Texte
Hyginus Thalassius (1654)
alias Pierre De Mercenne,
Brevis Destructio de la
première Responsio (1652)
de Jean ii Riolan (1654) :
chapitre iii  >

[Page 195 | LAT | IMG]

Sur les témoignages de docteurs de Paris qui ont écrit des lettres à Pecquet, approuvant et louant de bonne foi les lactifères thoraciques. Défense des dites lettres contre la censure de Riolan, qui s’écroule d’elle-même, comme contraire à la la raison et à l’expérience[1][2]

Bien qu’elle ne manque ni de claire démonstration, ni de preuve solide, et que l’autorité d’un tiers ne dissuade personne de croire ce qu’il voit, l’opinion, qui s’est enracinée dans les esprits depuis la jeunesse et qu’a consolidée le long héritage des siècles passés, exerce un si grand pouvoir qu’elle brise aisément les convictions procurées par la raison et par les sens, et les torture à son gré.

Quo semel est imbuta recens servabit odorem
Testa diu
[1][3]

La force de la tradition est telle qu’un corps nourri des plus détestables aliments ne tolère pas ceux qui sont d’excellente qualité, et telle aussi que l’éclat de la lumière, si bénéfique et désirable soit-il, aveugle les yeux qui n’en ont pas l’habitude, quand ils y sont soudainement exposés. Sachant bien cela, Pecquet, avant de publier sa description des nouvelles voies du chyle qu’il a découvertes à Paris, a invité deux docteurs de cette ville qui le connaissaient bien à contempler ce spectacle étonnant et digne des véritables philosophes, afin que leurs témoignages renforcent la bonne foi de son expérience. Après avoir indiscutablement constaté l’existence des canaux pecquétiens, et les avoir touchés de leurs mains expertes, [Page 196 | LAT | IMG] ils se sont fait un devoir d’être les zélés défenseurs et promoteurs de la vérité et du bien public, en exposant leurs convictions dans les Lettres de soutien qu’ils ont écrites à Pecquet[4][5] Riolan a eu grand mal à le supporter car, dit-il, Pecquet devait prendre l’avis de médecins plus perspicaces encore, à savoir de plus anciens docteurs de la Faculté [6] mieux aguerris aux travaux anatomiques et aux opérations de l’art. [7] Pecquet n’est pourtant pas ignorant au point de méconnaître ce que dit le sage : À senioribus disce[2] Il a appris d’Aristote (Morale, livre vi, chapitre xii) qu’il ne faut pas porter moins d’attention aux déclarations des personnes d’âge, même dénuées de preuve, qu’à leurs démonstrations, car elles les ont tirées de ce que leur a montré l’expérience. [3][8] Il convient que leur témoignage fut très brillant car en effet in ætatibus authoritatem habet senectus, ut in exemplis vetustas [4][9] Nul ne manque de reconnaître que les vieux maîtres de la vraie médecine, nés pour le bien du public, sont salutaires pour la ville et pour le monde, mais Pecquet n’a en rien porté atteinte à leur honneur en sollicitant les témoignages d’autres docteurs qu’il connaissait mieux. Il savait qu’il ne pouvait se trouver en la Faculté de Paris aucun régent qui fût incapable de porter un jugement sur l’exactitude d’une expérience anatomique ; mais aussi que ceux qu’il avait choisis ne mépriseraient pas les siennes, et en tout premier le très digne et docte Mentel[10] à qui, du moins, Riolan n’a pas reproché sa jeunesse car il figure parmi les plus anciens maîtres de l’École, en a jadis été professeur, et a enseigné la chirurgie et l’anatomie à Paris depuis déjà vingt années avec insigne mérite et grande affluence d’auditeurs. Le second est certes bien moins âgé, mais il régente depuis presque dix ans et, comme il me l’a confié quand je résidais à Paris, n’a pas honte de sa jeunesse quam non audit invitus, velut quidam senectutem, et canos et alia multa ad quæ voto pervenitur, dit Sénèque. [11] Riolan entendait donc parler de lui-même quand il voulait que Pecquet eût consulté les anciens de la Faculté. [12] Wirsung, [Page 197 | LAT | IMG] dit-il, a sollicité son avis sur le canal qu’il a découvert ; [5][13] mais Pecquet n’en a pas fait ainsi et n’a pas payé le même tribut au prince des anatomistes : telle furent la cause de la guerre et la raison pour laquelle Riolan a pris les armes contre les lactifères thoraciques. [14] Il ne se soucie guère des autres anciens maîtres qui n’ont pas été consultés et qu’il appelle circulateurs dans le chapitre xi, pages 42 et 43, de son livre sur la circulation du sang selon la doctrine d’Hippocrate : [15] Hanc doctrinam, inquit, si nostri Pragmatici, Vrbis circuitores, vel potius circulatores, attentè considerarent, forsan in suis discursubus vel consultationibus Medicis mutarent sententiam, nec tam obstinatè hærerent in illo veteri errore Fernelij [16] (Ainsi, ô Faculté de Paris, ton plus ancien maître parle-t-il avec respect du plus grand des médecins après Hippocrate et Galien !), [17][18] qui constituit focum continuæ febris in majoribus vasis, etc[19] Pour noyer les odieuses rumeurs du bon peuple et les calomnies des hémophobes, [20] Riolan conclut ce chapitre par un Avertissement aux médecins de Paris, où il dit, page 43 : Audacius ad venam secandam progrediuntur, cum sanguis ex vena porta eductus fuerit, magna ex parte exhausto sanguine trunci cavæ, atque tum liberaliùs detrahunt sanguinem, quando quiescendum foret ; in debilitate virium etiam oppressionem semper accusantes ab isto impuro sanguine[6]

Celui qui a pu ainsi condamner ses collègues use aussi du droit de censurer ouvertement Hippocrate et Galien dans son Anthropographie[21] au Livre sur la circulation du sang : Credibile est Hippocratem adhuc juvenem nondum in operibus artis satis exercitatum libros epid. peregrinando concripsisse ; et un peu plus loin, in Medicina Hippocratis Medici multa notarunt ante tempora Cornelij Celsi. Quis non reprehendat in Galeno quod regulas et præcepta medendi à se præscripta non observarit in suis ægris ? [7][22][23] Il a pu appliquer ce même blâme aux docteurs [Page 198 | LAT | IMG] qui ont loué l’expérience pecquétienne, et a même poursuivi avec ardeur Moreau [24] et Patin[25][26] très éminents médecins de la Faculté de Paris, pour les lettres qu’ils ont écrites à Emilio Parisano[27] disant dans son Anthropographie, à la page 856 de l’Éponge alexitère contre Emilio Parisano : Aut nunquam ipsius Authoris opera legisse verisimile est, aut suam ignorantiam in ea re patefacere, de judicio posteritatis securi[8] Page 858, il répond ainsi à Parisano : At Doctor Parisiensis præclarissimus suis versibus inter illustres Anatomicos ipsum Riolanum non accensuit. Nemo Propheta in patria sua ac præsertim inter Medicos, quoniam inter mendicos regnat semper invidia quam expertus sum in majorem à quibusdam sycophantis et temulentis ; et plus bas, in hac urbe Medicorum imperium inveni divisum in factiones, ægris valde perniciosas, dum prævalens praxeos manceps aliorum animos flectit et ad se convertit, in odium et sæpe ludibrium alterius Medici Docti, probi, senioris, aliter opinantis. Sic animas hominum negotiantur Medici[9]

C’est ainsi que Riolan parle de ses collègues, dont il n’y a pas de pires que les étrangers ; [28] ainsi qu’il recommande la réputation des médecins de Paris à la postérité ; ainsi qu’il se venge de exprobratum, dit-il, nominis sui contemptum in urbe Parisiensi[10] mais ces vers que Parisano lui a jetés à la figure se lisent au début des œuvres de Du Laurens. [29]

Fallopium Patiavina colit, [30] Romana Columbum ; [31]
         Germana Albertum ; [32] Flandria Vesalium ; [33]
Bauhinum Basilea ; [34] suum Veneti Parisanum ;
         Bœteica Valverdam tollit ad astra suum. [35]
Pavium habent Batavi, [36] stat Sylvius in Parisina ; [37]
         At te, Laurenti Gallia tota tenet
[11]

Me Guy Patin est auteur de cette élégante épigramme, et voici comme le traite Riolan dans ses opuscules [Page 199 | LAT | IMG] anatomiques contre Harvey, etc., dans l’errata de son Anthropographie, page 381, où il écrit : Qui versibus commendavit librum Parisani : revera tot alapas meruit, quot versus scripsit[12] Il s’est ainsi permis de ne pas épargner un homme qu’il tient pour son meilleur ami, à qui, il y a plusieurs années, il avait dédié son Manuel anatomique ; [39] lui qui dans son nouveau jugement sur les veines lactées, comme dans l’épître dédicatoire de son dernier ouvrage, dénigre nommément la première des écoles, en la disant semistibialem ac semistygialem[13][40][41][42][43] L’École de Paris jugera donc plus utile de s’appliquer à revendiquer l’éclat de son rang et la réputation de ses docteurs, que Riolan a outragée, que de condamner les vaisseaux lactés du thorax que Pecquet a découverts, et que deux de ses docteurs ont observés et approuvés. C’est injustement que Riolan demande que « les étrangers ne croient pas que l’opuscule de Pecquet, qui a été imprimé à Paris et approuvé par certains de ses docteurs, a mérité son assentiment unanime et que la Faculté l’a jugé digne d’être loué et de voir le jour ». [14] Si l’observation de Pecquet est fausse et si les vaisseaux thoraciques du chyle sont fictifs, la Faculté parisienne est sûrement en devoir de blâmer ceux de ses régents qui approuvent leur existence ; mais si elle est effective, déjà démontrée et explorée par les mains d’anatomistes éprouvés, son intérêt, comme arbitre non moins sincère que juste, est d’employer son autorité à empêcher que la vérité de la nature des choses et la réputation de ses docteurs ne soient blessées, plutôt qu’à soutenir les dogmes de son plus ancien maître. Ainsi donc la censure de Riolan s’écroule-t-elle d’elle-même, car elle n’est pas moins contraire à la raison qu’à l’expérience et qu’au témoignage des yeux. Pecquet n’est certes ni docteur ni médecin de Paris, mais il n’en doit pas pour autant être privé des honneurs que lui vaut sa remarquable découverte, et il serait à la fois ingrat et discourtois que les étrangers qui ont bien mérité de la médecine n’en veuillent pas convenir. De même que la vertu omni loco nascitur[15] il faut, partout où elle se montre, [Page 200 | LAT | IMG] l’aimer, la vénérer et la louer : ainsi les docteurs de notre sainte Faculté [16][44] approuvent-ils tous les jours des livres de théologie écrits par des étrangers, dont l’importance est bien plus grande que celle des ouvrages médicaux, tant la religion prévaut sur la vie, et l’âme sur le corps.

Pecquet ne peut pourtant pas être tenu pour entièrement étranger à la Faculté de Paris, car il se glorifie d’en être le disciple, comme furent Foes[45] Du Laurens et d’autres fort illustres médecins de ce siècle et du précédent. C’est à Paris qu’il s’est initié à la philosophie et aux mathématiques, et qu’il a reçu le grade de maître ès arts et accédé aux privilèges qui y sont attachés ; à la Faculté de Paris qu’il a appris la médecine et l’anatomie, et suivi les leçons de Patin et Mentel, docteurs que j’ai loués plus haut ; à Paris qu’il a accompli ses expériences anatomiques et mis au jour les lactifères thoraciques en 1647. [17][46] La découverte de Pecquet ne doit donc pas être tenue pour étrangère à Paris, ville dont la Faculté est la plus célèbre de toutes, par la gloire de son ancienneté et l’éclat de sa doctrine. C’est bien en vain que Riolan tente d’amener ses collègues à la même sentence que lui, en quoi sa prétention est fort excessive puisqu’il pense que l’intérêt de cette École est de blâmer ce qui ne trouve pas grâce à ses propres yeux. Qu’est-ce pourtant que ce censeur perpétuel trouve à condamner dans les lettres qui ont été écrites à Pecquet ? Il serait long de défendre séparément chacune d’elles, et cela dépasserait le temps dont je dispose. Je ne dépenserai pas mon encre à critiquer les futiles gloses dont il a usé pour s’efforcer de flétrir la brillante épître du très distingué et aimable M. Jacques Mentel ; en quoi notre ancien supercilium subduxit, barbam demisit, ut in grammaticis nodos nectat[18] At turpis res elementarius senex, dit Sénèque ; res fallunt, illas discerne. Il ne fait qu’y perdre son temps : nimium temporis eripiunt vafræ quæstiunculæ, captiosæ disputationes, et verborum [Page 201 | LAT | IMG] cavillatio, quæ solummodo acumen irritum exercent, et generosam indolem in istas argutias conjectam comminuunt et paralysent l’esprit. [19][47][48] Quant à la seconde lettre, bien qu’elle soit plus courte que la première, je n’entreprendrai de la défendre qu’à titre d’exemple : « La deuxième, dit-il, fait remonter la structure des lactifères thoraciques à Adam, le premier géniteur des hommes » ; mais l’auteur de ladite lettre n’avait pour intention que de défendre ces vaisseaux contre la jalousie de la nouveauté en écrivant « ce qu’on observe chez tous les êtres vivants n’est pas nouveau et y a existé depuis que le monde est monde ». [20] Riolan ne ricane-t-il pas sottement sur cette référence à Adam, en le faisant remonter à l’origine du monde ? Tel est donc l’argument de ce censeur : puisque la nature des êtres vivants a débuté lors de la formation du monde, Adam en a été le premier, alors que la Genèse [49] enseigne qu’il n’est apparu qu’au sixième jour, comme le couronnement et l’abrégé de la création, après que les autres animaux eurent été entièrement formés. Aliud est aquarum genus, quod nobis placet cœpisse cum mundo, écrit Sénèque ; [21][50] et dans le droit fil de sa pensée, le censeur dirait que Sénèque fait remonter l’origine des eaux à Adam. Tite-Live a rapporté le souvenir d’une île nouvelle qui émergea du Tibre ; [22][51] Sénèque et Pline en ont fait de même pour celles qui sont apparues dans la mer. On pourrait donc se demander comment la surface du globe se modifie, quand des îles émergent, de nouveaux fleuves surgissent ou s’assèchent, et des montagnes s’effacent. La face de la nature aurait-elle changé en établissant récemment des canaux du chyle chez les animaux ? Cela n’est pas raisonnable car ces transformations sont contre nature, comme sont toutes les maladies : elles ne tirent pas leur origine d’un principe établi de toute éternité, contrairement aux parties des animaux qui se contentent de se reproduire et remplacer de génération en génération.

[Page 202 | LAT | IMG] L’auteur de cette lettre a donc sans doute compris que la nature n’engendre pas de nouvelles espèces d’animaux accomplis et qu’il n’apparaît pas non plus chez eux de nouvelles parties corporelles qui donneraient issue à de nouvelles espèces ; il en fournit pour très solide raison que « la nature est en effet soumise à une loi éternelle et immuable », qui consiste à perpétuellement reproduire un même modèle, et ce si fidèlement que depuis leur création les animaux n’ont ni acquis de parties nouvelles ni produit d’espèces nouvelles. Parfois surviennent certes des aberrations qui donnent naissance à des monstres dotés de parties anormales, mais elles ne leur survivent pas, et tels ne sont pas les lactifères thoraciques qui s’observent toujours dans toutes les espèces d’animaux entièrement développés.

Riolan cite aussi cet autre passage de la seconde lettre : « Par cette découverte, la nature semble nous reprocher de juger qu’elle a pour habitude de contrarier l’ordre établi » ; ce que ce censeur interprète pour dire aussitôt qu’après de telles louanges, qui ne proclamerait pas que « Pecquet est comme le nouveau fondateur de la médecine,

                                 Tibi lilia plenis
Ecce ferent Nymphæ calathis, etc.
 ? » [23][52]

Plus haut dans sa réponse, il avait écrit, page 141 : « il importe que ceux qui approuvent l’opuscule de Pecquet établissent une nouvelle méthode pour remédier. » Hormis Riolan, qui aurait pu, à partir des mots qui sont dans la lettre et de tout son contexte, tenir des propos aussi étrangers à la pensée de son auteur, et même à la pure vérité des faits ? Cette lettre ne se fonde que sur l’expérience, qui est la maîtresse des choses, c’est-à-dire sur la dissection et l’inspection directe de la nature ; dans la découverte pecquétienne, elle se contente de louer la démonstration du réservoir du chyle [53] et des lactifères thoraciques, sans dire un mot de leur fonction ou des funérailles du foie, [54][55] prévoyant bien sûr et évitant par anticipation les très puissants arguments [Page 203 | LAT | IMG] que le censeur a opposés à Pecquet dans sa Réponse aux Expériences anatomiques nouvelles, tels ceux qu’il y a répétés tant de fois, pages 167, 179, 190, 181, sur « les impuretés du chyle souillant les esprits vitaux ». [24][56] Ladite lettre a aussi critiqué la fâcheuse habitude de porter un jugement sur la nature sans la nature, c’est-à-dire sans prendre le soin de la consulter, car une grande partie des hommes lui imputent leurs raisonnements et beaucoup, comme en la plaçant sur un chevalet de torture, lui font subir divers supplices pour qu’elle avoue ce qui leur plaît, et non ce qui est vrai. Ils sont même nombreux à blâmer certains autres qui, avec zèle et diligence, se proclament disciples d’une nature unique et se glorifient d’avoir Dieu pour véritable précepteur.

Parmi ces critiques, Riolan occupe le premier rang, avec l’habitude bien ancrée de recourir à ce procédé pour contredire un argument inexpugnable, car tiré de l’expérience. Ainsi, par exemple, réfute-t-il la démonstration de la circulation du sang dans la veine porte, [57] que la ligature de la racine du mésentère rend manifeste chez un chien vivant, [58] et plus encore celle de son tronc tout près du foie, qui le vide de son sang en aval du lien, mais s’en remplit dès qu’on le dénoue : « Je doute, dit-il, de cette expérience, bien qu’Harvey l’ait produite. » [59] Pour ma part, j’avais appris cela d’une lettre de Descartes reçue voilà déjà quatorze ans. [25][60][61] Dans son livre de la circulation du sang, chapitre xiii, page 46, Riolan écrit : Isthæc experimenta erunt administranda, ut rei veritas exploretur et innotescat. Verùm tædiosa, laboriosa et difficilis viventium animalium anatome, sanguinis effusio omnia perturbat, et irritum facit experimentum[26] Hippocrate n’a pourtant pas mené inutilement ses expériences sur les vaisseaux de porcelets vivants, [Page 204 | LAT | IMG] non plus que Démocrite sur d’autres animaux. [27][62] Riolan dit bien plus clairement, dans le chapitre xix, pages 148 et 149, de ses annotations sur le mouvement du cœur : Quisnam Medicus in praxi occupatus tempus, operam, et quæstum suum disperdere voluerit in earum rerum exploratione, manebit potiùs in antiqua doctrina verisimili quàm in dubia et incerta ridiculus esse, si faveat istis paradoxis opinionibus, quæ non possunt sustineri rationibus nisi visu et tactu demonstrentur. Quare lubens abstineo ab istis experimentis[28] Il aurait dû ajouter qu’il s’abstient aussi de discerner la vérité, dont l’accoucheuse est l’âge où les hommes sont consciencieux, et dont la mère est l’expérience. Notre censeur est plus honnête quand il écrit quelque part s’imaginer, pendant tout l’hiver au coin de son poêle, à cause de ses mauvais poumons, [29][63] devisant avec des régents de philosophie sur ce qui lui vient à l’esprit au sujet de la nature des choses, plutôt qu’apprenant ce que des observateurs curieux en ont dit dans leurs ouvrages. Il est certain qu’en quelque partie des siens, le censeur a renoncé à sa dignité, comme ici surtout, où il pose en principe qu’« il ne veut pas gaspiller son temps, son travail et son argent » [28] à explorer la vérité. Ce n’est pas le vrai qu’il recherche, mais le vraisemblable, à la manière des rhéteurs, dans l’idée de Quintilien. [30][64] Harvey lui en avait fait la remarque dans son second essai, page 62 : Quod in quæstione est visibile et sensibile ; an sit nec ne ? videre vel expertis credere tenetur, qui scire desiderat[31]

À vrai dire, le censeur loue la recherche anatomique de Pecquet et la mise au jour des canaux pecquétiens, et avoue les avoir vus chez le chien, démontrés par « l’habile anatomiste et chirurgien » Gayan[32][65] Il ne désapprouve que la fonction que leur attribue Pecquet, en distinguant le comment du pourquoi. La suite de sa Réponse ne fera-t-elle pourtant pas voir qu’il a mis toutes ses forces à attaquer l’existence même des lactifères ? Je me demande aujourd’hui pourquoi le censeur [Page 205 | LAT | IMG] n’a pas approuvé la seconde lettre qui ne se prononce que sur leur comment. C’est donc très injurieusement et injustement que, dans son Hepatis funerati Querimonia ad Medicos Parisienses, il écrit : Medicos hujus ordinis, consiliarios, fautores ac fidejussores fuisse hujusce facinioris. Scilicet Hepar inutile et ignobile membrum è corpore rescindendum, sua dignitate et potestate sanguificandi spolinadum, ac proinde exterminandum, et relegandum ad vile ministerium[33][66][67][68] Là-dessus, ladite lettre se contente de dire : Hic te vivus et fallere nescius codex docuit, quod principij unitas Aristotelo suaderat, cor primum esse αιματωσεως organum[34][69][70] Puisque le cœur est l’organe premier de l’hématose, alors il en existe un second ; et puisque le censeur ne peut penser à nul autre que le foie, comment ne rougit-il pas de s’imaginer que l’auteur d’une lettre qui tenait un propos si clairvoyant a été le conseiller d’un crime ? Les médecins de la Compagnie parisienne n’ont donc pas juré la ruine du foie, dont ils reconnaissent qu’il assure des fonctions indispensables à la vie, et dont ils veillent, dans leur pratique quotidienne, à préserver le tempérament et à favoriser le bon fonctionnement. Dès lors, nul honnête homme ne pourra tolérer en silence ou excuser le véhément emportement de Riolan, dont la Querimonia Hepatis funerati ad Medicos Parisienses se déchaîne horriblement contre les Pecqueti sectarios : c’est ainsi qu’il appelle ceux qui, comme lui, reconnaissent l’existence des lactifères thoraciques, comme s’il s’attaquait aux stygales medicos, qui suo stibio sive stygio instrumento diaboli hominum ruinam inter se syngraphâ jurarunt, pour conclure qu’ils soient chassés de la Faculté. [35] Bon Dieu, quam inquietum est malum, ac plena veneno mortifero lingua ! Un vieillard « méditant sur son départ » necdum domare potest : [71] ne pense-t-il pas déjà « se compter parmi les célicoles », [72] après qu’il aura achevé ses jours ici-bas ? [36] Et c’est lui qui accuse publiquement ses collègues, [Page 206 | LAT | IMG] d’homicide et d’empoisonnement, et même de conjuration écrite en vue de ruiner le genre humain, eux qui lui ont toujours été entièrement dévoués, et dont la Faculté et les Parisiens ont approuvé l’intégrité des mœurs et de la réputation !

Tantæne animis celestibus iræ ? [37][73]

Il n’a pas redouté le propos de l’Apôtre : Qui injuriam facit, recipiet id quod iniquè gessit, et non est personarum acceptio[38][74] Les étrangers et ceux qui viendront après nous penseront que le plus ancien maître de la Faculté de Paris l’a incendiée, dans ces Obsèques et résurrection du foie, en la présentant comme une compagnie de médecins stygiaux et empoisonneurs ; mais n’y reconnaîtront-ils pas plutôt les funérailles de leur estime pour Riolan, qui jamais ne renaîtra ni ressuscitera tout à fait, à moins que pris d’un repentir tardif, ce vieillard, qui est déjà un cadavre ambulant, ne cesse enfin d’injurier et de médire ? [39]

Voilà néanmoins pourquoi Riolan qualifie ses collègues de stygiaux et de pestes. [40] Écoute bien, ô postérité, et émerveille-toi ! Après avoir vu, comme a fait Riolan, les lactifères thoraciques mis au jour par Pecquet, ils ont jugé que les déchirer de leurs outrages, comme fait Riolan, était indigne de la sincérité chrétienne et de la candeur philosophique. En outre, non seulement « d’habiles et avisés médecins d’Allemagne, d’Italie, d’Espagne, d’Angleterre », [35] mais aussi la Faculté de Paris et presque toutes les universités d’Europe ont légitimement rangé le vin émétique qu’on tire du safran d’antimoine parmi les médicaments purgatifs. [41][75] Ils n’estiment pas, comme fait Riolan, qu’il s’agit d’un poison. La raison pour laquelle le censeur a curieusement associé l’antimoine aux lactifères est parfaitement transparente : il a ainsi voulu montrer que la guerre qu’il déclare maintenant contre les expériences les plus solides sera mortelle pour lui, car le témoignage des sens établit, avec évidence absolue, à la fois que la découverte des canaux pecquétiens enrichit [Page 207 | LAT | IMG] le savoir médical sans avoir d’effet nuisible, et que le vin émétique contribue heureusement aux secours que l’art oppose aux maladies les plus graves, en agissant non pas comme un poison, mais comme un remède salutaire dans la purgation du foie et des autres viscères.


1.

« L’argile fraîche qui a été une fois imprégnée d’un parfum le gardera longtemps », Horace, Épîtres, i, ii, vers 69‑70.

2.

« Apprends des plus anciens », adage dont je n’ai pas identifié la source.

3.

Aristote, loc. cit., sur l’entendement et le sentiment (traduction de M. Thurot, 1824) :

« Ces deux choses sont en effet la source et le sujet des démonstrations. C’est pourquoi il faut faire autant d’attention aux assertions et aux opinions des personnes d’âge et d’expérience, même lorsqu’elles ne sont pas démontrées, que si c’étaient des démonstrations, car le coup d’œil de l’expérience leur découvre les principes. »

4.

« c’est l’autorité de la vieillesse que l’ancienneté donne aux exemples », Cicéron, L’Orateur chapitre l :

Habet autem ut in ætatibus auctoritatem senectus, sic in exemplis antiquitas, quæ quidem apud me ipsum valet plurimum. Nec ego id quod deest antiquitati flagito potius quam laudo quod est ; praesertim cum ea maiora iudicem quæ sunt quam illa quæ desunt.

[C’est l’autorité de la vieillesse que l’antiquité donne aux exemples ; et elle a pour moi très grande importance. Je ne blâme pas ce qui manque à l’antiquité, mais la loue plutôt pour ce qu’elle est, et jugerais surtout que ce qu’on y trouve surpasse de beaucoup ce qui lui manque].

5.

V. note [13], première Responsio de Jean ii Riolan pour sa correspondance avec Johann Georg Wirsung en 1643, sur sa découverte du canal pancréatique.

En 1654 :

6.

Ioannis Riolani... Tractatus de Motu Sanguinis eiusque Circulatione vera ex doctrina Hippocratis [Traité de Jean ii Riolan sur le Mouvement du sang et sa véritable Circulation, conformément à la doctrine d’Hippocrate] (Paris, 1652), loc. cit., chapitre xi, Demonstratio Circulationis Sanguinis ex variis locis Hippocratis : et Admonitio ad Medicos pragmaticos [Démonstration de la Circulation du sang d’après divers passages d’Hippocrate, et Avertissement adressé aux médecins pragmatiques] : {a}

Hanc doctrinam, si nostri Pragmatici, Vrbis circuitores, vel potius circulatores, attente considerarent, forsan in suis discursubus vel consultationibus Medicis mutarent sententiam, nec tam obstinate hærerent, in illo veteri errore Fernelij, et aliorum, qui constituunt focum continuæ febris in maioribus vasis quæ inter alas et inguina excurrunt : in eo spatio, quod istis terminis comprehenditur, truncum venæ Cauæ intelligunt, nescio an etiam adiungant truncum Aortæ, cum tamen Sanguis ibi non restitet, et moretur, sed calore febrili excandefactus ocyus excurrat per vniuersum corpus, atque præter venæsectionem partium superiorum, et inferiorum, sit refrigerandus Sanguis tam assumptis, quàm admotis refrigeriis, quæ vsurpabat Hippocrates, lib. 3. de morbis. Miror istos Medicos constituere duplicem focum febris assiduæ, vnum primarium in minoribus venis, credi intelligere ramos venæ Portæ cum partibus culinariis : alterum in venis maioribus, atque cum vident inde tractione sanguinis, post varias epaphæreses, nondum impurum Sanguinem eductum, alicubi latere impuritatem massæ Sanguineæ sustinent, quam vbi vident educi, existimant ad focum putredinis intra vasa maiora peruentum, et audacius ad venam secandam progrediuntur, cum tamen iste Sanguis ex vena Porta eductus fuerit magna ex parte exhausto sanguine trunci Cauæ, atque tum liberalius detrahunt Sanguinem, quando quiescendum foret ; in debilitate virium, etiam oppressionem semper accusantes, ab isto impuro sanguine.

[Si nos pragmatiques, {b} colporteurs ou plutôt charlatans {c} de la capitale, examinaient cette doctrine de plus près, peut-être changeraient-ils les avis qu’ils prononcent dans leurs discours ou leurs consultations médicales, et ne se cramponnaient-ils pas si obstinément à cette vieille erreur de Fernel et d’autres, qui établissent le foyer de la fièvre continue dans les grands vaisseaux qui cheminent entre les aisselles et les aines. Parmi ceux que contient cet espace, ils veulent parler du tronc de la veine cave, mais je ne sais s’ils y adjoignent celui de l’aorte, où pourtant le sang ne stagne et ne ralentit pas, mais d’où, rapidement enflammé par la chaleur fébrile, il se répand rapidement par tout le corps ; et pour le refroidir, outre la saignée veineuse {d} des parties supérieures et inférieures, il faut recourir aux remèdes rafraîchissants qu’Hippocrate administrait dans le corps ou appliquait sur les téguments, au livre iii des Maladies. Je m’étonne que ces médecins attribuent deux foyers à la fièvre continue : l’un serait primaire et siégerait dans les petites veines, et j’ai cru comprendre qu’il s’agissait des rameaux de la veine porte, avec les parties digestives qu’elle draine ; le second foyer serait dans les très grandes veines, et quand ils voient que le sang qu’on en tire, même après plusieurs saignées, n’est toujours pas impur, ils soutiennent que l’impureté de la masse sanguine se cache quelque part, mais quand ils la voient s’écouler, ils estiment que le sang qui est dans les grands vaisseaux est parvenu au foyer de la putréfaction ; et ils recourent alors plus hardiment à la phlébotomie, et comme ce sang proviendra de la veine porte après qu’on aura vidé la plus grande partie du tronc cave, les voilà qui saignent fort généreusement quand il faudrait au contraire se modérer ; les forces du malade s’en trouvent ainsi affaiblies, mais ils accusent toujours alors l’oppression provoquée par ce sang impur].


  1. J’ai mis en exergue les passages repris par Hyginus Thalassius.

  2. Autre dénomination des empiriques, opposés aux dogmatiques (dont Riolan était un des champions au sein de la Faculté parisienne) : vnotes Patin 6/28 et 2/70, et [5], lettre de Charles Le Noble à Riolan, première partie.

  3. Le circuitor (circitor ou circator) était le soldat qui faisait la ronde ; il en a dérivé le sens civil de « vagabond ».

    Riolan jouait sur le sens premier de circulator, « charlatan », en pensant aux partisans de la circulation harvéenne du sang.

  4. Les dogmatiques étaient chauds partisans et promoteurs de la saignée veineuse (phlébotomie), au contraire des empiriques, qui lui préféraient souvent les nouveaux remèdes chimiques (dont le plus célèbre était l’antimoine) ; ce qui valait aux plus radicaux d’entre eux d’être qualifiés d’hématophobes (ou hémophobes).

En citant le début et la fin de ce paragraphe, Hyginus Thalassius voulait montrer à quel point la négation de la circulation sanguine poussait Riolan à tenir des raisonnements tout aussi ineptes que fumeux contre les partisans de l’immense découverte de William Harvey.

7.

Une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie au Liber de Circulatione Sanguinis de Jean ii Riolan, {a} chapitre xx, Quasnam utilitates medicus percipiat ad bene medendum, ex Circulatione sanguinis [En quoi la Circulation est-elle utile au médecin pour bien soigner], avec citation de trois passages de la page 586. {b}

8.

« Soit ils n’ont sans doute jamais lu les œuvres de l’auteur dont ils parlent, soit ils font voir leur ignorance en cette matière, sans craindre le jugement de la postérité. » : Opera anatomica vetera et nova, page 856 de Jean ii Riolan (Paris, 1649, v. supra note [7]), Spongia alexiteria, adversus virulentos tactus Æmilii Parisani [Éponge alexitère contre les violents attouchements d’Emilio Parisano]. {a}

Les pages 855‑856 sont une attaque de Riolan contre les lettres de médecins parisiens qui ont félicité Parisano pour ses 12 livres de Subtilitate. {b} Il les a transcrites au début de sa Nobilium Exercitationum de Subtilitate Pars Altera [Deuxième partie de Essais sur la subtilité], sous-titrée de Diaphragmate Lapis Lydius ad Ioannem Riolanum [sur le Diaphragme, Pierre de touche contre Jean Riolan] {c} (Venise, 1635, pages 18‑27), avec :

9.

En éludant trois passages (que j’ai transcrits dans des notules et traduits [entre crochets]), Hyginus Talassius ajoutait deux autres extraits de la Spongia alexiteria de Jean ii Riolan (page 308).

10.

« celui qui l’a blâmé pour avoir méprisé son nom dans la ville de Paris » ; dernier paragraphe de la Spongia alexiteria de Jean ii Riolan (citée dans la note [9] supra), page 858 :

Hisce finio meam querimoniam, quam extorsit spreta iniuria famæ, et exprobratus mei nominis contemptus, in hac vrbe Parisiensi. Atque claudo meam responsionem ad libellum famosum Parisani.

[Sur ces mots, j’achève la plainte que m’a arrachée une vile souillure de ma réputation, et voilà blâmé celui qui a méprisé mon nom en cette ville de Paris ; {a} et je conclus ma réponse contre le diffamant libelle de Parisano].


  1. Guy Patin (docteur de Paris), ou plus exactement Gabriel Naudé (docteur de Padoue), dans sa lettre à Parisano, v. supra note [8].

Pour Riolan et ses collègues, les médecins étrangers étaient tous ceux, français ou non, qui n’étaient pas gradués de la Faculté de Paris ; il leur était en principe interdit d’exercer dans la capitale.

11.

« Padoue honore Fallope ;  Rome, Colombo ;  l’Allemagne, Alberti ; la Flandre, Vésale ; Bâle, Bauhin ;  Venise, son cher Parisano ;  l’Espagne porte son Valverda  aux nues ; les Bataves ont Pavius ;  Sylvius  trône à Paris ; mais c’est toi, Du Laurens, que la France tout entière reconnaît pour sien. »

Cette épigramme, qui omet sciemment Jean ii Riolan, est bien de Guy Patin ; elle figure dans les pièces liminaires des Opera omnia d’André Du Laurens qu’il a éditées en 1628 : vnote Patin 27/8229 pour les références aux huit autres anatomistes qui y sont cités.

Emilio Parisano avait malicieusement transcrit ces vers dans sa Lapis Lydius (Venise, 1635, v. supra note [8]), page 26, avec cette introduction :

Alio (aliis missis) pro choronide non prætermisso, quod Præclarissimus Vir Guido Patin Medicus Parisiensis edidit et statuit, et aliud testimonium et Iudicium erit, Patrium, tini, si placet.

[Pour couronner le tout (en omettant d’autres lettres qu’on m’a envoyées), je n’ai pas oublié ce que le très brillant Guy Patin, médecin de Paris, a publié et décrété, et s’il te plaît, cet autre témoignage sera, dirais-je, le jugement de sa propre patrie < sur Riolan >].

12.

« À vrai dire, celui qui a fait des vers pour louer le livre de Parisano a mérité autant de gifles qu’il a écrit de vers. » Cette vengeance de Jean ii Riolan est perdue dans l’errata de son Anthropographia (1649), imprimé à la fin de ses Opuscula anatomica varia et nova (Paris, 1652, seconde partie, page 381). Sa note complète est plus intelligible que l’extrait donné par Hyginus Thalassius :

Page 857. l. 1. post Riolano, adde, ex Hofmanni espistola præfatoria ad Dom. Guidonem Patinum, qui versibus commendauit librum Parisani : reuera tot alapas meruit, quot versibus scripsit.

[Page 857, {a} première ligne, après « Riolano », ajoutez : « selon l’épître dédicatoire d’Hofmann à M. Guy Patin, sur celui qui avait fait des vers à la louange du livre de Parisano : à vrai dire, il a mérité autant de gifles qu’il a écrit de vers. »] {b}


  1. Cette page des Opera anatomica vetera et nova (Paris, 1649) appartient à la Spongia Alexiteria de Riolan contre Emilio Parisano (v. supra note [8]).

  2. V. note [46], Responsio ad Pecquetianos, première partie, pour un plus long extrait de cette épître. Pour ses vers, Riolan resservait à Patin la moquerie qu’Hofmann lui avait adressée à propos d’un autre rimailleur.

13.

« semistibiale et semistygiale » ; l’épître dédicatoire des Opuscula nova anatomica de Jean ii Riolan {a} est intitulée :

Præstantissimis Medicis Doctoribus Scholæ Medicæ Parisiensis, Orthodoxis, Hippocraticæ Medicinæ veræ cultoribus, neutiquam stibialibus et stygialibus eiusque, Decano dignissimo pro tempore, D.D. Paulo Courtois, ευσχημονι και ευδοξω, bene valere et recta facere exoptat Ioannes Riolanus, Antiquior Scholæ Magister.

[Jean Riolan, plus ancien maître de l’École, souhaite aux très éminents docteurs de la Faculté de médecine de Paris, qui sont orthodoxes et adeptes de la véritable médecine hippocratique, {b} mais en aucune façon stibiaux et stygiaux, {c} ainsi qu’à l’honorable et célèbre Me Paul Courtois, aujourd’hui leur très digne doyen, {d} de bien se porter et d’agir justement].


  1. Paris, 1653, v. note [2], épître dédicatoire de la Nova Dissertatio.

  2. Autrement dit « dogmatiques », v. supra notule {b}, note [6].

  3. Les stibiaux étaient les partisans de l’antimoine (stibium), médicament émétique (vomitif) qui scindait alors la Faculté en deux clans farouchement opposés. Depuis Le Sentiment des docteurs régents en médecine de la Faculté de Paris touchant l’antimoine signé par 61 membres de la Compagnie le 26 mars 1652 (vnote Patin 3/333), les antimoniaux disposaient d’une courte majorité sur les antistibiaux.

    Par jeu de mots, Riolan et ses alliés qualifiaient les stibiaux de stygiaux, en faisant allusion au poison charrié par le Styx (vnote Patin 28/334). Le préfixe « semi » est une addition qui ne figure pas dans l’épître de Riolan ; il était souvent employé par dédain pour marquer le caractère dissocié et mitigé d’une secte philosophique ou religieuse.

    Dans les mêmes Opuscula de Riolan, les Stibiales et Stygiales figurent aussi dans la « Plainte du foie » : v. infra note [35].

  4. Vnote Patin 5/265 pour Paul Courtois, doyen de la Faculté de novembre 1652 à novembre 1654.

Riolan l’a reprise sous un titre un peu différent dans ses Responsiones duæ (Paris, 1655), qui figurent dans notre édition : l’Epistola à la Compagnie des docteurs régents y est entièrement traduite et annotée.

Pour être membre de ladite Compagnie, Pierre De Mercenne, alias Hyginus Thalassius, en connaissait parfaitement les rouages, comme en atteste ce qu’il disait ici :

14.

Pour ce propos, une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie à la préface, page 142, de la première Responsio de Jean ii Riolan, v. sa note [20].

15.

« peut naître partout », Sénèque le Jeune, Lettre lxvi à Lucilius :

Potest ex casa vir magnus exire, potest et ex deformi humilique corpusculo formosus animus ac magnus. Quosdam itaque mihi videtur in hoc tales natura generare, ut approbet virtutem omni loco nasci.

[Un grand homme peut sortir d’une masure, tout comme un bel et noble esprit peut émaner d’un petit corps difforme. Il me semble donc que la nature engendre de tels hommes pour faire voir que la vertu peut naître partout].

16.

Vnote Patin 5/19 pour le titre de Sacra Facultas qu’on donnait à la Faculté parisienne de théologie établie à la Sorbonne.

17.

Ce précieux témoignage d’Hyginus Thalassius établit que Jean Pecquet a découvert les voies nouvelles du chyle à Paris en 1647, et confirme qu’il y a obtenu sa maîtrise ès arts et s’est inscrit plusieurs années consécutives à la Faculté de médecine avant d’obtenir ses diplômes à Montpellier (doctorat en 1652).

Vnote Patin 23/7 pour Anuce Foes, bachelier de la Faculté de médecine de Paris, célèbre commentateur et traducteur d’Hippocrate, mort en 1595. André Du Laurens (v. supra note [11]) était docteur de l’Université de Montpellier, mais Guy Patin a affirmé qu’il avait étudié la médecine à Paris (vnote Patin 5/196).

18.

19.

Ces trois passages latins s’inspirent aussi des Lettres à Lucilius de Sénèque le Jeune :

Je n’ai rien vu pour justifier les propos d’Hyginus Thalassius car les griefs de Jean ii Riolan contre la lettre de Jacques Mentel n’étaient ni vétilleux ni futiles (v. notes [10] et [11], première Responsio, 3e partie) : il la citait pour lui reprocher, comme dans sa préface (v. sa note [8]), son adhésion à la sanguification cardiaque nouvelle, qui s’est depuis montrée absurde. Riolan est revenu sur ce passage dans la 3e partie de sa Responsio ad Pecquetianos (v. sa note [55]), en avouant n’être pas parvenu à le comprendre.

20.

La première citation vient de Jean ii Riolan (première Responsio, 3e partie), page 155 ; et la seconde, de la lettre de Pierre De Mercenne, page 153.

21.

« Il y a d’autres eaux auxquelles nous attribuons la même origine qu’au monde », Sénèque le Jeune, Questions naturelles, livre iii, xxii, avec cette suite :

Sive ille æternus est, hoc quoque fuit semper : sive initium aliquod est illi, hoc quoque cum toto dispositum est.

[S’il est éternel, elles ont toujours existé ; s’il a eu un commencement, elles ont été produites en même temps que lui].

La référence à la Genèse renvoie au récit bien connu de la création du monde (1 et 2:1‑4).

22.

Tite-Livre, {a} Histoire de Rome, livre ii, chapitre v, sur le Champ de Mars :

Forte ibi tum seges farris dicitur fuisse matura messi. Quem campi fructum quia religiosum erat consumere, desectam cum stramento segetem magna vis hominum simul inmissi corbibus fudere in Tiberim tenui fluentem aqua, ut mediis caloribus solet. Ita in uadis haesitantis frumenti aceruos sedisse inlitos limo; insulam inde paulatim et aliis, quae fert temere flumen, eodem inuectis factam. Postea credo additas moles manuque adiutum, ut tam eminens area firmaque templis quoque ac porticibus sustinendis esset

« Il s’y trouvait alors du blé prêt à être moissonné, et comme on se faisait un scrupule religieux de consommer la récolte de ce champ, on envoya une grande quantité de citoyens, qui coupèrent les épis avec la paille, et les ayant déposés dans des corbeilles, les jetèrent tout à la fois dans le Tibre, dont les eaux étaient basses, comme elles le sont toujours dans les grandes chaleurs. On prétend que ce blé s’arrêta par monceaux sur les bas-fonds du fleuve, en se couvrant de limon ; et que peu à peu, tout ce que le Tibre emportait dans son cours s’étant accumulé sur ce point, il s’y forma enfin une île. {b} J’imagine que dans la suite on y rapporta des terres, et que la main des hommes contribua à rendre ce terrain assez élevé et assez solide pour porter des temples et des portiques. » {c}


  1. Vnote Patin 2/127.

  2. L’île Tibérine est devenue l’île San Bartolomeo, au centre de Rome.

  3. Traduction de M. Nisard, 1864.

23.

« Voici pour toi les nymphes qui apportent des lis à pleines corbeilles, etc. », Virgile, v. note [15], première Responsio de Jean ii Riolan, 3e partie.

Hyginus Thalassius, et pour cause, relatait sans erreur et détaillait beaucoup plus les critiques de Riolan sur la lettre de Pierre De Mercenne que sur celle de Jacques Mentel.

24.

Les guillemets correspondent à une objection que, dans sa lettre de 1651, page 153, Pierre De Mercenne avait soumise à Jean Pecquet, avant la parution de la Responsio de Jean ii Riolan (en 1652).

Hyginus Thalassius allait ici soutenir la même position que son double (De Mercenne) et que Riolan, en admettant le « comment » (existence du réservoir du chyle et des lactifères thoraciques), mais non leur « pourquoi » (Funérailles du foie si aucun chyle ne lui parvient, comme pensaient abusivement Jean Pecquet et Thomas Bartholin, v. notes [15] et [18] de sa lettre à Johann Daniel Horst (1655)).

25.

Après avoir cité Jean ii Riolan (deuxième paragraphe, page 189, première Responsio, 6e partie, Sur la circulation du sang), Hyginus Thalassius se référait à une lettre que lui aurait personnellement écrite René Descartes vers 1640, mais je n’en ai pas trouvé la trace imprimée. Voulait-il ainsi brouiller les pistes, car on voit mal De Mercenne, bachelier de médecine en 1642, correspondre avec le philosophe sur le mouvement du sang dans la veine porte ? {a} Jacques Mentel, alors âgé de 43 ans, aurait pu avoir un tel échange et démasquer ici sa contribution à la rédaction de la Brevis Destructio (v. notule {a‑iii}, note [1] de son chapitre i).

Les Manuscrits anatomiques publiés dans les Œuvres inédites de Descartes (Paris, 1860) se réfèrent plusieurs fois à la veine porte, mais sans en mentionner les ligatures ; on lit par exemple, parmi les observations datées de 1637 (deuxième partie pages 204‑206) :

In hepate notandum quasdam venæ portæ extremitates (ut aiunt libri) medias venæ cavæ radices subire, et contra quasdam cavæ medias portæ radices subire : patet autem cavam ex hepate omnino prodire, non tantum enim ejus pars ascendens ex summa ejus parte egreditur, et secundum ejus posteriorem partem descendit atque it comitatum aortam descendentem. {b}

[Dans le foie il est à noter que certaines terminaisons de la veine porte (comme on lit dans les livres) se glissent jusqu’à mi-chemin des racines de la veine cave et que, réciproquement, certaines racines de la veine cave se glissent jusqu’à mi-chemin des terminaisons de la veine porte. {c} On voit bien aussi que la veine cave est entièrement issue du foie : sa partie ascendante sort du dôme hépatique, et celle qui passe derrière le foie se porte vers le bas et longe l’aorte descendante]. {d}


  1. C’est l’occasion de dire que Descartes a beaucoup correspondu avec le R.P. Marin Mersenne (mort en 1648), qui n’avait pas de lien de parenté connu avec Pierre De Mercenne (v. note [4] de sa lettre à Jean Pecquet).

  2. Ma traduction n’est pas celle qui est fournie dans le livre car elle est anatomiquement incohérente :

    « Dans le foie il faut remarquer que certaines extrémités de la veine porte (comme disent les livres) passent sous le milieu des racines de la veine cave, et qu’au contraire certaines extrémités de la veine cave passent sous le milieu des racines de la veine porte : or, il est évident que la veine cave a tout à fait son origine dans le foie car non seulement la partie ascendante sort de l’extrémité supérieure du foie, mais encore la partie descendante, laquelle se replie aussitôt et descend par le derrière du foie pour aller se joindre à l’aorte descendante. »

  3. Cette phrase suggère, voire postule l’existence d’anastomoses porto-caves intra-hépatiques. La seconde proposition est à l’évidence tronquée et je l’ai traduite en la comprenant comme disant : quasdam cavæ medias radices portæ extremitates subire.

  4. Erreur manifeste sur l’anatomie de la veine cave inférieure, dont le tronc ne naît pas du foie (mais de la réunion des veines iliaques) et dont le sang ne descend pas vers les parties inférieures (mais monte vers le cœur) en longeant l’aorte abdominale.

V. note [25], Responsio ad Pecquetianos, 4e partie, pour le débat sur l’expérience des ligatures successives du mésentère puis du tronc porte, évoquée par William Harvey pour démontrer la circulation sanguine dans le mésentère, que Riolan refusait obstinément d’admettre.

26.

Traité cité de Jean ii Riolan (Paris, 1652, v. supra note [6]), page indiquée, fin du chapitre intitulé In Circulatione Sanguinis Hippocratica quædam dubia resoluuntur [Certains doutes sur la circulation hippocratique du sang sont levés], sur les vivisections et les ligatures veineuses suivies d’incisions en aval et en amont du lien :

« Ces expériences devront être menées pour explorer et connaître la vérité des faits ; mais la dissection des animaux vivants est pénible, laborieuse et difficile, car le jaillissement du sang brouille tout et rend l’expérience inutile. »

À quoi Riolan ajoute quod etiam fatetur Harveus, « comme Harvey en convient aussi » : Riolan a en effet emprunté une partie du latin de Harvey, sanguinis effusio omnia perturbat, et irritum facit experimentum, dans son Exercitatio altera ad Ioannem Riolanum (Paris, 1650), 3e paragraphe, page 33.

27.

Démocrite s’intéressait beaucoup à l’anatomie et aurait écrit un livre entier sur celle du caméléon (selon Pline, au livre xxviii de son Histoire naturelle). Je n’ai pas trouvé d’où Hyginus Thalassius a tiré ses dires sur les dissections porcines d’Hippocrate (qui a probablement été un disciple de Démocrite).

28.

Dans la quatrième partie de sa Responsio ad Pecquetianos (v. sa note [3]), Jean ii Riolan a reproché à Hyginus Thalassius d’avoir mutilé cette citation de son traité de Motu cordis eiusque circulatione vera, ex doctrina Hippocratis [sur le Mouvement du sang et sa véritable circulation, selon la doctrine d’Hippocrate] (Paris, 1652, loc. cit.), chapitre intitulé De experimentis Anatomicis Harvæi et Vallæi in viventibus animalibus [Sur les expériences de Harvey et de Wale chez les animaux vivants]. La voici dans sa version complète, en rétablissant < entre chevrons > les passages omis par Hyginus Thalassius, mais en respectant les mots qu’il a mis en exergue (petites capitales) :

Quisnam Medicus in praxi occupatus tempus, operam, et quæstum suum disperdere voluerit in earum rerum exploratione, < quæ nihil conferunt ad melius medendum ? > Manebit potius in antiqua doctrina verisimili < ab omni sæculo, et ab omnibus nationibus approbata, > quam in dubia et incerta ridiculus esse, si faueat istis paradoxis opinionibus < Harvei >, quæ non possunt sustineri rationibus nisi visu, et tactu demonstrentur. < … > Quare < in hac ætate prouecta, > lubens < et volens > abstineo ab istis experimentis < dificillimis, laboriosis, quæ aliis curiosis, iuuenibus, et diuitibus relinquo >.

[Quel médecin vouant son temps à la pratique, voudra gaspiller son travail et son argent à explorer ces questions < qui n’ajoutent rien à la bonne manière de remédier ? >. Il aimera mieux rester fidèle à l’antique doctrine, qui est vraisemblable car elle a été approuvée de tout temps par toutes les nations, plutôt que se ridiculiser en optant pour le doute et l’incertitude, s’il adhère aux opinions paradoxales de Harvey, qui ne peuvent résister au raisonnement, ni être démontrées par la vue et le toucher. < […] À l’âge que j’ai atteint, > je m’abstiens donc volontiers < et sciemment > de ces expériences < extrêmement pénibles, et en laisse le soin à d’autres, qui sont curieux, jeunes et riches >].

29.

Opuscula anatomica varia et nova de Jean ii Riolan (Paris, 1652, 2e partie, page 117), à propos de l’anatomie du supplicié parisien présentant une inversion des viscères (v. note [15], lettre de Jacques Mentel) :

Quamvis hac hyemali tempestate propter frigoris excessum, non mihi licuerit commode et serio litteris vacare, quia frigus ætati meæ, et imbecillis pulmonibus est inimicum…

[Cet hiver, en raison du froid excessif, il ne m’aura pas été permis de me consacrer commodément et sérieusement à l’écriture parce que la froidure est ennemie de mon grand âge et de ma faiblesse de poumons…]

Guy Patin a parlé du poêle (hypocaustum) de Riolan dans plusieurs lettres écrites en 1654 à :

30.

Probable allusion à L’Institution oratoire de Quintilien, {a}, livre ix, chapitre ii, § xxix‑xxx :

Illa adhuc audaciora et maiorum, ut Cicero existimat, laterum, fictiones personarum, quæ prosopopoiiai dicuntur : mire namque cum variant orationem tum excitant. His et adversariorum cogitationes velut secum loquentium protrahimus (qui tamen ita demum a fide non abhorrent si ea locutos finxerimus quæ cogitasse eos non sit absurdum), et nostros cum aliis sermones et aliorum inter se credibiliter introducimus, et suadendo, obiurgando, querendo, laudando, miserando personas idoneas damus.

« Une figure plus hardie, et qui, selon Cicéron, demande beaucoup plus de force, c’est cette fiction qui fait intervenir les personnes, et qu’on nomme prosopopée. {b} Elle est singulièrement propre à varier et animer le discours ; car, à l’aide de cette figure, tantôt nous exposons au grand jour les pensées de notre adversaire, comme s’il s’entretenait avec lui-même, et nous ne rencontrons l’incrédulité qu’autant que nous lui prêtons des paroles invraisemblables ; tantôt, en restant fidèles à la vraisemblance, nous reproduisons, ou nos propres conversations, ou celles des autres entre eux ; tantôt enfin, pour donner plus de poids aux reproches, aux plaintes, à la louange, à la compassion, nous faisons parler des personnes en qui ces sentiments paraissent naturels. » {c}


  1. Vnote Patin 4/244.

  2. « Figure de rhétorique par laquelle on fait parler des personnes absentes, ou défuntes, des villes et des assemblées, même des choses inanimées » (Furetière). Les dialogues imaginaires en ont de tout temps été la forme la plus courante.

    C’est le procédé auquel Jean ii Riolan a recouru pour sa Hepatis funerati Querimonia… [Plainte du foie dont on a célébré les funérailles…] (v. infra note [33]). Les littéraires donnent aujourd’hui aux prosopopées le nom imagé de « ventriloquie », terme qui convient parfaitement à ladite harangue.

  3. Traduction de M. Nisard, 1885.

31.

« Met-on ou non en question ce qui est visible et palpable ? Qui désire savoir voit ce qui est ou croit ce que prétendent les experts » ; Exercitatio anatomica, de Circulatione sanguinis [Essai anatomique sur la Circulation du sang] de William Harvey contre Jean ii Riolan (Paris, 1650), Exercitatio altera [Second essai], dernier paragraphe de la page indiquée :

Perperam, anatomicâ dissectione confirmanda, et αυτοψια quæ sunt credenda, inepti et inexperti, Dialecticis et longè petitis argumentis, conantur vel euertere, vel stabilire. Quod in quæstione est visibile et sensibile ; an sit nec ne ? videre vel expertis credere teneri, quicumque scire desiderat, oportet.

[Sur des arguments dialectiques et surannés, des gens ineptes et inexpérimentés s’acharnent à détruire ou à établir ce que doit confirmer la dissection anatomique et vérifier l’observation directe. Met-on ou non en question ce qui est visible et palpable ? Quiconque désire savoir doit choisir entre voir ce qui est ou croire ce que prétendent les experts].

32.

Une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie à la préface de la première Responsio de Jean ii Riolan, pages 144‑145 (v. sa note [24]).

33.

« Des médecins de cette Compagnie ont été conseillers, complices et cautions de ce crime. À savoir que le foie est une partie inutile et méprisable qui doit être arrachée du corps, dépossédée de sa dignité et capacité de fabriquer le sang, et qu’il faut donc l’exterminer et le rabaisser à une vile fonction » ; une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie aux deux premières pages (55‑56) de la harangue de Jean ii Riolan intitulée Hepatis funerati et resuscitati Querimonia, ad Medicos Parisienses [Plainte du Foie enterré et ressuscité, adressée aux médecins de Paris] : {a}

Viri percelebres,

Non vos latet quamplures nondum exanimes ad funus elatos reuixisse, et conquestos fuisse de impia corporum funeratione. Liceat mihi apud vos Antiquæ laudis et artis, ut loquar cum Virgilio, conqueri, de iniquo iudicio aduersus meam potestatem non bene examinatam pronunciato, in hac Vrbe Parisiensi à iuuene Pecqueto, temerario et imprudenti iudice, qui Medicos vestri ordinis Consiliarios, et fascinoris fautores, ac fideiussores adsciuit, Scilicet Hepar inutile et ignobile membrum, è corpore rescindendum, suâ dignitate et potestate sanguificandi spoliandum, ab Adamo nato vsque ad hunc diem homines fraudulento officio decepisse, ac proinde exterminandum, et obliuione perpetua sepeliendum, vel ad vile ministerium sordes biliosas colligendi relegandum ac destinandum, ne deinceps pro parte principe reputetur : In Hafniensi Academia Bartholinus adhuc iuuenis Anatomicus, inconsultis aliis Medicis, istud iudicium confirmavit, et post decantatas et celebratas exequias, mihi tanquam funerato Epitaphium inscripsit.

[Très illustres Messieurs,

Vous n’ignorez pas que bien des gens ont revécu après qu’on les eut menés au tombeau sans qu’ils fussent encore morts, et ont vivement déploré leurs obsèques impies. Permettez-moi, Antiquæ laudis et artis, pour parler comme Virgile, {b} de me plaindre auprès de vous du jugement inique que le jeune Pecquet a prononcé, en cette ville de Paris, contre mon pouvoir sans qu’il l’ait bien examiné, et des médecins de votre Compagnie qui se sont alliés à ce juge impudent et ignorant, en se rendant conseillers, complices et cautions de son crime : À savoir que le foie est une partie inutile et méprisable qui doit être arrachée du corps, dépossédée de sa dignité et capacité de fabriquer le sang, fonction usurpée qui a trompé les hommes depuis la naissance d’Adam jusqu’à ce jour, et qu’il faut donc l’exterminer et l’ensevelir dans un éternel oubli, ou le rabaisser en ne lui confiant plus que la vile fonction de recueillir les ordures de la bile, de façon qu’il ne soit plus désormais réputé être le premier des organes. Bartholin, encore jeune anatomiste de l’Université de Copenhague, a confirmé cette sentence, sans avoir consulté d’autres médecins, et après avoir chanté et célébré mes funérailles, il a écrit mon épitaphe comme si j’avais trépassé]. {c}


  1. Opuscula nova anatomica (Paris, 1653, v. supra note [13]).

  2. « en l’honneur de votre art et de son antiquité » : Bucoliques, livre ii, vers 174.

  3. Funérailles du foie,avec son épitaphe imprimée à la fin des Vasa lymphatica de Thomas Bartholin (Copenhague et Paris, 1653, v. note [25], Nova Dissertatio de Jean Pecquet, expérience i).

34.

« Ce livre vivifiant et incapable de tromper vous […] a appris, en accord avec le principe dont Aristote s’était convaincu, que le cœur est l’organe premier de l’hématose » : pages 153‑154, lettre de Pierre De Mercenne à Jean Pecquet (v. sa note [6]).

35.

« médecins stygiaux qui ont juré la ruine des humains en signant pour l’antimoine ou Styx, qui est l’instrument du diable » ; Dernier paragraphe (pages 57‑58) de la « Plainte du Foie dont on a célébré les funérailles », prosopopée {a} de Jean ii Riolan où le foie s’adresse aux docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris : {b}

Non inuideo Cordi suam dignitatem, modò mea mihihi conservuetur. Id à vobis expecto, Medici Parisienses, vt meo officio principali sanguificandi recuperato, à vobis redintegratum fuisse gloriari queam, Vestro solemni decreto. Id mihi si denegatum fuerit, præualebunt Pecqueti sectarij, Stibiales, vel potius Stygiales Medici, qui suo Stibio, siue Stygio instrumento Diaboli, iuxta Cyprianum, meam et hominum ruinam, et excidium inter se syngraphi coniurârunt. Nullum enim Venenum mihi nocentius ipso stibio, quo mea substantia atteritur et laceratur, vt testantur omnes periti et cordati Medici Germani, Itali, Hispani, Angli, qui eius maleficium iamdudum experti sunt. Hoc prohibere nefas, et à vestra Schola talem auertire pestem.

[Je n’envie pas sa noblesse au cœur, pourvu qu’on me conserve la mienne. Après que j’aurai récupéré mon rôle principal dans la sanguification, j’attends de vous, médecins de Paris, de pouvoir me faire honneur en décrétant solennellement ma réhabilitation. Si cela m’est refusé, les sectateurs de Pecquet auront gagné, ces médecins stibiaux ou plutôt stygiaux, ces signeurs qui ont comploté ma perte et ma ruine, et celle des humains, avec leur stibium ou Styx, que Cyprien a dit être l’instrument du diable. {c} Aucun poison ne me nuit plus en effet que cet antimoine qui mortifie et déchire ma substance, comme en attestent tous les médecins habiles et avisés d’Allemagne, d’Italie, d’Espagne, d’Angleterre, qui ont depuis longtemps éprouvé ses méfaits. Empêchez ce crime et chassez cette peste de votre Faculté !]


  1. V. supra note [30].

  2. Paris, 1653, v. supra note [33].

  3. Saint Cyprien de Carthage (vnote Patin 13/195), De Opere et Eleemosynis [La Bienfaisance et les Aumônes], § 14 :

    Et Quæ matrona in Ecclesia Christi locuples et dives es, inunge oculos tuos non stibio diaboli, sed collyrio Christi, vt peruenire ad videndum Deum possis, dum Deum, et operibus bonis et moribus promereris.

    [Et toi, matrone, qui es opulente et riche, ne te maquille pas les yeux avec l’antimoine du diable, mais avec le collyre du Christ, pour pouvoir parvenir à voir Dieu, quand tu l’auras mérité par la bonté de tes œuvres et de tes mœurs].

    Dans l’Antiquité, l’antimoine ne servait pas de médicament, mais son sulfate était une des bases utilisées pour la confection du khôl.

    Riolan assimilait ici très clairement les 61 signeurs de l’antimoine (en 1652, v. supra note [13], notule {c}) aux partisans de l’émétique qui avaient scindé la Faculté parisienne en deux clans vivement opposés.


36.

« quel fléau impossible à arrêter, quelle langue remplie de venin, […] qu’il est encore incapable de dompter ! » ; une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie au Nouveau Testament (Épître de saint Jacques, 3:7‑8) :

Omnis enim natura bestiarum et volucrum et serpentium etiam ceterorum domantur et domita sunt a natura humana. Linguam autem nullus hominum domare potest inquietum malum plena veneno mortifero.

[Toutes les espèces de quadrupèdes, d’oiseaux, de reptiles et d’animaux marins peuvent se dompter, et ont été domptées par l’homme ; mais nul homme ne peut dompter la langue, c’est un fléau impossible à arrêter, elle est remplie d’un venin mortel].

Hyginus Thalassius revenait sur ce qu’il avait écrit dans le chapitre i de sa Brevis Destructio (v. sa note [20]) sur les sentiments de Jean ii Riolan sentant venir la mort et souhaitant faire un jour partie des « célicoles » (dans le sens erroné d’habitants du ciel).

37.

« Y a-t-il pareille colère dans les esprits célestes ? », Virgile, Énéide, chant i, vers 11.

38.

« Qui commet l’injustice recevra selon son injustice, il n’y a pas d’acception de personnes » ; une note d’Hyginus Thalassius renvoie à saint Paul, Épître aux Colossiens, 3:25 :

Qui enim injuriam facit, recipiet id quod inique gessit, et non est personarum acceptio apud Deum.

[Qui commet l’injustice recevra selon son injustice et, aux yeux de Dieu, il n’y a pas d’acception de personnes].

39.

Jean ii Riolan n’est jamais venu à résipiscence : jusqu’à sa mort, en 1657, il a obstinément nié la circulation du sang, la sanguification cardiaque, l’emploi de l’antimoine et quelques autres innovations.

Médecin du xxie s., me voici interrogé sur ce que je pense de lui. Je l’ai d’abord détesté ; mais après l’avoir beaucoup lu, j’avoue qu’en faisant abstraction de sa mégalomanie, et de ses partis pris arrogants et insultants, j’ai fini par apprécier la qualité de sa plume, son extraordinaire connaissance des auteurs, médicaux comme non médicaux, et sa très légitime et visionnaire opposition aux Funérailles du foie ; j’ai même compris sa contestation hippocratique de William Harvey, qui précédait la découverte des capillaires sanguins (en 1661 par Marcello Malpighi, v. note [2], Dissertatio anatomica de Jean Pecquet, chapitre v). Somme toute, Riolan était bien autre que le père de Thomas Diafoirus ridiculisé par Molière, je lui sais gré de m’avoir beaucoup instruit sur la médecine de son temps (et du mien, par ricochet).

40.

Une note marginale d’Hyginus Thalassius renvoie à Jean ii Riolan, dans les deux dernières pages de sa Querimonia hepatis funerati : v. supra note [35].

41.

Vnote Patin 52/211 pour le safran, crocus ou foie d’antimoine, qu’on utilisait pour préparer le vin émétique, qui avait été inscrit dans l’antidotaire (Codex) de la Faculté de médecine de Paris en 1638 (vnote Patin 7/122), mais qui ne fut officiellement approuvé qu’en 1666, après cent années de querelles (vnote Patin 5/873).

Contrairement à Jacques Mentel, Pierre De Mercenne (Hyginus Thalassius) avait figuré (en 44e position) parmi les 61 signeurs de l’antimoine en mars 1652 (v. supra notule {c}, note [13]).

a.

Page 195, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

Caput iii.

De Doctorum Parisiensium testimoniis. Candidè illi
scriptis ad
Pecquetum epistolis Lacteas Thora-
cicas probarunt ac commendarunt. Defenduntur
Epistolæ adversus
Riolani censuram, quæ ad-
versa rationi et experientiæ sponte corruit
.

Quamvis clara probatione non egeant {a} aut
testimonio, neque alterius authoritate
adducatur quispiam ut credat quod vi-
det : Nihilominus adeò imperiosè ani-
mos sibi mancipat opinio à teneris annis
radicitùs infixa, ac longâ sæculorum memoriâ firma-
ta, ut rationis ac sensuum authoritatem facilè in-
fringat, ac pro arbitrio torqueat.

Quo semel est imbuta recens servabit odorem
Testa diu
.

Tanta vis est consuetudinis, ut deterioribus alimen-
tis innutritum corpus, satim meliora non ferat, ipsá-
que lux, tam grata alioqui atque optanda, repenti-
no influxu non assuetos oculos occæcet. Quod cum
animadverteret Pecquetus, antequàm nova chyli con-
ceptacula Lutetiæ à se primùm inventa in lucem ede-
ret, Doctores duos Parisienses sibi familiares ad mi-
rum istud ac veris Philosophis dignum spectaculum
invitavit, ut illorum testimoniis certior experientiæ
fides constaret. Illi itaque observatâ evidentissimè,
atque oculatis manibus, canalium Pecquetianorum


  1. Sic pour : careat.

b.

Page 196, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

υπαρξει, horum se testes ac præcones, ut veritatis,
ac boni publici studiosos decebat, scriptis epistolis
perhibuerunt. Quod molestè tulit Riolanus. Quo-
niam (inquit) debebat Pecquetus oculatiores adhuc
consulere, seniores scholæ in rebus anatomicis et
operibus artis versatos. Non it insicias {a} Pecquetus : audi-
vit istud sapientis, à senioribus disce. Didicit ab Ari-
stotele l. 6. Moral. c. 12. Seniorum pronunciationi-
bus absque demonstratione, non minùs quàm de-
monstrationibus attendendum, quia nempe ex ipsa
experientia visum habent. Fatetur illustrius fuisse
eorum testimonium, in ætatibus enim authoritatem
habet senectus, ut in exemplis vetustas. Hos senes veræ
Medicinæ antistites, bono publico natos, urbi et orbi
salutares nemo non agnoscit : sed nihil eorum honori
detractum putavit Pecquetus, quæsitis aliorum sibi
notiorum testimoniis. Noverat siquidem nullum re-
periri in Academia Parisiensi Doctorem, qui de ex-
perimenti anatomici veritate judicium ferre non
possit. Noverat selectos à se viros à suis non flocci
haberi ; ac præcipuè Nobilissimum et Doctissimum
Mentelium, cui quidem non debuit Riolanus juventu-
tem objicere, cum majoris sit in schola Ordinis atque
antiquus Professor, qui chirurgiam et Anatomen
jam à viginti annis summo cum plausu magnáque
auditorum frequentiâ Lutetiæ docuit. Alter verò
juvenis quidem est, sed pænè decennis doctor, cui, ut
accepi dum Lutetiæ versarer, juventus probro non
est, et quam non audit invitus, velut quidam sene-
ctutem, et canos et alia multa ad quæ voto perve-
nitur, inquit Seneca. Itaque dum seniores à Pecque-
to
consuli voluit Riolanus se ipsum intellexit. Virsun-


  1. Sic pour : Non ita inscius [est].

c.

Page 197, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

gus (inquit) de suo canali ejus judicium exquisivit.
Non ita Pecquetus, nec Anatomicorum Principi per-
solvit tributum. Hæc belli causa, hæc ratio in La-
cteas Thoracicas Riolanum armavit. Hic enim de aliis
senioribus non consultis haud multùm curat, quos
circulatores vocat l. de circul. sang. ex doct. Hipp. c.
11. p. 42. et 43. Hanc doctrinam, inquit, si nostri Prag-
matici, Vrbis circuitores, vel potius circulatores, attentè con-
siderarent, forsan in suis discursubus vel consultationibus Me-
dicis mutarent sententiam, nec tam obstinatè hærerent in illo
veteri errore Fernelij
(Sic post Hippocratem et Gale-
num Medicorum maximum, et dulce decus tuum,
ô Schola Parisiensis, Senior magister cum præfatio-
ne Honoris nominat.) Qui constituit focum continuæ fe-
bris in majoribus vasis, etc
. Vt autem diluat Riolanus
odiosos vulgi rumores et hæmophoborum calum-
nias, concludit hoc caput istâ Admonitione ad Pari-
sienses Medicos. Audacius
, inquit, pag. 43. ad venam se-
candam progrediuntur, cum sanguis ex vena porta eductus
fuerit, magna ex parte exhausto sanguine trunci cavæ, atque
tum liberaliùs detrahunt sanguinem, quando quiescendum
foret ; in debilitate virium etiam oppressionem semper accu-
santes ab isto impuro sanguine
.

Sed ita potuit collegas damnare, qui censorio suo
jure in Hippocratem et Galenum utitur in Antro-
pographia {a} l. de circulatione sanguinis. {b} Credibile est, in-
quit, Hippocratem adhuc juvenem nondum in operibus ar-
tis satis exercitatum libros epid. peregrinando conscripsisse
.
Et paulo post, in Medicina Hippocratis Medici multa
notarunt ante tempora Cornelij Celsi. Quis non reprehen-
dat in Galeno quod regulas et præcepta medendi à se præscri-
pta non observavit 
{c} in suis ægris ? Ita potuit doctores Pec-


  1. Sic pour : Anthropographia.

  2. Note marginale : De circulat. sang. c. 20. p. 586.

  3. Sici pour : observarit (dans la source citée).

d.

Page 198, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

quetiani experimenti laudatores traducere, qui Mo-
ræum et Patinum
præstantissimos facultatis Parisiensis
Medicos etiam insectatus est ob epistolas ad Æmi-
lium Parisanum scriptas. Aut nunquam, inquit, ipsius
Authoris opera legisse verisimile est, aut suam ignorantiam
in ea re patefacere, de judicio posteritatis securi
. In spongia
alexiteria advers. Æmil. Paris. Anthropograph. pag.
856. Et pag. 858. sic respondet Parisiano. {a} At Doctor
Parisiensis præclarissimus suis versibus inter illustres Ana-
tomicos ipsum
Riolanum non accensuit. Nemo Propheta
in patria sua ac præsertim inter Medicos, quoniam inter
mendicos regnat semper invidia quam expertus sum in majo-
rem à quibusdam sycophantis et temulentis.
Et infra, in
hac urbe Medicorum imperium inveni divisum in factiones,
ægris valde perniciosas, dum prævalens praxeos manceps alio-
rum animos flectit et ad se convertit, in odium et sæpe lu-
dibrium alterius Medici Docti, probi, senioris, aliter opinan-
tis. Sic animas hominum negotiantur Medici
. Ita de suis
collegis loquitur Riolanus, quibus non æquior est
quàm exteris. Ita medicorum Parisiensium famam
posteritati commendat, ita ulciscitur exprobratum, ut
ait, nominis sui contemptum in urbe Parisiensi. Isti autem
versus, quod illi Parisanus objecit, in aditu operum
Laurentij leguntur.

Fallopium Patiavina colit, Romana Columbum ;
         Germana Albertum ; Flandria Vesalium ;
Bauhinum Basilea ; suum Veneti Parisanum ;
         Bœteica Valverdam tollit ad astra suum.
Pauvium habent Batavi, stat Sylvius in Parisina ;
         At te, Laurenti Gallia tota tenet
.

Dom. Guidonem Patinum, hujus elegantis epigram-
matis Authorem, sic excipit Riolanus in opusculis


  1. Sic pour : Parisanum (Errata).

e.

Page 199, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

Anatomicis adversus Harveum, etc. In Erratis cor-
rigendis in Anthropographiæ libro pag. 381. Qui ver-
sibus commendavit librum Parisani : revera tot alapas me-
ruit, quot versus scripsit
. Sed ita potuit viro sibi ami-
cissimo, cui ante plures annos Encheiridion Anato-
micum dicaverat, hoc loco non parcere, qui in iudi-
cio novo de venis lacteis, atque in ultimi sui operis
Epistola nuncupatoria, scholam ipsam principem ve-
luti semistibialem ac semistygialem irridet. Iudicet
ergo schola Parisiensis num sua potius intersit vin-
dicare decus sui ordinis, et Doctorum famam à Rio-
lano
violatam, quàm lacteas thoracicas à Pecqueto in-
ventas, et à duobus Doctoribus observatas ac probatas
damnare. Quæ injusta fuit Riolani postulatio. {a} Ne cre-
dant exteri
(inquit) Pecqueti, opusculum Lutetiæ typis
editum, à quibusdam Doctoribus approbatum, luce ac laude
dignum judicatum fuisse
. Certè si falsa est Pecqueti obser-
uatio, si commentitia vasa Thoracis Chylifera, in-
terest scholæ Parisiensi {b} Doctores illorum approbato-
res castigare ; sed si vera sunt ista, si confessa, et ex-
plorata, jam peritiorum anatomicorum Encheirisi,
interest scholæ non minùs veri quàm æqui arbitræ,
læsam naturæ rerum veritatem, ac Doctorum famam
potiùs sua authoritate tueri, quàm senioris magistri
dogmata fulcire. Ergò sic Riolani censura non minùs
rationi quàm experientiæ, et oculorum testimonio ad-
versa sponte corruit. Quamvis autem Pecquetus non sit
Doctor nec Medicus Parisiensis, non tamen debet ob
inventum eximium sua laude carere, quam quidem
exteris de Medicina bene meritis referre nolle, in-
gratum simul et inhumanum foret. Etenim ut virtus
omni loco nascitur, sic ubicunque se prodit, aman-


  1. Note marginale : Pag. 142. Respons. ad experiment.

  2. Sic pour : Parisiensis (Errata).

f.

Page 200, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

da, colenda, atque encomiis exornanda est, unde Do-
ctores sacræ facultatis libros Theologiæ ab exteris
editos quotidie approbant, Medicis operibus tantò
majoris momenti, quantò religio vitâ, anima corpo-
re præstat.

Non tamen Pecquetus Scholæ Parisiensi prorsus
exterus videri potest ; cujus se cum Foesio, Laurentio,
et aliis illustrioribus alterius et hujusce sæculi Medi-
cis, Discipulum gloriatur. Lutetiæ ille Philosophi-
cis et Mathematicis disciplinis institutus, gradum
magisterij artium et nominationis {a} adeptus est. Lu-
tetiæ medicinam et anatomen didicit, et Doctores
supra laudatos Patinum et Mentelium in scholis audi-
vit. Lutetiæ sua anatomica experimenta fecit et lac-
teas thoracicas invenit anno 1647. Ergo Pecqueti in-
ventum Lutetiæ exterum esse non debet. Frustra
igitur Scholam antiquitatis gloriâ et doctrinæ clari-
tate omnium celeberrimam in suam sententiam ad-
ducere tentat Riolanus, qui certè nimiùm sibi arro-
gat, cum huic scholæ interesse putat castigare quod
ipsi non placet. Quid autem in scriptis ad Pecquetum
epistolis reprehendit censor perpetuus ? Singulas si-
gillatim defendere longum foret, et ultra præscri-
ptum mihi tempus. Neque in explodendis futilibus
glossematis operam impendam quibus Clarissimi et
humanissimi viri Iacobi Mentelij politam epistolam de-
venustare conatus est. In hoc supercilium subduxit,
in hoc barbam demisit antiquior magister, ut in
grammaticis nodos nectat. Tantum ipsi vacat. At
turpis res Elementarius senex, inquit Seneca. Res
fallunt, illas discerne ; nimium temporis eripiunt
vafræ quæstiunculæ, captiosæ disputationes, et ver-


  1. Sic pour : nominationis ad beneficia (Errata).

g.

Page 201, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

borum cavillatio, quæ solummodo acumen irritum
exercent, et generosam indolem in istas argutias con-
jectam comminuunt ac debilitant. Quod ad secun-
dam epistolam spectat, illius, utpote brevioris, nunc
exempli solùm gratiâ paucis defensionem suspiciam.
Alter, inquit, ab Adamo primo hominum parente
structuram Lactearum Thoracicarum repetit. Scri-
pserat ille, ut novitatis invidiam ab his vasis depelle-
ret. Novum non esse, quod in omnibus Animantibus cer-
nitur, et quod cum ipso mundo incœpit
. Nonne ergo in-
sulsè ridet Riolanus, ubi hîc mentio de Adamo ? an
quod cum mundo incœpit ab Adamo repetitur ? sic
ergo argumentetur censor. Natura animalium cum
ipso mundo incœpit, ergo est ab Adamo, quem ta-
men docet Genesis absolutis cæteris animantibus
sexto die solum creatum fuisse, tanquam corrolarium
et epitomen mundani operis. Cum ergo ita scripsit
Seneca. Aliud est aquarum genus, quod nobis placet cœpisse
cum mundo
, simili colore diceret censor, Senecam
aquarum originem ab Adamo repetere. Insulam re-
cens in Tiberi natam memoriæ tradidit Livius ; alias
ita in mari genitas Seneca et Plinius prodiderunt.
Quæstio igitur esse posset, an quemadmodum muta-
tur ipse terrarum orbis, dum insulæ renascuntur, imo
dum nova erumpunt flumina, antiqua siccantur, ac
montes pereunt : sic in animantibus mutetur naturæ
facies ortis recentibus chyli rivis ? non est par ratio.
Mutationes enim illæ à causa perpetua ortum non
habent, sunt περα φυσιν, et quodammodò morbi
universi. At partes animantium causam habent per-
petuam, quæ alias ex aliis generando sufficit, ac sur-
rogat.

h.

Page 202, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

Procul dubio igitur intellexit auctor hujus episto-
læ novas animantium perfectorum species in natura
non generari, ut neque in eorumdem animantium
structura novas partes, quæ novam quoque speciem
constituerent. Rationem reddit firmissimam. Quo-
niam natura æterna atque immutabili legi addicta est
, cujus
perpetuò exemplar imitatur, ideo novas animan-
tium aut partium species hisce temporibus non fa-
bricatur : sin autem aliquando aberret, dum insoli-
tas quasdam partes in monstris progignit, illæ non
perennant ; At lacteæ thoracicæ in omnibus perfe-
ctiorum animantium speciebus semper observantur.

Addit censor intercisa quædam secundæ hujus
Epistolæ verba. Hoc invento nobis exprobare videtur na-
tura præposteram de ea ex nostris cogitatis arbitrandi consue-
tudinem
. Quæ mox ita carpit censor. Post istos lau-
datores quis non proclameret Pecqueto tanquam novo
Medicinæ conditori

                     Tibi lilia plenis
Ecce ferent Nymphæ calathis
, etc.

Ante verò pag. 141 suæ responsionis scripserat novam
medendi methodum condi oportere ab iis, qui ejus libellum appro-
barunt
. Quis præter Riolanum ex allatis epistolæ ver-
bis, ut ex toto illius contextu, tam aliena ab autho-
ris mente, atque etiam ab ipsa rei veritate inferre
potuisset ? Nihil commendat hæc epistola præter Ex-
perientiam rerum magistram, αυτοψιαν, et naturæ in-
spectionem : nihil laudat in invento Pecquetiano præ-
ter Chyli receptaculi, et Lactearum Thoracica-
rum hyparxin. De usu inventi ne verbum quidem
facit, ut neque de Hepatis funeratione. Prævidit
quidem et soluit per antecessum potiora argumenta

i.

Page 203, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

quæ censor in responsione Pecqueto objecit. Quale
est istud toties repetitum in respons. ad experim. pag.
167. 179. 180. 181. de Chyli sordibus spiritus vitales in-
quinantibus
. Reprehendit quoque hæc epistola præ-
posteram consuetudinem de natura sine natura judi-
care, hoc est sine illius operum inspectione. Etenim
magna pars mortalium naturæ sua cogitata imputat,
ac plurimi ei velut in equuleo vim inferunt ac variè
tormentum adhibent, ut non vera, sed ad libita res-
pondeat. Multi etiam vituperant diligentes quos-
dam ac sedulos viros, qui dum unius naturæ se pro-
fitentur discipulos, Deum habere præceptorem
verè gloriantur.

Inter istos autem reprehensores primum locum
meritò tenet Riolanus, cui familiarissimum est hoc
modo solvere inexpugnabile argumentum, ab expe-
rientia depromptum. Exempli gratiâ, ut evertat de-
monstrationem circulationis sanguinis in porta ;
quæ manifesta est ligato vivi canis mesenterio, et
maximè, constricto ejusdem portæ trunco iuxta he-
par, inter quod et vinculum subsidens statim, et
exsanguis portæ truncus observatur, qui laxato vin-
culo sanguine turgidus apparet. Dubito (inquit) de isto
experimento, quamvis ab Harveo sit productum
. Illud ego
ante à Cartesij epistola jam à quatuordecim annis
acceperam. Lib. de circulat. sanguin. c. 13. p. 146. {a}
Istæc {b} experimenta (inquit) erunt administranda, ut rei ve-
ritas exploretur et innotescat. Verùm tædiosa, laborio-
sa et difficilis viventium animalium anatome, sanguinis
effusio omnia perturbat, et irritum facit experimentum
. At
vasorum fecit experimenta in vivis porcellis Hippo-


  1. Sic pour : 46.

  2. Sic pour : Isthæc.

j.

Page 204, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

crates, nec etiam in aliis animantibus Democritus. In
notat. de motu cordis c. 19. p. 146. et 147. {a} multò præ-
clariùs Riolanus : Quisnam Medicus (inquit) in praxi occu-
patus tempus, operam, et quæstum suum disperdere voluerit in
earum rerum exploratione, manebit potiùs in antiqua doctri-
na
Verisimili quàm in dubia et incerta ridiculus esse,
si faveat istis paradoxis opinionibus, quæ non possunt sustineri
rationibus nisi visu et tactu demonstrentur
. Qvare lv-
bens abstineo ab istis experimentis
.
Addere debuit, et à dignoscenda veritate, cujus ob-
stetrix est diligens hominum ætas, mater experien-
tia. Honestiùs ergo putat censor noster, ut scribit
alicubi, tota hyeme ob imbecillos suos pulmones, in
hypocausto latere, et cum cathedrariis Philosophis
quidquid in mentem venerit de rerum natura com-
minisci, quàm cum curiosis observatoribus illam in
suis operibus audire loquentem. Certè si aliqua
operis parte, hîc maxime, quod initio dixit, suam
dignitatem deposuit censor, tempus, operam et quæ-
stum suum disperdere non vult
in investigenda veritate,
et Rhetorum more ex Quintiliani mente, non ve-
rum quærit, sed verisimile : monuerat ipsum Harveus
in secunda exercit. pag. 62. quod in quæstione est vi-
sibile et sensibile ; an sit nec ne ? videre vel expertis cre-
dere tenetur, qui scire desiderat
.

Verùm laudat censor Pecqueti scrutinium anatomi-
cum, et hyparxim canalum Pecquetianorum, quos fa-
tetur se vidisse in cane ; demonstratore Gayano perito
Chirurgo et anatomico. {b} Improbat solùm lactearum
usum à Pecqueto assignatum, et το διοτι non το οτι.
Contrà patebit postea illum totis viribus lactearum
hyparxim oppugnasse ? Nunc quæro, cur secundam


  1. Sic pour : 148 et 149

  2. Note marginale : Respons. in experim. pag. 144. et 145.

k.

Page 205, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

epistolam non probavit censor, quæ το οτι solum
lactearum declarat. Contumeliosissimè igitur et fal-
sissimè in Hepatis funerati qerimonia ad Medicos
Parisienses, scripsit, {a} Medicos hujus ordinis, consiliarios,
fautores ac fidejussores fuisse hujusce facinioris. Scilicet Hepar
inutile et ignobile membrum è corpore rescindendum, sua di-
gnitate et potestate sanguificandi spolinadum, ac proinde ex-
terminandum, et relegandum ad vile ministerium
. Sic habet
epistola. Hic te vivus et fallere nescius codex docuit, quod
principij unitas Aristotelo suaderat, cor primum esse
αιματωσεως
organum
. Si cor est primum αιματωσεως organum :
Ergo aliud secundum est, quod si nullum præter
Hepar excogitare potest censor, quomodo Authori
epistolæ tam perspicuè locuto, istud facinoris consi-
lium affingere non erubescit ? Non ergo Parisien-
sis ordinis Medici excidium juravêre Hepatis, cujus
facultatem vitæ pernecessariam agnoscunt, cujus
etiam servandæ temperiei ac juvandæ functioni quo-
tidie student in facienda Medicina. Nemo igitur bo-
nus ferre poterit aut silentio excusare Riolani animi
vehementiam, qui in illa querimonia Hepatis fune-
rati, sævit atrociter in Pecqueti Sectarios, sic vocat eos
qui Lactearum Thoracicarum υπαρξιν secum faten-
tur, Tanquam in Stygales Medicos, qui suo stibio sive stygio
instrumento diaboli hominum ruinam inter se syngraphâ ju-
rarunt. Quos tandem à schola arcendos concludit
. Deus bo-
ne quàm inquietum est malum, ac plenum {b} veneno
mortifero lingua ! quam senex de discessu cogitans, nec-
dum domare potest. {c} Ita ne post decursum hujus vi-
tæ spatium jam cælicolis se ascriptum putat ? qui collegas


  1. Note marginale : Pag. 35.

  2. Sic pour : plena.

  3. Note marginale : Ex d. Iacob. epist. c. 3. v. 8.

l.

Page 206, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

sibi semper addictissimos, morum ac famæ intergrita-
te scholæ {a} ac civibus probatos, homicidij ac venefi-
cij palam incusat, imò conjurationis scriptæ in exci-
dium generis humani.

Tantæ ne animis celestibus iræ.

Num reformidavit illud Apostoli. {b} Qui injuriam fa-
cit, recipiet id quod iniquè gessit, et non est perso-
narum acceptio. Quis erit exteris, quid posteris sen-
sus de seniore scholæ Parisiensis magistro, qui eam
ut stygialium Medicorum et venenficorum alumnam
infamavit in hoc Hepate funerato et resuscitato. Nonne
ibi potiùs funeratam Riolani existimationem agno-
scent, quæ nunquam profecto renascetur ac resusci-
tabitur, nisi serâ tandem pœnitentiâ, jam silicernium,
conviciis ac maledicentiæ finem imponat.

Hæc autem causa est cur collegas stygiales et pestes
vocat Riolanus. {c} Audite posteri et obstupescite ! quo-
niam scilicet Lacteas Thoracicas à Pecqueto inventas
cum Riolano viderunt ac laudarunt, easdem postea
conviciis cum Riolano discerpere indignum Christia-
nâ sinceritate et candore philosophico arbitrati sunt :
quoniam etiam vinum croco stibij metallico medica-
mentum non solum à peritis et cordiatis Medicis Gallis,
Germanis, Italis, Hispanis, Anglis, sed à Facultate
Parisiensi et ab omnibus ferè Europæ academiis in-
ter purgantia medicamenta jure recensitum, cum
Riolano venenum non existimant. Quo pacto autem
stibium licet παρεργον Lacteis junxerit censor, liqui-
dò patet. Nempe ostendere voluit, nunc sibi fatale
esse certissimis experimentis bellum indicere. Nam
evidentissimo sensuum testimonio pariter constat, et
Pecquetianorum canalium inventum medicinæ scien-


  1. Sic pour : scholâ.

  2. Note marginale : Ad Coloss. c. 3. v. 25.

  3. Note marginale : In Hepatis querimonia p. 57. et 58.

m.

Page 207, brevis destructio responsionis riolani, auctore hygino thalassio.

tiam locupletare, usu innoxio ; et vinum emeticum
in gravissimorum morborum profligatione artis au-
xilia fœliciter augere, non venenatis effectibus, sed
ad Hepatis ac cœterorum viscerum expurgationem
maximè salutaribus.


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Hyginus Thalassius (1654), alias Pierre De Mercenne, Brevis Destructio de la première Responsio (1652) de Jean ii Riolan : chapitre iii

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(Consulté le 09/12/2025)

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