio adversus Inquisitione Slegelii de Sanguinis motu [Défense contre la Recherche de Schlegel sur le mouvement du sang].

  2. Psaumes, v. notule {c}, note [19], première Responsio, 5e partie.

    Hyginus Thalassius en souriait, mais Riolan convenait à sa manière que seuls les sots ne changent pas d’avis.


44.

« en omettant des mots essentiels », v. supra note [19] pour la résolution des « Doutes anatomiques » de Thomas Bartholin « sur les veines lactées », parue en 1653 dans les Opuscula nova anatomica de Jean ii Riolan ; Hyginus Thalassius renvoyait à ce paragraphe de la page indiquée : {a}

Cùm in sinistro latere mihi demonstrata fuisset Vena Lactea Throracica ascendens versus axillarem, non ad eam pertingens, nolui repudiare istam Venam, sed coniecturas meas diuinando, more Aruspicium, proposui, quas contraxit Bartholinus, essentialia verba omittens, vt ridiculas redderet, quod postea demonstrabo.

[Quand on m’a montré la veine lactée thoracique qui monte vers l’axillaire, {b} mais sans l’atteindre tout à fait, je n’ai pas voulu nier son existence ; mais j’ai laissé à Bartholin le soin de deviner mes conjectures, comme faisaient les aruspices, {c} qui les a abrégées, en y omettant des mots essentiels {d} pour les rendre ridicules, comme je le démontrerai plus loin].


  1. Remarque de Riolan portant sur la page 10 des Dubia anatomica de Bartholin, qui sont réimprimés à la fin des Opuscula nova anatomica. Cette page commence ainsi :

    Hæc summa est fusæ et eruditæ Riolani dissertationis in paucas contracta lineas…

    [Voici un résumé de la copieuse et savante dissertation de Riolan, que j’ai abrégée en quelques lignes…]

  2. Dissection accomplie en présence de Riolan par le chirurgien Louis Gayan (v. note [7], Experimenta nova anatomica, chapitre vi).

  3. V. note [5], Experimenta nova anatomica, chapitre ii.

  4. Mise en exergue du propos repris par Hyginus Thalassius.

45.

Ce sont deux références au Codex justinien : {a}

46.

« Il est exigé de l’homme qu’il soit utile aux hommes selon les capacités de chacun : à beaucoup, quand elles sont grandes ; à quelques-uns, quand elles sont moindres ; à ses plus proches, quand elles sont moindres encore ; voire à lui seul, dans le pire des cas. »

47.

Plutarque, {a} Sur l’utilité qu’on peut tirer de ses ennemis, chapitre v : {b}

« Quand Platon se trouvait avec des hommes vicieux, il rentrait dans son propre cœur, et se demandait s’il n’était pas tel lui-même. Si, après avoir blâmé la conduite d’un autre, on examine la sienne propre, et qu’on réforme ce qu’elle a de répréhensible, du moins alors tire-t-on quelque profit de la médisance, la chose d’ailleurs la plus inutile et la plus frivole. Que penser d’un chauve ou d’un bossu qui reproche à un autre le défaut qu’il a lui-même ? Est-on moins ridicule lorsqu’on se permet de faire à autrui un reproche qu’il peut retourner contre nous ? Un bossu raillait un jour Léon de Byzance {c} sur sa mauvaise vue. {d} « Tu me plaisantes, lui répondit Léon, sur une imperfection naturelle, tandis que tu portes sur ton dos les marques de la vengeance céleste. » {e}


  1. Vnote Patin 9/101.

  2. Traduction du grec par Dominique Ricard (Paris, 1844).

  3. Disciple de Platon, Léon de Byzance est un philosophe grec du ive s. av. J.‑C.

  4. Allusion narquoise à l’ophtalmie de Jean ii Riolan : v. note [46], lettre de Sebastianus Alethophilus (Samuel Sorbière).

  5. ανθρωπινον εφη, παθος ονειδιζεις, επι του νωτον φερων την νεμεσιν. La « vengeance céleste » était personnifiée par Némésis, autrement nommée Adastrée : v. note [41], première Responsio, 6e partie pour l’invocation de cette divinité par Riolan dans sa dernière invective contre Jean Pecquet.

48.

« Admire, même s’ils tombent, les vaillants hommes qui font de grands efforts » ; une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie à Sénèque le Jeune, La Vie Heureuse (chapitre xx) sur les philosophes :

Studiorum salutarium etiam citra effectum laudanda tractatio est. Quid mirum, si non ascendunt in altum ardua adgressi ? Sed viros, suspice, etiam si decidunt, magna conantes.

[Il est louable qu’ils étudient sainement, même sans succès : pourquoi s’étonner qu’ils ne montent pas bien haut sur les rudes pentes auxquelles ils s’attaquent ? Admire pourtant, même s’ils tombent, ces vaillants hommes qui font de grands efforts].

49.

« Couleront alors des flots de lait, alors des flots de nectar » : Ovide, Métamorphoses, livre i, vers 111, sur les débuts de l’âge d’or.

50.

Une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie de nouveau à la page 8 des Opuscula nova anatomica de Jean ii Riolan contre le traité des veines lactées (Historia anatomica) de Thomas Bartholin : v. supra note [22].

51.

Préface (pages 225‑226) du traité contre Paul Markward Schlegel dans la réponse de Jean ii Riolan aux deux essais de William Harvey sur la circulation du sang : {a}

Sed me recreat prudens monitum Galeni, cap. ult. lib. 8. de placitis. Cum incerta sint dogmata, et rationum argumentis probabilia, aliis absurda ; Sicut succensendum non est, si qui veras suas opiniones defendit, ita concedere, vt alij nobis contradicant, debemus. At carpere mordaciter, atque irredere quasi stultum aliquid, quod dogmatice in controuersiam venerit id procacis atque petulantis hominis est.

[La sage mise en garde de Galien, au dernier chapitre, livre viii sur les Doctrines, {b} me réconforte pourtant : « Puisque les dogmes sont incertains, car probables selon certains arguments raisonnables, mais absurdes selon d’autres, nous nous devons de ne pas incendier celui qui défend la vérité de ses opinions, et d’admettre que d’autres nous contredisent. » Pourtant, le propre de l’homme impudent et emporté est de critiquer âprement ce qui est dogmatiquement avancé dans une controverse, et de le tourner en ridicule ineptie]. {c}


  1. V. supra note [43].

  2. Chapitre ix, page 715, dans l’édition gréco-latine de Kühn, où Galien s’attaque vigoureusement aux opinions d’Érasistrate sur divers sujets de médecine.

  3. Mise en exergue du passage cité par Hyginus Thalassius.

52.

Ce vibrant hommage rendu à Jean ii Riolan a le ton de la sincérité. Il reconnaît et expose honnêtement les mérites qui lui valaient un éminent et indéniable renom dans l’Europe entière.

Dans sa Responsio ad Pecquetianos, Riolan n’a pourtant ménagé ni Pierre De Mercenne ni Hyginus Thalassius, son alter ego. Il n’a surtout pas eu l’honnêteté de reconnaître la valeur de sa proposition sur la double qualité du chyle, alors qu’il a porté Charles Le Noble aux nues pour avoir soumis la même hypothèse dans sa lettre de 1655.

a.

Page 229, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

Caput v.

De Lactearum usu. Earum cognitionem, Hippo-
craticam ac veram medendi methodum
nullo modo immutare
.

Quid non miraculo est cum primùm in
notitiam venit ? quam multa fieri non
posse priusquam sint facta judicantur ?
Naturæ rerum vis atque majestas in om-
nibus momentis fide caret, si quis modo
partes ejus ac non totam complectatur animo, inquit
Plinius, lib. 7. cap. 1 Histor. natur. Non mirum igi-
tur si lacteæ thoaracicæ initio apud omnes fidem non
invenerint, ac primùm improbabiles visæ sint indo-
cili turbæ ; sed mirum est principem doctrinæ virum,
de naturæ vi ac majestate nondum satis persuasum,
illarum veritatem, quia novam, dira imprecatione, ut
Athlantes orientem solem solebant, contuitum fuis-
se. Argumentis non est investigandum quod experi-

b.

Page 230, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

mentis cognitum est, inquit idem Eximius naturæ
interpres, at id Riolanus etiam convitiis incessivit,
mox exprobans Pecqueto malum inventi sui usum, {a}
mox ab istius observationis laudatoribus emolumentum optans
ad usum Medicinæ et curationem morborum
, pag. 157.
respons. Sed ubi suam ignorantiam ingenuè fatetur
Riolanus, ubi tepidè ac trepidè aruspicium more divinando
sententiam proponit
. {b} Cur vult juvenes seniore magistro
plus sapere ? Nunquid ait Seneca {c} vis amplius quam
ut de similem ducibus meis præsterem ? quid ergo est ?
non quò miserint illi, sed quo duxerint ibo. Naturæ
opera cernere et eorum usum ac finem mente assequi
tantùm interest, quantùm inter Deum et hominem :
qui rem esse docet eamque aliis indicat, quid in terris
agatur refert ; qui autem rei finem aliis aperit, quem
mente se assecutum putat ; jam refert quid actum sit
in cælo. Veros rerum fines, ut mundi extera, non capit
humanæ conjectura mentis, nec interest hominum. {d}
Quis enim poterit consilium Dei, inquit Sapientia c.
9. v. 13. et 14. aut qui poterit cogitare quid velit Deus ? co-
gitationes enim mortalium timidæ et incertæ providentiæ
nostræ
.

Igitur quamvis nobis omnino ignotus foret lactea-
rum thoracicarum usus, quamvis earum insertionis
finem adhuc sacro involucro natura tegeret, non ideò
tamen negari, aut in dubium revocari posset earum
existentia. Quam multa sunt ejusmodi in humano
corpore incomperta et inextricabilia ? Dicat Riolanus
et erit mihi magnus Apollo, quis sit usus nævorum
qui in extima cute efflorescunt. An forsan ut placeat
pulchro in corpore aliquid sine ordine positum ? vel
ut contraria contrariis opposita magis elucescant ?


  1. Note marginale : Pag. 150. respons.

  2. Note marginale : Pag. 86. [sic pour 186] et 187. respons.

  3. Note marginale : Lib. de otio sapientis.

  4. Note marginale : L. 2. hist. nat.

c.

Page 231, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

sed in deformibus aut in occultandis partibus quî
placere potest deformitas. Dicat quo fine pili in ma-
nuum digitis et multis aliis partibus erumpant : cui
bono variis illi coloribus pingantur ? quo fine homo
sit rufus, vel flavus, vel niger, vel albus, vel crispo,
aut recto capillitio ? dicat quis sit mammarum usus
in homine ? jam dixit in Anthropograph. lib. 2. cap. 3.
page. 208. Ne mulier superbum animal gloriaretur se mam-
mas habere, quæ natura viris denegasset
. Mirum cur simi-
li ratione non dixerit naturam hominem fecisse her-
maphroditum, ne de utero privatim sibi concesso
mulier quoque superbiret. Dicat etiam quo fine lac
in hominis mammis generetur. Parva hæc dictu vi-
debuntur, sed immensa sunt æstimatione. Mirum
enim hîc quò procedat improbitas cordis humani,
parvo aliquo invitata successu, ut loquitur Plinius, et
occasionem impudentiæ ratio largitur. {a} Ideò mode-
ratiores et cautiores esse deberent anatomici dum va-
rios partium corporis nostri usus assignant atque ex-
plicant. Sæpè enim, quasi instituisset natura homi-
num vitiis favere, hujus finibus ad intemperantiam
abutuntur. Sic laxam fuisse ventriculi substantiam
audacter pronunciant ut ad ingluviem facilius di-
stenderetur. Quasi verò natura ad ebrietatem potiùs,
quàm ad sobrietatem hominis ventriculum genuisset.
Sic magitudinis situs et numeri partium eos fines
afferunt, qui falsissimi comperiuntur, cum in quibus-
dam corporibus earumdem partium magnitudo nu-
merus et situs immutatur, quæ nihilominùs probè
ac naturali modo consuetas actiones perficiunt.
Exemplum illustre, cum jecur in sinistro hypochon-
drio situm est, cor et lien in dextro, cum gemini


  1. Note marginale : C. 23. l. 2. hist. nat.

d.

Page 232, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

lienes, quatuor ureteres deprehenduntur.

Sed multiplex est alicujus partis usus, primus quà pars
est, qui totus ad actionem comparatur, et definitur
aptitudo quædam partis ad agendum, seu recta partis
compositio ad suo munere fungendum, qui usus
actionem præcedit, et partibus semper adest etiam
otiosis : alius verò usus ab ipsa actione procedit eâ-
que præstantior est, quia in ipsum actio velut in finem
fertur, neque ad unam solum partem, sed ad univer-
sum corpus pertinet : Tertius usus est, quà pars est
cognita, qui utilitas potiùs dici debet eáque omnia
explicat, quibus partis cognitio lucem afferre potest.
Quod post Galenum rectè distinxit Asellius. In pri-
mo usu qui ad actionem refertur, decipi non pos-
sunt Anatomici, nam patet sensuum evidentiæ ; alij
verò usus perspicui non sunt, et varia in his senten-
tia pro cujusque animo. De his lactearum thoracica-
rum usibus paucis ago. Primus ergo usus quà vasa sunt,
est chyli anadosis seu distributio in venas axillares aut
subclavias. Secundus usus est nutritio corporis ; usus
verò et finis toti utilis istius situs peculiaris et inser-
tionis lactearum in subclavias, in naturæ obscuritate
latet. Parva sunt enim novarum rerum earúmque co-
gnitionis initia, nihílque repente magnum est. Atta-
men postquam Eruditissimus Riolanus et in anatomicis
usibus investigandis verè princeps hîc fores aperuit,
promptior et facilior erit istius usus conjiciendi via.
Credi potest chylum in subclavios eo fine derivari
circa diremptum cavæ ascendentis ; ut in hac sanguis
è brachiis et cerebro refluus, jacturâ spirituum quo-
quo versum dispersorum depauperatus, ut cum Rio-
lano
loquar in prætermissis Encheirid. pag. 298. novâ

e.

Page 233, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

purissimi chyli affusione restauretur, ut mox per cir-
culationem cordi redditus novis spiritibus ditescat.
Qui quidem è chylo post longam digestionem san-
guini admixto uberiùs et commodiùs in corde eli-
ciuntur ac fermentescunt, ut chymici suis digestio-
nibus manifestè probant. Hinc cor fons nativi ca-
loris perpetuo rore faciliùs madescit, ne sensim
exarescat, minus quoque in eo sanguis præter na-
turam incandescit ac æstuat, cum bis terve in die
humescente chyli portione diluatur. Igitur lacteæ
thoracicæ circulationis usum mirè adjuvant ; harum
ope sanguis spiritibus auctus et animosior redditus,
faciliùs pulmones permeat, et in sinistrum cordis ven-
triculum redit. Quin etiam pulmonibus alendis
evadit accommodatior, ob exactam bilis atque etiam
nonnihil pituitæ permixtionem, quam ex recenti chy-
li infusione retinet. Pulmones enim quia tempera-
mento calidi, biolioso sanguine nutriri postulant, sed
quia perenni motu cientur, ille temperari debet ali-
quâ tenuis pituitæ portione, ne citò ferveant et igne-
scant ; hinc ubi pulmones ægri sanguinem malè con-
ficiunt aut trajiciunt, pituitâ et sputis redundant, ut
capite superiori dictum est.

Doctissimis plerisque medicis difficilis visa est adi-
pis in corde generatio, quomodo scilicet potentissi-
mo calore ibi non liquitur, sed nova chyli accessio
id vetare potest et facilem huic adipi materiam sub-
ministrare.

Præterea ob eandem chyli accessionem, cerebrum
à corde per carotidas, conveniens ευπροσφυτον, ac
sibi consociale alimentum excipere quodquè videtur,
ut capite superiori dictum est. Est enim cerebrum ex

f.

Page 234, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

Hippocrate libello περι αρχων. μετροπολις {a} του ψυχρου και
του κολλοδεος ; sedes frigidi et glutinosi ; at in chylo
principium est glutinosi humoris, atque in ipso pri-
mùm continetur mucilago quædam, quæ in ventri-
culo insito ejus calore, atque insuper humidi alicujus
dissolventis beneficio è cibis extracta est.

Ad tertium usum venio, aut lactearum thoracica-
rum utilitatem, quæ nimirum ea explicat quibus illæ
lucem afferunt non mediorem. {b} Primò clarè intelli-
gitur ratio sympathiæ ventriculi et cordis, cui ille
bona sua vel mala per liberam et patentem thoraci-
carum lactearum semitam sine impedimento com-
municat. Vt jam doctè à Guiffarto et Bartholino anno-
tatum est ; per has cardiacorum ac venenorum vis
impermixta transit. Secundò multorum morborum
causæ antea Medicis indictæ et ignotæ aperiuntur,
ex ipso Riolano in dubiis resolutis Bartholini pag . 71.
In prætermissis respons. ad experim. pag. 369. Notan-
da mesenterij sympathia mirabilis cum collo, axillis et mam-
mis per istos tubulos lacteos novos ; ac proinde vitium glan-
dularum strumosum non elucere solet in istis locis nisi radices
egerit in mesenterio
. Et in Iudicio de venis lacteis, etc. {c}
Si laxiores sint venæ lacteæ mesentricæ, id ob recepta-
culi inter psoas latentis vitium magis contingit, Se-
rum chyli vel ipsemet chylus potest per urinas et per uterum
expurgari, inde fluores albi uterini diuturni et curatu diffi-
cillimi absque ulla acrimonia et fervore, qui vel gonorrheæ
simplici tribuuntur, vel humoribus pituitosis è toto corpore ad
uterum confluentibus
. Et infra Si lacteus humor purifor-
mis in dejectionibus observatur, nullo colico dolore prægresso,
sine febre, ad fluxum istius lactei chyli putris in intestina regur-
gitantis causa referri debet. Si urinæ lacteæ reddantur vel
habeant hypostatim lacteam puriformem, nullo præcedente


  1. Sic pour : σαρχων. μητροπολις.

  2. Sic pour : mediocrem.

  3. Note marginale : Pag. 8. et 29.

g.

Page 235, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

dolore in visceribus et renibus, sine ulla supicione ulceris in
istis partibus, suspicari licet lacteum esse chylum effusum in
emulgentes
. Sic etiam chylus in thoracem effusus po-
test puris speciem mentiri ex Guiffarto, quam obser-
vationem laudavit Riolanus, ut capite superiori di-
ctum est. Pergit idem in judicio de venis lacteis pag.
29. Qui detractus fuerit sanguis, si lacteus appareat, ne putes
semper à putredine summa vitium istud genitum in hepate ;
sed ab isto chylo deerrante in venas brachij vel pedis, vel pro-
pter venæ sectionem copiosam tandem attracto
. Hos Riola-
nus
affert usus venarum quas in eodem judicio de ve-
nis lacteis pag. 7. lin. 6. imaginarias vocat. Functiones,
inquit, clariùs non elucent, introductis istis lacteis imagi-
nariis
. Idem pag. 188. et 189. suæ respons. ad experi-
menta sic adhuc loquitur de sanguine, in sanguine edu-
cto per phlebotomiam et vasculis excepto, superficies digi-
ti minimi crassitie albicans non tam à putredine sanguinis na-
scitur, quàm ab ista chyli portione profluente cum sanguine quæ
supernatat
. Sed cum is sanguis educatur potissimùm
in Rheumatismo in quo jecur cæteraque viscera nu-
tritia fervent, ac plerumque totum corpus febre con-
flagrat, verosimilius est spissiorem hanc superficiem ex
pingui, et cremoris pelliculæ persimili, sanguinis
portione vi caloris crassescere ; velut igne spissescit
pulticulæ superficies, non inficior, addit Riolanus in ju-
dicio de venis lacteis pag. 30. à corruptione sanguinis id
enasci in febribus malignis
. Verùm apparet has febres
accendi potiùs ab exquisita, insolita et profunda
chyli putredine in receptaculo ac lacteis thora-
cicis corrupti. Ex quarum cognitione nova hæc
utilitas decerpi potest : nam in his febribus san-
guis colore et substantiâ laudabilis ut plurimùm de-

h.

Page 236, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

trahitur ; solùm observatur corruptela in sero cæruleo
vel lacteo ipsi innatante, urinæ sanorum similes, alui
excrementa primis diebus à naturalibus parùm muta-
ta cernuntur ; quæ omnia satis ostendunt neque in
hepate, neque in ejus ditionis venis, sed in aliis par-
tibus ad ipsum non pertinentibus febrium maligna-
rum focum delitescere. Quale est chyli receptacu-
lum, è quo ob sympathiam supradictam cum vena ca-
va ascendente, non modo aura malefica indesinenter
ad cor exhalat, sed etiam serum lacteum, ex summè
putri et ferventi chylo expressum, in subclavias stil-
lat, quod postmodum sanguini innatans, vitæ gu-
bernacula et principes corporis partes, atque inter
has præcipuè cerebrum, inficit ac pessundat.

Alia ex lacteis thoracicis utilitas colligitur, tum
dignotio {a} materiæ tot sputorum quibus scatent pul-
mones in dispositionibus rheumaticis, ut iam capite
superiori observatum est : tum viarum per quas in
κακοπραγια et καχεξια viscerum hæc materia facilè in
pulmones transmittitur ; cum labefactatâ naturali œ-
conomiâ, chyli receptaculum et lacteæ in mali consor-
tium trahuntur. Tum etiam intelligitur nova ratio cur
in febre hectica επισημασια et rigor ab assumpto cibo
ægros invadat. Quoniam languidus cordis calor cru-
dioris et serosioris chyli appulsum sentit, quo tunc
refrigeratur, ut ejus anathymiasi membrana carnosa
universum corpus investiens percellitur ; contra in
sanis inculpatæ valetudinis argumentum perhibetur
levis refrigeratio à cibo, quæ indicat lacteas thoraci-
cas patentes esse ac liberas, per quas vapores aquei,
qui ex alimento primùm funduntur, facillimè in
horacem {b} euolant, indeque in ουλομεριην. {c} Lactea-


  1. Sic pour : dignatio.

  2. Sic pour : thoracem.

  3. Sic pour : ουλομερελιην.

i.

Page 237, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

rum autem ευροια rectam chyli anadosim, recta ana-
dosis properam nutritionem ac sanitatem pollice-
tur.

Hîc circa lactearum thoracicarum usum præterire
non possum. Bartholini commentum, quo miracu-
lum lactis è percusso Divi Pauli collo effluxi exte-
nuare ausus est cap. 13. l. de Lacteis Thoracicis. Si ve-
ra est
, inquit, historia, facilè viam modumque inueniemus.
Axillares rami seu potius insertio lactearum in axillares am-
pliata fuit. Addit præterea virum sanctum longâ captivi-
tate et plurimis itineribus et perpessis malis debilitatum
serosi sanguinis et chyli pro ventum 
{a} cumulasse. At abscisso
collo, si fluat lac è vulnere, ampliatio insertionis
lactearum in axillares prodigiosi istius effluxûs cau-
sa esse non potest ; illa enim ipsius cavæ ascendentis
amplitudinem superare nequit, quæ cum plurimum
contineat sanguinis, ejus copiâ satim absorbetur
chylum sensim et guttatim stillans, nec ampliùs nisi
ruber cernitur, fermè in sanguinem conversus ; ut
capite quarto hujusce tractatûs ostendi. In bene pastis
animantibus et succi plenis, ex vulnerato recaptacu-
lo et lacteis chylus licet redundans, et in thorace stri-
ctissimo filo coërcitus, non effluit rivulosè ut sanguis,
sed sensim et guttatim. Nunquam etiam abscisso cu-
jusvis animantis quantumvis saturi collo lac exiisse
visum est. Multò minùs captivitate, itineribus, et per-
pessis malis chylum generari credi par est, et fame
ejus proventum fieri ; quibus omnibus potiùs nimiùm
minuitur aut aboletur ; ut interdum in viventium ani-
malium anatome lacteæ thoracicæ idcirco non sint
aspectabiles. Et serosus sanguis chylus non est, neque
lactis instar oculis imponere atque illudere potest,


  1. Sic pour : proventum.

j.

Page 238, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

imò decolor conspicitur. Hinc de hostiarum sangui-
ne vi morbi corrupto sic canit eminentissimus Poëta. {a}

Aut si quam ferro mactaverat ante Sacerdos,
Inde neque impositis ardent altaria fibris ;
Ac vix suppositis tinguntur sanguine cultri,
Summaque jejunâ sanie infuscatur arena
.

Præstabat itaque Bartholinum D. Ambrosij et Chry-
sostomi, summorum Ecclesiæ luminum, testimonio
fidem adhibere, quàm ratiuncularum figmenta insigni
anatomico indigna rebus sacris immiscere. Sic Lau-
rentius imperitè, ne dicam impiè
, inquit Riolanus Antro-
pograph. {b} lib. 3. cap. 7. aquam quæ exiit è latere servatoris
nostri è capsula cordis effluxisse scripsit
. Quod tamen mi-
raculum est et præter naturæ legem, cum paucus hu-
mor in viventibus intra pericardium contineatur. Sic
lacteus chylus in axillari, quandiu prorsus sanguine
exhausta non est, reperiri non potest, quia paucus
per exilia ostiola roris instar stillans, mox sanguinis
admixtione rubescit, ut sæpe dictum est.

Ex tot commemoratis hoc capite lactearum tho-
racicarum usibus, et ex iis maximè quos ex Riolano re-
tuli, concludere licet, non esse sterile Pecquetianum
inventum, sed ad Medicinæ scientiam et ad cogni-
tionem curationemque morborum egregiè conferre.
Tantùm abest ut minimum quid perturbet aut novam
artem concedere necessum sit, ut Riolanus objicit in sua
respons. ad experim. p. 150. et 154. sed fusiùs pag. 176.
ubi sic habet. Ad evertendam hominis structuram symbo-
lam suam attulit
Pecquetus suâ doctrinâ novâ et inauditâ,
quæ veterem et hodiernam medicinam funditus evertit
.
Sanguinis circulationem medendi methodum im-
mutare, initio jactabatur in vulgus : hunc metum præ-


  1. Note marginale : Virgil. georgic.

  2. Sic pour : Anthropograph. ; note marginale : Pag. 219.

k.

Page 239, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

clarè discussit Riolanus doctâ quadam thesi in scholis
propositâ, quæ exstat in anthroprograph. libro de cir-
cul. sang. pag. 543. nunc mihi perfacile erit eandem
calumniam à lacteis thoracicis propulsare. Ostendi
in capite superiori in solutione primi argumenti, me-
diam fermè chyli partem per vulgatas mesaraicas in
hepar asportari, atque ab eo in sanguinem converti,
ac bile excrementitiâ repurgari. Quæ quidem parti-
ta chyli anadosis optimè subsistit cum canalibus Pec-
quetianis
, et cum lymphaticis vasis Bartholini, nec
tamen hepar bustuarium reputat, nec ejus vivi et re-
gnantis exequias ducit. Scripsit Plinius lib. 7. cap. 52.
quosdam elatos è feretro atque è rogo revixisse ? hæc
est conditio mortalium, inquit, ad has et ejusmodi
occasiones fortunæ gignimur uti de homine ne mor-
ti quidem debeat credi. Sic, Charissime Iatrophile,
surget è rogo, depulsâ à Pecquetianis invidiâ, et se-
ditionis suspicione, vivetque, et adhuc suo tot sæcu-
lorum principatu gaudebit hepar post fata superstes.

Absint inani funere næniæ,
Luctusque turpes, et querimoniæ ;
Compesce clamorem, ac sepulcri
Mitte supervacuos honores
. {a}

Nunquam cadet princeps œconomiæ naturalis vi-
scus suo jure ac potestate conficiendi sanguinis,
semper erit facultatis naturalis sedes, semper αιμα-
τωσεως officina, quæ incolumi hepate salva est, eo-
dem vitiato læditur. Sanum hepar fons est gratiosi
vaporis ικμαλεον, salutari humore partes perfundit,
iisque ευχροιαν et nitorem conciliat : Gelidum verò
fundit aquas rosei vice sanguinis, ut hepatis consti-


  1. Note marginale : Horat. l. 2. carmin.

l.

Page 240, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

tutioni universi corporis status verè respondeat. Ex
quibus quidem effectibus manifestissimum est in je-
core principium quoddam vigere, ex eoque aliquid
in totum manare, cujus vi corpus regitur, et quod
primò et per se ad vitæ conservationem utile est.
Quod nec canales Pecquetiani nec vasa lymphatica
diruere possunt.

Scripsit Bartholinus lib. de lacteis thoracicis cap. 15.
Solas Thoracicas pares non esse omni chylo vehendo, at va-
sa lymphatica eas ampliores reddere non potuere.
Et manet adhuc doctissimi Conringij testimonium lit-
terarium Vt sanè per illum à Pecquetio inventum ductum
omnis possit meare
εν est των αδυνατων. Et verò videtur na-
turæ rerum certiùs consultum, si chylus variis multisque in
locis cum venoso sanguine misceatur, quàm si monis uno loco
temporeque conficiatur
. Malè autem existimat Riolanus
hepar sua dignitate excidisse ob insertionem lactea-
rum in subclavias, quoniam in illius sententia etiam
alibi inseruntur, nimirum in cavam descendentem.
Illud itaque non est pars princeps ratione insertionis
lactearum, sed ratione opificij sanguinei quo probè
fungitur, cum chyli particulæ sanguini hepar perre-
ptanti admixtæ in ejus parenchymate alterantur pe-
culiari modo, ac in sanguinem minùs perfectum con-
vertuntur, et bile excrementitiâ liberantur ; sive illæ
primùm ex intestinis per vulgares mesaraicas delatæ
sint, sive per lacteas thoracicas cavam ascendentem
et cor prætervectæ, inde per circulationem ad hepar
refluxerint. Est autem in eo alter fons nativi caloris,
quia vasti et lati parenchymatis dives fundus pluri-
mum possidet spiritûs insiti : innumeræ quoque venæ
per illud dispersæ multum sanguinis continent, cu-

m.

Page 241, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

jus in tot angustiis ac poris addensatæ et compressæ
partes multiplicationem afferunt caloris, qui qui-
dem veluti lebeti magno circumjectus ignis substra-
ti ventriculi coctionem mirum in modum adjuvat.

Hinc præcipuè αλλοιωτικον, nec solum transcola-
torium hepatis munus esse convincitur ; cujus quo-
que vim alteratricem non effugit divisa illa chyli
portio quæ in subclavias devecta est. Quod Riolanus,
vel invitus, ut arbitror, fateri cogetur. Vidit si qui-
dem ille chylum non procul à corde sanguini permi-
sceri : circulatio, quam profitetur, sanguinem hunc
docet è subclaviis et cava statim ad cor recurrere ;
fatetur cordis sanguinem hepatico puriorem, atque
ex Peripateticorum sententia vim assumere nutriti-
vam, ac calorem in eo loco recoctum ut fiat vitalis ; {a}
fatetur præterea sanguinem in hepate biliosis excre-
mentis repurgari, eumque è porta in cavam ad cor-
dis ventriculos derivari. Nonne ex his omnibus ne-
cessaria sequitur conclusio ex Riolani confessione ex-
torta, chylosum sanguinem, quandoquidem puris-
rissimus {b} non est, non statim perfici in corde, sed re-
ciproco per utrumque viscis transitu, et alterna
μεταχυσει præparari multoties, excoqui et repurgari
in hepate tandemque in cordis regia absolvi. Si cre-
dimus Aristoteli ejusque sectatoribus, inquit Riolanus
lib. de circul. sang. ex doctr. Hipp. cap. 3. Totus san-
guis in hepate præparatus eò pervenire debet, ut suam per-
fectionem acquirat ; nam in hepate fit sanguis rudior et im-
politior, qui rationem habet materiæ ; in corde elaboratus per-
fectior redditur, qui formæ rationem habet ex Averroë. Et
ipsemet Galenus 6 de plac. cap. 10. post longam disputatio-
nem contra Erasistratum tandem fatetur nullum perfectum


  1. Note marginale : Pag. 178. respons. ad experim.

  2. Sic pour : simus.

n.

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et magnum opus repente unaque aggressione fieri, totamque
suam expolitionem ab uno naturali instrumento acquirere
.

Quid igitur flagitij habet hæc sententia ? quid la-
cteæ thoracicæ mutant in medicina et curatione mor-
borum ? Omnes si quidem morbi qui à Riolano pag.
176. respons. in Hepate collocantur, Ex ejus actione
læsa, scilicet imminuta vel abolita attractione et retentione
chyli, vel ex frustratione sanguinificationis ; quales sunt diar-
rhœa chylosa, diarrhœa hepatica, cahexia,
ατροφια, hy-
drops
, adhuc dependebunt ab hepate ; sed quidam
præterea ab istis venis nuper detectis, ex Riolani testi-
monio supra allato ; non autem à corde et pulmonibus,
quia in his duobus visceribus chyli et sanguinis excre-
menta nec colliguntur nec secernuntur, sed solùm
in abdomine. Igitur in istorum morborum curatio-
ne adhuc respiciendum erit jecur, et ad id viscus
erunt dirigenda præsidia ; propterea novam metho-
dum condere necessum non est, imò veteri et Hippo-
craticæ lux additur. Cum autem hepar sit adhuc hæma-
toseos officina, non frustra in ejus corre-
ctione et expurgatione laboratur ; non frustra accu-
satur hepar Author hydropis ex frustrata sanguifica-
tione ; non frustra in profluvio sanguinis recurritur
ad hepar eique adhibentur remedia ; non frustra Hip-
pocrates
, Aristoteles et Areteus totius corporis sanam
vel ægram constitutionem integritati vel vitio hepa-
tis tribuerunt. Sed frustra et falsò hæc ex lacteis tho-
racicis infert Riolanus. Nec decipiuntur quotidie Me-
dici falluntque suos ægrotantes quum ortum et fun-
damentum morborum penè omnium constituunt in
obstructionibus hepatis, lienis, mesenterij, pancrea-

o.

Page 243, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

tis, et ad partes illas referandas sua remedia dirigunt.
Sed se ipsum decepit Riolanus cum existimavit in ea-
dem non esse sententia Pecquetianorum canalium fauto-
res ; qui tandem et chylum ab hepate admitti statuunt,
et easdem hepatis facultates et functiones, easdem
commemoratorum affectuum causas cum Riolano
agnoscunt.

Quæ cum ita sint, destructa est opinor, hisce quin-
que capitibus Riolani responsio ad Pecqueti experimen-
ta nova. Pro lactearum thoracicarum veritate ego do-
ctis ignotus et curtæ supellectilis homuncio, Anato-
micorum celeberrimo in faciem restiti ; quia reprehensi-
bilis erat
. {a} Sic magnam et victoriis onustam navem in-
terdum vilis remorari potest pisciculus ; et veritas
non nominum titulis, non claritate stemmarum, non
personarum famâ ac dignitate, sed se ipsâ defendi-
tur. Illa, ut virtus, ipsa sui decus et pretium est, illa,
meæ vires et magna potentia, sola. Dei ergo et natu-
ræ in asserendo lactearum thoracicarum opere egi pa-
trocinium, non probra probris retaliando ; quid
enim justissimæ causæ inimicus esse potest ? Sed ser-
vatâ semper, et quæ primario Anatomico, et quæ
major veritati debetur, reverentiâ. Si quid durius
dictum est, quod tamen non dictum velim, non à me,
sed à se ipso audivit. Ex ejus enim verbis et sensis in-
tegris præcipui hujusce Destructionis nervi et articu-
li constructi sunt. Neque ex aliis tractatibus in quos
inquiri non vult
, in prætermissis ad Slegel. pag. 370.
sed ex istis Opusculis postremis et præsertim ex Res-
ponsione ad experimenta nova, hæc verba deprompsi,
nec ea contraxi essentialia omittens, ut de Bartholino in
dubiis resolutis pag. 75. conquestus est ; si præterea


  1. Note marginale : D. Paul. ad Galat. c. 2. v. 11.

p.

Page 244, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

quid asperiùs mihi excidit, id vir magnanimus inno-
centi disputationis fervori, et defensionis necessitati. {a}
Vitiis prorsus carere supra sortem est felicitatis huma-
næ. Quædam autem cum Riolano reprehendi, ac ma-
ximè contradicendi ac maledicendi pruriginem, id me
amicè et officiosè præstitisse testor ac profiteor ; ne-
que illustrem virum quem amo et veneror vitupe-
randi causa sed juvandi, ut scilicet horreat ipse sua
convicia et ab iis tandem abstineat. Filius potest er-
roris admonere patrem et à sententia ejus recedere,
l. 3. §. si quis ff. de condictio. caus. dat. In publicis
functionibus præcedit utilitas patriæ : quia primùm
reipublicæ nascimur deinde parentibus et propin-
quis, l. 1. §. generaliter. ff. de vent. in possess. mit-
tend. Hoc ab homine exigitur, inquit Seneca c. 30. L.
de otio sapientis, ut prosit hominibus si fieri potest
multis, si minùs paucis, si minùs proximis, si minùs
sibi. Hoc consilio ad scribendum impelli debemus,
non Adrastiæ lege, quam tamen frustra Riolanus Pec-
quetiani inventi fautoribus intentat, cum ipse in dor-
so ferat Nemesim ; {b} quod olim celebre fuit dictum
Leonis Bysantij adversus gibbosum qui oculorum
ejus imbecilitatem fuerat cavillatus. Quod si ego
pro veritate certans in arena lapsus sim, scio etenim
me et sentio, non minùs quàm alium quemvis, erro-
ri obnoxium, erigi ab aliquo gloriosum putabo. Vi-
ros suspice, inquit Seneca, {c} etiam si decidunt, magna
conantes. Errare hominis est ; Christiani odisse erro-
rem, et amare sui reprehensorem erroris. Verùm ab-
sit à nobis omnis malevolentia, læti gratulemur huic
sæculo in quo fœliciter impletum est istud vati-
cinium.


  1. Sic pour : necessitati, si placet, ignoscet (errata).

  2. Note marginale : In fine respons. ad experim. pag. 201.

  3. Note marginale : L. de beata vita.

q.

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Flumina tunc lactis, tunc flumina nectaris ibunt.

In sententiis imposterum constantior sit Riolanus ;
certissimis experimentis bellum non ampliùs indi-
cat ; abstineat à conviciis, et adversus eos, quos la-
cteos Anatomicos vocat, {a} non sit totus amarulentus
et felleus ; servet in scribendo modestiam quam lau-
dat, scit enim in hoc pulchrum et rectum, non facit,
contra quod scripsit in Slegelium pag. 226. carpere mor-
daciter atque irredere quasi stultum aliquid, quod dogmaticè
in controversiam venerit id procacis atque petulantis homi-
nis est
. Nihilominùs præclaras et paucis concessas
Eruditissimi Riolani dotes prædicabimus ; laudabi-
mus memoriam fœcundissimam atque uberrimâ re-
rum et verborum segete instructissimam ; πολυμαθειαν
insignem ; summam in arte medica et anatomicis re-
bus peritiam, ipsâ Encheirisi partam, et longissimo
usu firmatam ; authorum omnium melioris notæ tum
veterum tum recentiorum profundissimam lectio-
nem ac notitiam cum accurata et frequenti huma-
norum cadaverum inspectione conjunctam : Poë-
tarum ac philologorum dicta quibus illius scripta
velut splendentibus gemmis ubique illuminatur,
ac tandem indefessum studendi ac scribendi labo-
rem etiam in senili ætate, quam illi dudum fau-
stam atque anatomicæ scientiæ adhuc utilem à
Deo precamur ; Denique, quandiu fruemur hac vi-
tali luce, verè amabimus ut amavimus semper, cla-
rum in omnibus Europæ Academiis Riolani nomen
Scholæ Medicæ Parisiensis cæterarum magistræ or-
namentum, venerabimur magnæ Anthropographiæ
Authorem de Medicina et de hominum vita opti-


  1. Note marginale : In Iudicio de venis lacteis p. 8.

r.

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mè meritum, dignum litterati orbis in anatome præ-
ceptorem, dignum qui longè latéque per hominum
ora volitet, qui nunc vivus et per antecessum gau-
deat æternitate quam meruit, et cui eruditissimum,
immortale et nunquam satis celebrandum istud opus
consecravit.


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Hyginus Thalassius (1654), alias Pierre De Mercenne, Brevis Destructio de la première Responsio (1652) de Jean ii Riolan : chapitre v

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(Consulté le 09/12/2025)

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