Page 17. Voyez la vanterie de ce jeune homme : Plus de cent animaux vivants qu’il a éviscérés lui ont enseigné ce que t’apprendra le sacrifice des trois chiens que je présente ici ; [2][3] et il n’a pas ouvert et examiné que des chiens, mais un troupeau complet : bœufs, chevaux, porcs lui ont ensanglanté les mains. [1] Il a néanmoins trouvé une différence chez les moutons [4] où, au lieu de deux, un seul canal monte jusqu’aux veines jugulaires, [5][6] comme il l’a aussi très rarement observé chez d’autres animaux. Je doute qu’il ait vu cela chez les bœufs, les porcs et les chevaux : les bœufs gonflent après qu’on les a tués d’un violent coup de massue, à moins qu’on ne les découpe dans un endroit frais ; il en va de même pour les porcs, si on ne les brûle pas avec de la paille enflammée ; quand la maladie les a rendus incapables de travailler, on envoie les chevaux mourir hors de la ville ; [7] dans tous les cas, les veines lactées auront disparu sans laisser de trace, immédiatement après la mort. [2] Vous auriez [Page 153 | LAT | IMG] mieux et plus sûrement fait d’opérer sur des agneaux, des veaux ou des chevreaux, après les avoir bien nourris, comme il est ordinaire de faire chez les chiens. Je suis surpris que vous ayez omis les chats, animaux domestiques qu’on trouve en grand nombre : si vous ne les avez pas mentionnés, c’est que vous n’y avez pas trouvé vos veines lactées. [3][8]Page 18. Vous prédisez hardiment que, chez l’homme aussi, l’officine de la substance chyleuse est la même. J’oserais moi, au contraire, affirmer que sa structure y est différente : il ne va pas de soi qu’on trouve chez l’homme ce qui existe chez les bêtes car, si on les examine avec soin, les structures de leurs parties internes sont dissemblables ; et à moins que vous ne disséquiez un homme vivant, jamais vous n’y trouverez ces veines lactées et ce réservoir du chyle, [9] étant donné que chez les bêtes, sitôt qu’elles ont trépassé, ils disparaissent entièrement, comme vous l’assurez, sans laisser aucune trace visible. [4]
Quant à l’existence et à l’origine des veines lactées chez l’homme, votre sentiment s’appuie sur l’observation de Gassendi, [10] mais vous les décrivez autrement et leur assignez d’autres fonctions. Il est vrai qu’elles y existent, telles qu’Aselli les a décrites, [11] comme je l’ai jadis démontré, avec l’admiration des Écoles, [12] avant même la publication d’Aselli. J’entreprendrai désormais d’observer cela sur des condamnés à la pendaison qu’on aura complaisamment nourris à satiété avant de les exécuter [Page 154 | LAT | IMG] et dont on aura ouvert le corps immédiatement après, s’il m’est permis (par les juges et les confesseurs) de gaver des suppliciés avant l’application de la sentence. [5][13][14][15]
Enfin, il produit les témoins de sa découverte, excellents observateurs et fins connaisseurs de l’anatomie qui ont approuvé son travail et affirment l’avoir vu opérer, dans les lettres qu’ils ont écrites et publiées.
Voilà une solide attestation, surtout quand elle émane de médecins de Paris, [6][16] qui donc après cela oserait la mettre en doute ? Il devait pourtant prendre avis d’encore meilleurs observateurs, comme sont les anciens maîtres de l’École, parfaitement rompus à la pratique de l’anatomie et aux opérations de l’art, car, dit Platon, l’œil du corps s’affaiblit quand celui de l’esprit resplendit. [7][17][18] L’âge, selon Plaute, est le condiment de la sagesse [8][19] Vous auriez dû solliciter l’opinion de ces anciens avant de statuer, tel un juge suprême, sur l’utilité des dites veines et sur la nouvelle action du foie, puisqu’il s’agit d’une question de grande importance en médecine, et celle que vous lui attribuez, fictive et obscure, nous fait clairement prendre pour de ridicules imposteurs et des meurtriers. Votre théorie est plus effrontée que les livres de Van Helmont. [9][20] Le ton est tout autre dans la première de vos lettres, écrite par Jacques Mentel, homme de noble lignée, très digne arrière-petit-fils de celui à qui le monde doit la création de l’imprimerie ; [21][22] j’ajoute qu’il a été l’inventeur [Page 155 | LAT | IMG] d’un bienfait à rendre jaloux même les dieux, car outre qu’il a donné aux écrits un accès à l’immortalité, il les a envoyés par toute la terre, afin que partout on pût les croire présents (Pline, livre xxxv, chapitre ii, sur la peinture). [10][23] Voici ses mots :
Le cœur assure seul l’hématose : telle est la découverte de Pecquet, anatomiste de talent peu commun, dont le mérite est d’avoir pénétré l’immensité de la nature, comme si l’esprit du chef des péripatéticiens [24] était venu habiter le sien. Tous mes compliments pour cette illumination, très clairvoyant jeune homme, et pour votre compréhension inouïe de ce que l’anatomie avait de mieux caché ! Votre découverte, incontestablement fort admirable, représente un progrès dans toute la connaissance de l’économie naturelle, pour le grand profit de la médecine. [11][25]
Le deuxième < de vos correspondants > fait remonter la structure de ces veines à Adam, le premier géniteur des hommes : [26] Parce que par cette découverte, la nature semble bien plutôt nous reprocher en quelque façon de juger que, depuis que le monde est monde, elle a pour habitude de contrarier l’ordre établi. [12][27][28][29]
Votre troisième panégyriste s’exprime ainsi : [30] Notre siècle n’a rien vu de plus fameux que la découverte des veines lactées, elle doit être préférée, je pense, à celle de mondes nouveaux ou aux plus brillantes inventions, dans la mesure où elle garantit à notre santé un avantage et une volupté qui dépassent la valeur de l’or. Tout ne doit pas être maintenant modifié en médecine, même si les jugements qu’on a admis sur la transformation du chyle en sang s’appuient entièrement sur l’idée qu’elle est accomplie par le foie, bien qu’il n’y [Page 156 | LAT | IMG] prenne à l’évidence qu’une part minime ; de là vient pourtant aussi qu’il est désormais difficile de trouver dans les livres de médecine et d’anatomie une page qui ne contienne pas maintes grossières erreurs. [13]
Après ces débiteurs de louanges, qui donc ne s’exclamerait pas Tu es Pecquete, Gallinæ filius albæ, nos viles pulli, nati infelicibus ouis ? [14][31] et pour le vénérer bien haut, comme le nouveau fondateur de la médecine :
—————— tibi lilia plenis
Ecce ferent Nymphæ calthis, tibi Candida Naïs
Pallentes violas, et summa papauera carpens,
Narcissum, et florem iunget bene olentis anethi. [15][32]Ainsi donc, la véritable doctrine et la science anatomique reposent-elles désormais sur l’éventration des animaux vivants pour explorer les actions des viscères : je ne désapprouve pas cela si l’animal ne trépasse pas dès qu’on lui a ouvert le thorax et l’abdomen, pour en retirer et déchirer les organes, mais il est impossible de procéder ainsi sur une bête en vie. [16] Il faut donc s’en tenir à la véritable anatomie du corps humain pour y connaître la conformation naturelle des viscères, la position, le trajet et les connexions des vaisseaux, et les communications qu’ils ont entre eux, les origines et insertions des muscles, afin que [Page 157 | LAT | IMG] le médecin et le chirurgien sachent comment soigner les lésions et les blessures des parties, et prévoir l’issue favorable ou funeste des maladies. Seuls les anatomistes aguerris ont la compétence requise pour étudier les vaisseaux lactés et la circulation du sang chez des animaux vivants. Le profit qu’en tire la pratique médicale est sans commune mesure avec le nombre et la durée des autopsies humaines qu’on y a consacrées. Je souhaiterais que les admirateurs de cet ouvrage démontrent en quoi cette observation nouvelle est utile à la pratique médicale et à la guérison des maladies qui altèrent ou abolissent la sanguification, dont on établit ordinairement le siège dans le foie. [17][33][34]
J’ai respecté la syntaxe de Jean ii Riolan qui fait alternativement parler Jean Pecquet à la première et à la troisième personne. Tout en outrant son propos, Riolan essayait ainsi de corriger le latin exotique des deuxième et troisième paragraphes du chapitre vi des Experimenta nova anatomica.
Jean ii Riolan renseignait ici mieux sur la manière dont étaient tués ou mouraient ces animaux que sur leur anatomie, mais il trouvait, non sans raison, impossible de les disséquer vivants : Jean Pecquet exagérait sans doute en prétendant l’avoir fait ; v. néanmoins la note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre vi, pour l’observation du chyle dans les veines cervicales du cheval (sans doute ouvert juste après sa mort), rapportée par Bartolomeo Eustachi en 1569.
La remarque de Jean ii Riolan est étrange car le chat ne fait pas exception parmi les mammifères : il possède des lactifères mésentériques, une citerne du chyle et un canal thoracique (unique). En outre, Jean Pecquet a bien mentionné les chats dans le « troupeau presque complet » des animaux qu’il a disséqués pour étudier les voies du chyle (3e paragraphe, conclusion des Experimenta nova anatomica).
Dans son commentaire sur le chapitre ii des Experimenta nova anatomica, Jean ii Riolan a déjà insisté sur ce propos de Jean Pecquet : v. note [10] de la précédente section de sa première Responsio.
Quant aux différences entre l’homme et les autres mammifères, Riolan prête à sourire car il s’est singulièrement acharné à prouver la présence d’un réseau artériel admirable dans le crâne humain, alors qu’il n’existe que dans celui de certains quadrupèdes ; et cela lui a valu les vigoureuses critiques de Johann Jakob Wepfer, dans son livre sur l’apoplexie (Schaffhouse, 1658, v. note Patin 3/616).
V. note [4], Experimenta nova anatomica, chapitre vi, pour la description des veines lactées mésentériques par Pierre Gassendi et Nicolas-Claude de Peiresc en 1641.
Les « Écoles » désignaient la Faculté de médecine de Paris où Jean ii Riolan régentait depuis 1604. Ce paragraphe peu disert incite à fouiller ses ouvrages pour savoir ce qu’il a écrit sur les vaisseaux chylifères avant 1652. Outre sa correspondance de 1643 avec Johann Georg Wirsung (v. note [13], première Responsio de Jean ii Riolan, 2e partie), trois passages ont retenu mon intérêt.
Tenuia intestina lactes dicuntur apud Plautum, ista vacuitate venio laxis lactibus ; lactes vocantur quasi lactea, quia chylo lacteo sunt distenta, vel quod per ea labitur cibus ex Plinio, tanquam à lambendo, vel ab antiquo verbo latio, quod est elicio ; quia trahunt cibos è ventriculo. Onomasticon vetus lactes interpretatur mesenterium, quia pingue, candidum, et lacteum.[Plaute appelle lactes les intestins grêles, ita vacuitate venio laxis lactibus ; {b} ce nom, proche de lactea, {c} leur est donné parce qu’ils sont remplis de chyle lacté ou, selon Pline, {d} qu’ils font passer la nourriture, comme en la léchant, ou encore suivant le vieux verbe latio, qui signifie elicio, {e} parce qu’ils tirent les aliments hors de l’estomac. La vieille onomastique donne à lactes le sens de « mésentère », parce qu’il est gras, blanc et laiteux]. {f}
- V. note Patin 25/146.
- « tant sont relâchés mes boyaux vides », en remplaçant ista par ita : v. note [18], Responsio ad Pecquetianos, 4e partie.
- « lactés ».
- Histoire naturelle, livre xi, chapitre lxxix (Littré Pli, volume 1, page 459) :
Ab hoc ventriculo lactes in ove et homine, per quas labitur cibus, in ceteris hillæ.« Après l’estomac sont les intestins grêles, appelés lactes chez l’homme et le mouton, et hillæ chez les autres ; c’est par là que passent les aliments. »
- « j’attire, je fais sortir », latio est attesté sous l’orthographe lacio (Gaffiot).
- La cible est frôlée sans être atteinte ; v. note [21], préface de la première Responsio, pour ce que Riolan a écrit de la veine porte et du chyle dans son Anthropographia de 1626, mais sans parler des veines lactées.
Cæterum magna contentione certatur inter Medicos Anatomicos, de chyli traductione ad Hepar, an fiat per quasdam venas mesenterij huic officio destinatas, an per omnes certis temporibus inservientes, quia per easdem vias sanguis ad nutritionem intestinorum distribuitur. Doctissimus Medicus et Anatomicus Ticinensis Asellius, nuper edito libello, istud negotium composuit, et demonstrauit in venis, quas à candore lacteas appellat, et vasa probat esse, separata à venis mesaraicis, propaginibus portæ, quæ detinatæ sunt alendis intestinis, ut vasa lactea deuehendo chylo ad Hepar. Propterea quartum esse genus vasorum statuit, quæ dispersa per mesenterium intestinis applicantur ad exsugendum chylum, quem deducunt ad cauum Hepatis prope venam portam. Herophilus istas venas subolfecisse videtur, dum alias ab Hepate in intestina deriuat, alias ab intestinis ad Hepar deferri scribit. Quinetiam Erasistratus in hœdis lactentibus, viderat arterias imi ventris lacte refertas, referente Galeno, lib. 7. administ. Anatom. et lib. an sanguis in arteriis contineatur, cap. 5. Id obseruare oportet in cane, fele, agno, vitulo, oue, porco, modo hæc animalia antea abundè pasta fuerint, et conuenienti tempore, nempe trihorij spatio ab esu, viuentia aperiantur. Istam congeriem venarum lactearum dissecto abdomine primo intuitu conspicies in mesenterio, prope intestina, vel in pancreate, modo animalis abdomen non fuerit obesum. In his admiratione dignum, quod pluribus valuulis, sive ostiolis venæ sint intercisæ, non modò quà committuntur intestinis, sed etiam in reliquo ductu, quæ impediunt refluxum chyli ad intestina referente Asellio, earum venarum nulla in ventriculum inseritur, quam plures in ieiunum intestinum et Ileon, paucæ in reliqua intestina : instar hirudinum spongiosis capitulis, quæ radicum vicem obtinent intestinis applicatæ, prolectant chylum, et inter duas mesenterij tunicas, modò seorsim, modò cum aliis venis mesentericis portæ progrediuntur. Omnes pancreate suffultæ, iuxta portæ latera ad iecoris caua geminæ ascendunt per iecoris fissuram traductæ, ubi in varias fibras per eius visceris substantiam disperguntur.Inuentum Asellij suspectum quibusdam esse potest, quia si concursus et complicatio venarum lactearum sit in pancreate, quod eodem officio fungitur, quo placenta in fœtu, complectens vasa umbilicalia : istud corpus in sanis et habitioribus corporibus deberet esse amplum ac tumidum. At illud semper in sanis, vix sextam aut octauam Hepatis partem æquare deprehenditur. Præterea sordities chyli quò abit ? An ibi retinetur ad nutritionem pancreatitis ? An aliò secedit, et per quas vias ? Adde quod pancreas videtur destinatum sustinendo, et fulciendo trunco portæ, et ramo splenico deducendo ad lienem. Denique si admittantur venæ lacteæ, corruit isthæc tantopere celebrata anastomosis radicum venæ portæ cum radicibus venæ cauæ intra Hepar, qui chylus per Hepatis substantiam dispersus, tunc contactu ipsius Hepatis ruborem contrahet, et à radicibus venæ portæ et cauæ seorsim exsugetur : Ergo non à vena porta per istam anastomosim transfundetur in cauam, ut recentiores opinantur.
[Une grande dispute sévit aussi parmi les médecins anatomistes sur le transfert du chyle vers le foie : se fait-il par des veines du mésentère préposées à cette fonction, ou par toutes ses veines, dont la fonction change au fil du temps parce qu’elles servent aussi à distribuer le sang qui nourrit les intestins ? Dans un petit livre récemment paru, Aselli, très savant médecin et anatomiste de Pavie, a réglé cette affaire en démontrant l’existence de veines, qu’il appelle lactées, en raison de leur blancheur : il prouve que ce sont des vaisseaux distincts des susdites veines mésaraïques, rameaux de la veine porte qui sont destinées à nourrir les intestins, tandis que ces veines lactées sont là pour véhiculer le chyle jusqu’au foie. Il établit donc une quatrième espèce de vaisseaux, {a} qui sont dispersés dans le mésentère, au contact des intestins, pour en sucer le chyle et le mener au hile hépatique près de la veine porte. Au rapport de Galien, au livre vii des Administrations anatomiques et au chapitre 5 sur la Présence de sang dans les artères, Hérophile semble avoir flairé l’existence de ces veines quand il écrit que les unes vont du foie vers les intestins et les autres, des intestins vers le foie. Qui plus est, chez des chevreaux qui tètent le lait, Érasistrate a vu que les artères du bas-ventre étaient remplies de lait. {b} Il convient d’étudier cela chez le chien, le chat, l’agneau, le veau, le mouton, le porc, à condition que ces animaux auront été préalablement abondamment nourris et qu’on les dissèque vivants au moment opportun, soit trois heures après leur repas : à l’ouverture de l’abdomen, si l’animal n’est pas obèse, vous verrez alors au premier coup d’œil cet amas de veines lactées dans le mésentère, près des intestins, ou dans le pancréas. Un fait digne d’admiration est que ces veines sont segmentées par plusieurs valvules ou petites portes, lesquelles se situent moins là où elles sont au contact des intestins que dans le reste de leur trajet ; selon Aselli, elles empêchent le reflux du chyle vers les intestins. Alors qu’aucune de ces veines ne s’insère dans l’estomac, elles abondent dans le jéjunum et l’iléon, mais sont peu nombreuses dans le reste des intestins. À l’instar des petites têtes spongieuses des sangsues, par leurs racines qui adhèrent étroitement aux intestins, elles attirent le chyle et cheminent entre les deux feuillets du mésentère, soit séparément, soit en compagnie des autres veines mésaraïques dépendant de la porte. Toutes s’appuient sur le pancréas pour monter en deux troncs, qui suivent les flancs de la veine porte, jusqu’à la concavité du foie, et pénétrer dans son hile, où elles se répandent en diverses fibres dans la substance hépatique. {c}
Certains peuvent trouver suspecte la découverte d’Aselli parce que si les veines lactées se réunissent et entrelacent dans le pancréas, cela veut dire qu’il remplit le même office que le placenta chez le fœtus, eu égard aux vaisseaux ombilicaux qu’il renferme : {d} dans les corps sains et bien conformés, cet organe devrait donc être ample et enflé, mais sa taille normale apparaît à peine égaler le sixième ou le huitième de celle du foie. En outre, où l’ordure du chyle s’en va-t-elle ? Est-elle retenue là pour nourrir le pancréas, ou part-elle ailleurs, mais par quelles voies ? Pensez aussi que le pancréas semble destiné à soutenir et étayer le tronc porte, et à amener le rameau splénique à la rate. {e} Enfin, admettre l’existence des veines lactées revient à nier celle de l’anastomose tant célébrée qui unit les racines de la veine porte et celles de la veine cave, à l’intérieur du foie, grâce à laquelle le chyle répandu dans la substance hépatique acquiert, par contact direct, la rougeur du foie, avant d’être séparément absorbé par lesdites racines de la porte et de la cave : le chyle ne se déverse donc pas au travers de cette anastomose de la veine porte dans la veine cave, comme certains auteurs modernes le pensent]. {f}
- Les trois autres étant les artères et les veines sanguines, et les nerfs.
- V. note [9], Historia anatomica de Thomas Bartholin, chapitre iii, pour cette étonnante observation d’Érasistrate que Galien a rapportée mais formellement condamnée dans ses Administrations anatomiques.
- Dans l’édition de Kühn, le passage des « Administrations anatomiques » de Galien (v. note [1], Historia anatomica de Thomas Bartholin, chapitre xx) correspond au volume 2, page 571.
Galien en a aussi parlé dans le chapitre cité de son traité sur la Présence de sang dans les artères : {i}
Erasistratum dicere, extremas quoque arterias spiritu prius exinaniri, quam sanguinem assumant, atque hæc evidenter constare libris, quos ille de dissectionibus conscripsit. Nam si ventrem imum et interiorem membranam diviserimus, arterias in mesenterio plane conspiciemus, in hædis quidem nuper natis lacte refertas, in adultis autem animalibus alterius rei plenas : spiritum autem solum nunquam illas continere viderunt, sicut nec ullam aliam arteriam, cum nudata fuerit.[Érasistrate dit que les artères périphériques se vident de leur esprit {ii} avant de recevoir du sang, et cela apparaît à l’évidence dans les livres qu’il a écrits sur les dissections : si nous ouvrons le bas-ventre et séparons sa membrane intérieure, nous distinguons clairement des artères dans le mésentère ; chez les chevreaux nouveau-nés qui tètent, elles sont certes remplies de lait, mais chez les animaux adultes elles sont pleines d’une autre substance ; on voit toutefois que jamais elles ne contiennent seulement de l’esprit, à l’instar de toute autre artère qu’on a mise à nu].
- Kühn, volume 4, page 718, traduit du grec.
- Esprit vital, défini dans notre glossaire, que la médecine antique tenait pour une sorte d’« air » (aer), auquel les artères doivent leur nom : ce qui explique le titre du traité de Galien.
V. note [29], lettre de Jacques Mentel à Jean Pecquet, pour Hérophile sur les veines du foie dans le livre iv de Galien sur l’Utilité des parties (que Riolan ne référençait pas correctement).
Cela correspond à la description imaginée par Aselli, que Riolan va ensuite critiquer.
- V. note [2], Dissertatio anatomica, chapitre iv.
- La veine splénique, qui longe le bord supérieur du pancréas, depuis la queue jusqu’au corps, reçoit la veine mésentérique ou mésaraïque inférieure puis s’unit à la veine mésentérique supérieure pour forme le tronc porte. Comme dans toutes les veines du corps, le sens du courant était supposé s’inverser plusieurs fois au cours de la journée.
- La structure et les fonctions des lobules hépatiques, où le sang porte est transformé en sang cave, n’étaient alors que vaguement supposées. Les chylifères, dont il ne pouvait nier l’existence, perturbaient Riolan qui continuait à défendre l’idée que le chyle est transformé en sang dans le foie, et que le sang s’y écoule alternativement dans les deux sens, porto-cave et cavo-porte.
Memini me sæpius spectasse et demonstrasse in cadaueribus strangulatorum hominum, qui paulò ante supplicium largiter epulati fuerant, venas candidas per mesenterium sparsas, quas semper accepi pro mesentericis, nequaquam earum ortum et progressum perscrutatus. Optarem, ut tribus vel quatuor horis ante supplicium homines patibulo destinati cibarentur, ut istæ venæ lacteæ confestim ab extinctione vitæ possent obseruari, hoc plurimum ad bene medendum conferret : ex motu chyli indicare licet ventriculi affectiones contra naturam, simulque intestinorum, mesenterij, et cauarum partium Hepatis, etenim plurimæ dependent à vitio coctionis in ventriculo, aliæ ab impedimentis in distributione chyli ad Hepar, quippe vitium primæ coctionis non emendat secunda, ac proinde chylus corruptus, vel in ventriculo, vel in suo progressu, vsque ad caua Hepatis, vel delabitur tanquam inutilis ad crassiora intestina, aut si deferatur per venas lacteas ad Hepar, vel eas obstruit, vel in cauis Hepatis vitium suum imprimit, fædatque partes illas : Inde manant varij fluores alui, tam à ventriculo et intestinis, quàm à mesenterio et Hepate prodeuntes, quos ut peritè discernas, in ventriculo considerabis substantiæ membranosæ constitutionem, coctionem, dissolutionem alimenti, eiusque ditributionem, atque in distributione, intestinorum vim peristalticam, et rugositates ad remorandum chylum, deinde libertatem meatuum usque ad Hepar, et ad regressum sanguinis, et humorum superuacaneorum, aliorum meatuum libertatem. His positis rectiùs distingues fluorem cœliacum à Lienterico, utrumque à diarrhœa chylosa, vel serosa, fluxu Mesenterico, et Hepatico. Ideoque vnicuique fluori facilius et felicius medeberis, si hæc noueris, quæ desiderant peculiarem tractatum, qui excederet nostram diascepsim de motu chyli.[Sur les cadavres de pendus qui avaient été abondamment nourris peu avant leur exécution, j’ai souvenir d’avoir très souvent observé et démontré l’existence de veines blanches éparpillées dans le mésentère, que j’ai toujours tenues pour mésentériques, sans du tout avoir recherché avec attention leur origine et leur trajet. Je souhaiterais que, trois ou quatre heures avant de les mener au gibet, on fasse manger des hommes condamnés à la pendaison, de manière que ces veines lactées puissent être examinées immédiatement après leur mort, car cela enrichirait grandement l’art de bien remédier. Le mouvement du chyle permettrait de mieux comprendre les affections contre nature qui touchent l’estomac, les intestins, le mésentère et la concavité du foie : la plupart dépendent en effet d’un défaut de coction dans l’estomac, mais d’autres sont dues à des entraves dans la distribution du chyle vers le foie ; la seconde coction ne corrigeant bien sûr pas un vice de la première, {c} un chyle qui a été corrompu dans l’estomac ou lors de son parcours vers le hile hépatique sera soit inutile et éliminé dans le gros intestin, soit transporté vers le foie par les veines lactées, en provoquant leur obstruction, en communiquant ses défauts à l’intérieur du foie ou en flétrissant l’ensemble de cette région. Surviennent alors divers flux de ventre, {d} provenant tant de l’estomac et des intestins que du mésentère et du foie. Pour les distinguer habilement les uns des autres, vous considérerez successivement : la composition de la substance membraneuse, la coction et la dispersion des aliments, ainsi que leur distribution ; dans leur distribution, l’effet du péristaltisme et des rides des intestins sur le retard à l’absorption du chyle ; et enfin, la liberté des voies qui le conduisent au foie, et celle des autres conduits qui y font revenir le sang et les humeurs superflues. C’est ainsi que vous établirez la différence entre un flux cœliaque et un flux lientérique, et celle qui existe aussi entre une diarrhée chyleuse ou séreuse, et un flux mésentérique et hépatique. {e} Vous remédierez donc plus aisément et heureusement à chaque sorte de flux si vous avez connaissance de ces faits qui auraient besoin d’un traité particulier qui nous permettrait de mieux comprendre le mouvement du chyle]. {f}
- V. note [4], Responsio ad Pecquetianos, 2e partie.
- V. note [6], Experimenta nova anatomica, chapitre i.
- La première coction (gastrique) était censée transformer les aliments en chyle, et la seconde (hépatique), le chyle en sang.
- Ancien nom des diarrhées, les flux de ventre formaient un des très riches chapitres de la pathologie. Elle en distinguait de nombreuses sortes, dont la plus redoutée était la dysenterie (v. note Patin 8/147).
- V. le point vi de la Nova dissertatio, expérience i, de Jean Pecquet pour un long développement sur les différentes sortes de diarrhées, dont les noms étaient variables, ce qui rend leur nomenclature difficilement intelligible aujourd’hui.
- Ce livre tant espéré en 1649 allait être les Experimenta nova anatomica de Jean Pecquet (1651), mais la première Responsio de Riolan (1652) montre qu’il n’approuvait absolument pas la solution qui y était présentée.
Riolan confirmait clairement ici, en 1649, ce qu’il disait dans sa première Responsio à Jean Pecquet en 1652. Sans dater ses observations (qu’il n’a rapportées ni en 1618 ni en 1626), il est impossible de savoir s’il les a vraiment faites avant la parution du livre d’Aselli. Il avoue seulement ne pas avoir prêté suffisamment attention aux veines lactées du mésentère.
Citée au début de celle-ci, la note [4] des Experimenta nova anatomica, chapitre vi, relate qu’en 1634, à Aix-en-Provence, Nicolas Peiresc et Pierre Gassendi avaient nourri un condamné avant sa pendaison pour démontrer les lactifères mésentériques humains. Thomas Bartholin a procédé de la même façon à Copenhague en 1652 pour les lactifères thoraciques (v. note [5] de son Historia anatomica, chapitre v). La question hantait visiblement l’esprit de Riolan et devait redoubler sa rage d’avoir été pris de vitesse par Pecquet, qu’il tenait pour un petit anatomiste débutant.
Les trois lettres de soutien adressées à Jean Pecquet et parues dans son édition de 1651, dont disposait Jean ii Riolan en 1652, étaient celles de Jacques Mentel, Pierre De Mercenne et Adrien Auzout ; les deux premiers étaient docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris, respectivement reçus en 1632 et 1646, le troisième n’était pas médecin.
Platon, Le Banquet, paroles de Socrate à Alcibiade, son jeune ami :
Αλλ’, ω μακριε, αμενον σκοπει, μη σε λανθανω ουδεν ων. Η τοι της διανοιας οψις αρχεται οξυ βλεπειν οταν η των ομματων της ακμης ληγειν επιχειρη συ δε τουτων επι πορρω.[Bon jeune homme, regardes-y pourtant de plus près : peut-être te fais-tu illusion sur le peu que je vaux. Les yeux de l’esprit ne commencent guère à devenir plus clairvoyants qu’à l’âge où ceux du corps s’affaiblissent, et cette époque est encore bien lointaine pour toi].
Plaute (v. note Patin 11/06), Trinummus (L’Homme aux trois deniers), acte ii, scène 2 :
Non ætatem verum ingenio apiscitur sapientia.
Sapienti, ætas condimentum est ; sapiens ætati cibu est.[La sagesse naît du caractère et non de l’âge. L’âge est un condiment pour le sage ; l’esprit du sage se nourrit de l’âge].
Jean ii Riolan a préféré omettre le premier de ces deux vers.
Jean ii Riolan montait d’un cran dans le mépris en disant les idées de Jean Pecquet pires que celles de Jan Baptist Van Helmont (Helmontius, v. note Patin 11/121), médecin chimiste flamand mort en 1644, bête noire des dogmatiques parce qu’il était le disciple et brillant continuateur de Paracelse.
Pline l’Ancien, loc. cit. (Littré Pli, volume 2, page 463, § 10‑11) :
Imaginum amorem flagrasse quondam testes sunt Atticus ille Ciceronis, edito de his volumine, Marcus Varro benignissimo invento, insertis voluminum suorum fecunditati, non nominibus tantum septingentorum illustrium, sed et aliquo modo imaginibus : non passus intercidere figuras, aut vetustatem ævi contra homines valere, inventor muneris etiam diis invidiosi, quando inmortalitatem non solum dedit, verum etiam in omnes terras misit, ut præsentes esse ubique credi possent.« Que la passion des portraits ait existé jadis, cela est prouvé, et par Atticus, l’ami de Cicéron qui a publié un ouvrage sur cette matière, et par M. Varro, {a} qui eut la très libérale idée d’insérer dans ses nombreux livres, non seulement les noms, mais, à l’aide d’un certain moyen, les images de sept cents personnages illustres. Varro voulut sauver leurs traits de l’oubli et empêcher que la durée des siècles ne prévalût contre les hommes. Inventeur d’un bienfait à rendre jaloux même les dieux, non seulement il a donné l’immortalité à ces personnages, mais encore il les a envoyés par toute la terre, afin que partout on pût les croire présents. » {b}
- V. note Patin 1/14 pour Cicéron, Atticus et Marcus Varro (Varron).
- Mise en exergue du passage emprunté par Jean ii Riolan, avec un transfert des personnages illustres à leurs écrits, et de Varro à Jean Mentelin, et quelques légères infidélités, dont la plus gênante est le remplacement de credi [croire] par claudi [fermer] (car il rend la phrase inintelligible).
Pour avilir Jacques Mentel, Riolan a transcrit un long passage de Gabriel Naudé sur l’invention de l’imprimerie dans la dernière partie de sa Responsio ad Pecquetianos (v. ses notes [1]‑[8]). Je ne garantis pas l’exactitude du lien de parenté (probablement ironique) qu’il établissait entre Mentelin et Mentel : ce dernier le qualifie seulement de proavus meus « mon ancêtre » (et non « son arrière-grand-père », eius pronepos) dans le livre qu’il lui a consacré (Paris, 1650, v. note [10], première partie du Clypeus).
Jean ii Riolan, après avoir porté aux nues Jean Mentelin, ancêtre, donnait un pot-pourri des couronnes que Jacques Mentel tressait dans sa lettre à Jean Pecquet.
Extrait tronqué de la lettre de Pierre De Mercenne à Jean Pecquet (page 153 dans l’édition de 1654).
La Genèse n’a pas parlé du foie d’Adam, cet argument biblique n’est qu’une extrapolation de Jean ii Riolan.
Centon (mise bout à bout) de trois extraits de la lettre d’Adrien Auzout à Jean Pecquet (pages 156, 159 et 160 dans l’édition de 1654), avec trois fâcheuses fautes de transcription que j’ai signalées dans la transcription latine de ce paragraphe (et corrigées dans ma traduction).
« Toi, Pecquet, tu es le fils de la poule blanche, quand nous ne sommes, nous, que des poussins au rabais éclos de quelques œufs de rebut » : adaptation de Juvénal, où « le fils de la poule blanche » est un être privilégié des dieux (v. note Patin 17/197).
Virgile, Bucoliques, églogue ii (le berger Corydon brûlant d’amour pour le bel Alexis), vers 45‑48 :
« [Viens, ô bel enfant !] {a} Voici pour toi les nymphes qui apportent des lis à pleines corbeilles ; pour toi une blanche naïade cueillant de pâles violettes, les plus hauts pavots et le narcisse, les joint aux fleurs odorantes de l’aneth. »
- Huc ades, o formose puer !
Jean ii Riolan avait été plus nuancé dans le court livre vii de son Anthropographia (Paris, 1649), consacré à la vivisection (v. supra note [5], 2e extrait cité), chapitre premier, page 413 :
Nunc superest ad operis Anatomici perfectionem, Viventis Animalis Anatomen exponere, quod dum exequor, non piacula, neque cædes et homicidia suadeo, procul absit à Medicina ista crudelis et scelerata doctrinæ Anatomicæ curiositas, nec cadit in quemquam tantum scelus. Homo sum, nihil humani à me me alienum puto, sed more et exemplo Galeni, Anatomen illam viuam in brutis exerceo innocentiore doctrinæ studio, ut quarumdam partium obscuras et incompertas actiones explorem, atque dignoscam. Exemplo illius apud Poëtam,———————— pecudumque reclusis
Pectoribus inhians, spirantia consulit exta.[Pour parachever mon ouvrage anatomique, il reste maintenant à exposer l’anatomie de l’animal vivant. Ce faisant, je ne recommande ni les abominations, ni les tueries ni les meurtres : qu’on bannisse de la médecine cette cruelle et scélérate curiosité de la science anatomique, et qu’elle n’expose aucune personne à un si grand crime. {a} Je suis homme et pense que rien de ce qui est humain ne m’est étranger, mais selon la coutume et l’exemple de Galien, je pratique cette anatomie vivante sur les bêtes pour étudier la doctrine en toute intégrité en vue d’explorer et discerner les fonctions obscures et inconnues de certains organes, sur l’exemple de celle dont le Poète a dit :
———————— pecudumque reclusis
Pectoribus inhians, spirantia consulit exta]. {b}
- L’épouvante de la vivisection humaine a de tout temps terni la bonne réputation de l’anatomie : v. notes Patin 4/1363 et 8/1484.
- Virgile, Énéide, chant iv, vers 63‑64, sur Didon (v. note Patin 23/551) : « avidement penchée sur les poitrines béantes des bestiaux, elle consulte leurs entrailles palpitantes »
Jean ii Riolan avait changé d’avis depuis ce qu’il avait écrit en 1649 dans ses Opera anatomica vetera et nova (v. supra note [5], 2e et 2e extrait cité), où il trouvait un très grand intérêt médical à connaître les voies du chyle.
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Pag. 17. Videte iuuenis iactantiam, Ex
viuis plusquam centenis animalibus exen-
teratis id didicit, quod trinum canicidium
tibi dabit, ut expono. Nec solos canes ad-
hibuit, et inspexit, sed omnigenum pecus,
boues, equi, sues manus eius cruentarunt.
Attamen in ouibus quoddam discrimen
inuenit, quia non duplex ramus ascendit
ad iugulares, sed unicus, quod tamen in
aliis rariuscule obseruauit. Dubito an in
bobus, suibus, equis id obseruarit, quia
boues post iugulationem inflantur, bacu-
lo fortiter percutiuntur, nec nisi frigidi re-
secantur ; sues similiter stipularum igne
vstulantur ; Equi non nisi mortui efferun-
tur extra urbem ex morbo perempti ; in
quibus non extant vestigia istarum vena-
rum lactearum statim post obitum. Id re-
Page 153, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
ctius, et fidelius administrasses in agnis,
vitulis, capreolis bene pastis, ut in cani-
bus fieri assolet. Miror cur omiseris feles,
animalia domestica ; quorum magna co-
pia ; mentionem eorum non fecisti, quia
in illis non invenisti venas istas lacteas.Pag. 18. Audacter pronuntias, etiam
hominibus non esse disparem chylosæ sub-
stantiæ officinam. Ego contrà, officinæ
dissimilem esse structuram affirmare au-
sim, quia si extat in brutis, non sequitur
reperiri in homine, nam hominis, et bru-
ti fabricæ partes internæ, sunt prorsus dis-
similes, si accurate spectentur, et nisi homi-
nem viuum secueris, nunquam invenies
istas venas lacteas cum receptaculo chyli ;
quia in brutis statim internecione, eua-
nescunt, et abolentur, ut tu ipse asseueras,
ut ne quidem ipsarum vestigia conspi-
ciantur.De existentia et hyparxi venarum la-
ctearum in homine, tua probatio nititur
Observatione Gassendi, sed aliter describis,
et alios usus assignauit. Verum est, istas ve-
nas lacteas ab Asellio descriptas, in homi-
ne extare, id à me olim publicè in Scholis
demonstratum cum admiratione, etiamsi
tum essent mihi ignotæ venæ lacteæ Asellij.
Deinceps id conabor in hominibus sup-
plicio addictis, et genialiter pastis ac sa-
Page 154, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
turis obseruare, mox à strangulatione aper-
tis : (si liceat per Iudices et Confessarios)
ante supplicij denuntiationem, cruciarios
laute alere.Tandem producit Testes, Suæ inuentio-
nis oculatos admodum, et in rebus Anato-
micis eruditos viros, qui epistolis conscriptis,
et editis, eius inuentum approbarunt, et
vidisse profitentur.Magnum est istud testimonium, præ-
sertim Medicorum Parisiensium, quis au-
sit postea dubitare ? Oculatiores adhuc
debebat consulere, seniores Scholæ in
rebus Anatomicis, et artis operibus ver-
satos ; Nam vbi corporis oculus deflore-
scit, mentis oculus magis exsplendescit,
inquit Plato : Ætas, ex Plauto, sapientiæ
condimentum est, atque istorum senio-
rum iudicium exquirere, priusquam sta-
tueres, tanquam Iudex supremus de vsu
istarum venarum, et de actione noua He-
patis, cum sit res magni in Medicina mo-
menti, quæ nos, à Medicina inuenta et
condita, ridiculos impostores, et homi-
cidas declarat ; Ista propositio est insolen-
tior libris Helmontij. Ecquid aliud sonant
hæc verba primæ Epistolæ, scriptæ à Ia-
cobo Mentello, viro Patricio, dignissimo
eius Pronepote, cui Typographiæ inuen-
tum debet Orbis ; Addo inuentore mune-
Page 155, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
ris, etiam Diis inuidioso, quando immort-
talitem non solum dedit, verum etiam
in omnes terras misit, ut præsentes vbi-
que, et claudi {a} possent. Plinius, lib. 35. cap. 2.
de pictura.Hæmatosis solum à Corde præstatur, in-
uenta à Pecqueto non vulgari notæ Ana-
tomico, de immensitate naturæ bene merito,
in quem Peripateticorum Principis animus
migrauit. Macte hac luce iuuenis ocula-
tissime, inauditaque reconditioris anatomes
cognitione, cuius inuuentum sine controuer-
sia mirabilius, omni in naturalis œcono-
miæ cognitione fert punctum, magno rei Me-
dicæ commodo.Alter ab Adamo primo hominum pa-
rente structuram venarum istarum repetit,
Quia cum ipso mundo incœpit, et hoc in-
uento Natura videtur nobis exprobrare præ-
postera de ea, ex nostris cogitatis arbi-
trandi consuetudinem.Tertius Encomiastes sic loquitur, In-
uento de venis lacteis nobilius, ætas nostræ {b}
non vidit, quodque aut orbis delectationi, {c}
aut præclarissimis artificijs tanto præferendum
puto, quanto sanitas auro, commodo, aut
voluptate præstat. Nonne tum omnia in Me-
dicina immutanda sunt, cum recepta sen-
tentia de chyli in Sanguinem mutatione à
iecore facta, penitus innitantur, quæ {d} con-
- Sic pour : credi.
- Sic pour : nostra.
- Sic pour : orbis novi detectioni.
- Sic pour : quam.
Page 156, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
stat minime fieri ; unde iam vix erperire est
paginam in libris, tum Medicis, tum Ana-
tomicis, in qua crassi errores sæpius non oc-
currant.Post istos laudatores, quis non procla-
maret, Tu es Pecquete, Gallinæ filius albæ,
nos viles pulli, nati infelicibus ouis. Atque
ad maiorem venerationem, tanquam no-
uo Medicinæ conditori,—————— tibi liliæ {a} plenis
Ecce ferent Nymphæ calthis, tibi Candida Naïs
Pallentes violas, et summa papauera carpens,
Narcissum, et florem iunget bene olentis anethi.Itaque vera doctrina aut peritia Anato-
mica, deinceps consistet in extispicio vi-
uentium animalium ad indagandas actio-
nes viscerum, quod non improbo, si non
confestim aperto thorace, et abdomine,
remotis ac rescissis partibus extinguere-
tur animal ; sed ista fieri viuente animali
nequeunt. Consistendum igitur in vera
anatome partium corporis humani, vn-
de cognoscitur naturalis conformatio vi-
scerum, situs et progressus, vasorum con-
nexiones, et communicationes inter se,
musculorum origines et insertiones, va-
sorum progressus, {b} ut inde cognoscant
- Sic pour : lilia.
- Répétition de ce qui est écrit trois lignes plus haut.
Page 157, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
Medicus et Chirurgicus, in læsionibus et
vulneribus partium, quomodo mederi
liceat, prædicere euentus morborum sa-
lubres vel funestos. Quapropter Anatome
de venis lacteis, et Circulatione Sangui-
nis in viuentibus animalibus apertis, peri-
tis tantum Anatomicis conuenit. Nec tan-
ti est momenti ad vsum Medicinæ, quanti
cadauerum humanorum consectio et con-
templatio. Optarem vt isti laudatores hu-
ius Operis demonstrarent, ex ista obser-
uatione noua, emolumentum, quod acce-
dere debeat ad vsum Medicinæ, et cura-
tionem morborum, qui solent attribui
hepati, ex læsa vel abolita sanguifica-
tione.
"Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la
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