Texte
Clypeus
de Guillaume de Hénault,
alias Jean Pecquet (1655),
3e de cinq parties  >

[Pages 32‑33 | LAT | IMG] [1]

    Le Noble [2] lance d’autres traits contre le cœur : [3][4] « Et à non moindre raison, sinon à plus forte raison, on pourrait dire que l’officine de la sanguification se situe aussi dans les poumons, où la circulation mène le chyle, et où il séjourne plus longtemps que dans le cœur, dont le mouvement continu l’expulse promptement, sans lui laisser le temps de s’y reposer. » [1][5][6] Cela est conforme à la doctrine de la circulation, et il n’échappe à personne que le chyle s’écoule des subclavières [7] dans la veine cave supérieure, [8] pour passer dans le ventricule droit du cœur [9] où il devient sang. Il est donc transformé en sang avant de quitter le cœur droit pour pénétrer dans les poumons, qui sont la seule voie qui s’ouvre à lui. [2][10] Pour répondre à son puissant argument, nous convenons avec lui que le chyle gagne les poumons, mais secondairement, et qu’il y séjourne plus longtemps que dans le cœur, mais quel inconvénient y a-t-il à cela ? Le sang artériel et l’esprit vital [11] se répandent dans les artères et y demeurent plus longtemps que dans le cœur ; tous deux gagnent pareillement les plexus du cerveau, [12] où ils demeurent plus longtemps que dans le cerveau, exactement de la même façon qu’ils gagnent les plexus pampiniformes où ils séjournent plus longtemps que dans les testicules. [3][13] Si le sang était lui-même fabriqué dans le foie, il gagnerait ses veines où il séjournerait aussi plus durablement que dans le foie. Je lui rétorque donc qu’à non moindre raison, sinon à plus forte raison, on pourrait dire que les artères, mais non le cœur, sont l’officine du sang et de l’esprit vital, les plexus choroïdes, mais non le cerveau, sont celle de l’esprit animal, [14] [Pages 34‑35 | LAT | IMG] les vaisseaux afférents et déférents, mais non les testicules, sont celle du sperme, [15] et que les veines sont celle du sang veineux ; [16] mais pourrait-on jamais concevoir et proférer de telles absurdités ? Un ralentissement de l’humeur ou de l’esprit est certes nécessaire, mais le tempérament particulier de l’organe qui assure la coction l’est encore beaucoup plus. [4]

    Il avance une sentence, tirée de Galien, quand il dit : « Si la structure du foie favorise mon opinion. » [5][17][18] Je ne vois pourtant pas quelle faveur il en tire : d’innombrables veinules parcourent certes admirablement le foie de toutes parts, mais on ne doit pas en conclure qu’il est l’officine du sang et que le cœur ne l’est pas, car le mésentère, les reins, la rate, les poumons et le cerveau sont eux aussi admirablement remplis d’innombrables petites veines qui les parcourent de toutes parts. Si une exubérante profusion de vaisseaux permettait sûrement de découvrir la source du sang, personne ne serait en droit de contester qu’elle se situe dans le cœur, car s’y insèrent quatre volumineux vaisseaux, [19][20][21] tandis que seules deux veines plus exiguës s’attachent au foie. [22]

    Il persiste néanmoins dans son idée que le foie suffit à prendre la place du cœur : « Sa taille et sa couleur plaident aussi fortement contre la doctrine de Pecquet. Elles font en effet assez clairement comprendre que la fonction naturelle de ce viscère ne consiste pas à séparer la bile du sang (comme [Pages 36‑37 | LAT | IMG] l’explique Pecquet), [23] car cela n’est assuré que par la vésicule : son remarquable dispositif de sécrétion lui permet de l’éliminer après qu’elle l’a attirée dans sa cavité, qui agit à la manière d’un aimant, [24] de la même façon que les reins purgent le sang de son sérum ; [25][26] mais si la sentence nouvelle de Pecquet avait quelque fondement raisonnable, la taille des reins devrait dépasser celle du foie, puisque le volume du sérum est bien supérieur à celui de la bile ; Bartholin (qui pense comme Pecquet) dit en effet que les reins sont au nombre de deux parce que le sérum est le plus abondant de tous les excréments, son volume dépasse celui des deux biles, [27] et le sang doit être son véhicule. [28][29] En outre, selon Aristote, [30] après Hippocrate, [31] ils auraient pu être plus grands pour maintenir plus solidement la veine cave, [32] qu’ils jouxtent de chaque côté, comme font des ancres. » [6] La grande taille du foie fait certes comprendre que sa fonction naturelle ne se limite pas à extraire la bile du sang, mais cela n’est en rien contraire à l’opinion de Pecquet. Il dira que c’est une des fonctions principales du foie, et non son unique fonction, mais que la vésicule ne peut pas à elle seule, par son remarquable dispositif de sécrétion, éliminer la bile en l’attirant, à la manière d’un aimant ; qu’il serait beaucoup plus conforme à la raison et à la doctrine orthodoxe d’attribuer cette séparation au pouvoir d’expulsion du foie, qui est commune à toutes les parties, surtout quand elles sont officiales, plutôt qu’au seul pouvoir de filtration de la vésicule. [7] Il ajoutera au foie, dis-je, bien d’autres utilités que celle-là : pour soutenir les veines porte et cave, et leurs ramifications ; pour aider l’estomac, dont il recouvre une grande partie, [Pages 38‑39 | LAT | IMG] à élaborer le chyle ; [33] pour faire contrepoids à l’estomac et à la rate ; pour ménager l’équilibre du thorax quand le cœur se heurte violemment contre sa partie gauche, quand il se remplit, puis attire le diaphragme vers la gauche, quand il se vide ; [34] et ce faisant, pour maintenir bien unie la totalité du tronc. La grandeur du foie n’oblige donc ni à lui attribuer la formation du sang, ni à la dénier au cœur. Même si Pecquet affirmait que le foie n’est voué qu’à expulser la bile, la masse de ce viscère ne devrait pas faire écarter ce qu’il propose : cette sécrétion de la bile ne se faisant que par l’orifice de veines extrêmement fines et requérant une grande abondance de sang, le nombre de ces veines doit être très élevé, et Le Noble lui-même convient qu’elles sont innombrables ; [8] pour cette raison et même selon sa propre doctrine, elles doivent disposer d’une grande masse de substance. Sa comparaison avec les reins n’a quant à elle rien de concluant car ils ne servent qu’à filtrer le sérum, sans compter qu’ils n’ont pas besoin d’être très grands car le sérum en sort plus vite que la bile du foie.

    Le Noble revient à la charge sur la grande taille du foie : « Si ce très noble viscère servait principalement à séparer la bile, les animaux chez qui elle est très abondante, et dont la vésicule biliaire est ample et volumineuse, devraient avoir un foie plus grand et épais. L’expérience enseigne pourtant que la vésicule de l’homme est plus menue que celle de nombreux animaux, mais que son foie est beaucoup plus volumineux et développé que le leur. Tous les anatomistes sont [Pages 40‑41 | LAT | IMG] d’accord là-dessus, comme vous en avez particulièrement témoigné [9][35] (à tout le moins quand on compare le foie humain à celui d’autres animaux de taille similaire) ; et Bartholin a remarqué que “ sa taille et son épaisseur chez l’homme sont remarquables et très grandes (comme sont celles du cerveau), non tant en raison de la nutrition, comme c’est le cas chez les bêtes, que de la génération des esprits animaux, qui se dissipent sans relâche (mais qui dérivent eux-mêmes des esprits vitaux tirés du sang), et pour diverses fonctions propres à l’homme ” ; le même auteur ajoute qu’“ il est plus grand encore dans les corps de tempérament très froid, ainsi que chez les timides et les gloutons, de manière à leur augmenter la chaleur du cœur ”. De tout cela s’ensuit clairement que c’est au foie que revient la charge de convertir le chyle en sang, et non pas seulement celle de filtrer le sang pour le débarrasser de la bile qui s’y est mélangée. » Pecquet n’ira pourtant pas décrier la grandeur du foie, mais s’il dispose d’une telle masse, ce n’est pas seulement pour éliminer la bile, mais aussi pour assurer les autres fonctions dont j’ai parlé plus haut. Les animaux chez qui la bile est fort abondante, et dont la vésicule est ample et volumineuse, devraient donc à cela le fait d’avoir un gros foie, et inversement. L’expérience établit que l’homme fait exception à la règle, mais Pecquet répondra non sans raison qu’il est le plus parfait des animaux et que la nature l’a doté d’un gros foie pour qu’il soit capable de remplir les fonctions précédemment citées mieux qu’il ne fait chez les bêtes. À supposer qu’il maintienne que la seule fonction du foie est de produire la bile, [Pages 42‑43 | LAT | IMG] il arguera immédiatement que si le foie de l’homme est plus grand que celui de tous les autres animaux, c’est précisément parce qu’il sécrète la bile : l’homme étant le mieux tempéré de tous les animaux, son foie doit filtrer la très grande quantité de sang qui traverse son parenchyme, puisque les esprits animaux, qui font de lui un être de raison, ne peuvent naître que d’un sang parfaitement tempéré. Certains animaux ont certes une vésicule biliaire plus grande que celle de l’homme, mais cela ne plaide pas contre Pecquet car, étant beaucoup mieux tempéré, l’homme élimine sa bile plus vite qu’eux, tout comme il décharge ses intestins plus fréquemment qu’eux. L’autorité de Bartholin que Le Noble met en avant se retourne contre lui : si le foie est plus gros chez les animaux timides, froids et gloutons, c’est pour augmenter la chaleur de leur cœur, mais Pecquet évince son argument de manière moins obscure en disant que c’est plutôt parce que le cœur est l’officine du sang. [10][36] Quoi qu’il en soit, pour rejeter une nouvelle doctrine qui s’appuie sur la démonstration anatomique, le verbiage d’un auteur n’ajoute guère à ce que sa propre expérience lui a caché sans qu’il y ait rien apporté de clairement nouveau.

    Sans toucher sa cible, Le Noble lance lâchement une autre flèche : « Quant à la couleur du foie (quand il est sain), la nature lui a donné une teinte qui tire plutôt sur le jaune que sur le rouge, puisque de même que “ les mains des teinturiers prennent la couleur des pigments qu’ils utilisent ”, pour parler comme Pecquet, de même est-il bien certain et démontré que le côlon tout entier [Pages 44‑45 | LAT | IMG] prend la couleur de l’excrément qu’il évacue. » [11][37][38] Cette véhémence est sans objet car un peu de substance jaune qui se mélange à un grand volume d’humeur très rouge n’en modifie pas la couleur, comme l’expérience le prouve abondamment, en particulier quand la phlébotomie des sujets ictériques recueille un sang vermeil. [39][40] La prétendue identité de couleur entre le côlon et la bile est ici sans valeur car un grand volume de matière blanche change de teinte en y ajoutant fort peu de jaune. Si son raisonnement était fondé, ne devrait-il pas en déduire que la couleur du foie, bien qu’il fabrique le sang, tire sur le jaune à cause la bile qui s’y répand partout ?

    Le Noble laisse ensuite la structure hépatique de côté : « D’ailleurs, l’ictère qui succède à une inflammation du foie [41] traduit le fait que cet incendie s’est transmis à la totalité du sang, lequel s’altère en une si grande quantité de bile que, dépassant la capacité de la vésicule, la couleur naturelle, jaune, de cette humeur débordante teinte les excréments contenus dans les gros intestins, les urines et la totalité du corps, ce qui, dans le foie, a pour conséquence une corruption manifeste de la sanguification. Aucune intempérie du cœur, si ardente soit-elle, n’est capable d’y provoquer si rapidement une altération d’une telle ampleur. » [12] L’ictère dont il parle ne prouve pas que le foie produit le sang, et j’en déduirais, pour ma part et à bien plus forte raison, que le sang est préparé dans la rate car dans les maladies spléniques, il est changé en une grande quantité de bile, et la couleur naturelle de tout le corps se corrompt toujours pour devenir un peu plombée, comme fait souvent aussi celle des fèces et des urines. Il faut dire la même chose des maladies qui affaiblissent beaucoup la fonction des reins, [42] car s’y surajoute une hydropisie, [43] où le sérum teinte le sang, et où tout le corps [Pages 46‑47 | LAT | IMG] enfle et blanchit. Il se souviendra, en se rappelant Platon, que les humeurs naturelles ne sont produites que par une seule partie principale du corps, et qu’elles peuvent être altérées soit par une autre partie, soit par quelque autre humeur ou esprit. [13][44] Il faut vraiment y voir trouble pour dire que l’humeur nocive reflue toujours dans la partie principale, et voici comment je le prouve : dans la fièvre hectique [45] le cœur est la principale partie affectée, le sang est enflammé, le corps entier maigrit, donc le cœur est la cuisine du sang ; et on doit tirer la même conclusion dans toutes les fièvres continues [46] Il y aurait bien pire argument à lui opposer : les causes qui peuvent anéantir un effet sont plus nombreuses que celles qui peuvent le produire ; et donc, bien que le sang d’un patient ictérique se transforme en une grande quantité de bile, il est faux d’en déduire que le foie fabrique le sang, et plus correct d’en conclure qu’il produit la bile, ou plutôt qu’il la sépare du sang. La véritable et légitime cause de cette altération est à rechercher très attentivement : Le Noble suppose, mais ne prouve pas que le sang s’y transforme en une grande abondance de bile, et nous ne sommes pas d’accord avec lui car chez les ictériques, le sang que recueille la phlébotomie est rouge, ou du moins n’est pas jaune ; mais son sérum est de cette couleur, en même temps qu’il est épaissi, à cause de l’augmentation de la bile. Quand cette bile s’est mélangée au sérum, et non pas au sang, les fèces, les urines et le corps entier jaunissent.


1.

Guillaume de Hénaut (alias Jean Pecquet) continuait sa critique de la lettre que Charles Le Noble avait écrite à Jean ii Riolan contre la sanguification cardiaque, en puisant dans les page 10‑12 de sa première partie : v. sa note [9] pour le contexte de cet extrait.

2.

Guillaume de Hénaut (alias Jean Pecquet), comme Charles Le Noble, mais contrairement à Jean ii Riolan, était partisan convaincu de la circulation harvéenne du sang.

3.

On disait pampiniformes (en forme de pampre) les plexus veineux spermatiques de l’épididyme, annexe du testicule qui borde sa face supérieure à la manière d’un cimier de casque. On croyait que leur sang apportait aux testicules la matière nécessaire à la formation du sperme, de même que le sang des plexus choroïdes cérébraux permettait la transformation de l’esprit vital en esprit animal (influx nerveux).

4.

En l’exposant dans un épouvantable latin, qui n’avait d’égal que celui de Jean Pecquet, l’argumentation de Guillaume de Hénaut consistait généralement à pousser les raisonnements de Charles Le Noble jusqu’aux conclusions les plus absurdes : soit ici jusqu’à attribuer la fonction d’un organe aux vaisseaux qui l’irriguent.

V. note [15], appendice de la réponse que Jean ii Riolan a faite à Le Noble, pour la sanguification assurée par les veines du foie, imaginée par Jacobus Schegkius en 1580.

5.

V. note [8], première partie de la lettre de Charles Le Noble, pour les avis de Galien sur la sanguification hépatique dans le livre iv de l’Utilité des parties.

6.

Lettre de Charles Le Noble, première partie, pages 10‑11 : v. ses notes [10], [11] et [12].

7.

On disait officiale une partie du corps qui travaille pour les autres : « Le cœur, le cerveau, le poumon, l’estomac, sont des parties officiales, qui ont un office ou une fonction particulière pour entretenir le reste du corps » (Furetière, qui oubliait curieusement le foie).

Jean Pecquet a détaillé la fonction filtrante du foie dans le chapitre xiii de sa Dissertatio anatomica (1651) en la limitant à l’épuration de la bile, mais il n’a pas exactement énoncé ce que le Clypeus lui faisait dire ici, écrivant néanmoins, à la fin de son introduction : « nous établirons avec clarté qu’il est permis, après Aristote, de réduire la fonction filtrante du foie à la production de l’excrément du sang qu’est la bile. »

8.

Dans la première partie de sa lettre (page 9), Charles Le Noble a cité Galien observant « qu’une multitude de veinules gagne le foie et le farcit ».

Guillaume de Hénaut jonglait si habilement avec les textes de Jean Pecquet et de Le Noble qu’il est vraiment difficile de ne pas croire que Pecquet tient la plume.

9.

Cet extrait vient toujours de la première partie de la lettre (page 11) que Charles Le Noble a écrite à Jean ii Riolan, auquel il s’adressait ici, en se référant à son Anthropographie de 1649, avant de citer, “ entre guillemets anglais ”, l’Anatomia de Thomas Bartholin (1651) : v. sa note [13] pour ces deux sources.

10.

Dans la dernière phrase de son argumentation, que j’ai plutôt interprétée que traduite, tant son latin est confus, Guillaume de Hénaut a exposé le raisonnement de Jean Pecquet, mais en passant par inadvertance du futur (evincet, « évincera ») à l’indicatif (evincit, « évince »), ce qui donne une raison de plus pour penser que ce n’était pas lui, mais bien Pecquet qui rédigeait le Clypeus. Tel est à mes yeux le seul intérêt de cette discussion abracadabrante sur la taille du foie humain, qui n’est plus aujourd’hui qu’une curiosité historique ; et la suite va sortir du même tonneau.

11.

Lettre de Charles Le Noble, première partie, page 12 : v. sa note [10] pour l’allusion à Jean Pecquet sur les pigments.

12.

Lettre de Charles Le Noble, première partie, page 12 : v. sa note [14].

13.

Le plus long propos de Platon sur les humeurs corporelles que je connaisse se lit dans le livre de Galien sur les Doctrines d’Hippocrate et de Platon (livre viii, chapitre v, Kühn, volume 5, pages 682‑688), mais je n’y ai pas trouvé de quoi justifier ce qu’en déduisait ici Guillaume de Hénaut, alias Jean Pecquet.

b.

Pages 34‑35, gvillelmi de henaut clypeus

vasa præparantia, et deferentia
seminis, venæ sanguinis venosi
officina, non cor, non cerebrum
non testes ; quibus propositioni-
bus nihil absurdius vnquam di-
cj, aut excogitari potest. Ne-
cessaria quidem est quædam hu-
moris aut spiritus detentio, sed
magis adhuc necessaria partis
concoquentis peculiaris tempe-
ries.
   Supponit eam, quam e Gale-
no attulit, iecoris compositio-
nem suæ fauere sententiæ, dum
ait. (Verùm si iecinoris composi-
tio meæ faueat sententiæ.) Li-
cet quem fauorem ipsi conci-
liet, non videam. Etsi quippe ve-
nulis innumeris, et mirabiliter
insertis iecur sit vndique plenum,
non ideo concludendum est id es-
se sanguinis officinam, aut id

———

muneris cordi denegandum :
quia mesenterium, renes, lien,
pulmones, et cerebrum venulis
innumeris, et mirabiliter inser-
tis vndique plena sunt. Quòd si
vasorum copiosor numerus ad
detegendum sanguinis princi-
pium plurimùm valeret, nemo est,
qui non id statim cordi tribuen-
dum esse meritò iudicaret, cùm
hepar duarum tantum venarum
exiguis radicibus conspersum sit,
a corde verò quatuor insignia,
et ab ortu patula vasa orian-
tur.
    Prosequitur tamen vt hepar in
cordis locum sufficiat. (Eius
etiam magnitudo, atque color
Pecqueti doctrinæ non parum
aduersatur : ex ijs enim satis in-
telligitur, aliud esse natiuum
huius visceris officium, quàm vt
bilem à sanguine (eo quo expli-

a.

Pages 32‑33, gvillelmi de henaut clypeus.

    Alijs telis cor impetit. (Et
præterea si non potiori, certè
inferiori ratione dici possent
pulmones αιματωσεως officina, quòd
illuc etiam ex circulationis do-
ctrina deferatur chylus, et ibi
diutius resideat, quàm consistat
in corde, ex quo dum motu con-
tinuo celeriter egredi compelli-
tur, nullum ei in eo conquies-
cendi spatium relinquitur.)
Hæc est doctrina circulationis.
Neminem latet chylum e sub-
clauiis in cauam, hinc in cor-
dis dextrum ventriculum, in
quo fit sanguis, corriuari. Ergo
chylus priùs cordis sinum dex-
trum subit, nec subit pulmones,
cùm sanguis sit antequam a cor-
de in eos effundatur : certè nul-
læ aliæ patent viæ. Sed vt huius
ab eo allatæ argumentationis
robur dissoluatur ; esto chylum

———

ad pulmones secundariò deferri
et ibi diutius residere, quàm con-
sistat in corde concedamus : quid
inde ? nihil est incommodi. San-
guis arteriosus, spiritusque vitalis
in arterias diffunduntur, ibi-
que diutius resident, quàm in
corde ; Idem sanguis arteriosus,
spiritusque vitalis in cerebri ple-
xus deferuntur, ibique diutius,
quàm in cerebro resident ; eadem
prorsus materia fertur ad plexus
pampiniformes, ibique diutius
emanet, quàm in testibus. Et
sanguis ipse, si in hepate gene-
retur, fertur in venas, ibique
diutius detinetur, quàm in he-
pate ; Ergo, vt argumentum re-
torqueam, si non potiori, certè
non inferiori ratione dici possent
arteriæ sanguinis, ac spiritus vi-
talis, reste admirabile, plexus-
que choroides spiritus animalis,

c.

Pages 36‑37, gvillelmi de henaut clypeus.

cat modo Pecquetus) secernat,
quam sola fellis vesicula mira se-
cretione separare potuit, et in
sese velut magnetica virtute at-
trahere : vtque renes eundem
sero repurgant, si noua ita Pec-
queti opinio ratione aliqua nite-
retur, magnitudine renes iecur du-
perare debuissent, quemadmo-
dum bilis quantitas seri excessu
vincitur ; renes enim, inquit
Bartholinus, bini reperiuntur,
quia inter omnia excrementa se-
rosum est copiosissimum, et
vtramque bilem excrementitiam
superat, ob sanguniem, {a} cuius
vehiculum esse debet : cùm in-
super forsan maiores ea ratione
facti fuerint, vt ex Aristotele
post Hippocratem, vtrinque po-
siti venam cauam velut anchoræ
iactæ stabilirent.) At quamuis
è jecinoris magnitudine satis in-

———

telligeretur aliud præterea nati-
uum esse huius visceris officium,
quàm vt bilem à sanguine secer-
nat, hæc certè propositio Pecque-
ti opinioni non aduersaretur.
Dicet bilis à sanguine secretio-
nem esse vnum, non vnicum è
præcipuis iecoris officiis, quam
non sola fellis vesicula mira secre-
tione separare potuit, et in se ve-
luti magnetica virtute attrahere,
quòd rationi, atque doctrinæ
orthodoxæ, congruum magis sit,
hanc secretionem potius hepatis
virtuti expultrici, omnium par-
tium, præcipuè officialium com-
nunj, quàm solius vesiculæ secre-
trici, et attractrici tribuere. Di-
cet inquam præter eum vsum ie-
coris, esse et alios, vt nempe ve-
nam cauam, portam, earumque
diuaricationes fulciat, vt, dum
magna sui parte ventriculo assi-


  1. Sic pour : sanguinem.

d.

Pages 38‑39, gvillelmi de henaut clypeus.

det, chylosi sit auxilio, vt lienis,
et ventriculi ponderi æquipol-
leat, vt, dum in sinistram
partem cor impellitur, sic-
que diaphragma trahit sinistror-
sum, pondere suo pecto-
ri æquilibrium conciliet, et in
eo totum corpus contineat. Qua
de causa è jecoris magnitudine
neque ei tribuenda sanguinis ge-
neratio, neque cordi denegan-
da. Verùm etsi Pecquetus affir-
maret hepar soli bilis excretioni
dicatum esse, eius visceris moles
à proposito hunc deterrere non
deberet. Cùm enim bilis ea se-
cretio non fiat nisi ex ore tenuis-
simarum admodum venarum,
propter sanguinis copiam neces-
sum est, vt earum numerus sit
copiosissimus (et ipse fatetur es-
se innumeras) ea de causa vel ex
eius doctrina debent magnam

———

substantiæ molem occupare.
Comparatio a renibus petita ni-
hil concludit ; nam seri transco-
lationi tantùm inseruiunt. Adde
quòd tanta eorum mole non
opus erat, quia serum citiùs
renes, quàm bilis hepar præter-
labitur.
    Rursus iecoris magnitudine
armatur. (Aut cerè si segre-
gando huiusmodi excremento
præcipuè deseruiret nobilissimum
illud viscus, animalia in quibus
magis abundat bilis, et fellis vesi-
cula agis patula, et spatiosa
est, iecur proinde amplius, et
crassius habuissent, cum tamen
doceat experientia in homine ve-
siculam quidem fellis angustio-
rem esse, quàm in multis ani-
malibus, iecur autem magis di-
latatum, et amplum, quàm in
illis, ex omnium anatomicorum

e.

Pages 40‑41, gvillelmi de henaut clypeus.

Consensu, tuoque imprimis te-
stimonio (modò conferatur cum
jecinore aliorum animalium eius-
dem magnitudinis) et vt nota-
uit idem Bartholinus, magnitu-
do, et crassities hepatis in ho-
mine insignis, et maxima (vti
et cerebrum) non tantùm ob
nutritionem, quemadmodum in
brutis, sed ob spirituum anima-
lium procreationem, qui dissi-
pantur sæpius (et ex vitalibus
generanturn hi verò è sanguine)
et magis ob varias in homine
functiones. Hæc præterea subiun-
git idem author, maius tamen
est hepar in frigiidioris intempe-
riei corporibus, et in timidis,
et gulosis, vt calor cordis au-
gescat. Ex quibus non obscurè
consequitur, quòd ad illud con-
uertere chylum in sanguinem per-
tineat, non autem hund solum-

———

modo translocare, admixtæque
bilis expedire consortio.) Sed
hæc iecinoris magnitudo Pec-
quetum non obruet ; nec enim
tota moles hepati ad solam bilis
excretionem sed etiam ad vsus
prædictos concessa est. Vnde a-
nimalia in quibus magis abundat
bilis, et fellis vesicula magis
patula, et spatiosa est, iecur pro-
inde nec amplius, nec crassius
habuissent, vel si copiosiore bi-
le abundassent. Si autem constat
de prædicta experientia, non abs-
re {a} Pecquetus reponet, maioris
molis hepar à natura homini
concessum esse, quòd structu-
ram omnium animalium perfec-
tissimam adeptus sit ad actio-
nes ; et vsus prædictos omnium
animalium perfectissimè eden-
dos. Si tamen hepar in bilis
tantùm secretionem incumbere


  1. Sic pour : non abs re.

f.

Pages 42‑43, gvillelmi de henaut clypeus.

sustineat, arguet illico ideo
iecur hominis omnium eiusdem
molis animalium iecore maius
esse, quòd exquisita magis bilis
in hominis, quàm aliorum anima-
lium hepate secretio fieri de-
beat ; cùm homo sit omnium
animalium temperatissimum, et
copiosissimo sanguine per huius
visceris parenchyma transcolan-
do abundet ; cùm etiam spi-
ritus animales è temperato ad-
modum sanguine, vt rationi
seruiant, fieri debeant. Nec facit
contra Pecquetum, quòd quan-
doque animalium, quàm hominis
patens magis sit bilis vesicula ;
cùm enim homo sit ipsis longè
temperatior, ideo citiùs ipsis hanc
bilem excernit ; vnde etiam fre-
quentiùs ei, quam ipsis aluus sol-
uitur. Bartholini quam affert au-
thoritas facit contra se ; si enim

———

in timidis, frigidis, et gulosis a-
nimalibus maius sit iecur, vt ca-
lor cordis augescat, aduersus ip-
sum minùs obscurè euincit Pec-
quetus cor esse potius sanguinis
officinam. Vt vt sit ad explo-
dendam nouam doctrinam ipsa
experientia fultam, parum facit
authoris effatum, quem latuit
experientia ipsa, quique nihil a-
pertè super ea re asseuerat.
    Coniicit telum imbelle et sine
ictu. (Præterea quo spectat ad
colorem, flauescenti potius tinge-
retur, quàm rubicundo (qualis
tamen in hepate sano cernitur)
cùm, vt ex Pecqueto loquar, si-
cut tinctores assolent iisdem co-
lorum notis, circa quos operan-
tur, manus inficere, ita omne
colum contractum transeundo,
excrementi, quod excernitur,

g.

Pages 44‑45, gvillelmi de henaut clypeus.

colorem non parum referre cer-
tum sit, et exploratum.) Hæc
instantia irrita est ; nam in mix-
tione rubicundum copiosum fla-
uus color paucus non tingit, vt
experientia multiplici constat,
præsertim è sanguine ictericorum
misso, qui rubicundus est. Peti-
ta similitudo à coli intestini colo-
re hìc inualida est, quia multum
album à pauco flauo inficitur. Si e-
ius ratio valeret, sequeretur quòd,
etsi sanguis fieret ab hepate, at-
tamen id flauo colore inficeretur,
nam bilis id perreptat.
    Stat a partibus hepatis. (Cæ-
terùm icterus, qui inflammato
hepati succedit, dum eo accen-
so totus subinde sanguis inflam-
matur, et in tantam alteratur bi-
lis copiam, vt redundante fellis
vesicula, flauescentis huius hu-

———

moris effusior alluuies crassorum
excrementorum, vrinarum, to-
tiusque corporis natiuum colo-
rem inficiat, ac deprauet, conse-
quenter probat in hepate sangui-
nem præparari ; nulla enim cor-
dis vel ardentissima intemperie
tanta in eo, tamque velox per-
fici potest alteratio.) Proposi-
tus icterus sanguinem in hepate
generari non probat ; cum eadem
prorsus ratione sanguinem in lie-
ne præparari conficerem, qui in
morbis lienis in magnam altera-
tur bilis copiam, à qua sæpe ex-
crementorum crassorum, vrina-
rum, et semper totius corporis
color natiuus à subliuido fæda-
tur. Sic de renibus affectis, et
suo officio minimè fungentibus,
et his hydrope superueniente di-
cendum, quòd hinc sanguis sero
inundetur, corpus totum in

h.

Pages 46‑47, gvillelmi de henaut clypeus.

tumorem attolatur, et albescat.
Reuocet in memoriam, aut Pla-
tonis reminiscentiam humores
naturales ab vna tantùm parte
præcipua generari, et ab alia,
aut ab humore aliquo, aut spiri-
tu posse deprauari. Qam sanè
noxam in partem præcipuam
semper refundere cæcutientis est,
cum eo sic argumentor. In hec-
tica febre cor præcipuè afficitur,
sanguis inflammatur, totum cor-
pus macie conficitur, ergo cor
est sanguinis culina. Sic de om-
nibus febribus continuis conclu-
dendum. Attamen pessima esset
argumentatio. Plures effectum
destruere possunt causæ, quàm
producere. Ideo estsi sanguis icte-
rici in magnam alteraretur bilis
copiam, malè concluditur hepar
sanguinem generare. Rectiùs
hìnc erueret bilem gignere, aut

———

potius secernere. Huius altera-
tionis causa vera, et legitima in-
uestiganda est attentiùs. Suppo-
nit, non probat sanguinem in
tantam bilis copiam alterari : In
eo ab ipso dissentimus ; nam mis-
sus ab icterico sanguis, cùm coa-
ctus est, rubicundus est, aut
saltem non flauus, sed eius serum
valde flauum et crassum, propter
bilis αναδρομιν. Ideo hac bile
cum sero permixta, non verò
sanguine, excrementa crassiora,
vrinæ, et totum corpus flaues-
cunt.

b.

Pages 34‑35, gvillelmi de henaut clypeus.

vasa præparantia, et deferentia
seminis, venæ sanguinis venosi
officina, non cor, non cerebrum
non testes ; quibus propositioni-
bus nihil absurdius vnquam di-
cj, aut excogitari potest. Ne-
cessaria quidem est quædam hu-
moris aut spiritus detentio, sed
magis adhuc necessaria partis
concoquentis peculiaris tempe-
ries.
   Supponit eam, quam e Gale-
no attulit, iecoris compositio-
nem suæ fauere sententiæ, dum
ait. (Verùm si iecinoris composi-
tio meæ faueat sententiæ.) Li-
cet quem fauorem ipsi conci-
liet, non videam. Etsi quippe ve-
nulis innumeris, et mirabiliter
insertis iecur sit vndique plenum,
non ideo concludendum est id es-
se sanguinis officinam, aut id

———

muneris cordi denegandum :
quia mesenterium, renes, lien,
pulmones, et cerebrum venulis
innumeris, et mirabiliter inser-
tis vndique plena sunt. Quòd si
vasorum copiosor numerus ad
detegendum sanguinis princi-
pium plurimùm valeret, nemo est,
qui non id statim cordi tribuen-
dum esse meritò iudicaret, cùm
hepar duarum tantum venarum
exiguis radicibus conspersum sit,
a corde verò quatuor insignia,
et ab ortu patula vasa orian-
tur.
    Prosequitur tamen vt hepar in
cordis locum sufficiat. (Eius
etiam magnitudo, atque color
Pecqueti doctrinæ non parum
aduersatur : ex ijs enim satis in-
telligitur, aliud esse natiuum
huius visceris officium, quàm vt
bilem à sanguine (eo quo expli-


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Clypeus de Guillaume de Hénault, alias Jean Pecquet (1655), 3e de cinq parties

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(Consulté le 29/04/2025)

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