En novembre 2016, comme tous les ans, une table ronde a été organisée par la BIU Santé et l’Urfist de Paris sur le thème des besoins documentaires en santé.
Étudiants, enseignants et professionnels de la santé et de la documentation ont été invités à parler de leurs besoins et pratiques documentaires. Vous trouverez ci-dessous le compte rendu de ces échanges (rédigé avec l’aide des intervenants, merci encore à eux pour leur participation).
Étaient présents :
- Yves Boucher, docteur en chirurgie dentaire, professeur des universités (Paris Diderot) et praticien hospitalier
- Sophie Chrétien, infirmière de pratique avancée, clinicienne spécialisée, EMASP Hôpital Bichat – Claude-Bernard
- Marie-Thérèse Froissart, kinésithérapeute cadre de santé, responsable du 2e cycle des études – ADERF (École de Kinésithérapie de Paris)
- Nicole Mesnil, sage-femme enseignante (École de sages-femmes Baudelocque – Paris)
- Michaël Thy, interne, membre de l’Association des jeunes anesthésistes réanimateurs (AJAR)
Trois thèmes ont été abordés au cours de cette table ronde :
- Quels sont les usages et besoins pour la documentation en santé ?
- Quels sont les outils utilisés par les professionnels de santé pour accéder à la documentation, ont-ils reçu une formation spécifique à ces outils ?
- Comment accède-t-on aux documents, dans un contexte budgétaire contraint ?
Des besoins variés
Yves Boucher commence par rappeler qu’il existe plusieurs types de besoins. Les enseignants veulent trouver des documents pour leurs recherches et leurs cours. Les étudiants cherchent de quoi les aider à apprendre leurs cours, progresser dans leurs études et, à terme, rendre une thèse. Ceux de 1er et 2e cycle ont besoin de références variées pour assimiler les connaissances de base. Ils utiliseront ensuite la bibliothèque d’une autre manière quand ils passeront leur thèse, puisqu’ils produisent alors eux-mêmes un document. Une fois inscrits en 3e cycle, l’apprentissage devient plus spécifique, nécessitant parfois des articles très pointus. Plus tard, l’obtention éventuelle d’un DU ou d’un master passe par l’apprentissage de questions très précises, essentiellement dans des livres ou des revues.
Il existe ensuite plusieurs degrés d’urgence. Quand l’enseignant écrit un papier, il a besoin d’articles scientifiques, tout de suite. En ce qui le concerne, Yves Boucher a alors recours au réseau Inserm. Si on ne trouve pas dans ces bases, on se tourne vers les universités, la sienne ou d’autres. Les étudiants ont des besoins moins urgents, qui peuvent attendre quelques jours, quand ils travaillent sur leur thèse.
Michaël Thy précise que les internes en médecine ont peu de temps. Malgré tout, ils doivent parfois réaliser des recherches d’articles sur des thèmes donnés. Son association, l’AJAR, travaille avec la BIU Santé pour proposer à ses membres des formations à la recherche dans PubMed et à la mise en forme de bibliographies avec Zotero. Avec l’Evidence-Based Medicine (EBM) on doit s’appuyer sur des données scientifiques. Cela fait partie de la médecine actuelle, il faut justifier la prise de décision. Quant à la thèse ou aux mémoires, le défi est de produire quelque chose dans un laps de temps limité.
Au début des études de médecine on travaille sur des ouvrages de référence et des sujets à apprendre par cœur. On a alors moins besoin de documents. Ensuite on doit de plus en plus approfondir, ce qui ouvre des perspectives sur la documentation, de plus en plus ciblée.
Dans la plupart des facultés, les étudiants sont désormais sensibilisés à la lecture critique d’article (LCA), c’est la tendance avec l’EBM depuis de nombreuses années. Ils doivent savoir critiquer les articles et éventuellement les utiliser pour leur pratique – car les recommandations se basent elles-mêmes sur des articles. Les pratiques évoluent vite en médecine, il faut se tenir au courant avec la formation continue, qui est indispensable.
Ce besoin de documentation pour prendre la bonne décision est spécifique aux disciplines de santé. Nicole Mesnil confirme qu’apprendre à réaliser une recherche bibliographique est aussi important pour les sages-femmes. Les deux premières années, les étudiants utilisent des ouvrages de base, en obstétrique, pédiatrie, gynécologie… Souvent très chers (50 à 150 euros), la plupart des étudiants ne peuvent se les acheter (ou alors à plusieurs, quand ils s’entendent bien !). En plus, ces ouvrages doivent être renouvelés régulièrement.
Pour les sages-femmes, on constate une «montée en puissance» jusqu’à la production du mémoire, avec une préparation en méthodologie de recherche. Les étudiants sont soutenus par les enseignants, à l’aide d’entretiens, de grilles de notation. Des exposés doivent être réalisés à partir d’articles ou de résumés de textes. En 3e année, il y a le projet d’éducation à la santé, qui prend beaucoup de temps. Une des spécificités des sages-femmes, c’est qu’il y a toujours deux sujets, la femme et le nouveau-né. Il y a donc le développement du fœtus et la grossesse, la naissance (avec la néonatologie et la pédiatrie), et le côté environnement de la femme (par exemple, la précarité des femmes, fréquente dans les maternités parisiennes). C’est une littérature qui concerne à la fois la médecine et les sciences humaines, la santé publique, les recommandations, le parcours de soins… Les étudiants doivent aussi constituer des portfolios, avec une méthodologie de recherche, une analyse des pratiques, de manière individuelle ou en groupe (3e et 4e année). Les retours de stage sont aussi exploités, on leur donne à cette occasion des sources bibliographiques. C’est un aspect de formation continue, on part de la clinique et on réfléchit à ce qui s’est passé. Sur les questions de précarité, on trouve aussi beaucoup de choses bien faites sur le site du ministère, des enquêtes nationales, beaucoup plus que par le passé.
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