Texte
Jean ii Riolan
Responsiones duæ (1655),
Epistola (1653) aux docteurs régents
de la Faculté de médecine de Paris  >

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Jean Riolan, leur plus ancien maître, souhaite
aux très éminents docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris,
orthodoxes adeptes de la véritable médecine hippocratique,
de se bien porter et d’agir dans la règle.

Très illustres Messieurs, [1][1][2][3]

Qu’il me soit permis de saluer et interpeller votre Compagnie, en ne changeant qu’un seul petit mot aux vers de Virgile s’adressant à la nation romaine :

Salve magna parens Medicûm, Saturnia tellus,
Magna Virûm, tibi res antiquæ laudis et artis
Ingredior, sacros ausus recludere fontes
[2][4]

Votre École est en effet la plus ancienne de toutes, puisque ses études ont fleuri depuis six cents [Page 4 | LAT | IMG] ans et qu’elle s’est glorieusement maintenue, car elle a de tout temps produit de très éminents médecins, et toujours religieusement cultivé la véritable et irréprochable doctrine d’Hippocrate et Galien[3][5][6][7] Sous vos auspices, j’entreprends de renverser les paradoxes, pernicieux pour la vie humaine et infamants pour votre art, qui énoncent que le foie est une partie sans importance du corps car elle ne transforme plus le chyle en sang et n’est plus destinée qu’à recueillir et séparer la bile, le cœur étant devenu l’organe de la sanguification[8][9][10] Ces paradoxes sont inouïs et parfaitement faux, je les ai réfutés dans mes traités, où j’ai montré les véritables sources du chyle et du sang, ainsi que les jonctions ou anastomoses entre les veines cave et porte, [11] et la manière dont, par leur intermédiaire, le mouvement du sang s’accomplit comme en l’Océan et en la Méditerranée. [4][12]

J’ai découvert et prouvé tout cela pour confondre les jeunes anatomistes. Je vais montrer brièvement l’origine, le développement et l’état présent de la controverse, pour aller au devant de ses conséquences fort pernicieuses, afin qu’elles cessent de se répandre au détriment de votre art et du salut public. Voilà vingt-huit ans qu’a paru le livre posthume d’Aselli sur les veines lactées[13] Son originalité a séduit car il a démontré, par l’écrit et par l’image, de nouveaux lactifères dans le mésentère[14] distincts des veines [Page 5 | LAT | IMG] mésaraïques communes : [15] après avoir sucé le chyle des intestins, elles le mènent à la grande glande qui est située au centre du mésentère, qu’on appelle le nouveau pancréas[16] et qui est comme la source et le lac du chyle, d’où quatre rameaux le conduisent au foie.

Une secte nouvelle a surgi depuis quatre ans : certains anatomistes novices, se vantant d’avoir des mains curieuses et des yeux clairvoyants, et cherchant à savoir le vrai de cette affaire, nient l’existence de ces rameaux qui gagnent le foie, mais mettent en évidence deux canaux (mais on n’en trouve le plus souvent qu’un seul, du côté gauche) qui montent tout le long du rachis dorsal jusqu’aux aisselles et qui contiennent du chyle blanc. [17]

Pecquet et Bartholin [18][19] concluent de cette observation que ces canaux thoraciques apportent le chyle au cœur, sans qu’une goutte n’en aille au foie : il faut donc lui ôter la sanguification pour l’attribuer au cœur, en admettant que ce sang encore chyleux, c’est-à-dire épais et non digéré, sera cuit et adouci en circulant plusieurs fois dans les veines et les artères.

Étant donné pourtant que l’anatomiste anglais Highmore a vu de nombreux filaments, ressemblant à des petits vaisseaux, qui sortent du foie pour pénétrer dans le vrai pancréas, d’où ils sucent le chyle pour le conduire dans le foie, comme il l’a démontré par l’écrit et par l’image, [5][20] Bartholin, anatomiste [Page 6 | LAT | IMG] danois qui ne manque pas de savoir, s’est rué sur l’occasion pour rejeter cela comme faux et pour attribuer d’autres fonctions à ces petits vaisseaux : il a soutenu en avoir vu de semblables dans tout le corps, leur a donné le nom de vaisseaux lymphatiques et en a écrit un petit livre. Il ne s’est pas contenté de le soumettre à mon examen, car il a attaqué les ouvrages de Riolan dans ses Doutes anatomiques[6][21][22]

La controverse en est maintenant arrivée au point que le foie, agité par le remous des opinions discordantes, risque de perdre son pouvoir si une puissante main ne le soutient et ne le défend pas. C’est ce que j’ai tenté de faire dans mes revendications, en démontrant d’abord que ces nouvelles veines lactées sont des branches de la veine mésentérique ou du moins, si elles ne le sont pas, Galien n’a pas ignoré leur existence quand il a écrit avoir trouvé des veines dans le mésentère qui ne sortent pas du foie. [7][23]

Les anatomistes modernes opposent à cela que les lactifères sont distincts de veines sanguines mésentériques car elles deviennent blanches quand elles sont remplies de chyle, tandis que les autres sont rouges : elles ne délivrent donc que du chyle au foie, tandis que le sang qui en reflue vers l’intestin pour les nourrir dispose de veines particulières, qui lui sont propres.

La veine mésentérique est quant à elle divisée en quatre parties : la première s’insère sur les premières anses du jéjunum ; la deuxième, plus grande, gagne la grande glande du mésentère ; la troisième et la quatrième se distribuent dans le [Page 7 | LAT | IMG] cæcum et le côlon. [24]

Les anatomistes de la faction adverse soutiennent que le chyle ne se rend en aucune façon dans le foie, mais qu’un seul ou deux canaux, issus de la petite fontaine située dans la racine du mésentère, en conduisent la totalité vers les veines axillaires, [25] puis au cœur, où il se transforme en sang et que c’est donc là que la sanguification a lieu. [26] J’ai découvert les raisons de cette erreur et tromperie dans Vésale : [27] une branche mésentérique est destinée à conduire le chyle et le sang, en alternance, dans une grande glande qui est située au centre du mésentère, entre les deux reins ; par admirable artifice, elle donne naissance à d’innombrables veinules qui se rendent vers les circonvolutions de l’intestin grêle pour y sucer le chyle et le transporter dans la cavité de ladite grande glande. La nature s’y est prise ainsi parce qu’elle ne pouvait envoyer directement ces innombrables veines aux intestins, et a donc dû créer des petits ruisseaux convergeant dans une petite fontaine pour y apporter le chyle venu de tous côtés. [8]

On se demande si ces veinules issues de ladite glande sont des branches de la mésentérique, parce qu’on ne voit pas nettement de continuité entre elles, ou si elles gagnent plutôt un genre de vaisseau particulier, distinct de la veine mésentérique. Pourtant, quand on injecte de l’air dans le tronc mésentérique, ces veinules se distendent, mais la continuité de leurs cavités ne suffit pas à établir qu’elles lui transmettent la substance qu’elles contiennent.

[Page 8 | LAT | IMG] La veine mésentérique puise le chyle dans cette grande glande ou petite fontaine pour le mener dans le foie, dont le pouvoir d’attraction sollicite avidement sa venue ; mais bien que la cavité de la veine mésentérique soit assez ample pour contenir du sang, le foie ne peut en arracher la totalité. Le chyle qui est entré dans ce vaisseau commence donc à y rougir, mais étant donné qu’on n’y observe pas la blancheur qu’il présente dans les petits lactifères et dans la petite fontaine du mésentère, on a jugé qu’il ne s’en rend pas une goutte dans le foie, et qu’il monte vers le cœur par ces canaux thoraciques, [28] dont j’ai trouvé que Vésale et Rondelet [29] ont remarqué qu’il n’en existe qu’un seul, du côté gauche, en établissant son origine, que d’autres ont pensé être son insertion, dans la veine axillaire et en disant qu’il descend vers les parties inférieures du corps. [9]

Après avoir été soigneusement pesée et remuée dans mon esprit, cette observation m’a révélé les unions ou anastomoses entre les veines porte et cave, [30][31] que les anatomistes anciens et modernes ont si assidûment recherchées, et le mouvement du sang dans les veines qui dépendent de la cave et dans les artères qui dépendent de l’aorte. [32] Bien que les anatomistes aient de tout temps considéré le corps comme un abrégé et une représentation du plus grand monde, nul n’avait encore reconnu les deux mers, que j’appelle [Page 9 | LAT | IMG] l’Océan et la Méditerranée du macrocosme dans le microcosme qu’est l’être humain ; non plus que les connexions de ces deux mers, ni leur mouvement de flux et de reflux, tels qu’on les observe dans les artères et dans les veines, comme je l’ai fait dans mes recherches sur les veines lactées et la circulation du sang, contre l’opinion d’Harvey[10] Ainsi ai-je démontré que, par les lactifères, mésentériques comme thoraciques, les connexions entre les veines cave et porte, tant dans les parties supérieures qu’inférieures du ventre, sont d’une insigne importance pour le maintien de la vie et la défense contre les maladies. En outre, le mouvement circulaire du sang est nécessaire pour la restauration de l’humide radical [11][33] dans le cœur et dans les autres parties du corps, et pour la formation du sang artériel, qui ne peut se parfaire dans le cœur s’il n’y pénètre pas et n’en est pas expulsé. Le cœur ne peut engendrer ces mouvements s’il n’est pas perpétuellement animé par la systole et la diastole. [34] Voilà pourquoi le mouvement circulaire du sang est indispensable, en sorte que la vie s’éteint s’il s’arrête, ne serait-ce qu’une demi-minute. Harvey, l’auteur ou plutôt le rénovateur du mouvement circulaire, qu’Hippocrate avait précédemment décrit, a démontré, à grand renfort de travaux et d’expériences, et sous les applaudissements des médecins, que ce mouvement se fait dans la totalité du corps, en sorte que le sang revienne de partout, jusqu’à sa plus infime gouttelette, au cœur par les veines, mais j’ai prouvé, quant à moi, que cela serait [Page 10 | LAT | IMG] extrêmement nuisible pour le salut humain. Le sang de la troisième région du ventre, et encore moins celui de la première, qui sont le cloaque et la cuisine de notre corps, ne revient pas au cœur : dans la première, il est confiné à ses frontières et suit un mouvement particulier ; quant à la troisième, j’ai démontré que son sang est consacré et entièrement dépensé à la nutrition des parties qu’elle contient ; mais celui d’aucune de ces deux régions ne retourne dans le cœur, sauf en cas d’extrême pénurie de la masse sanguine dans les grands vaisseaux circulatoires que sont la veine cave et l’aorte, où s’accomplit entièrement ce mouvement circulaire du sang. Ces opinions se sont largement divulguées dans les universités où elles sont solidement tenues pour vraies, et je les ai ainsi conçues pour que la république médicale ne subisse aucun dommage, et que son antique doctrine demeure saine et sauve.

Comme Aristote, j’accorde pourtant mon pardon aux mauvais philosophes en leur offrant l’occasion de chercher et découvrir la vérité. Celui qui cherche, dit Platon, discerne ; celui qui cherche trouve ; celui qui pense être ignorant cherche ; telle est enfin la démarche que j’ai suivie avec un zèle soigneux et assidu.

Pline dit d’ailleurs que la contemplation de la nature ne fait pas le médecin, mais le rend plus apte à la médecine et l’y perfectionne. [12][35] La contemplation et la connaissance des veines lactées et de la circulation du sang ne sont toutefois ni superflues ni inutiles pour le médecin, car elles le rendent plus adroit dans la pratique de son art. [Page 11 | LAT | IMG] La véritable compréhension des veines lactées enseigne qu’il ne faut ni abandonner la doctrine des anciens médecins et anatomistes, ni rien introduire de nouveau dans la pratique médicale. La compréhension de la circulation sanguine incite à la modération dans la prescription de la phlébotomie, [36] que le sang soit pur et louable ou corrompu, et même quand la fièvre [37] est très ardente, afin de ne pas s’intéresser qu’à la qualité de ce sang, mais aussi à sa quantité, et veiller à ce qu’il en reste suffisamment dans les veines pour la production du sang artériel et la restauration de l’humide radical, tant dans le cœur que dans les autres parties du corps, et à maintenir le battement cardiaque ininterrompu, qui est impossible sans l’arrivée permanente de sang, dont l’interruption provoque la mort, par épuisement progressif du cœur ou par son arrêt subit.

Qui saura tout cela sera un médecin mieux accompli et maintiendra en vie les nombreux malades que nous voyons tous les jours périr sous l’effet des saignées trop hardies, du vin émétique et des autres médicaments stibiaux, [38][39] dont je démontrerai sans peine, par la dissection, qu’ils suffoquent le cœur en faisant violemment vomir. Selon Platon, le bienheureux qui est parvenu à l’extrême vieillesse a la liberté de discerner la vérité, et je dois d’immortelles grâces à Dieu tout-puissant pour m’avoir jugé digne d’une telle béatitude en mon âge fort avancé, et m’avoir montré les véritables fonctions des veines lactées et la remarquable utilité de la circulation sanguine à préserver le salut humain. Si vous voulez connaître mon nouveau jugement [Page 12 | LAT | IMG] sur les lactifères mésentériques et thoraciques, et le faire connaître à tous, afin d’abolir entièrement les doutes sur cette question chez l’homme, il sera facile au très équitable Parlement, qui est extrêmement attaché au bien public et dont l’intérêt est que les médecins sachent cela, car ils sont les gardiens et les protecteurs du salut public, d’obtenir que ceux qu’il a condamnés à être pendus jouissent, avant l’exécution de leur sentence, d’un festin, remis aux soins et à la sollicitude des médecins, et soient menés au supplice trois ou quatre heures après ce repas. Vous me trouverez toujours disposé à accomplir cette démonstration que j’appelle de mes vœux, et je n’y épargnerai ni pieuse charité ni aumônes. [40] Baronius à l’article 94 de ses Annales sur la passion de Jésus-Christ a enseigné que l’Antiquité a recouru à ce procédé, et Casaubon l’a confirmé dans son examen du vin de myrrhe qui a été présenté à notre Sauveur. [13][41][42] Un couvent de moniales, appelées les Filles-Dieu, a même été établi à Paris pour offrir vin et friandises aux malheureux condamnés qu’on menait jadis au gibet de Monfaucon, après qu’ils se furent répandus en prières en vue de leur rachat ; chez les juifs, cet office était rempli par d’honnêtes matrones. Cela ne peut être aujourd’hui refusé et les théologiens ne le désapprouvent pas ; les révérends pères de la Compagnie de Jésus [43] l’ont même permis en Flandre. [14] Valete, très vénérés collègues, choyez mes entreprises, et chassez de votre École hippocratique ceux qui veulent innover en notre art et y promouvoir de telles opinions.


1.

Non datée, mais déjà publiée dans les Opuscula nova anatomica de Jean ii Riolan, {a} qui ripostaient sans délai aux Vasa Lymphatica de Thomas Bartholin, {b} cette lettre solennelle à la Compagnie des docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris a reparu dans ses Responsiones duæ. {c}


  1. Paris, 1653, v. note [13], Brevis Destructio d’Hyginus Thalassius, chapitre iii.

  2. Copenhague et Paris, 1653 (v. note [25], Nova Dissertatio, expérience i), contenant les Funérailles du foie.

  3. Juste avant la réimpression de sa Prima Responsio de 1652.

Je n’ai trouvé aucun écho de cette épître et, plus généralement, de la querelle du chyle dans les Commentaires F.M.P., rédigés par ses doyens successifs durant les années 1651‑1657 (tomes xiii‑xiv) : ni Riolan, ni ses deux adversaires pecquétiens (Jacques Mentel et Pierre De Mercenne) n’ont donc souhaité que leur honorable Compagnie débatte sur cette question, contrairement à ce qu’elle a fréquemment fait sur celle de l’antimoine.

2.

Géorgiques, livre ii, vers 173‑175, à la gloire de Rome :

Salue, magna parens frugum, Saturnia tellus,
Magna virum : tibi res antiquæ laudis et artem
Ingredior, sanctos ausus recludere fontes

[Salut terre de Saturne, grande mère des récoltes, {a} féconde en héros ! Je chante pour toi cet art du labour jadis honoré par tes plus grands citoyens ; pour toi j’ose ouvrir les sources sacrées]. {b}


  1. Medicûm, « des médecins » (forme contractée de Medicorum, qui respecte la métrique) dans l’adaptation de Jean ii Riolan.

  2. Synonymie de sanctos et sacros.

3.

Avec ses anonymes Curieuses recherches sur les Écoles en médecine de Paris et de Montpellier, nécessaires d’être sues pour la conservation de la vie. Par un ancien docteur en médecine de la Faculté de Paris (Paris, 1651, v. note [4], épître dédicatoire de la Nova Dissertatio), Jean ii Riolan avait âprement riposté à Siméon Courtaud, doyen de l’Université de médecine de Montpellier, dans le débat opposant les deux écoles sur leur gloire et ancienneté respectives (v. note [26], lettre de Sebastianus Alethophilus).

4.

Jean ii Riolan était convaincu que le mouvement du sang dans le corps était comparable à celui des marées. {a} Entre autres endroits, il a expliqué ses conceptions non harvéennes en 1649 dans ses notes sur les deux lettres de Jan de Wale à Thomas Bartholin : {b}

Admitto quidem circulationem sanguinis, sed non eo modo quem describunt Harueus et Valæus, volunt enim totum sanguinem ex omnibus corporis partibus circulari, id est, ab Hepate ad Cor traductum per arterias in corpus vniuersum celeri cursus distribui. Dein ab extremis partibus ad Cor pari cursus per venas totum sanguinem redire, hancque viam ire, ac redire intra dimidiam horam, in suo fluxu et refluxu, si credimus Valæo : spatium amplius assignat Harueus, sed vterque sanguinem è dextro Cordis ventriculo ad sinistrum deriuat per pulmones, secundum ductum venæ arteriosæ, quæ refundit in arteriam venosam, vt deducat in sinistrum ventriculum, inde in aortam celerrimè quoquouersum distribuitur, sicque solus sanguis arteriosus nutrit ex eorum opinione. Ego verò iam demonstraui totum sanguinem non circulari, nec per medios pulmones secundum naturam, transire à dextro Cordis ventriculo in sinistrum, sed per medium septum Cordis, porosum, ac foraminulentum, nec solum arteriosum nutrire, verumetiam venosum, ac proinde constituo duplicem sanginem corpus nutrientem et viuificantem, Venosum et arteriosium, huncque solum posse nutrire, sed illum non sufficere absque arterioso. Vtrumque diuersis canalibus coërceri, quamuis in Hepate prius elaboretur, sanguinis purè venosi canales sunt ex vena porta : sanguinis purè arteriosi canales maiores sunt ex aorta : sanguinis arteriosi mixti canales sunt ex vena caua, qui quidem canales directè à Corde tanquam à fonte perenni ad extremos artus, et caput excurrunt : Intra quos absoluitur circulatio sanguinis, bis terve intra diem naturalem iterata, in minoribus ramis Aortæ et Cauæ nulla fit circulatio sanguinis, quia in istos canales diffusus sanguis tam venosus, quàm arteriosus, est nutritius ac vitalis, alendis partibus destinatus, nec refluit ad Cor nisi per accidens. Venosus sanguis venæ Portæ nullam habet circulationem, siue recursum ad Cor, sed fluit ac refluit intra suos canales, et habet comitem et socialem sanguinem arteriosum, intra cœliacam arteriam amplissimam inclusum, qui similiter non circulatur.

[J’admets certes la circulation du sang, mais non comme Harvey et Wale la décrivent, car ils veulent que tout le sang circule dans toutes les parties du corps, c’est-à-dire qu’il s’y distribue partout, par les artères, en un rapide mouvement circulaire, depuis le foie jusqu’au cœur ; puis il revient en totalité par les veines, en suivant un parcours identique, des extrémités au cœur, allant et venant ainsi en une demi-heure, par flux et reflux, si nous en croyons Wale. Harvey lui accorde un temps plus long, {c} mais tous deux font traverser les poumons par le sang pour passer du ventricule droit au gauche, en empruntant la veine artérieuse ; {d} puis, du ventricule gauche, il gagne l’aorte pour se distribuer à très grande vitesse en tous sens. Ainsi le sang artériel est-il, selon eux, le seul qui nourrisse les parties corporelles. J’ai démontré, pour ma part, que tout le sang ne circule pas et que, dans les conditions normales, il ne passe pas du ventricule droit au gauche en traversant les poumons, mais en passant par la cloison médiane du cœur, qui est poreuse et percée de petits orifices ; ainsi le sang artériel n’est-il pas le seul qui nourrisse, car le sang veineux le fait aussi ; j’établis donc que les deux sangs, veineux et artériel, alimentent et vivifient le corps ; le second peut à lui seul le nourrir, mais le premier ne peut y suffire sans le second. L’un et l’autre sont contenus dans divers canaux, bien qu’ils soient primitivement élaborés dans le foie : les canaux du sang purement veineux sont issus de la veine porte ; ceux, plus amples, du sang purement artériel naissent de l’aorte ; ceux du sang artériel mêlé sont issus de la veine cave, et le conduisent directement depuis le cœur, qui est comme la source perpétuelle, jusqu’aux membres et à la tête ; la circulation s’y accomplit itérativement deux ou trois fois par jour, {e} mais dans les plus petites branches de l’aorte et de la veine cave il n’y a pas de circulation, car le sang qui s’y répand, veineux comme artériel, est nourrissant et vital, destiné à alimenter les parties, et sauf accident, il ne reflue pas vers le cœur. Le sang de la veine porte ne circule pas non plus : soit il retourne au cœur, soit il va et vient dans ses propres vaisseaux ; et il a pour compagnon et associé le sang artériel contenu dans la très grande artère cœliaque, et qui, de même, n’a pas de mouvement circulaire]. {f}


  1. Riolan la prétendait déduite des écrits d’Hippocrate : v. note [9], appendice de sa lettre à Charles Le Noble. Hyginus Thalassius s’en est fait l’écho railleur dans le chapitre iv de sa Brevis Destructio : v. sa note [12].

  2. Pages 605‑606 des Opera anatomica vetera et nova, v. note [52], Responsio ad Pecquetianos, 1re partie.

  3. Il s’est depuis avéré qu’il faut au sang bien moins d’une demi-heure pour passer du ventricule gauche au droit (v. note [8], appendice de la réponse de Riolan à la lettre de Charles Le Noble).
  4. L’artère pulmonaire.

  5. Comme font les marées de l’Océan atlantique et, avec une bien moindre amplitude, celles de la Méditerranée : v. infra note [10], notule {d} pour une fumeuse reconnaissance de ce contraste.

  6. Cette conception de Riolan, principalement fondée sur l’ignorance des capillaires pulmonaires et périphériques (dont Harvey n’avait prouvé que l’existence fonctionnelle, sans les mettre anatomiquement en évidence), ne lui a heureusement pas survécu car elle était inintelligible et contraire à tous les constats expérimentaux.

5.

Disquisitio anatomica illustrée de Nathaniel Highmore (La Haye, 1651), v. note [22], préface de la première Responsio de Jean ii Riolan.

6.

V. notes :

Riolan a lui-même assuré l’impression des éditions parisiennes de ces deux traités et les a insérés dans ses Opuscula nova anatomica (v. supra note [1]).

7.

V. notes [29], lettre de Jacques Mentel à Jean Pecquet pour ce passage de Galien dans de livre iv sur l’Utilité des parties, [5], première Responsio de Jean ii Riolan, 3e partie, et [5] de sa 4e partie pour d’autres extraits sur ce point fort douteux du corpus galénique : le premier auteur à avoir incontestablement décrit les lactifères mésentériques a été Gaspare Aselli dans son livre posthume de 1627 (v. note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre i).

8.

V. note [21], seconde Responsio de Jean ii Riolan, première partie, pour la douteuse description illustrée de la grande glande mésentérique du chyle dans la Fabrica d’André Vésale (1543), fort éloignée de l’interprétation qu’imaginait ici Riolan.

Ma traduction a respecté son vocabulaire, qui évitait soigneusement le mot « réservoir », receptaculum, pour parler de la citerne pecquétienne, préférant l’appeler « grande glande », magna glandula, ou « petite fontaine », fonticulum.

9.

Jean ii Riolan semble ici d’une criante mauvaise foi : je n’ai rien lu de tel (ou de vaguement approchant) dans la Fabrica d’André Vésale, ni dans les ouvrages de Guillaume Rondelet (auteurs qui ignoraient tous deux l’existence des veines lactées du mésentère) ; à ma connaissance, Bartolomeo Eustachi a été le seul, avant Jean Pecquet, à avoir décrit un canal thoracique unique chez le cheval, en 1563, v. note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre vi.

Il faut néanmoins saluer l’amorce du raisonnement qui aurait pu conduire Riolan à distinguer un chyle blanc qui monte au cœur par le canal thoracique et un chyle incolore, mêlé au sang, qui gagne le foie par les veines mésaraïques (v. note [2], Historia anatomica, chapitre xv).

10.

Outre ce qui a été expliqué sur les marées dans la note [4] supra, on les retrouve dans le Io. Riolani Liber de Circulatione sanguinis, {a} chapitre xix, Quasnam utilitates Medicus percipiat ad bene medendum, ex Circulatione sanguinis ? [Comment la Circulation du sang aide-t-elle le médecin à bien remédier ?], page 584 :

In generationem febrium causas materiales, et sedes à Fernelio constitutas agnosco, sed vias alias perueniendi ad Cor constituo, scilicet arterias : nam humor febrilis, qui venæ portæ canalibus continetur, non facilè iecur permeare potest, propter ambages et flexus viarum, et obscuras, vel multas anastomoses radicum venæ portæ et cauæ : dein quod viscus illud obstructionibus obnoxium sit in febribus : Adde quod materia febrilis, si transiret per Hepar, secundarium focum caloris natiui, priuis illud excandefaceret quàm Cor : Symptomata insultus febrilis, seu inuasionis inferri credunt omnes, à sero in dorsum et panniculum carnosum corpus ambientem effuso : Ego verò aliter explicui : Humoris verò motum refero ad idiotropiam cuiusque, peræquè obscuram, ac motum maris. Atque vt in mari, Mediterraneum non mouetur fluxu et refluxu, sed dumtaxat Oceanus : sic in copore nostro Microcosmo, venæ portæ sanguis non agitatur, sed à visceribus malè affectis, siue sit Hepar, siue Lien, siue partes circa pylorum, humor febrilis procedit, fluitque per arterias ad Cor, vbi remoras et repulsas diu patitur, priusquam arcem Cordis inuadat. Quamdiu durat istud certamen, tamdiu perseuerant febrilis inuasionis symptomata.

[Je reconnais les causes matérielles et les lieux que Fernel a établis à l’origine des fièvres, mais je leur attribue quant à moi d’autres voies pour atteindre le cœur, qui sont les artères : l’humeur fébrile qui est contenue dans les branches de la veine porte ne peut facilement pénétrer dans le foie en raison des sinuosités et replis de ces veines, ou du grand nombre des obscures anastomoses qui relient les racines porte et cave ; de plus, le foie est sujet aux obstructions au cours des fièvres, et la matière fébrile, si elle traversait ce viscère, qui est un foyer secondaire de la chaleur native, l’enflammerait avant d’affecter le cœur. Tout le monde croit que les symptômes de l’attaque, ou invasion fébrile, sont dus au sérum qui s’est répandu dans le dos et dans le pannicule charnu qui enveloppe le corps ; {b} mais j’ai expliqué cela différemment : j’attribue le mouvement à l’idiosyncrasie {c} de chaque humeur, qui est un phénomène tout aussi confus que le mouvement de la mer ; et de la même façon que la Méditerranée ne connaît ni flux ni reflux, qui ne s’observent que dans l’Océan, dans le microcosme qu’est notre corps, le sang de la veine porte n’est pas en mouvement, et l’humeur fébrile progresse en passant par les viscères qu’elle a atteints, qu’il s’agisse du foie, de la rate ou des autres parties qui entourent le pylore, et emprunte les artères pour s’écouler jusqu’au cœur, où elle est longtemps ralentie et rejetée, avant d’envahir la citadelle du cœur. Les symptômes qui précèdent l’éclosion de la fièvre persistent aussi longtemps que dure ce combat]. {d}


  1. « Livre de Jean ii Riolan sur la Circulation du sang », Opera anatomica vetera et nova, Paris, 1649, v. note [4], Responsio ad Pecquetianos, 2e partie.

  2. Tout cela est parfaitement étranger à la manière dont la médecine moderne conçoit les mécanismes (physiopathologie) des fièvres.

  3. Vnote Patin 7/1111.

  4. Bien qu’écrit dans un latin impeccable, ce charabia est devenu inextricable, tout en laissant entendre que le mouvement du sang dans la veine porte est comparé à la Méditerranée, et celui des artères et de la veine cave, à l’Océan.

11.

V. notule {b}, note [15], Brevis Destructio, chapitre v, pour l’humide radical, équivalent du liquide interstitiel moderne, alors assimilé à la lymphe et au chyle.

12.

Abasourdi par les déclarations de Jean ii Riolan sur les avantages de son incompréhensible circulation du sang, je ne suis pas allé chercher dans Aristote et Platon la source des platitudes qu’il a énoncées sur les vertus du doute et de la recherche.

Le propos qu’il attribuait à Pline m’a toutefois dégrisé car il vient de Celse (préface du livre i de Medicina) :

Itaque ista quoque naturæ rerum contemplatio, quamvis non faciat medicum, aptiorem tamen medicinæ reddit.

[Ainsi aussi cette contemplation des choses de la nature, bien qu’elle ne fasse pas le médecin, le rend-elle plus apte à la médecine].

13.

Vnote Patin 3/534 pour les débats théologiques sur le vin mêlé de myrrhe que, selon l’Évangile de Marc, Jésus refusa sur la croix, et sa notule {f} pour la critique du calviniste Isaac Casaubon (Londres, 1614) sur les Annales ecclésiastiques du cardinal Baronius (Cesare Baronio).

Néanmoins, ce geste de commisération n’a qu’un rapport lointain avec le copieux repas que deux condamnés de Copenhague avaient avalé quelques heures avant leur pendaison, puis que Thomas Bartholin avait disséqués pour mettre en évidence les voies thoraciques humaines du chyle. Doutant de cette observation publiée en 1652, Riolan était fort désireux de reproduire l’expérience à Paris, mais n’en obtint jamais l’autorisation judiciaire. Il a prétendu l’avoir fait avant la publication de Gaspare Aselli (v. note [5] de sa première Responsio, 3e partie), puis s’est imaginé le faire à des fins didactiques en 1655 (v. notes [1], appendice de sa lettre à Charles Le Noble et [31] de sa seconde Responsio, seconde partie).

14.

V. notes Patin 5/479 pour les Filles-Dieu, et 15/8214 pour le gibet de Montfaucon.

Je n’ai pas identifié les « honnêtes matrones » (honestæ matronæ) qui, chez les juifs, nourrissaient les condamnés à mort, ni les jésuites flamands qui avaient spécifiquement autorisé leur dissection anatomique.

Cette lettre de Jean ii Riolan à ses collègues de la Faculté de médecine de Paris était d’une insigne maladresse : ses quelques bonnes idées étaient ensevelies sous un fatras d’affirmations contestables, qui ne pouvait qu’encourager le clan pecquétien à persister dans son hérésie sur la sanguification cardiaque.

a.

Page 3, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. epistola doctoribus scholæ medicæ parisiensis
(1653).

præstantissimis
Medicis Doctoribus
scholæ medicæ parisiensis
,
Orthodoxis Hippocraticæ Me-
dicinæ veræ cultoribus, bene va-
lere et recta facere exoptat Ioan-
nes Riolanus
, Antiquior
Scholæ Magister.

Viri celeberrimi,

Liceat mihi vestram Scho-
lam salutare, ac interpellare, Virgilij ver-
sibus, quibus Romanam Gentem affatus
est, vno tantùm verbulo mutato

Salue magna parens Medicûm, Satur-
     nia tellus,
Magna Virûm, tibi res antiquæ laudis
     et artis
Ingredior, sacros ausus recludere fontes
.

Est enim vestra Schola omnium antiquissima,
vtpote quæ à sexcentis annis in eo studio flo-

b.

Page 4, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. epistola doctoribus scholæ medicæ parisiensis
(1653).

ruit, et stat adhuc non ingloria ; Medicos etiam
præstantissimos protulit diuersis temporibus, at-
que semper Hippocratis et Galeni Medi-
cinam veram et inculpatam religiosè coluit.
Vestris auspiciis aggredior Paradoxa, vitæ hu-
manæ perniciosa, artémque vestram infaman-
tia euertere, scilicet Hepar partem esse in
corpore ignauam, ignobilem, nec am-
plius ex Chylo sanguinem elaborare,
sed bili secernendæ et colligendæ desti-
nari : Cor solum esse hæmatoseωs orga-
num
. Quæ quidem Paradoxa inaudita et
falsissima his libellis refutaui, simúlque indi-
caui veros fontes Chyli et Sanguinis, necnon
vniones siue synanastomoses Venarum Portæ
et Cauæ, atque per eas motum Sanguinis, vt
in mari Oceano et Mediterraneo perfici.

Quæ omnia à me detecta sunt, et demon-
strata in confusionem Iuniorum Anatomico-
rum. Controuersiæ ortum, progressum, et sta-
tum paucis ostendam, et inde consequentias
valde perniciosas, vt iis occurratur, ne lon-
giùs serpant in detrimentum Artis vestræ, sa-
lutisque publicæ. Ab octo et viginti annis
Asellij liber posthumus de Venis Lacteis,
prodiit in lucem. Nouitate sua placuit, quia
demonstrauit scripto et picturis, nouas venas
Lacteas in Mesenterio, diuersas à Mesente-

c.

Page 5, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. epistola doctoribus scholæ medicæ parisiensis
(1653).

ricis vulgaribus, quæ sugentes Chylum ab in-
testinis, deferunt ad glandulam magnam, in
centro Mesenterij locatam, quam nouum
Pancreas
uocat, veluti fontem et lacum Chy-
li, inde referri per quatuor ramos ad Hepar.

A quadriennio noua Secta exorta est. No-
uitij quidam Anatomici, curiosis vt iactant
oculis et manibus, in huius rei veritatem in-
quirentes, ramos ad Hepar pertingentes ne-
gant exstare, sed ramulos duos, sæpissime vni-
cum, eúmque sinistrum inuenere, qui ascen-
dunt secundum longitudinem dorsi uertebris in-
strati, vsque ad axillares, et in iis album Chy-
lum contineri monstrant.

Ex ista obseruatione concludunt Pecque-
tus et Bartholinus
, per istos ramos Thora-
cicos Chylum ad Cor deferri, nullum ad Hepar
ire : ea propter Hæmatoseos functione priuan-
dum, et in Corde ex Chylo Hæmatosi fieri,
istúmque sanguinem adhuc Chylosum vel cras-
sum et incoctum per varias circulationes intra
venas et arterias concoqui et attenuari.

Quum autem Anatomicus Anglus, Hig-
hmorus
, deprehendisset fibrillas varias tan-
quam vasula ex Hepate emergentia, inseri
in verum Pancreas, ex quo suctum Chylum re-
uehunt ad Hepar, quod scripto et Iconibus
demonstrauit : Bartholinus, Anatomicus,

d.

Page 6, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. epistola doctoribus scholæ medicæ parisiensis
(1653).

Danus, non indoctus, occasionem arripuit istud
refellendi tanquam falsum, et ad alios vsus
isthæc vasula destinauit ; consimilia per vni-
uersum Corpus reperiri sustinuit : atque Vasa
Lymphatica
nominauit, de quibus libellum
conscripsit. Nec contentus isto scripto, quod
mihi obtulit examinandum, per Dubia quæ-
dam Anatomica, contra Riolanum scripta,
pro Pecqueto, pugnauit.

Nunc eò Controuersiæ status perductus est,
vt Iecur variis opinionum fluctibus agitatum,
de sua potestate periclitetur, nisi forti manu
fulciatur et vindicetur. Id meis vindiciis ten-
taui : imprimis demonstraui istas venas La-
cteas nouas, esse propagines rami Mesenteri-
ci, aut si non fuerint tales, Galeno tamen non
ignotas fuisse, quando scripsit in Mesenterio
reperiri venas, quæ non ab Hepate prodeunt.

Recentiores Anatomici contendunt Lacteas
venas à Mesentericis distinctas esse, quia Chy-
lo distentæ albescunt, remanentibus Mesente-
ricis rubicundis, Chylum solum deferunt ad
Hepar, vt sanguis refluens ad intestina pro
nutritione, habeat suas venas separatas.

Mesentericus autem ramus in quatuor par-
tes sectus est : vna principio Ieiuni Intestini in-
seritur, altera amplior ad glandulam ma-
gnam abit : tertia et quarta pars versus Cæ-

e.

Page 7, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. epistola doctoribus scholæ medicæ parisiensis
(1653).

cum et Colum intestina distribuuntur.

Alterius factionis Anatomici sustinent Chy-
lum nullo modo ad Hepar, sed per ramulos
duos vel vnicum, ex fonticulo Chyli, in Me-
senterij centro locato, totum ad axillares mi-
grare, inde ad Cor, vt in sanguinem mutetur,
ac proinde in Corde Hæmatosin perfici. Istius
erroris et deceptionis causas aperui ex Ve-
salio
 ; ramus etenim Mesentericus deducendis
Chylo et Sanguini destinatus, alternis vicibus,
vbi peruenit ad magnam glandulam in centro
Mesenterij sitam, inter duos renes, mirabili ar-
tificio in venulas innumeras finditur, quæ ad
intestina tenuia spiratim conuoluta tendunt, vt
Chylum exsugant, et deferant ad magnam
istam glandulam eiúsque inuolucrum. Id fa-
ctum à Natura fuit, cùm non posset directè
istas innumerabiles venas dirigere ad intestina,
oportuit in aliquo fonticulo riuulos procreare,
qui ex intestinis Chylum undiquaque referrent.

Dubitatur an ab ista glandula illæ venulæ
sint soboles rami Mesenterici, quia continuatio
non est satis euidens : An potiùs genus quod-
dam vasis peculiaris præter ramum Mesente-
ricum ? Attamen insufflato trunco Mesente-
rico distenduntur illæ venulæ, sed hoc non con-
uincit continuitatem eiusdem substantiæ, sed
tantùm cauitatis.

f.

Page 8, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. epistola doctoribus scholæ medicæ parisiensis
(1653).

Ab ista glandula magna ceu fonticulo Chy-
li, ramus Mesentericus haurit Chylum, et de-
ducit ad Hepar, quod virtute sua attractrice
auidè expetit, et allicit. Sed cùm huius rami
cauitas sit satis ampla ad continendam san-
guinem, non potest totum sanguinem Hepar
ad se reuellere. Propterea Chylus permeans
istum canalem, rubescere incipit. Quum autem
in isto trunco Mesenterico non obseruarent istam
albedinem Chyli, qualem intuentur in venulis
et fonticulo Mesenterij, inde iudicarunt Chy-
lum ad Hepar nullo modo deferri, sed per istos
ramulos Thoracicos, ad Cor, vnicum, eúmque
sinistrum ramum notatum fuisse à Vesalio et
Rondeletio
deprehendi : eius originem, quam
alij putarunt esse insertionem, repetunt ab
axillari, et ad partes inferiores descendere pro-
diderunt.

Isthæc Obseruatio diligenter expensa, et
animo agitata, mihi indicauit venarum Por-
tæ et Cauæ vniones siue synanastomoses, tan-
topere à Veteribus et Recentioribus Anato-
micis quæsitas, atque motum Sanguinis intra
istos canales venosos Cauæ et arteriosos Aortæ.
Quum enim corpus humanum iudicatum fuerit
ab Antiquis et Recentioribus, compendium et
simulachrum maioris mundi, nemo adhuc duo
Maria, Oceanum et Mediterraneum

g.

Page 9, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. epistola doctoribus scholæ medicæ parisiensis
(1653).

dico, maioris mundi, in homine, Micorcosmo,
designauerat : neque vtriusque maris conne-
xiones, neque motus per fluxum et refluxum
intra venas et arterias, vt feci in his Disqui-
sitionibus de Venis Lacteis, et Circulatio-
ne sanguinis
, aduersus Haruei opinionem.
Itaque demonstraui per Venas Lacteas tam
Mesentericas, quàm Thoracicas, Venæ Por-
tæ et Cauæ vniones, tam in superis, quàm in-
feris partibus ventris inferioris, et istarum v-
nionum vtilitates insignes ad vitæ conseruatio-
nem, et morborum depulsionem : Præterea,
motum Sanguinis circulatorium per Cor
necessarium esse, ad humidi primigenij restau-
rationem in Corde, et reliquis corporis parti-
bus, atque arteriosi sanguinis confectionem, qui
non potest in Corde perfici, nisi recipiatur et
expellatur. Istos motus non potest Cor edere,
nisi assiduè moueatur per diastolem et systolem.
Eas ob causas, Sanguinis motus circularis
per Cor absolutè necessarius est, vt si per dimi-
dium sextantem horæ cessaret, vita termina-
retur. Quum autem Harueus, Author vel
potiùs Renouator circularis motus, designati ab
Hippocrate, magno cum apparatu et arti-
ficio, et Medicorum applausus, demonstrasset
istum motum fieri per vniuersum Corpus, vndi-
quaque ex minima parte redire Sanguinem per
venas ad Cor, id fore valde perniciosum saluti

h.

Page 10, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. epistola doctoribus scholæ medicæ parisiensis
(1653).

humanæ probaui ; Neque à tertia regione, mul-
tò minùs à prima, nostri corporis culinâ et cloacâ,
sanguinem remeare ad Cor, sed in prima regione
suis terminis coerceri, et moueri motu peculiari.

Quod spectat ad tertiam regionem, eius San-
guinem impendi et absumi in nutritionem par-
tium demonstraui, et per habitum corporis dif-
fundi, nec ab vtraque regione sanguinem redire
ad Cor, nisi in summa penuria massæ sanguineæ
intra vasa maiora circulatoria, Venam Cauam
et Aortam, in quibus absoluitur ista Circulatio
Sanguinis. Atque istas opiniones iam per Aca-
demias latè peruagatas, et pro veris ferme re-
ceptas sic composui, vt nullum deinceps detri-
mentum capiat Respublica Medica, et prisca
Medicina sarta tecta conseruetur.

Reddo tamen gratias cum Aristotele, ma-
lè philosophantibus : nam occasionem præbent
vera inquirendi et inueniendi. Dignoscit, in-
quit Plato, qui inuenit ; inuenit, qui quærit ;
quærit, qui putat se ignorare. Id sedulâ et ex-
actâ diligentiâ sum tandem assequutus.

Cæterum, Naturæ contemplatio quam-
uis non faciat Medicum, authore Plinio,
aptiorem tamen reddit Medicinæ, atque perfe-
ctiorem. At ista contemplatio et cognitio Ve-
narum Lactearum et Circulationis san-
guinis
, non est superflua et inutilis Medico,
imò reddit peritiorem in operibus artis suæ ; quip-

i.

Page 11, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. epistola doctoribus scholæ medicæ parisiensis
(1653).

pe vera cognitio Venarum Lactearum, docet
non esse recedendum à doctrina veterum Medi-
corum et Anatomicorum, et in praxi Medica
nihil innouandum esse. Cognitio Circulationis
sanguinis insinuat in missione sanguinis modera-
tionem esse adhibendum, siue sit purus et integer,
siue corruptus, atque febris adsit ardentissima, vt
non tantùm qualitas spectetur, sed etiam quan-
titas, quæ sufficiens supersit in Venis, ad confe-
ctionem sanguinis arteriosi, et reparationem hu-
midi primigenij, tam in Corde quàm reliquis
corporis partibus, et conseruationem motus per-
petui Cordis, quod non mouetur, nisi appulsu
sanguinis, quo deficiente pereundum est, sensim
elanguescente motu Cordis, vel subitò concidente.

Hæc qui nouerit, perfectior erit Medicus, et
plures seruabit ægrotantes, quos nimis audaci
venæ sectione, et vino emetico, aliisque stibiali-
bus medicamentis quotidie perire cernimus : hæc
Cor præfocare violento vomitu facilè demon-
strabo in administratione Anatomica. Quum au-
tem Plato cum prædicarit beatum, cui in ex-
trema senectute verum peruidere licuit, Deo
Optimo Maximo
gratias immortales ago,
quod me in prouecta ætate, tali beatitudine di-
gnum iudicarit, mihique indicarit Venarum La-
ctearum
veros vsus, atque veræ Circulationis
sanguinis
insignes vtilitates ad salutis humanæ
conseruationem. Si vultis meum iudicium nouum

j.

Page 12, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. epistola doctoribus scholæ medicæ parisiensis
(1653).

de Venis Lacteis Mesentericis et Thoracicis,
vobis et omnibus notum fieri, vt non amplius ea
de re dubitetur in Homine, facile erit ab æquis-
simo Senatu, boni publici amnatissimo, cuius in-
terest ista sciri à Medicis salutis publicæ custodi-
bus et conseruatoribus, impetrare, vt homines ad
patibulum damnati, priusquam iudicium mortis
eis denuntietur, Medicorum curâ et sollicitudi-
ne dapibus recreentur, et quatuor vel quinque
horis à pastu ad supplicium deducantur ; Ad hu-
ius rei demonstrationem me semper paratum in-
uenietis, nec parcam huic piæ charitati et elee-
mosynæ. Id priscis vsitatum fuisse docuit Baro-
nius in suis Annalibus, art. 94. as passio-
nem Iesu Christi
 : confirmauit Casaubonus,
dum examinant vinum yrrathum oblatum
Christo. Atque Parisiis ædificatio Cœnobij Mo-
nialium, quæ dicuntur Filiæ Dei, eo fine con-
dita duit, vt prætereuntibus miseris patibulariis
ad montem Falconis, olim locum supplicij, de-
ducendis, post preces in Sacello fusas, vinum et
cupedias offerrent, ad refocillationem, quod erat
apud Iudæos honestarum matronarum officium.
Id non potest hodoe denegari, neque à Theologis
improbari, et à R.P. Iesuits in Belgio conce-
ditur. Valete colendissimi Collegæ, meisque cœ-
ptis fauete, atque à vestra Schola Hippocra-
tica, in Arte nostra Nouatores et talium opi-
nionum fautores arcete.


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Jean ii Riolan, Responsiones duæ (1655), Epistola (1653) aux docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris

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(Consulté le 09/12/2025)

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