Page 2. Ainsi commence-t-il son opuscule : Aselli [2] a le premier découvert ces veines, [3] il a mis au jour les authentiques veines lactées, un point c’est tout, ce n’est pas un fait à dédaigner, bien qu’il ne soit pas d’une importance considérable. Harvey, [4] de Wale, [5] Vesling, [6] Conring, [7] Bartholin [8] et Riolan en ont fait mention. Sans vouloir offenser de si grands personnages, je dirais qu’ils se sont tous trompés en croyant que le chyle est emporté dans le foie [9] par trois ou quatre rameaux, qui pourtant ne l’atteignent en aucune manière. Aucun de ces auteurs n’a particulièrement tenté de rechercher les cachettes des veines lactées dans le thorax. [1][10]On doit hautement louer les inventeurs des arts, dit Aristote, [11] et il est facile d’ajouter à leurs découvertes : si Thimothée n’avait pas créé la musique, Phrynis n’y aurait pas excellé. [2][12] Aselli a le premier découvert ces veines, ce qui lui vaut [Page 146 | LAT | IMG] d’être glorifié par les anatomistes expérimentés. Ce jeune homme, qui n’a pas encore dépassé les premières années de l’âge adulte, [3] juge mesquinement et grossièrement que le chyle emprunte des voies autres que les veines mésaraïques, et il dédaigne et tourne en dérision les autres anatomistes, qu’il prétend aveugles. Ceux qui ont approuvé son opinion erronée connaîtront le sort des brebis bêlantes : celles qui suivent la première tomberont tête première dans le fossé. [4] Il cite même Riolan, bien qu’il n’ait encore pas donné d’avis sur cette affaire ; mais après qu’il aura réexaminé l’utilité médicale de ces lactifères, il déclarera à nouveau sereinement ce qu’il pense de ceux qu’on vient de trouver. [5][13]
Page 3. Vient ensuite la description de la découverte : Un certain réservoir membraneux, [14] dont la taille égale, du moins chez les bêtes, l’intervalle qui est compris entre les psoas, devant les vertèbres lombaires, reçoit la liqueur que recueillent les lactifères éparpillés dans le mésentère, c’est-à-dire le chyle, et le répand dans ceux qui, tapis dans le thorax et formant un conduit ininterrompu, le font progresser jusqu’au tronc de la veine cave supérieure. [15] Il se mêle intimement au sang à l’entour des veines jugulaires externes, pour être détourné dans le ventricule droit du cœur. [16] Il remarque ensuite que le chyle devra se précipiter dans le gouffre du cœur car les valvules des jugulaires l’empêchent entièrement et sans peine d’y [Page 147 | LAT | IMG] monter. Il ne dit ni les dimensions ni la capacité de ce réservoir, bien que les veines lactées soient innombrables car elles parcourent la totalité des intestins, dont la longueur égale sept fois la hauteur du corps. [17] En outre, la plus grande partie des intestins occupant le ventre et même le bas-ventre, comment toutes les veines lactées peuvent-elles confluer dans ce réservoir situé entre les deux reins, et pourquoi est-il placé à cet endroit ? Comment aussi d’innombrables veines lactées peuvent-elles se résoudre en deux veinules qui font monter le chyle jusqu’aux subclavières ? [18] Étant toute proche, la veine cave inférieure [19] lui offrait une voie plus courte et plus commode. Si le mésentère devenait entièrement squirreux, [20] ce cheminement du chyle serait bloqué et il faudrait mourir ; [21] mais contre une telle catastrophe le foie, le pancréas, [22] la rate [23] reçoivent des veines directement issues de l’estomac qui aspirent le chyle et l’apportent au foie, [24] et quelques-uns ont estimé qu’elles y dérivent sa partie la plus subtile avant qu’il ne parvienne aux intestins et aux veines mésaraïques. Il a omis de mentionner ces voies.
Si les veines lactées, qui sont innombrables, confluaient dans ce réceptacle particulier et y déversaient le chyle, il devrait s’en écouler vers les veines subclavières aussi rapidement [Page 148 | LAT | IMG] qu’il y a afflué. Néanmoins, après la mort de l’animal, [25] bien que les veines lactées demeurent apparentes, il ne subsiste aucune trace de cette cavité recevant le chyle, ni des deux autres canaux qui le conduisent aux subclavières. Ensuite, si cette confluence d’innombrables veines dans cette cavité y apporte un copieux volume de chyle, il faut que son transfert vers les subclavières soit également copieux. [6] Il doit donc exister une proportion entre les veines lactées qui alimentent ce réservoir en chyle et les deux canaux qui l’évacuent vers les subclavières, mais aussi entre ces deux chylifères thoraciques et le sang qui jaillit du cœur en grande abondance. Comment toutefois les deux petits lactifères qui sortent de cette cavité peuvent-ils avoir un débit égal à celui de toutes les veines chylifères réunies, puis faire monter, à vitesse et volume suffisants, une telle abondance de chyle jusqu’aux les subclavières, et enfin procurer au cœur la matière suffisante à la production du sang, alors que le sang ne ralentit pas dans le cœur ? Cela paraît impossible. Je me demande en outre comment cette lacune exiguë peut se distendre pour recevoir suffisamment de chyle, alors qu’elle est placée sous le mésentère et doit supporter tout le poids des intestins, particulièrement en position couchée sur le dos, quand on sait que dans un corps obèse, les membranes adipeuses des reins sont écrasées et étouffées par la graisse éparse [Page 149 | LAT | IMG] comme par celle du mésentère. [7] Il n’explique pas comment le chyle se rue dans le gouffre du cœur et s’il s’attarde dans l’oreillette droite. Ce nom de gouffre semble signifier que le cœur engloutit le chyle par sa vaste ouverture. Notre admirable anatomiste ignore que les jugulaires externes sont dépourvues de valvules, [26] et comment le sang pourrait-il se précipiter dans ces veines éloignées, alors que les jugulaires internes sont là tout près. [8][27] Ajoutez à cela son impéritie quand, chez les bêtes, il appelle subclavières les deux branches de division de la veine cave supérieure, qu’on nomme plus justement axillaires, parce que ces animaux n’ont pas de clavicules : pourtant il leur en attribue, page 9, lignes 21 et 22, et page 10, ligne 16. [9]
De votre propre aveu, il est étonnant que, une fois l’animal mort, ces veines et leur réservoir aient entièrement disparu sans laisser aucune trace visible. [10]
Il continue, à la page 4 du chapitre ii, puis dans les chapitres iii et iv, de raconter, à la louange du vigoureux Jaloux, [28] l’histoire complète de sa bonne étoile, c’est-à-dire pour se faire lui-même valoir, comme Suffenus en sa propre faveur et comme Astydamas à la gloire de son propre ouvrage. [11][29][30][31][32] Moi pourtant, en noble Jaloux, conservateur et défenseur de l’ancienne doctrine, je blâmerai poliment vos sornettes sur l’utilité de ces veines lactées.
Je ne suis pas sans connaître non plus (et vous en procure la référence) ce que Galien a écrit des nouvelles inventions, [Page 150 | LAT | IMG] qu’il conseille de ne pas taire, mais de divulguer, au chapitre ix De la difficulté à respirer : Il est juste et bienvenu, afin de récompenser ceux qui ont fini par découvrir quelque chose de bienfaisant pour la vie, de ne pas taire leurs inventions et de ne pas les tenir cachées aux hommes, mais de faire connaître le raisonnement et la méthode qu’ils ont employés pour les mettre au jour ; car c’est là ce qui leur vaut l’honneur de notre admiration. [12][33] Toutefois, quand est découvert quelque chose qui peut induire un grand changement en quelque métier solidement établi de longue date, comme est la médecine, il faut longtemps et profondément examiner et peser l’utilité de cette nouveauté ; il convient aussi de recueillir les avis de doctes et sages praticiens, aguerris à la pratique de l’art, afin de ne rien trancher imprudemment et à la légère, qui puisse être à la fois ridicule et dangereux pour la santé ; mais c’est ce à quoi vous vous exposez en vous prononçant sur l’utilité de votre trouvaille. Wirsung a écrit de Padoue [34] à Riolan pour solliciter son avis sur le canal pancréatique qu’il avait mis au jour ; [13][35] comme a fait Harvey qui, après avoir médité pendant 24 années sur la question, n’a pas encore osé exposer les utilités de sa circulation du sang (pour la pratique de la médecine), parce que, dit-il, il faut établir ce qui existe avant d’examiner pourquoi cela existe. [14][36][37]
[Page 151 | LAT | IMG] Page 13. Jusqu’à présent, l’opinion, contraire à la vérité, a été que le chyle progressait du mésentère jusque dans le parenchyme du foie, viscère auquel on attribuait la prérogative de fabriquer le sang destiné au reste du corps, parce qu’on voit que le chyle n’est détourné ni vers le foie, ni vers la veine porte, ni vers la veine cave, à proximité des artères rénales. [15][38] Aselli, le premier à avoir trouvé les veines lactées, s’est donc trompé, et il rêvait quand il décrivait et dessinait en couleurs les quatre branches ou canaux lactés qui gagnent le foie. [16] De Wale voyait trouble quand, outre ces canaux, il en a observé d’autres qui se rendent dans le pancréas et dans la veine cave, et les autres auteurs qui l’ont confirmé n’y ont pas vu plus clair.[17] Peut-être les avez-vous vus, mais détruits afin de rendre votre découverte plus admirable aux yeux de ceux qui vous regardaient disséquer. Pourquoi ne vous servirais-je pas ce propos d’Avicenne : « Si toi et moi ne voyons pas ceci ou cela, est-ce une preuve de son inexistence ? » [18][39] Vous ne pouvez approuver ce qu’a dit Bartholin, chapitre iii de son opuscule sur les veines : « Seule l’ignorance de leur tronc commun tient les savantes gens en suspens, et la question serait résolue si quelqu’un démontrait qu’il aboutit dans le foie. » [19][40] Et s’il a mis en doute le cheminement des veines lactées et leur aboutissement dans le foie, il a changé d’avis dans la dernière édition de son Anatomia, en les y ajoutant et décrivant, par écrit et à l’aide de gravures. [20][41] Pour ma part, je soutiens que, par la grande prévoyance de la nature, [Page 152 | LAT | IMG] ces quatre canaux ne se réunissent pas en un tronc, de crainte qu’un chyle impur ne puisse aisément l’obstruer et que la distribution du chyle, qui est nécessaire à la vie, ne s’en trouve interrompue : si un ou deux d’entre eux se bouchent, les autres demeurent perméables et continuent d’assurer le passage du chyle. En revanche, si vos deux veines lactées thoraciques se trouvent obstruées, c’en est fini de la vie car le chyle ne parvient plus au cœur ; et je ne vois pas comment ils pourraient se rouvrir alors, quand la force d’un médicament liquide ne peut les atteindre en s’élevant jusqu’à eux. [21][42]
Bien qu’il mette le texte en exergue (italique), Jean ii Riolan ne cite pas Jean Pecquet mot à mot : il y glane des fragments, avec une exactitude imparfaite, et les met bout à bout pour reconstituer le propos de Pecquet, qu’il outre quelque peu à son désavantage en y supprimant les nuances qui peuvent le modérer ou le justifier. Chacun pourra vérifier ce procédé en relisant la source (pages 2 et 3, chapitre i des Experimenta nova anatomica). Ici comme par la suite, j’ai donc mis en italique, mais sans guillemets, les citations riolaniques, qui se réfèrent à la pagination de la première édition des Experimenta nova anatomica (1651), légèrement décalée par rapport à celle de la seconde (1564) qui est reprise dans la nôtre.
V. les notes [6] et [7] du chapitre susdit pour William Harvey, Jan de Wale, Johann Vesling, Hermann Conring et Thomas Bartholin.
En inversant les mérites des musiciens, Jean ii Riolan résumait le début du chapitre i, livre ii de la Métaphysique d’Aristote : {a}
« La science qui a pour objet la vérité, est difficile sous un point de vue, facile sous un autre. Ce qui le témoigne, c’est qu’il est impossible que personne atteigne complètement la vérité, et que tout le monde la manque complètement. Chaque philosophe explique quelque secret de la nature. Ce que chacun en particulier ajoute à la connaissance de la vérité n’est rien sans doute ou n’est que peu de chose ; mais la réunion de toutes les idées présente d’importants résultats. De sorte qu’il en est ici, ce nous semble, comme de ce que nous disons dans le proverbe : “ Qui ne mettrait pas la flèche dans une porte ? ” {b} Considérée ainsi, cette science est chose facile. Mais l’impossibilité d’une possession complète de la vérité, dans son ensemble et dans ses parties, montre tout ce qu’il y a de difficile dans la recherche dont il s’agit. Cette difficulté est double. Toutefois, elle a peut-être sa cause non pas dans les choses, mais dans nous-mêmes. En effet, de même que les yeux des chauves-souris sont offusqués par la lumière du jour, de même l’intelligence de notre âme est offusquée par les choses qui portent en elles la plus éclatante évidence. Il est donc juste d’avoir de la reconnaissance non seulement pour ceux dont on partage les opinions, mais pour ceux-là mêmes qui ont traité les questions d’une manière un peu superficielle, car eux aussi ont contribué pour leur part. Ce sont eux qui ont préparé par leurs travaux l’état actuel de la science. Si Timothée n’avait point existé, nous n’aurions pas toutes ces belles mélodies ; mais s’il n’y avait point eu de Phrynis, il n’eût point existé de Timothée. » {c}
- traduction d’Alexis Pierron et Charles Zevort (1840).
- Quel archer serait assez maladroit pour manquer la porte qu’il vise ?
- Aristote tenait Phrynis, natif de Lesbos à la fin du ve s. av. J.‑C. pour l’inventeur de la musique. Son contemporain Timothée, natif de Milet, l’aurait surpassé dans l’art de la mélodie, mais Riolan prenait l’un pour l’autre.
Jean ii Riolan empruntait de nouveau ce passage à la lettre d’Adrien Auzout : v. note [5] de sa Préface.
Allusion ironique de Jean ii Riolan à Rabelais et à ses « moutons de Panurge » : v. note Patin 28/413.
V. note [8], Experimenta nova anatomica, chapitre i, pour la sentence de Jean ii Riolan sur les lactifères mésentériques dans son « Manuel anatomique et pathologique » publié en 1649.
Riolan parlait très volontiers de lui à la troisième personne. Ma traduction ne l’a pas toujours suivi dans son infatuation. Plus loin, il va s’adresser à Jean Pecquet directement et indirectement, en utilisant la deuxième (vous) et la troisième personne (il).
Chez l’homme adulte, le débit du canal thoracique est d’environ 2,5 litres par jour, combinant le chyle d’origine intestinale et la lymphe qui provient de tout le bas du corps (sans la tête et les membres supérieurs).
Les « membranes adipeuses » de l’abdomen étaient les amas de graisse qui s’accumulent entre les feuillets du péritoine (épiploons), autrement nommés fraise ou coiffe. Les reins sont situés en dehors du péritoine, derrière le mésentère, mais leur loge fibreuse est elle aussi riche en graisse, à proportion de la corpulence. Pour Jean ii Riolan (Manuel anatomique et pathologique, 1661, livre second, chapitre xxix, Des Reins, page 224), la séparation était plus confuse :
« Ils ont une membrane fort déliée, qui est fortement attachée à leur chair, et une autre plus lâche, qui est entourée de beaucoup de graisse, que l’on appelle membrane grasse ou adipeuse des reins, qui sert à les envelopper et qui est produite du péritoine. »
Sans prendre la peine de le dire, Jean ii Riolan parle ici de la confluence entre les canaux thoraciques et les veines de la base du cou. {a} Sous la plume de Jean Pecquet, le mot « gouffre », gurgitem, figure dans l’antépénultième paragraphe du chapitre ii des Experimenta nova anatomica (page 6) :
Εκβολας noto pronas oculis, et spectantibus manifestas scaturigines ; foraminula scilicet, paulò infra Iugulares venas, et axillarium cataractas, numerosis ostiolis hiscentia. Sed et Iugularium illic valvulas observo ruituro in cordis gurgitem Chylo faciles ascensu penitus interdicere.« Mes yeux contemplaient le jaillissement d’authentiques torrents, issus de nombreux petits pertuis dont les orifices sont situés un peu sous l’abouchement des veines jugulaires dans les veines axillaires. {b} En outre, à cet endroit, j’observai la présence de valvules jugulaires disposées pour faciliter la ruée du chyle dans le gouffre du cœur et lui interdire entièrement de monter vers le cou. »
- La « vaste ouverture » (amplus hiatus) me semble désigner l’orifice atrioventriculaire (tricuspide) droit.
- En anatomie humaine, les deux veines jugulaires, externe et interne, s’abouchent séparément dans les subclavières et leurs terminaisons sont toutes deux valvulées. Chez le chien, la jugulaire externe est largement dominante, et c’est elle (CC) qui est représentée, avec sa valvule, dans la première figure de Jean Pecquet (en estimant évident qu’il s’agit de l’externe). Riolan faisait doublement preuve de mauvaise foi.
V. note Patin 18/192 pour l’idée que Riolan se faisait de la circulation du sang, dont le sens s’inversait plusieurs fois par jour dans les veines (centripète et centrifuge, en alternance), en particulier dans le réseau de la veine porte.
Dans l’édition de 1654 des Experimenta nova anatomica, ces trois erreurs (emplois des mots claviculas, subclavias et subclavios) figurent dans les deux derniers paragraphes du chapitre iii (pages 9‑10). Jean Pecquet s’en est excusé à la fin du chapitre ii (v. sa note [8]).
Le propos exact de Jean Pecquet (à qui Jean ii Riolan s’adresse ici directement) est :
Verùm, quâ tandem viâ, quibus meatibus, eò Chylus devolveretur, non licuit ob exhaustum animalis jamdudum mactati mesenterium, evanescentibus planè Lacteis cum expressi liquoris effluxu deprehendere. {a}« Toutefois, je n’eus pas la liberté de chercher le chemin que suit le chyle pour parvenir finalement à ces méats, car mes compressions avaient vidé le mésentère de cet animal déjà mort depuis un bon moment, et on ne voyait plus du tout de liquide dans ses lactifères. »
- Avant-dernier paragraphe de la première dissection, chapitre ii, page 6, 1654, et dernier paragraphe, mêmes page et chapitre, 1651, avec remplacement de demonstrare par deprehendere.
V. note [2], Experimenta nova anatomica, chapitre ii, pour le commentaire de ce passage emprunté à Jean Pecquet, où le « vigoureux Jaloux » désigne Dieu dans l’Exode.
V. note Patin 48/8211 pour Suffenus, modèle romain du poète infatué de lui-même dans Catulle.
La Souda {a} contient cet article sur Astydamas l’Ancien, poète tragique grec du ve s. av. J.‑C. (traduit partiellement de l’anglais) :
« Astydamas, fils de Morsimus, ayant remporté la palme avec sa tragédie Parthenopæus, les Athéniens lui accordèrent le droit de dédicacer son effigie dans le théâtre. Il composa cette prétentieuse inscription sur sa propre personne :“ Que ne suis-je né à la même époque que ceux qui passent pour être nos maîtres en poésie, ou que ne sont-ils mes contemporains ! car en vérité on jugerait que je leur suis bien supérieur ; mais maintenant ils l’emportent, grâce au temps qui les protège contre l’envie. ” » {b}
- V. note Patin 47/8201.
- Traduction de Fr. Jacobs (1863), à partir de l’original grec, de la seule épigramme qui ait survécu de tous les vers composés par Astydamas. Son infatuation heurta les Athéniens qui la refusèrent et condamnèrent son auteur à une forte amende. Le poète comique Philémon en a fait ce vers proverbial : Σαυτην επαινεις, ωστερ Αστυδαμας, γυναι [Se louer soi-même comme Astydamas].
Dans l’édition de Kühn, cette référence correspond au chapitre i, livre ii, De difficultate respirationis (volume 7, page 826), où Galien honore ceux (dont lui-même fut un des plus prolixes) qui ont enrichi la doctrine d’Hippocrate en commentant utilement ce qu’il a écrit sur le sujet.
Dans ses Opera anatomica vetera et nova (pages 811‑814), {a} Jean ii Riolan a publié la lettre que Johann Georg Wirsung lui a écrite et la réponse qu’il lui a faite. {b}
Recordatio etiam in distanti piam renovat amicitiam, ita mihi contigit, Vir Clarissime, Amplissime, et olim Præceptor, mihi æternum colendissime, licet per 23. annos continuos, clarissima tua præsentia, et prima luce mea Anatomica privatus sim, non possum tamen, quin omni tempore, præsertim eo, quo primitus doctrinâ tuâ et demonstratione lucidissima instructus et imbutus fuerim, tui piissimam recordationem, et mentionem faciam, simul et beneficiorum tuorum in me collatorum infinitas tibi recenseam gratias, unáque fidelitatis tuæ stigma animo meo impressum renovem. Quod tibi attestabitur Clarissimus Vir, et quondam meus Præceptor Gaspar Hormannus, Professor Altorffiensis. Cujus stimulo hisce paucis te molestare, ut ante feci ausim. Non minus clarissimus et mihi familiarissimus vir Paulus Marquartus Slegel, Professor Ienensis, et omnis is, qui ex Schola vestra Parisiensi ad nostram Patavinam pervenit, quod præstare potest doctissimus vir harum lator. Rogavi namque à clarissimo Hofmanno, ut et ipse à te faceret, petii sententiam de usu et actione ductus cujusdam in Pancreate noviter reperti, sed cùm à neutro hucúsque quidquam impetraverim, non nisi magna distantiæ loci, et transmittendarum literarum difficultati adscribere possum. Nacta itaque bona hac occasione per præsentem harum latorem humillimè repeto, et ut olim, ita et nunc, ad verum fontem, et principium, unde cœpi recurro. Ductus præfatus, cujus Icones hic habes, in hunc modum se habet, orificium aut principium, si ubi major truncus ibi principium dicere liceat, amplum ab intestino duodeno juxta cholidochon deducit, stylum ab intestino pancreas versus difficulter, ab hoc verò in intestinum facilè admittit, et per medium in universum pancreas, secundum longitudinem versus Lienem abit, infinitas ramificationes et minimos tandem surculos latere tenus supra, infra, et subtus vasa splenica, per ipsum pancreas repentia de se spargit. Lienem non adit, quem reperi aliquando, tam in humano, quàm brutorum subjectis duplicem, brevem in loco solito, et longum infrà paulò. Item reperi eundem non solùm in corporibus humanis adultis nuper natis, et fœtibus, verumetiam in simiis, canibus, cattis, suibus, gallinis, muribus, ranis, imò in omnibus, in quibus diligenter inquisivi. Arteriam an venam dicam ? sanguinem nunquam in eo deprehendi, sed succum quendam obscurum, stylum argenteum instar fellis tingentem. Res in aprico est, quidnam sit, et quem usum et actionem habeat, quoniam me latet, ideóque censuræ et judicio tuo humiliter submitto, cogitans, ut si quid certi hac de re constitueris, pro solita tua humanitate et benevolentia mihi aperire non dedigneris, partim ut veritas elucescat, quam semper intrepidus protulisti, partim veró ut hoc pacto nominis tui celebritatem magis adaugere possim, quod me facturuum spondeo, quoad manus meæ à te instructæ, cultellos regere valeant. Plura ne nimium molestus sim non addo, nisi ut valeas, et discipulum olim tuum redamare non desistas. Datum Patavii 7 Julii, 1643.Excellentiæ tuæ
Omni Studio et Observantia,
Jo. Geor. Vvirsungus.[Même à distance, le souvenir ranime la pieuse amitié, et c’est ce qui m’arrive, très brillant et éminent Monsieur, vous qui avez jadis été mon maître et que je vénère pour l’éternité, bien que 23 années entières se soient écoulées sans vous voir, et que je sois privé de ma première et si brillante lumière anatomique. Il m’est pourtant impossible de ne pas rester imprégné et instruit à tout instant, et particulièrement aujourd’hui, par votre science et de vos claires démonstrations, ni de me les remémorer avec profonde vénération et infinie gratitude pour les bienfaits que vous m’avez accordés, ni renouveler la marque de votre fidélité qui s’est imprimée dans mon esprit. Le très distingué M. Caspar Hofmann, {c} professeur d’Altdorf qui fut jadis mon précepteur, vous le confirmera. C’est lui qui m’a incité à oser vous importuner de ces quelques lignes, comme je l’ai précédemment fait. {d} Le non moins brillant M. Paul Markward Schlegel, {e} professeur à Iéna, qui est fort mon ami et m’est tout dévoué, nous est arrivé à Padoue venant de la Faculté de Paris et peut être le très savant porteur de ma lettre. Comme je l’ai fait pour vous, j’ai demandé à M. Hofmann un avis sur l’utilité et la fonction du canal nouveau qu’on a trouvé dans le pancréas, mais je n’ai jusqu’ici eu aucune nouvelle de vous comme de lui, ce que peuvent expliquer la grande distance à parcourir et la difficulté des courriers. Profitant de l’occasion qui s’offre à moi, grâce au présent porteur, {f} je vous sollicite à nouveau, et comme j’ai fait naguère, je reviens maintenant à la source et au socle qui m’ont, construit. Le susdit canal, dont je vous joins le dessin, {g} se présente comme suit : son orifice ou origine < K >, si on admet qu’elle est là où le conduit est le plus large, est vaste et s’ouvre dans le duodénum < G > près du cholédoque < H > ; un stylet y pénètre difficilement de l’intestin vers le pancréas, mais aisément dans le sens inverse ; {h} il parcourt toute la longueur < CCC > du pancréas < AAA, BBB > en direction de la rate < L > ; de tous côtés s’en éparpillent dans la totalité du pancréas une infinité de branches < D > qui donnent naissance à de minuscules rameaux, vers le haut, vers le bas et au-dessous des vaisseaux spléniques < E, F >. Le canal n’atteint pas la rate, qui est parfois double, tant chez l’homme que chez les bêtes, courte là où elle siège ordinairement et longue un peu au-dessous ; {i} on le trouve non seulement chez les humains, adultes, nouveau-nés et fœtus, mais aussi chez les singes, les chiens, les chats, les porcs, les poules, les souris, les grenouilles, et même tous les animaux où je l’ai attentivement cherché. Quant à dire s’il s’agit d’une veine ou d’une artère, je n’y ai jamais trouvé de sang, mais seulement un suc trouble qui teinte un stylet d’argent comme ferait de la bile. Se pose clairement la question de savoir ce qu’il fait et à quoi il sert : comme je l’ignore, je la soumets humblement à votre arbitrage et jugement, en pensant que si vous avez quelque certitude à ce sujet, vous ne dédaignerez pas de men faire part, suivant votre amabilité et bienveillance coutumières, pour que luise la vérité, dont vous avez toujours brandi le flambeau sans trembler, mais aussi pour que je puisse ainsi grandement accroître l’éclat de votre renom, comme je promets de le faire, car c’est vous qui avez formé mes mains à manier correctement les scalpels. Ne voulant pas vous importuner plus longtemps, je n’ajoute à cela que mon souhait que vous demeuriez en belle santé et ne cessiez pas de rendre à votre ancien élève l’affection qu’il vous porte. De Padoue, le 7 juillet 1643.
J’assure entièrement votre excellence
de mon zèle et de mon obéissance,Johann Georg Wirsung].
- Paris, 1649, v. Bibliographie.
- V. note [5], Dissertatio anatomica, chapitre x, pour Wirsung (mort en 1643). John Donley en a donné une bonne traduction anglaise dans un article intitulé Wirsung to Riolan on the pancreatic duct and Riolan’s reply (Boston Med. Surg. J. 1923 ; 188 : 229‑232).
- V. note [7], Brevis Destructio, chapitre i.
- Quelques lignes plus bas, Wirsung allait confirmer qu’il avait déjà sollicité l’avis de Riolan, mais qu’il ne lui avait pas répondu.
- V. note [20], Brevis Destructio, chapitre i.
- Les porteurs privés étant alors toujours plus sûrs que la poste, Wirsung confiait sa lettre à Schlegel, qui la remettrait à Riolan en repassant par Paris lors de son retour en Allemagne.
- La publication de Wirsung s’est limitée à une gravure diffusée en 1642. Dans ma traduction, j’ai ajouté entre chevrons les < repères > qui correspondent à la légende de ce dessin.
- Franchissement de l’ampoule de Vater (v. note [28], Nova Dissertatio, expérience i) plus facile dans le second sens que dans le premier.
- Présence non exceptionnelle d’une rate surnuméraire, mais une seule est représentée sur le dessin.
La réponse de Riolan ne manque pas d’intérêt car elle éclaire une facette de sa vie, et sa curieuse manière de raisonner sur l’interaction du chyle et du pancréas avant la parution du livre de Jean Pecquet :
Eruditissimo Medico Anatomes et Chirurgiæ Professori peritissimo D. Virsungo, Joannes Riolanus, Regina Matris Exarchiatros, Anatomes, et Pharmaciæ Professor Regius atque Professorum Collegii Decanus.Revocas me ad studium Anatomicum, quod per decennium intermiseram, accitus ad Aulam Reginæ Matris, fungens officio primarii Medici ; miserabilem ejus fortunam sequutus, in diversis peregrinationibus, atque in aula turbulenta, mihi non licuit Musis Anatomicis tranquillè litare, cùm essem distractus à theatro Anatomico Parisiensi, et mea jucundissima Bibliotheca, quæ nunc est meæ senectutis solatium et oblectamentum. Ideóque tua invitatio mihi gratissima est, ad perscrutandum istum canalem in pancreate à te repertum. Ac sanè non possum non laudare tuam industriam, ac solertiam in rebus Anatomicis indagandis, qui deprehenderis, quod manus meas oculatas in contrectando sæpius pancreate effugerat, quamvis monitus fuerim à Fallopio repertas à se in pancreate venulas prorsus ab Hepate separatas, deferentes oleaginosum humorem, quo pars ipsa scatet, et turget. Figmentum Fallopii olim judicavi, et ita scripsi in mea Anthropographia Gallica auctiore ex Mantissa, quam traductori subministravi : animadverteram quoque intra pancreas plures venas hinc inde sparsas, quas primus vocavi Pancreaticas. Sed Icon à te delineata canalis pancreatici propagationem accuratè demonstrans, me cogit prædicare tuum admirabile inventum, ad cognitionem et curationem morborum hypochondriacorum utilissimum, quod meritò possum æquiparare, imò præferre inventioni venarum lactearum, absque ullo Asellii Medici præstantissimi et Anatomici præjudicio, ut paucis exponam. Suppono conformationem istius canalis talem esse, uti depinxisti, nec enim adhuc licuit eum observare in cadaveribus suspensorum, vel in nosodochiis publicis ob aeris inquinamenta : hoc posito, assevero verum pancreatis usum à nullo Anatomico, præterquam Fernelio, fuisse probè cognitum. Hallucinantur enim omnes, dum culcitram ventriculi esse dicunt, alii fulcrum venæ Portæ et rami splenici, alii spongiam vapores culinæ absorbentem. Doctissimus Virsungus existimat pancreas chylum ante præparare jecori, quam distribuatur, et ad pancreas chyliferas venas coire, inde in Hepar deferri. Itaque canalis transversim situs, et immersus pancreati, et perforatio in intestinum duodenum juxta foramen ductus bilarii, manifestè demonstrant ad eosdem usus utrumque canalem conditos fuisse, ut enim bilarius ab Hepate directè productus ad intestinum bilem crassam ex radicibus portæ, vel cavis partibus Hepatis secretam deducit, sic alter ramus crassiorem, viscidam, ac pituitæ permixtam bilem ex chylo secretam à pancreate repurgat, et excernit in idem instestinum. Propterea Pancreas emunctorium Hepatis et Lienis appellarem, quia chylum per ejus substantiam traductum defæcare solet. Nec enim chylus vasis excidit, sed in ipsis manet, parenchyma glandulosum pancreatici recipi, colligit hinc inde dispersas venas lacteas, et à chylo sordes exsugit, nisi fuerint à mesenterii glandulis attractæ, vel in adipem diffusæ. Quòd si per canalis pancreatici foramen chylus eliceretur ab intestino duodeno, hæc duo incommoda succederent, vel cum chylo fel ab Hepate continenter fluens ad se raperet, sícque chylus inquinaretur, vel in vomitionibus coactis eliciti humores à folliculo fellis, et ab Hepate ex violenta concussione, ac veluti convulsione ventriculi, qui vicinas partes exagitaret, excuteret, similiter chylus rubefactus ab ipso pancreate educeretur magna copia : At hoc non observatur, imò cùm varietas humorum per vomitum rejiciatur, non possunt ab iisdem locis jecoris et folliculi manare : Lien verò non potest expurgari vomitu, nisi per vas breve, si fuerit amplum, etiam assuetum vacuandis sordibus, alioqui vena est nutriendo ventriculo dicata. Ergo pancreas suppeditat magnam portionem istius humoris varii et multiplicis, qui vomitu rejicitur, per istum canalem in duodenum : inde ruit in ventriculum, sícque facilis et brevis est via expurgandæ illuviei primæ regionis, quæ in cavis partibus Hepatis, Pancreate et Liene cumulata firmiter inhærescit, quando est apparata ad excretionem, natura viam istam monstrante, vel fotibus eliquata, fluxilis reddita fuerit. Atque ita febrium diuturnarum malignarum, atque chronicorum morborum fomes, qui delitescebat in Pancreate eruitur, atque excernitur per vomitum, qui quidem humor nullo morbo cedebat medicamentis per inferiora vacuantibus. Hæc mea est de usu Physico, et Medico, canalis istius Pancreatici sententia, quam tuo et peritorum Anatomicorum judicio subjicio.
[Jean Riolan, ancien premier médecin de la reine mère, {a} professeur royal d’anatomie et pharmacie, et doyen des professeurs de leur Collège, à M. Wirsung, très savant médecin et compétent professeur d’anatomie et chirurgie.
Vous me ramenez à mon étude de l’anatomie, que j’avais mise de côté pour remplir ma charge de premier médecin auprès de la reine mère. Ayant suivi son misérable destin et ses pérégrinations variées, dans les turbulences de la cour, je n’ai pas eu la liberté de me consacrer paisiblement aux muses anatomiques, étant éloigné de l’amphithéâtre parisien et de ma très plaisante bibliothèque qui est désormais la consolation et le divertissement de ma vieillesse. Votre sollicitation à examiner ce canal que vous avez trouvé dans le pancréas m’est donc fort agréable. Il m’est strictement impossible de ne pas louer la dextérité et la finesse de vos recherches anatomiques. Ce que vous avez vu avait échappé à mes clairvoyantes mains quand j’explorais le pancréas. Les petites veines que Fallope y a trouvées, sans aucun rapport avec le foie, contenant une humeur huileuse, qui s’y répand et les enfle, avaient jadis attiré mon attention, mais j’avais conclu à un produit de son imagination, comme je l’ai écrit dans l’édition française de mon Anthropographie, avec une addition que j’ai transmise à mon traducteur. {b} J’avais aussi remarqué dans le pancréas plusieurs veines éparpillées çà et là, que j’ai été le premier à appeler pancréatiques. {c} Votre dessin montre la distribution précise du canal pancréatique et me pousse à prédire que votre admirable découverte sera extrêmement utile à la compréhension et au traitement des maladies hypocondriaques. {d} Ainsi que je vais brièvement l’expliquer, je puis légitimement la rendre égale et même supérieure à celle des veines lactées, sans du tout préjudicier à Aselli, qui fut un très éminent médecin et anatomiste. Je gage que la conformation de ce canal est telle que vous l’avez dépeinte, mais il ne m’a pas encore été permis de l’observer sur les cadavres de pendus, ni dans les hôpitaux publics, en raison de leur air vicié. {e} Cela dit, j’affirme qu’à l’exception de Fernel, {f} aucun anatomiste n’a bien compris la fonction du pancréas : tous se trompent quand ils le disent être le matelas de l’estomac, le tréteau de la veine porte et de la branche splénique, ou l’éponge qui absorbe les émanations de la cuisine corporelle. Vous estimez, très savant Wirsung, qu’il prépare le chyle avant qu’il ne se distribue dans le foie, et que les veines chylifères convergent vers le pancréas avant d’y monter. Ce canal enfoui dans le pancréas a une position transversale et s’ouvre dans le duodénum par un orifice situé à côté du méat biliaire, ce qui démontre manifestement que tous deux sont là pour remplir une fonction similaire : le cholédoque sort directement du foie pour déverser dans l’intestin la bile épaisse sécrétée par les racines de la porte ou par la concavité hépatique ; l’autre canal purge la bile plus épaisse, visqueuse et mêlée de pituite que le pancréas a extraite du chyle et l’élimine dans le susdit intestin. Je dirais donc que le pancréas est l’émonctoire du foie et de la rate, car le chyle qui le traverse a pour habitude d’y décanter : le chyle ne sort pas des vaisseaux, il y demeure et est reçu par le parenchyme glanduleux du pancréas, où il arrive de tous côtés par les veines lactées, pour être débarrassé de ses ordures, qui sinon seraient captées par les glandes du mésentère ou diffuseraient dans la graisse. Deux incommodités surviendraient si le duodénum ne drainait pas le chyle issu du canal pancréatique : mis au contact de la bile issue du foie, le chyle l’attirerait à lui et s’en trouverait souillé ; les efforts de vomissement provoquent un violent ébranlement et comme une convulsion de l’estomac qui, en comprimant et secouant les parties voisines, chasse les humeurs de la vésicule biliaire et du foie, et devraient de même façon entraîner l’expulsion d’une grande quantité de chyle qui a été rougi par le pancréas. Pourtant cela ne s’observe pas car même quand le vomissement expulse une variété d’humeurs, elles ne peuvent provenir des mêmes endroits du foie et de la vésicule. Puisque le vomissement ne peut évacuer la rate, hormis à l’aide du vas breve s’il est de gros calibre et habitué à vidanger les ordures, car c’est une veine normalement destinée à nourrir l’estomac, {g} c’est donc le pancréas qui procure la plus grande partie des diverses et multiples humeurs que rejette le vomissement, et ce par son canal qui s’abouche dans le duodénum. Leur reflux dans l’estomac procure une voie simple et courte qui permet de purger les détritus de la première région abdominale : ils s’accumulent et s’accrochent solidement dans la concavité hépatique, le pancréas et la rate ; et quand il sont prêts à être éliminés, la nature leur ouvre ce chemin, après qu’ils ont été rendus fluides et subi des fomentations qui les ont clarifiés. C’est ainsi que le vomissement expulse et élimine l’aliment des fièvres prolongées malignes et des maladies chroniques, qui se cachait dans le pancréas ; et en aucun cas, les médicaments qui purgent par voie basse n’auraient chassé cette humeur. {h} Voilà mon avis sur l’utilité physiologique et médicale de votre canal pancréatique ; je le soumets à votre jugement et à celui des anatomistes compétents].
- Marie de Médicis, morte en juillet 1642 : v. infra notule {e}, note [14].
- Œuvres anatomiques de Me Jean Riolan…, {i} livre second, chapitre xvi, page 270 :
« Fallopius reconnaît dans la partie cave du foie je ne sais quels conduits qui déchargent certaine humidité jaunâtre et oléagineuse dans les glandes du pancréas, où ils sont continués : c’est en l’observation 3 du livre des Veines ; {ii} mais certes il ne m’est jamais arrivé de voir ces canaux, et je croirais volontiers, à cause de la saveur de ces glandes, que l’histoire en est fabuleuse. »
- Paris, 1629, v. note Patin 8/307.
- V. note [3], Historia anatomica, chapitre xv, pour ce passage du traité de Gabriel Fallope sur les veines et le jugement favorable que Thomas Bartholin en a donné.
- Je n’ai pas trouvé d’autre texte où Riolan a employé ce terme.
- V. note Patin 6/673.
- Riolan me semblait vouloir dire qu’il ne travaillait pas sur les cadavres des hôpitaux à cause de leur puanteur, et se limitait aux corps des suppliciés que la justice abandonnait à la faculté pour une dissection dans son amphithéâtre.
- Dans le livre sixième de sa Pathologie (Paris, 1655, v. note [17], Dissertatio anatomica, chapitre xi), chapitre vii, Les maladies du mésentère et de ce qu’on nomme pancréas, leurs causes et leurs signes (pages 423‑426), Jean Fernel tient ces deux parties pour la « sentine du corps », c’est-à-dire pour son égout, et que leur situation profonde a fait que « leurs maladies n’ont point été remarquées et que les Anciens n’en ont rien laissé par écrit. Néanmoins, je peux assurer et protester que j’ai souvent découvert dans ces parties-là les causes de la colère, de la mélancolie, de la diarrhée, de la dysenterie, de la cachexie, de la consomption, des fièvres lentes et erratiques, et enfin des maladies cachées, lesquelles causes étant ôtées de là, ces malades déplorés revenaient en santé. »
- V. note [20], Dissertatio anatomica, chapitre xi, pour ce vaisseau imaginaire qui joint l’estomac à la rate.
- À partir de l’observation anatomique de Wirsung, Riolan échafaudait un raisonnement extravagant pour expliquer les obscures et graves maladies qui, selon Fernel, couvaient dans les tréfonds du mésentère. Il concluait que le vomissement permettait de les soigner efficacement, mais sans apparemment se rendre compte qu’il se faisait ainsi le chantre des médicaments émétiques, dont le plus efficace était l’antimoine, qu’il pourchassait comme le pire poison de la pharmacopée.
William Harvey, Exercitatio altera ad J. Riolanum, in qua multæ contra circuitum sanghinis objectiones refelluntur [Second Essai contre J. Riolan, où sont réfutées de nombreuses objections contre le circuit du sang] (pages 85‑86) : {a}
Adeo iis qui circulationem repudiant, quia neque efficientem neque finalem causam vident, cui bono fiat, quia adhuc nihil adjunxi, restat demonstrandum. Prius in confesso esse debet, quod sit circulatio, ante quam propter quid fiat, inquirendum : nam ex iiis, quæ in circulatione et hâc positâ obveniunt, usus et utilitates, investigandæ sunt. {b} Interim dicam, quod sunt in Physiologia, pathologia, et therapeia recepta, quorum causas, non novimus, esse famen nullus dubitat ; videlicet, febrium pitridarum, revulsionis, et purgationis excrementorum ; ea omnia, tamen, circuitus beneficio intelliguntur.Quicunque itaque circulationem controvertuntur, eò quod problemata medicinalia (state circulatione) solvere non possint ; aut in morbis curandis, et medicamentis usurpandis, apparentium causas exinde colligere nequeant ; aut causas receptas a præceptoribus falsas esse videant ; aut approbatas priùs opiniones relinquere indignum putent ; et per tot sæcula traditam disciplinam, veterumque autoritatem, in dubium vocari nefas existiment.
« Pour ceux qui rejettent la circulation parce qu’ils n’en voient ni la cause efficiente ni la cause finale, il reste à démontrer à quoi elle sert, car je n’en ai point encore parlé. On avouera cependant qu’il fallait chercher d’abord si la circulation existe avant de chercher à quoi elle sert. {b} Examinons donc l’usage et les avantages des vérités qui dérivent de la circulation. On admet en physiologie, en pathologie et en thérapeutique bien des choses dont nous ne connaissons pas les usages, et dont pourtant personne ne doute, comme les fièvres putrides, les révulsions, les purgations : eh bien, tous ces faits s’expliquent parfaitement par la circulation.
Il y a des auteurs qui attaquent la circulation parce qu’ils ne peuvent résoudre par là certains problèmes médicaux, ou grouper les conséquences qu’elle entraîne pour la guérison des maladies et l’emploi des médicaments, ou parce qu’ils trouvent inexactes les causes indiquées par les maîtres, ou parce qu’ils jugent criminel d’abandonner les opinions reçues et considèrent comme un sacrilège de douter d’une doctrine admise depuis tant de siècles, et de mettre en doute l’autorité des Anciens. » {c}
Cette explication de Harvey n’avait pas satisfait Jean ii Riolan, comme en atteste sa Responsio ad duas Exercitationes anatomicas postremas Guillielmi Harvei… de Circulatione sanguinis [Réponse aux deux derniers Essais anatomiques de William Harvey… sur la Circulation du sang] (Paris, 1652), chapitre i, pages 5‑6 {d} :
Memini quum in Anglia me tuâ visitatione cohonestares, quæsiisse, quid sentirem de tua Circulatione Sanguinis : laudaui, et approbaui tuam subtilem et ingeniosam inuentionem, sed eius reductionem ad vsum Medicum, accuratè demonstratum tuum efflagitaui, quam pollicitus fueras, et adhuc expecto, et vehementer exopto. Non potui tunc temporis meas dubitandi rationes tibi proferre, quia extorris, et transfuga in Angliam, cum serenissima Regina mea Domina, tanquam Asylum, et tutissimum salutis portum (ut ipsa sperabat) sed nostrarum rerum aulicarum perturbatione agitata mens, non poterat tranquillè vacare litteris, atque liberè sese explicare in Angliâ, Gallis inimicâ. Ideóque ingenuè fateor, me decem annorum in Aula Reginæ, et postea trium spatio in afflictione perpetua morborum, iacturam studiorum non leuem fecisse, præter dispendium meæ fortunæ irreparabile.Sic mihi tarda fluunt, ingratáque tempora, quæ spem
Consiliúmque morantur agendi gnauiter, id quod
Æquè pauperibus prodest, locupletibus æquè,
Æquè neglectum pueris, senibúsque nocebit.
Horat. epist. i. lib. i.[Durant mon séjour en Angleterre, {e} quand vous me fîtes l’honneur de me rendre visite, je me souviens que vous vous étiez enquis de mon sentiment sur votre circulation du sang : je louai et approuvai la subtilité et l’ingéniosité de votre découverte, {f} mais vous demandai avec insistance de me prouver quel était exactement son intérêt pour la pratique médicale ; vous m’aviez promis de le faire, mais j’attends encore votre réponse et la souhaite ardemment. Je n’ai pu alors vous exposer les raisons de mes doutes parce que j’étais un transfuge exilé en Angleterre, qui accompagnait Madame sa sérénissime reine, pour y trouver (comme elle l’espérait) un asile et très sûr port de salut, et que j’avais l’esprit agité par le trouble des affaires de notre cour. Il m’était impossible de vaquer sereinement aux échanges de lettres et de m’y justifier librement en Angleterre, alors ennemie des Français. Je vous avoue donc sincèrement que mes dix années de service auprès de la reine, {g} suivies de trois autres où j’ai été en proie au perpétuel tourment des maladies, {h} m’ont contraint à faire le lourd sacrifice de mes travaux, sans lequel j’eusse irréparablement nui à ma bonne fortune].
Sic mihi tarda fluunt, ingratáque tempora, quæ spem
Consiliúmque morantur agendi gnauiter, id quod
Æquè pauperibus prodest, locupletibus æquè,
Æquè neglectum pueris, senibúsque nocebit.
Horace, épître i, livre i. {i}
- Exercitationes duæ anatomicæ…, Rotterdam, 1649, v. note Patin 40/203
- Passage dont Riolan reprenait ici l’esprit sans respecter la lettre.
- Traduction de Charles Richet, Paris, 1879, pages 220‑221.
- Seconde partie des Opuscula anatomica varia et nova [Opuscules anatomiques divers et nouveaux] (Paris, 1652, v. note Patin 30/282).
- V. notes Patin 19/1038 et [3], Responsio ad Pecquetianos, 2e partie, pour le séjour de Jean ii Riolan à Londres (1638-1641) quand il était premier médecin de Marie de Médicis, alors contrainte à l’exil par son fils, Louis xiii, et par Richelieu, son principal ministre.
- Publiée en 1628.
- De 1632 à 1642, dates de l’exil et de la mort de Marie de Médicis.
- La principale maladie de Riolan était une lithiase urinaire qui l’avait contraint à se soumettre deux fois à l’éprouvante opération de la taille vésicale (1640 et 1641). En outre, à son retour en France, sa disgrâce politique lui fit perdre toute espérance de poursuivre sa carrière à la cour.
- Vers 23‑26 : « Mes jours s’écoulent ainsi, lents et ingrats ; ils reportent mon espérance et mon dessein d’agir courageusement, pour être également utile aux pauvres et aux riches, sur ce qu’enfants et vieillards peuvent négliger sans dommage. »
Quatrième et sixième paragraphes, chapitre v des Experimenta nova anatomica (troisième et dernière dissection).
V. note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre i, pour le livre posthume de Gaspare Aselli (Milan, 1627), illustré de quatre figures tricolores.
V. note [6], Experimenta nova anatomica, chapitre i, pour les deux lettres où Jan de Wale exposait ses opinions fausses sur le mouvement du chyle, parues pour la première fois à Leyde en 1641.
D’autres auteurs ont cité cet adage d’Avicenne (Abu Ali Ibn Sina), dont je n’ai pas trouvé la source dans le Canon, son principal ouvrage (v. note Patin 7/06).
V. notule {g}, note [5] de la lettre d’Adrien Auzout, pour cette citation extraite de l’Anatomia de Thomas Bartholin (Leyde 1651), portant sur le tronc commun des veines lactées mésentériques.
Description par Thomas Bartholin, dans sa même Anatomia (Leyde, 1651), des lactifères du poisson rond (lompe) : v. note [23], préface de la première Responsio.
Comme le pensait Jean ii Riolan (mais non sans quelque ironie), le chyle de Jean Pecquet est indispensable à la vie. Généralement d’origine cancéreuse, l’obstruction de ses voies thoraciques est responsable d’un œdème lymphatique des membres et des parties génitales, d’un épanchement chyleux thoracique et abdominal, et d’une carence de l’organisme en lipides vitaux, laquelle est assez rapidement mortelle quand elle n’est pas traitée (autrement que par un « médicament liquide » qui rétablirait leur perméabilité).
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Pag. 2. Sic autem orditur suum libel-
lum. Istarum venarum inuentor primus
Asellius, venas veras lacteas aperuit, suf-
ficit, non est spernendum indicium, ut ut sit
exiguum. De his mentionem fecere Har-
vevs, Vallæus, Veslingius, Conringius, Bar-
tholinus, et Riolanus : Omnes tamen decepti,
pace tantorum virorum dixerim, quod per
tres, quatuorve ramos chylum ad Hepar
deduci crediderint, quum nullo modo ipsum
attingant. Ipsorum nemo peculiari scrutinio,
lactearum venarum intra thoracem latebras tentavit.Inuentoribus artium magna laus debe-
tur, inquit Aristoteles, eorumque inuentis
facile est addere ; nisi Timotheus Musicam
inuenisset, in ea Phrynis non excelluisset.
Asellius primus istas venas it ; inde
Page 146, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
gloriam ab Anatomicis peritis meruit. Iu-
uenis iste, qui vix primos iuuentutis annos
adeptus est, iudicium eius de traductione
chyli per vias diuersas à venis Mesaraicis,
exiguum, et leuidense iudicat ; atque sper-
nit, ac eludit, cæteros Anatomicos tan-
quam cæcos reputat ; qui erroneam eius
opinionem sequuti sunt, velut oues ba-
lantes, quæ primam sequutæ, in foueam
præcipites feruntur ; Riolanus etiam no-
tatur, quamuis ea de re iudicium suum
pronuntiarit, et ad vsum Medicum istas
venas lacteas reuocarit, et iterum quid
sentiat de istis venis nouiter inuentis, can-
dide postea declarabit.Pag. 3. Nunc sequitur descriptio inuen-
ti novi. Receptaculum quoddam tenuiter
membraneum amplitudinis, quæ ψοων sal-
tem in brutis compleat intercapedinem, supra
lumborum vertebras, disseminatarum in
mesenterio lactearum liquorem excipit la-
cteum, id est chylum, refunditque per eas,
quæ intra thoracem abditæ, ad ramos us-
que subclauios ductu continuo propagantur,
donec intra venæ Cavæ caudicem ascen-
dentem, circa iugulares externas mixtus
cum Sanguine communi, in Cordis ventri-
culum dextrum deriuetur, dein notat iu-
gularium valuulas ruituro in Cordis gur-
gitem chylo, faciles ascensu penitus interdi-
Page 147, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
cere. Istius Receptaculi longitudinem, et
capacitatem non expressit ; Quum sint ve-
næ lacteæ innumeræ per omnia intestina
sparsæ, et longitudo intestinorum circum-
uoluta, septies corporis longitudini sit
æqualis ; Atque quum in ilibus, et imo
hypogastrio magna pars intestinorum ia-
ceat, quomodo venæ lacteæ omnes pos-
sunt ad istud Receptaculum, quod situm
est inter duos renes, confluere ; quod est
instar vesiculæ ibi locatum ? Cum sint ve-
næ lacteæ innumeræ, quomodo possunt
reduci ad duas venulas, quæ deducant
chylum ad subclavias venas ? brevior erat
via et commodior in Cauam descendentem
vicinam. Quod si contingat mesenterium
totum scirrhosum fieri, isthæc anadosis
chyli erit intercepta, et moriendum, sed
in ista calamitate Iecur, Pancreas, Lien
habent venas in ventriculum productas,
quæ exsugunt chylum, deferuntque ad
Hepar, per quas nonnulli existimarunt
tenuiorem chyli portionem ex ipso ven-
triculo in Hepar deriuari, antequam chy-
lus ad intestina et venas mesaraicas perue-
niat. Oblitus est istas vias indicare.Si venæ lacteæ, quæ sunt innumerabi-
les, confluant in istam lacunam chylipro-
nam, deferuntque chylum, eius delatio
ad venas subclauias, debet esse æque ve-
Page 148, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
lox, ac fuit traductio ; Attamen post ani-
malis interitum, etsi compareant venæ la-
cteæ, istius lacunæ recipientis chylum, et
aliorum duorum canalium deferentium
chylum ad subclauias venas, nulla com-
parent vestigia. Deinde, si ista corriuatio
chyli copiosa est, ad istam lacunam per
innumeras venas, delatio chyli ad venas
subclauias debet esse æque copiosa. Nam
proportio esse debet inter venas lacteas
deferentes chylum ad illam cisternam, et
tubulos duos referentes ad venas subcla-
uias, atque consimilis esse debet propor-
tio inter illos tubulos chyliferos, cum san-
guine ubertim et affatim è Corde prosi-
liente. At quomodo duæ venulæ ab ista
lacuna deriuatæ, æqui parari queunt om-
nibus venis chyliferis, et chylum tam ma-
gna copia aduectum deportare, pari cur-
su et copia ad axillares venas, et Cordi
sufficientem materiam suppeditare ad san-
guinis generationem, cum non moretur
in Corde Sanguis ? Hoc videtur impossi-
bile. Addo, quomodo distendi, et repleri
chylo sufficienti potest isthæc lacuna exi-
gua ? quum habeat mesenterium superposi-
tum, cum pondere intestinorum incum-
bentium, præsertim in supino decubitu ;
In obeso corpore sunt obrutæ et suffocatæ
adipe circumfuso, tam membranæ renum
Page 149, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
adiposæ, quàm pinguedine mesenterij.
Quomodo ruat in Cordis gurgitem chy-
lus, non explicat an moram faciat in auri-
cula dextra ? Nomen gurgitis, videtur si-
gnificare amplo hiatu Cor absorbere. Ad-
mirabilis iste Anatomicus, nescit iugula-
res externas valuulis carere, et quomodo
Sanguis in iugulares externas ruere po-
test, cum sint remotæ, iugulares internæ
sunt propinquiores. Adde quod in brutis
diremptum venæ Cauæ ascendentis impe-
rite nominat subclauios ramos, rectius a-
xillares dicuntur, quia bruta carent claui-
culis. Attamen eis tribuit clauiculas, pag. 9.
lin. 21. et 22. pag. 10. lin. 19.Mirum est quod emortuo animali, istæ
venæ et receptaculum confestim evanescunt,
nullumque remanet eorum vestigium, ex
tua confessione.Pag. 4. pergit, Capitibus 2. 3. et 4.
Totam suæ felicitatis historiam enarrare in
fortis zelotæ laudem, id est sui ipsius com-
mendationem, tanquam sibi Suffenus, et
sui operis laudator Astydamas. Ego verò
zelotes generosus, priscæ doctrinæ conser-
uator, ac defensor, tuas nugas, de vsu ista-
rum venarum lactearum humaniter casti-
gabo.Equidem non ignoro (tibique indico) quid
scripserit Galenus de nouis inuentionibus,
Page 150, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
quas non occultari, sed vulgari suadet,
cap. 9. lib. de difficultate respirandi, his ver-
bis : Hoc est iustum, simulque decens præ-
mium eorum qui quodcumque tandem in
vita bonum inuenerunt, ut inuenta ipsorum
non occultentur, neque hominibus sint igno-
ta, sed tum ipsa appareant, tum ratio, et
methodus qua quis ipsa inuenit, agnoscatur,
sic enim ipsos pro dignitate in admiratione
constitui continget. Sed vbi aliquid inuen-
tum est, quod magnam mutationem ad-
ferre potest in arte aliqua, ab antiquo iam-
dudum prudenter instituta, et stabilita,
qualis est Medicina, diu multumque hu-
ius rei nouæ vsus inquirendus, et exami-
nandus, atque de ea doctos, et sapientes
viros in operibus artis exercitatos consu-
lere conuenit, ne temere et imprudenter
quidquam decernatur, quod sit ridicu-
lum, et vitæ perniciosum ; qualis est tui
inuenti usus à te assignatus : Si Virsungus,
ubi canalem suum Pancreaticum Patauij
it, ad Riolanum scripsit, ut su-
per eo, eius iudicium exquireret. Sic
Harvevs non est adhuc ausus expone-
re utilitates (ad praxim Medicinæ) suæ
Circulationis de Sanguine, quia prius, in-
quit, constituendum est, quod sit, quam
examinetur, quare sit, et à 24. annis super
ea re meditatur.
Page 151, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
Pag. 13. Hactenus à mesenterio chylum
in hepatitis parenchyma opinio protrusit, non
veritas, et sanguinei artificij tribuit imme-
ritam nato ad alia visceri prærogativam ;
quia non ad Hepar, non ad venas Portæ,
non ad Cauam prope emulgentes, chylum
derivari deprehendit. Ergo primus inuen-
tor venarum lactearum Asellius errauit, et
haluccinatus est, quando scripsit, et de-
pinxit coloribus quatuor ramos siue ca-
nales lacteos ad Hepar extensos ; Cæcu-
tiebat Vallæus, qui præter istos canales ;
alios in pancreas, et venam Cauam ob-
seruauit, neque alij oculatiores fuere, qui
talia prodiderunt. Forsan istos canales oc-
culuisti, {a} et fregisti, ut tuum inuentum
oculis spectantium admirabilius redderes.
Quid si tibi oggeram dictum Auicennæ : si
ego, et tu, non vidimus hoc illudve, an
propterea non est ? Nec tibi fauere potest
sola trunci ignoratio, quæ doctos non-
nullos in suspendo adhuc tenet, ait Bar-
tholinus, lib. de venis, cap. 3. qui si in He-
pate demonstrari posset, salua esset res. Ac
si dubitaret de illa productione, et inser-
tione venarum lactearum ad Hepar : in
postrema editione suæ Anatomiæ, muta-
uit sententiam, illasque adstruit, et de-
monstrauit scripto, et iconibus æreis. Ego
verò sustineo magna Naturæ prouidentia, {b}
- Sic pour : oculauisti ou oculasti.
- Sic pour : magnâ Naturæ prouidentiâ.
Page 152, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
in truncum non coisse canales illos qua-
tuor, ne tam facile ab impuro chylo ob-
struerentur, atque interciperetur anadosis
chyli, quæ necessaria est ad vitam ; nam
si vnus et later obturentur, alij remanent
peruij ad traductionem chyli. At si in tuis
venis lacteis dorsalibus, contingat vtram-
que venam obstrui, actum est de vita ; de-
fectu chyli ad Cor perenniter affluentis ; et
quomodo meatus isti reserari possent, si
vis liquidi medicamenti non possit eo ten-
dere, et assurgere, non video.
"Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la
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