Ioannis Riolani Responsio Ad experimenta nova Anatomica, ut chylus Hepati restituatur, Et nova Riolani de Circulatione Sanguinis doctrina sarta tecta conservetur. [1][1][2]
Nicias, le très fameux peintre, est réputé avoir dit que la principale partie de son art consistait à choisir le sujet du tableau, afin qu’il retînt les yeux de ceux qui le contemplaient. [2][3][4] Pereycus, bien que bon peintre, a donc été méprisé pour n’avoir pas cessé de représenter des boutiques de barbier et des ânes. [3][5][6] Cela dit, [Page 138 | LAT | IMG] moi, dont on a depuis longtemps admiré les travaux en anatomie, qui l’ai professée depuis cinquante ans en l’Université de Paris, laquelle est très célèbre par toute l’Europe, et qui ai enfin obtenu, par la grâce de Dieu, le rang honorifique de doyen d’âge de notre Faculté, [7] je n’ai pas tort de craindre qu’on me couvre d’opprobre et de honte quand, après la joute, ou plutôt l’amicale discussion que j’ai engagée avec le très savant et habile anatomiste anglais Harvey, qui est de même âge que moi, [4][8][9] j’entreprends maintenant un nouveau combat contre un jeune homme faiblement armé, qui n’a pas encore dépassé ses premières années de jeune adulte, comme en attestent ses lettres de recommandation, [5][10] et qui n’est donc encore qu’un adolescent. Il vante néanmoins partout sa compétence et sa réussite, au nom de la nouveauté anatomique qu’il a découverte : [11] muni de confiance en soi et de savoir authentique, et non pas instruit par la sagesse muette et froide d’un autre que lui-même, [6] il met en avant une doctrine parfaitement insolite et fausse sur l’arrivée du chyle dans les branches subclavières, comme il appelle la veine cave, [7][12][13][14] et sur la transformation du chyle en sang à l’intérieur du cœur, [15] ce qui ôte au foie la fonction de sanguification, pour lui conférer cette autre, parfaitement inepte, qui se limite à sécréter la bile qu’il a extraite du sang de la veine porte. [16][17][18][19] Pour expliquer ce pernicieux et détestable paradoxe, [Page 139 | LAT | IMG] il a commis une infinité d’erreurs, qui méritent la censure d’un anatomiste compétent. Il s’est néanmoins trouvé des docteurs de la Faculté de médecine de Paris pour défendre et approuver son ouvrage, et en chanter des éloges. [20][21] Emporté par cette assurance, il brave tous les autres, sans épargner Riolan, dont il déchire et brocarde les opinions sur les veines lactées [22] et la circulation du sang.Infelix puer, atque impar congressus
Achilli. [8][23][24]Provoqué de la sorte, je descends dans l’arène, ramené au rang de simple soldat et sans égard pour ma dignité de vieillard partout vénéré (ce que, dans Euripide, souhaitait le jeune Oreste devant discuter contre un vieillard). [9][25][26] J’examinerai son livre, même si je prévois qu’il ne manquera pas de gens pour penser que je veux faire le fou avec un fou ; et Aristote a jugé insensé de trop débattre avec un insensé (Les parties des animaux, livre iii, chapitre iii). [10][27][28][29] En vérité, l’intelligence de l’adolescence doit être limitée aux bornes et clôtures de ce qu’elle sait, il faut corriger la vanité et l’insolence de cet âge qui se complaît aux opinions badines, et souvent s’ébahit devant les monstruosités des dogmes tout autant que devant celles des corps. Comme a dit Platon, [30] les gens intelligents sont rarement [Page 140 | LAT | IMG] modestes, mais cet âge ne peut maîtriser la constance nécessaire au raisonnement ; et Aristote a partagé cet avis en écrivant que le propre de cet âge est de croire tout savoir et de tout affirmer catégoriquement. [11][31] « Quoi de plus sot, dit Cicéron, [32] dans le livre i de Natura deorum, qu’une affirmation inconsidérée, ou quoi de plus téméraire, de plus indigne du sérieux et de la constance d’un sage que de raisonner faux ou de ne laisser aucune place au doute sur un sujet insuffisamment exploré et encore mal connu ? » Aristote, au début du livre ii de sa Métaphysique, estime qu’il faut douter des opinions nouvelles, et longtemps peser les avis des autres avant d’arrêter le sien. [12][33]
« Le propre de l’antique Académie [34] était de ne jamais opposer son propre jugement, d’approuver ce qui lui paraissait le plus proche de la vérité, de confronter les arguments, d’exposer tout ce qui pouvait être dit contre son opinion et, sans rien fonder sur sa propre autorité, laisser à l’auditoire l’entière liberté de sa sentence. Cette manière de faire, professe Cicéron à la fin du livre ii de Divinatione nous a été transmise par Socrate. » [13][35] « Songe, dit Pline dans le livre iv de ses Épîtres, comme il est important de livrer un ouvrage aux mains des lecteurs ; et je ne puis douter que tu as discuté souvent et avec beaucoup de gens sur ce que tu désires plaire toujours et [Page 141 | LAT | IMG] à tout le monde. » [14][36] Dans les études, il convient donc mieux aux hommes d’être timorés que sûrs d’eux : pourtant, disait Martial, Nihil securius malo Poëta. [15][37] Tel est le livre de l’adolescent Pecquet qui, dans son épître dédicatoire, se glorifie superbement « de ne pas vouloir taire, sans malveillance ni grief, les merveilles qu’il a découvertes. Leur intérêt est si grand pour tous les hommes qu’elles doivent être divulguées, tant la santé, en faveur de laquelle il montre des nouveautés inouïes, prévaut sur les autres biens de la vie humaine ». Il importe donc de fonder une nouvelle méthode pour remédier, mais nous l’attendons de ceux qui approuvent son opuscule. « Il y montre que depuis des siècles les anatomistes, même les plus remarquables, se sont jusqu’ici fourvoyés ; et que, non sans lourd préjudice pour le genre humain, ceux qui ont professé l’histoire naturelle ont été profondément aveuglés, hormis le seul et unique Aristote. » [16][38] À cette insolente jactance j’opposerai ce que Cicéron a reproché à Démocrite : « tu ne plaisantes pas innocemment, comme fait un naturaliste, genre d’homme qui n’a pas d’égal en arrogance » ; [17][39][403] je n’oserais ajouter « en menterie » si Aristote ne m’y incitait en décrivant le philosophe comme souvent amateur de fables, parce que l’émerveillement invite les hommes à philosopher (Métaphysique, livre i, chapitre ii), [18] précepte dont Pecquet s’est adroitement inspiré dans son traité. [Page 142 | LAT | IMG] La Faculté de Paris doit pourtant corriger l’insolence de ce jeune homme et son audacieux forfait, parce que la Gaule, au témoignage de saint Jérôme, n’a jamais nourri d’opinions monstrueuses ; [19][41] il importe que ladite École agisse ainsi, afin que les étrangers ne croient pas que cet opuscule, qui a été imprimé à Paris et approuvé par certains de ses docteurs, a mérité son assentiment unanime et qu’elle l’a jugé digne d’être loué et de voir le jour. [20][42]
Avant d’examiner le contenu de ce livre, je conterai l’histoire des veines lactées. Les médecins, anciens comme récents, ont professé que le chyle est élaboré dans l’estomac, [43] s’écoule dans l’intestin, puis est résorbé par les veines mésaraïques, [44] qui le sucent à la manière de sangsues [45] collées aux intestins ; [46] le chyle est ensuite conduit au foie par la veine porte, où il est transformé en sang. Les mêmes veines mésaraïques nourrissent les intestins en leur distribuant le sang qui est produit par le foie. La manière dont se fait ce mouvement du chyle et du sang est néanmoins incertaine et controversée : est-ce en alternance et à des moments différents que lesdites veines mènent le chyle au foie et apportent le sang aux intestins ? ou est-ce en même temps que s’accomplissent ces deux fonctions, des attractions contraires et variées menant les unes à véhiculer du chyle et les autres du sang ? J’ai examiné et résolu ces difficultés dans mon Anthropographie. [Page 143 | LAT | IMG] Voyant ces débats, Aselli, très savant anatomiste de Pavie, [47] en ouvrant l’abdomen de chiens vivants, [48] y a découvert des veines lactées [49] qui sont séparées des veines mésaraïques, lesquelles se portent vers le foie sans se réunir en un tronc commun, mais sous la forme de trois ou quatre branches ; ces veines lactées sont très nombreuses et parsèment le mésentère, elles confluent vers une grande glande qui est située à sa racine, près des lombes, qu’il appelle le pancréas, mais qui est distincte du vrai pancréas, car elle est placée sous l’estomac ; [50] il a vu qu’elle était remplie de chyle, dont elle est la source et d’où il gagne le petit lobe hépatique, [51] en empruntant trois ou quatre fins rameaux qui entourent le tronc de la veine porte à son entrée dans le foie. Aselli a écrit cela assez clairement et l’a élégamment illustré de figures en couleurs, dans son livre in‑4o imprimé à Milan en 1627. [21][52] Highmore, médecin anglais, dans le livre d’anatomie qu’il a récemment publié, montre beaucoup d’ingéniosité et d’application à chercher les veines lactées et en a produit divers dessins ; mais je ne suis pas de son avis quand il fait monter les lactifères du pancréas dans le foie qui le surplombe, et prétend que dans ce trajet leurs innombrables rameaux embrassent le tronc de la veine porte. [22][53] Bartholin, dans la dernière édition de son [Page 144 | LAT | IMG] Anatomia reformata, affirme avoir distinctement vu, chez le poisson rond, ces veines lactées entrer dans le foie ; il a montré cela à ses collègues, dont il donne les noms, et en procure deux figures. [23][54] Dans le livre qu’il a récemment publié, le jeune médecin Pecquet se glorifie d’avoir redécouvert les veines lactées et affirme qu’elles n’ont jamais gagné le foie, mais que, par deux canaux issus de cette grande glande qu’il appelle le réservoir du chyle, [55][56] ce suc est mené aux veines subclavières, d’où il s’écoule dans le tronc de la veine cave pour être emporté avec le sang dans le ventricule droit du cœur, où la sanguification se fait à partir de ce chyle ; laquelle n’a pas lieu dans le foie, dont la fonction se réduit à éliminer la bile contenue dans le sang de la veine porte, et à servir de pilon pour écraser ces deux canaux lactifères et faciliter l’ascension du chyle. [57] Je conviens certes que ce jeune homme, qui ne manque pas de science, a découvert ces deux canaux lactifères qui montent dans le thorax, mais qu’il ignore entièrement à quoi ils servent, et qu’il a maladroitement ôté au foie la fabrication du sang pour l’attribuer à tort au cœur. Dans le présent traité, je contesterai son point de vue sur la fonction de ces veines lactées, et non leur réalité et leur existence. Je loue néanmoins son discernement anatomique et le soin avec lequel il a mené sa recherche sur les lactifères ; mais s’il avait expliqué [Page 145 | LAT | IMG] le comment et non le pourquoi, il aurait été digne de plus grande admiration. De même qu’on appelle wirsungien le canal du pancréas, [58] je donnerai donc légitimement le nom de pecquétiens aux canaux que m’a montrés Gayan, [59][60] habile anatomiste et chirurgien, afin que Pecquet ne pense pas que je lui fais injure, ni que je veux obscurcir sa découverte ou me l’arroger. Je désapprouve seulement la fonction qu’il a attribuée à ces veines lactées et son insolence à l’encontre des anatomistes qui l’ont précédé, en dénonçant leur ignorance. [24][61]
La « Réponse de Jean ii Riolan contre les Experimenta nova anatomica pour rendre le chyle au foie, et conserver saine et intacte la nouvelle doctrine de Riolan sur la circulation du sang », est imprimée dans ses Opuscula anatomica varia et nova [Opuscules anatomiques divers et nouveaux] (Paris, 1652, v. note Patin 30/282), 4e section de la seconde partie, pages 137‑201.
Riolan critiquait sans ménagement la première édition du livre de Jean Pecquet (Paris, 1651) qui contenait les 6 chapitres de ses Experimenta nova anatomica, ainsi que le résumé et les 12 chapitres de sa Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et motu chyli.
Après celui de Pecquet ou de Thomas Bartholin, le latin de Riolan est un régal pour le traducteur. Sa clarté d’exposition mérite aussi d’être saluée : un lecteur pressé pourra se contenter de cette préface car elle résume brillamment la totalité des arguments qu’il a développés dans tous ses écrits contre Pecquet et ceux qui ont adhéré à ses regrettables erreurs (v. supra note [24]).
Nicias est un peintre athénien du ive s. av. J.‑C. dont plusieurs auteurs antiques ont vanté les talents ; mais Jean ii Riolan me paraît avoir curieusement tiré sa citation du troisième discours, De amore sui [L’amour de soi-même] (page 654) qui suit l’Ethica Aristotelica [Éthique aristotélicienne] {a} de l’Allemand Johannes Cirellus : {b}
Quod Nicias pictor quondam excellentissimus pronunciavit, Auditores omnium ordinum præstantisimi, Artis pinguendi non exiguam partem in eo esse sitam, ut argumentum eligatur pingui dignum, et quod spectantium oculos idoneum sit tenere, id ad dicendi facultatem jure potest transferri.[Très éminents auditeurs de tous ordres, la sentence que l’excellent Nicias a jadis prononcée s’applique fort bien à la capacité d’enseigner : une partie non négligeable de l’art de peindre consiste à choisir le sujet du tableau, afin qu’il soit propre à retenir les yeux de ceux qui le contemplent]. {c}
- Lunebourg, Typis Venetis, sans date (1650), in‑4o de 674 pages.
- Autre nom de Johannes Crellius (Jan Crell), théologien socinien allemand : v. note Patin 3/1398.
- Crellius ne cite pas sa source, que je n’ai trouvée ni dans dans Élien, ni dans Plutarque, ni dans Pline l’Ancien.
Tout ce qu’on sait de Pereycus (Peiraikos ou Piræïcus), autre peintre grec antique, vient de Pline l’Ancien : {a}
Namque subtexi par est minoris picturæ celebres in penicillio, e quibus fuit Pyræïcus : arte paucis postferendus : proposito, nescio an destruxerit se : quoniam humilia quidem sequutus, humilitatis tamen summam adeptus est gloriam. Tonstrinas, sutrinasque pinxit, et asellos, et obsonia, ac similia.« C’est ici le lieu d’ajouter ceux qui se sont rendus célèbres dans le pinceau par les ouvrages d’un genre moins élevé. De ce nombre fut Piræïcus, inférieur à peu de peintres pour l’habileté. Je ne sais s’il s’est fait tort par le choix de ses sujets : toujours est-il que, se bornant à des sujets bas, il a cependant, dans cette bassesse, obtenu la plus grande gloire. On a de lui des boutiques de barbier et de cordonnier, des ânes, des provisions de cuisine, et autres choses semblables. » {b}
- V. note Patin 5/64.
- Histoire naturelle, livre xxxi, chapitre xxxvii, Littré Pli, volume 2, pages 480‑481.
La suite fait comprendre que Jean ii Riolan se comparait flatteusement à Nicias, mais visait Jean Pecquet en citant Pereycus.
En omettant la chaire royale d’anatomie, botanique et pharmacie qu’il occupait depuis 1604 (v. notule {d}, note Patin 7/51), Jean ii Riolan (né en 1580, v. note Patin 7/51) déployait orgueilleusement ses titres de gloire médicale. Il avait séjourné à Londres de 1638 à 1640, où il avait probablement rencontré William Harvey, né en 1578 (v. note Patin 12/177). V. note [14], première Responsio de Riolan, 2e partie pour ses réponses (1652) aux deux essais sur la circulation du sang qu’Harvey avait consacrés à leur querelle (1649).
Riolan a figuré pour la première fois comme « ancien » de la Faculté de médecine de Paris, c’est-à-dire au premier rang du tableau des docteurs régents, classés par ordre d’ancienneté, le 24 novembre 1649, après la mort de son oncle maternel, Nicolas Piètre, le 28 janvier (sous le décanat de son fils, Jean Piètre, Commentaires F.M.P. pour la même année, tome xiii, page 417 ro).
Citation extraite de la lettre d’Adrien Auzout à Jean Pecquet, datée du 1er mars 1651, qui concluait les Experimenta nova anatomica de 1651 (page 107).
Ces mots que Jean ii Riolan a mis en exergue ne citent aucune source que j’aie identifiée.
V. note [8], Experimenta nova anatomica, chapitre ii, pour cette faute d’anatomie canine, que Jean Pecquet a corrigée dans sa réédition de 1654.
« Malheureux enfant engagé dans un combat inégal avec Achille » (Virgile, Énéide, v. note Patin 26/477).
Probable allusion aux propos d’Oreste {a} à Tyndare, {b} dans l’Oreste d’Euripide (vers 544‑550) : {c}
« Ô vieillard, je crains de te répondre, quand mes paroles doivent porter la tristesse dans ton âme. Je suis souillé pour avoir tué ma mère ; mais je suis pur à un autre titre pour avoir vengé mon père. L’aspect de ta vieillesse trouble mes paroles; qu’elle laisse le champ libre à mes discours, et je ne divaguerai point ; mais la vue de tes cheveux blancs me frappe de respect. Que devais-je faire ? » {d}
- Fils d’Agamemnon et de Clytemnestre, Oreste avait vengé son père en tuant sa mère et son amant Égisthe.
- Tyndare, roi de Sparte (Jean ii Riolan), qui juge les crimes d’Oreste (Jean Pecquet).
- Contrairement au mythe traditionnel, Euripide (v. note Patin 16/290) tenait Tyndare pour le père de Clytemnestre.
- Traduction de M. Artaud, 1842.
Le chapitre cité discute les positions relatives de la trachée-artère et de l’œsophage, mais ce propos ne figure pas dans le texte grec d’Aristote : c’est un enjolivement de la traduction latine de référence, donnée par Theodorus Gaza au xve s. (v. note Patin 51/1187) : lignes 6‑8, colonne 244, tome ii des Aristotelis Stagiritæ Operum, édition de Lyon, Antonius Vincentius, 1561. Cet infime détail pourrait suggérer que Jean ii Riolan connaissait insuffisamment le grec pour se passer des versions latines d’Hippocrate, Aristote ou Galien, auteurs médicaux antiques qu’il citait à tout bout de champ.
Insanire cum insanientibus [Faire le fou avec les fous] est un adage antique qu’Érasme a commenté (no 3614) et attribué à Galien (livre i des Facultés naturelles), qu’il cite en grec et en latin :
Posteaquam autem satis nugati sumus haud sponte, sed juxta proverbium, coacti cum insanientibus insanire, rursus ad urinarum discretionem revertamur. {a}[Après nous être suffisamment arrêtés à des sornettes, non de notre propre fait, mais selon le proverbe, en ayant été contraints de faire les fous avec les fous, revenons à la sécrétion des urines].
- Début du chapitre xv du livre cité, Kühn, volume 2, pages 56‑57 :
Verum quum abunde garriverimus, neque id nostra sponte, sed juxta proverbium cum insanis insanire coacti, rursum ad urinæ secretionem revertamurCe latin fait rêver et donne une idée ce que serait devenu Galien si Érasme l’avait entièrement traduit.
Je n’ai pas trouvé la source du propos que Jean ii Riolan attribue à Platon (v. note Patin 80/15), mais celui d’Aristote, son disciple, vient du livre ii, chapitre xii, Des mœurs de la jeunesse, § xiv, de sa Rhétorique (en omettant bien sûr toutes les vertus que le philosophe attribuait aussi au jeune âge).
Le passage de Cicéron est textuel (op. cit., chapitre i, § 1) mais je n’ai pas trouvé celui d’Aristote dans la référence indiquée par Jean ii Riolan.
Op. cit. chapitre lxxii ; l’Académie était le nom du jardin, proche d’Athènes, où Platon enseignait la doctrine de son maître Socrate (v. note Patin 4/50).
Pline le Jeune (v. note Patin 1/220), Épîtres, livre vii (et non iv), lettre xvii.
« Nul n’est plus sûr de lui qu’un mauvais poète » : Martial (v. note Patin 17/75), Épigrammes, livre xii, lxiii.
Citation, presque mot pour mot, de deux passages de l’épître dédicatoire de Jean Pecquet à François Fouquet.
Cicéron (de Divinatione, livre ii, chapitre xiii), avec remplacement de nugatur [il plaisante] par nugaris [tu plaisantes], reprochait à Démocrite (philosophe grec contemporain d’Hippocrate, v. note [6], lettre de Jacques Mentel à Jean Pecquet) d’avoir prétendu tirer des enseignements sur l’état de la nature en examinant les entrailles des animaux.
Comme en ont témoigné René Descartes ou Pierre Gassendi, l’histoire naturelle faisait toujours partie de la philosophie au xviie s.
« Or, douter et s’étonner, c’est reconnaître son ignorance. Voilà pourquoi on peut dire en quelque manière que l’ami de la philosophie est aussi celui des mythes ; car la matière du mythe, c’est l’étonnant, le merveilleux » (loc. cit., traduction de Victor Cousin).
Saint Jérôme de Stridon (v. note Patin 40/81), début du traité Contre Vigilantius : {a}
Multa in orbe monstra generata sunt. […] Sola Gallia monstra non habuit, sed viris semper fortissimis et eloquentissimis abundavit.[Ce monde a engendré quantité de monstres. (…) La Gaule seule n’en a pas eu, mais a toujours abondé en hommes très forts et éloquents].
- Vigilance de Calagurris, prêtre natif de Gaule aquitaine au ive s., disciple puis adversaire de Jérôme, qui le tint alors pour un hérétique.
Les tomes xiii et xiv des Commentaires F.M.P., rédigés pendant le décanat de Guy Patin (1650-1652) et pendant les trois suivants (1652-1658, Paul Courtois, Jean de Bourges et Roland Merlet), ne font état d’aucune délibération de ses docteurs régents sur les Experimenta nova anatomica de Jean Pecquet. On y lit en revanche quantité de détails sur la fracture qui scindait alors la Compagnie entre partisans et ennemis de l’antimoine. Pierre De Mercenne, alias Hyginus Thalassius, et Jean ii Riolan n’ont pas hésité à lier cette insigne querelle à celle du chyle (v. notes [13], [35] et [41], chapitre iii de sa Brevis Destructio).
Les curieux peuvent lire ce que Jean ii Riolan écrivait dans l’édition de son Anthropographia (Paris, 1626, v. note Patin 25/146) qui a précédé la parution du livre de Gaspare Aselli (Milan, 1627, v. note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre i) : les mystères du chyle y sont traités dans le chapitre xvii, La veine porte, du livre ii, qui a été traduit en français (Paris, 1629, pages 270‑280).
Les quatre figures tricolores (noir, blanc et nuances de rouge) du livre d’Aselli, dont Riolan a fidèlement résumé le contenu, montrent bien que le collecteur supposé pancréatique du chyle (repères L, figure i et figure ii) est distinct du réservoir décrit par Jean Pecquet, et que ses rameaux efférents entourent le tronc de la veine porte (repères M, figure iii et figure iiii).
Corporis humani disquisitio Anatomica [Exploration anatomique du corps humain] de Nathaniel Highmore (La Haye, 1651, v. note Patin 7/272), chapitre vii, De Venis Lacteis, pages 36‑42, illustré de trois figures montrant, ou plutôt s’imaginant, chez le chien :
Le chapitre iii, libellus i, De venis [Sur les veines], de l’Anatomia reformata (Leyde, 1651) de Thomas Bartholin, {a} contient cette curieuse relation {b} (page 421) :
Ego in Anatome, Orbis piscis, quem nostri vocant Steenbüd, Gesnerus Leporem marinum, Clusius orbem ranæ rictu, Islandis Roemassue à colore ventris, tam maris quam fœminæ, sæpius hic Hafniæ à me repetita, Dosctissimis Viris Wormio, Sperlingero, Simone Paulli, Fuirenio, Pouchio aliisque spectantibus, inveni monstravique non solum multos post dies lacteas copiosissimas et lacteo humore turgidas, sed verum insuper insertionis locum. Is erat tertius hepatis lobus, minor ille molliorque à Spigelio descriptus, quem ramus lacteus satis magnus ing ediebatur à glandula magna non procul collocata, lacteoque humore turgida proveniens, ad quam glandulam pleræque lacteæ ex mesenterio et appendicibus ventriculi commeabant. Quin idem in homine reliquisque animalibus eveniat, dubitandum non est, ita natura dividente, ut singulis lobis sui trunci assignentur. Ab hoc autem ulterius pergunt cum portæ ramis ad reliquos lobos interius, eorumque parenchyma. Et notandum circa hunc lobum tertium, ubi lacteæ venæ inseruntur, appositam esse vesiculam felleam, sive ut concoctionem sanguinis, cujus ibi initium, adjuvet, sive ut excrementum biliosum in chyli concoctione separatum excipiat.[En disséquant, ici à Copenhague, le poisson rond que nous appelons Steenbüd, qui est le lièvre marin de Gesner, le poisson rond à bouche de lotte de Clusius, la roemassue des Islandais, pour la couleur de son ventre, {c} tant mâle que femelle, j’ai moi-même très souvent trouvé, et montré aux très savants MM. Wormius, Sperlingerus, Simon Paulli, Fuirenius, Pouchius et autres, {d} que, plusieurs jours après avoir été pêchés, ils ont de très nombreux lactifères remplis d’humeur laiteuse, et surtout, j’ai vu le lieu de leur insertion. Il s’agit du troisième lobe du foie, celui qui est plus petit et plus mou, et qu’a décrit Spigelius, {e} que pénètre un assez grand rameau lacté provenant d’une grosse glande placée non loin de lui ; elle est remplie d’une humeur laiteuse qui lui vient des très nombreux lactifères issus du mésentère et d’appendices de l’estomac qui s’y abouchent. {f} Il n’y a pas à douter qu’il en aille de même chez l’homme et les autres animaux, car la nature répartit les structures vers les autres lobes hépatiques de manière que chacun soit destinataire de son propre tronc, lequel poursuit ensuite sa route en profondeur, avec les branches de la veine porte, vers les autres lobes et leur parenchyme. Il faut aussi noter que la vésicule biliaire est située auprès de ce troisième lobe, où s’insèrent les veines lactées, de manière que l’excipient bilieux intervient pour sa propre part dans la digestion du chyle]. {g}
- V. note [5] de la lettre d’Adrien Auzout.
- Le chyle n’a franchement l’apparence du lait que chez les mammifères (plus nettement encore chez les carnivores que chez les herbivores) : c’est une lymphe incolore chez la plupart des autres vertébrés, mais il est souvent d’un blanc limpide chez les poissons, avec une intensité qui varie selon la qualité de l’alimentation.
- Le nom français courant de ce poisson malacoptérygien (à nageoires molles) est la lompe, lump ou grosse poule de mer, dont on ne consomme que les œufs. V. note Patin 7/09 pour Conrad Gesner. Clusius est le nom latin du médecin et naturaliste flamand Charles de L’Écluse (1526-1609).
- V. notes Patin 6/1044 pour Olaüs Wormius, et 4/616 pour Henrik Fuiren. Otto Sperling et Simon Paulli ont correspondu avec Guy Patin. V. note [8], Historia anatomica de Bartholin, chapitre xv pour Ludovicus Pouchius.
- Cité plus haut dans la préface, le « petit lobe hépatique », porte le nom d’Adriaan van de Spiegel (Spigelius, v. note [8‑3], Historia anatomica, chapitre iii) : situé à la face postérieure du foie, il forme la partie arrière de son hile, entre la veine porte et la veine cave inférieure.
- Tout cela est représenté dans la figure iv, page 419. La figure v, page 423, reproduit la figure ii de Gaspare Aselli (chez le chien, v. supra note [21]).
- Cette description et son commentaire provoquaient le légitime scepticisme de Jean ii Riolan. Son principal intérêt est de montrer à quel point Bartholin était éloigné de la retentissante découverte que Jean Pecquet a publiée la même année.
Jean ii Riolan partage avec Thomas Bartholin (v. note [4] de son Historia anatomica, 1652, chapitre v) la paternité de l’adjectif pecquétien (pecquetianus). Forgé sur le même modèle que « riolanique » (riolanicus, v. note [2], Épître dédicatoire de la Dissertatio de thoracis lacteis), Riolan l’emploie ici dans une intention louangeuse, mais il l’a repris à des fins péjoratives en 1655, pour dénigrer les partisans de Jean Pecquet dans sa Responsio ad Pecquetianos.
La conclusion de Riolan doit être attentivement lue par ceux qui s’intéressent à la querelle anatomique qui l’a opposé à Pecquet : Louis Gayan (v. note [7], Experimenta nova anatomica, chapitre vi), le chirurgien parisien qui disséquait avec Pecquet, a montré à Riolan le réservoir du chyle et les canaux thoraciques, dont il a admis l’existence sans du tout disconvenir de l’importance de cette découverte, et en saluant même les mérites de son auteur, jusqu’à vouloir attacher son nom aux voies du chyle dans le thorax. Le différend portait, non sans de très sérieux motifs, sur l’interprétation excessive de Pecquet : il considérait à tort le chyle comme le véhicule exclusif de toutes les substances nutritives produites par la digestion des aliments ; et donc comme le seul suc capable de former le sang, dont il aurait dès lors fallu transporter l’« officine » du foie dans le cœur, ce qui revenait à célébrer bruyamment les Funérailles du foie.
Comme souvent, chacun des deux protagonistes avait en partie raison : les graisses absorbées suivent la voie du chyle, mais les glucides et les protéines empruntent la voie de la veine porte ; la partie liquide du sang (plasma) est fabriquée par le foie, et sa partie cellulaire l’est par la moelle osseuse et les organes lymphoïdes, sans que le cœur y prenne la moindre part (v. la fin de notre Brève histoire du chyle).
Riolan était tout de même mauvais joueur et dissimulait mal sa jalousie envers un tout jeune médecin, encore étudiant, qui se couvrait, avec éclat mais non sans quelque abus, d’un immense renom auprès de toute la « république anatomique » de son temps, c’est-à-dire auprès de toute l’Europe savante. Si Riolan, en voyant crouler ses certitudes, avait été moins aveuglé par la gloire de son âge et de ses écrits, il aurait, semble-t-il aujourd’hui, beaucoup mieux fait d’associer Pecquet à sa chaire royale d’anatomie, plutôt que de la transmettre au très médiocre anatomiste qu’était Guy Patin. Dans ces conflits imprégnés d’envie, d’orgueil et de vieilles rancunes, le Danois Thomas Bartholin a fait preuve d’une plus louable clairvoyance en se faisant le chantre enthousiaste de Pecquet, mais en le suivant malheureusement dans toutes ses erreurs.
Page 137, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
Præfatio.
Niciam Pictorem percele-
brem dicisse ferunt, pingen-
di præcipuam esse partem,
argumentum eligere pingi
dignum, quod spectantium
oculos detineat ; ideoque despectus fuit
Pereycus pictor egregius, quod in ton-
strinis, et Asellis pingendis perpetuo oc-
cuparetur. Propterea non sine ratione
Page 138, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
vereor, ne mihi probro, et dedecori ver-
tatur, quod ego iamdudum in studio Ana-
tomico spectatus, ab annis quinquaginta,
quibus Anatomem profiteor in Academia
Parisensi, totius Europæ celeberrima :
Atque per Dei gratiam tandem honori-
ficum in Schola nostra gradum Antiqui
Decani ordine receptionis assequutus,
post certamen, vel potius disputationem
amicam cum Doctissimo Harveo, pe-
ritissimo Anatomico, et coætaneo initam,
de Circulatione Sanguinis, iterum pu-
gnam instaurem cum Iuuene leuis arma-
turæ, Qui vix primos Iuuentutis annos
adeptus est, ut epistolæ commendatiæ
ferunt, ac proinde adhuc Adolescens.
Ille tamen suam peritiam, et felìcitatem
passim prædicat, in isto nouo inuento
Anatomico, atque confidenti animo, ve-
raque scientia præditus, non muta, frigi-
daque sapientia, ut alij instructus, inso-
lentissimam, et falsissimam doctrinam de
chyli anadosi ad subclavios ramos, ut lo-
quitur venæ Cavæ, eiusdemque chyli con-
uersione in Sanguinem intra Cor propo-
suit, istud sanguificandi officium eripuit
hepati, et aliud ei assignauit ineptissimum,
scilicet bilem solam emulgendi ex San-
guine venæ portæ secretam. In explican-
do isto pernicioso, ac destestabili parado-
Page 139, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
xo, infinitos errores in rebus Anatomicis
commisit, qui periti Anatomici censu-
ram meruerunt. Nihilominis sui Operis
nactus est è Schola Parisiensi Doctores
Medicos fautores, approbatores, et cum
elogiis præcones ; hac fiducia fertus, om-
nibus Anatomicis insultat, nec pepercit
Riolano, quem carpit, et suggillat
in venis lacteis, et in Circulatione San-
guinis ;Infelix puer, atque impar congressus
Achilli.His de causis prouocatus, in arenam
descendo, ad gregarij militis officium re-
dactus, atque deposita senectutis digni-
tate, ubique veneranda (quod optabat
Orestes Iuuenis adversus senem disputatu-
rus apud Euripidem.) Eius scriptum exa-
minabo, etiamsi non defuturos præui-
deam, qui cum insano, me velle insanire
iudicabunt ; quia Stultas opiniones admo-
dum scrutari, stultum esse censuit Aristo-
teles, cap. 3. lib. 3. de partibus animalium.
Verum ingenia Adolescentiæ sunt cingen-
da metis, et septis artium, et castiganda
vanitas, et petulantia istius ætatis, quæ
delectatur lusibus opinionum, et sæpe
portenta in dogmatibus, non secus ac
monstrosa corpora admiratur. Nam ut in
Platone eruditè dicitur, Ingeniosi raro sunt
Page 140, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
modesti, nec potest esse in illa ætate constan-
tia necessaria in ratiocinatione : eiusdem
opinionis fuit Aristoteles, nempe iuueni-
lis ætatis hoc esse proprium, putare se om-
nia scire, idque asseueranter affirmare.
Quid enim temeritate stultius, aut quid
tam temerarium, tamque indignum sa-
pientis grauitate atque constantia, quàm
aut falsum sentire, aut quod non satis ex-
plicate perceptum sit, et cognitum, sine
vlla dubitatione defendere, inquit Tullius
lib. 1 de Natura Deorum. Aristoteles initio
lib. 2 Metaphys. In novis opinionibus
diu dubitandum esse iudicat, et aliorum
exquirenda iudicia, priusquam aliquid
definias.Olim proprium erat Academiæ, iudi-
cium suum nullum interponere, ea pro-
bare quæ simillima veri videbantur, con-
ferre causas, et quod in quamque senten-
tiam dici possit exponere, nulla adhibita
sua authoritate, Iudicium audientium re-
linquere integrum, ac liberum. Hanc
consuetudinem à Socrate traditam, se re-
tinuisse profitetur, Cicero sub finem, lib. 2 de
Divinatione. Cogita, inquit Plinius, lib. 4.
epist. quam sit magnum, dare aliquid in
manus hominum : nec mihi persuadere
possum, non cum multis, et sæpe tractan-
dum, quod placere, et semper, et omnibus
Page 141, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
cupias. Ideóque in studiis homines potiùs
timor, quam fiducia decet, Nihil tamen
securius malo Poëta, inquiebat Martialis ;
sunt enim quibus omnia placent dum na-
scuntur, alioqui non scriberentur. Tale est
scriptum adolecentis Pecqueti, qui super-
bè gloriatur in epistola dedicatoria, se dete-
xisse miracula, quæ nequit absque inuidia,
crimineque supprimere. Tanti interest om-
nium hominum, ut ea vulgentur, quanto
sanitas, in cuius gratiam exhibet inaudita,
cæteris humanæ vitæ bonis præcellit. Ergo
nouam medendi methodum condere opor-
tet, quam ab illis expectamus, qui eius
libellum approbarunt. Errauisse hactenus
omnium retro sæculorum etiam præstantioris
notæ Anatomicos ostendit, et eos, qui Physi-
cam professi sunt, uno excepto Aristotele, in
animantium natura non levi discrimine cæ-
cutiisse. Huic insolenti jactantiæ, opponam
quod Cicero obiecit Democrito, non in-
scitè nugaris ut Physicus, quo genere ho-
minum nihil arrogantius : non ausim ad-
dere mendacius, nisi Aristotelis authorita-
te fretus, qui Philosophum fabulæ sæpe
amatorem esse scribit lib. 1. Metaphys. cap.
2. ut ex admirandis homines inuitet ad
Philosophandum, eiusque opinio videa-
tur admirabilis, quod Pecquetus in hoc
tractatu astute imitatus est.
Page 142, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
Verumtamen interest Scholæ Parisiensi
castigare Iuuenis istius insolentiam, au-
daxque facinus, quia monstra opinionum
numquam aluit Gallia, attestante D. Hie-
ronymo, ne credant exteri istud opuscu-
lum Lutetiæ typis editum, à quibusdam
Doctoribus approbatum, omnibus silen-
tibus, assensum scholæ meruisse, et luce,
ac laude dignum iudicatum fuisse.Prisuquam ad examen huius libri acce-
dam, venarum lactearum historiam enar-
rabo. Prisci et recentiores Medici prodi-
derunt chylum in ventriculo confectum
delabi in intestina, resorberi à venis Me-
saraicis, instar hirudinum intestinis ap-
plicatarum, chylum exsugentibus, deferri
per venam Portam ad Hepar, ubi in San-
guinem vertitur : Per easdem venas San-
guinem in hepate elaboratum, distribui
intestinis ad nutritionem. Dubitatum ta-
men fuit, atque controversum, quomodo
fieret ista distributio Chyli et Sanguinis.
An per easdem venas, diversis tamen tem-
poribus, alternatim trahat jecur chylum,
et intestina Sanguinem elicerent. An eo-
dem tempore fieret ista distributio per
easdem venas, propter diuersa, et opposita
trahentia, ita tamen ut quæ ex illis
essent destinatæ chylo, aliæ Sanguini ? Ea
de re tractaui in mea Anthropographia, et
Page 143, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
istas difficultates enodaui. Has altercatio-
nes dum uideret Asellius, Anatomicus Ti-
cinensis doctissimus, in canibus viuentibus
aperto abdomine detexit venas quasdam
lacteas, separatas à venis Mesaraicis, quæ
non habent truncum, et inferuntur in
Hepar, in tres, quatuorve ramos collectæ :
sed quamplures per mesenterium dissemi-
natas confluere ad magnam glandulam,
in parte inferiore mesenterij sitam iuxta
lumbos, quam appellat Pancreas, di-
stinctum tamen ab altero vero Pancreate,
quod suppositum est ventriculo, eamque
glandulam chyli plenam deprehendit, ibi-
que scaturiginem chyli collocat, qui ad
Hepar defertur, per tres quatuorve ramu-
los ad paruum illum lobum, qui venæ
Portæ truncum fulcit, et amplexatur. Id
satis apertè declarauit Asellius, scripto, et
Iconibus pictis eleganter expressit, excusis
Mediolani in quarto, anno Domini 1627. Hi-
gmorus, Medicus Anglus in suo libro Anato-
mico nuper edito, valde prædicat suam indu-
striam et diligentiam in indagatione venarum
lactearum, et iconibus variis delineauit :
Sed mihi non placet, quod deriuat venas
lacteas à vero Pancreate hepatis subiecto,
atque innumeras venas repræsentet trun-
cum venæ Portæ amplexantes usque ad
Hepar. Bartholinus in sua postrema Ana-
Page 144, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
tome reformatâ, in pisce Orbe ipsas venas
lacteas Hepati insertas se manifestè vi-
disse ac demonstrasse suis Collegis, affir-
mat, quos nominat, atque iconibus dua-
bus repræsentat. Iuuenis Medicus Pecque-
tus, libello nuper edito de Venis lacteis su-
perbè gloriatur de nouâ Venarum lactea-
rum detectione, atque confidenter asse-
uerat, eas nequaquam ire ad Hepar : Sed
per duos canales deriuatos ab ista magna
glandula, quam appellat chyli receptacu-
lum, illum devehi ad venas subclavias,
inde relabi in truncum venæ Cavæ, et di-
stribui cum Sanguine Cordis dextro ven-
triculo, ibi confici Sanguinem ex isto
chylo, non in hepate, quod est dumtaxat
emunctorium bilis contentæ in Sanguine
venæ Portæ, et pistillum succutiens istas
venas lacteas ad faciliorem ascensum chy-
li. Fateor quidem istum Iuuenem non in-
doctum, istos duos tubulos lacteos ad su-
perna repentes inuenisse, sed vsum verum
prorsus ignorare, atque imperitè sangui-
ficationem hepati eripuisse, ut ineptè tri-
bueret Cordi. Qua de re in isto tractatu cum
ipso disputabo de vsu istarum venarum
lactearum, non de hyparxi et existentia.
Laudo tamen eius scrutinum Anatomi-
cum, et diligentiam in ista perquisitione
venarum lactearum, si tantùm το οτι de-
Page 145, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
clarasset non το διοτι ; maiore laude dignus
fuisset. Quæ in cane Gayanus Chirurgus et
Anatomicus peritus mihi demonstrauit,
ideóque istos canales lacteos iure vocabo
Pecquetianos, ut in Pancreate canalis Vir-
sungianus nuncupatur, ne putet me illi
iniuriam facere, et istud inuentum obscu-
rare velle, vel mihi arrogare. Duntaxat
improbo istarum venarum lactearum usum
ab eo assignatum, et insolentiam, qua
usus est aduersus præcedentes Anatomi-
cos, tanquam ignaros rei Anatomicæ.
"Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la
licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.