Une controverse ardue subsiste quant à savoir si tout le chyle se rend au cœur en passant par les nouveaux lactifères thoraciques, [2] ainsi que le croit [Page 47 | LAT | IMG] Pecquet et, comme lui, les trois très savants hommes que sont Mentel, [3] Mercenne [4] et Auzout [5] dont les trois élégantes lettres ornent la dissertation pecquétienne. [6][7][8] Ils se fondent sur le fait qu’ils n’ont trouvé aucune veine lactée [9] qui se dirige vers le foie ; et comme ce défaut a jusqu’ici surpris tous les auteurs qui, conformément à Galien, [10] ont attribué la fonction de sanguification au foie, ils ont plutôt suivi Aristote, selon lequel le cœur seul fabrique le sang. [11]S’il y a moyen d’y parvenir, il faut néanmoins concilier leur point de vue avec celui des autres anatomistes, que nous-mêmes partageons, pour que nous n’assistions pas tout bonnement aux funérailles du foie, qui serait mort après avoir glorieusement assuré la sanguification pendant tant de siècles. Les nouvelles découvertes doivent, je pense, être accueillies les bras grands ouverts, mais quand il y va de la vérité et de la nature des choses, il ne faut jamais condamner les anciens décrets sans motif catégorique. [1][12][13]
Si je cherche à concilier les opinions, c’est qu’à mon avis, le foie et le cœur coopèrent en recevant les humeurs extraites des aliments soit toutes ensemble, soit en séparant les épaisses, qui vont au premier, et les fines, qui vont au second. Chacun suit l’option qu’il veut, mais quelle qu’elle soit, elle doit, pour s’accorder avec la vérité et la nature des choses, prendre en compte la certitude que les lactifères thoraciques n’ont pas la capacité de véhiculer la totalité du chyle. Mes suppositions semblent ne pas devoir être prises à la légère : d’une part, le foie attire à lui et reçoit la partie du chyle que l’estomac a plus longuement digérée, dont il a besoin pour faire le sang ; d’autre part, les veines pecquétiennes font parvenir au cœur le chyle plus ténu et plus fin, qui a le premier atteint sa perfection dans l’estomac, et qu’une rapide transformation dispose à la restauration du cœur lui-même et du corps entier. Des arguments attestent pourtant du fait [Page 48 | LAT | IMG] que les deux viscères absorbent les deux chyles, fin comme épais, soit en même temps, soit successivement et tour à tour, ou spontanément, ou suivant les circonstances qui prévalent à un moment donné. [2][14] Nous verrons d’abord pourquoi le foie ne doit pas être exclu de cette répartition.
- En disséquant, plusieurs auteurs, à qui il ne faut pas faire moins confiance qu’à Pecquet, ont observé que les veines lactées du mésentère s’insèrent dans le foie en passant par le pancréas, [15] ou très grande glande, et le long de la veine porte. [16] Dans sa troisième observation sur les veines, Fallope, [17] bien que son siècle ignorât encore l’existence des lactifères, a trouvé dans la partie concave du foie de minuscules conduits qui se dirigent et se terminent dans le pancréas, et dans les glandes qui en sont proches, et qui transportent un suc huileux, blanc et doté d’une certaine amertume ; et c’est à tort que Riolan [18] détourne cette humeur vers le canal de Wirsung. [3][19][20]
Aselli, qui a été le premier à décrire les veines lactées, a plus tard trouvé qu’elles s’inséraient dans le foie, sous la forme de deux rameaux, qu’il a dessinés dans ses figures iii et iiii. [4][21]
Après lui, ceux qui se sont donné la peine de manier le scalpel ont unanimement observé la même chose. Il m’est impossible de les énumérer ici, mais J. de Wale a été l’un d’eux : [22] lui qui fut jadis notre très méritant maître, a remarqué, chez des chiens grands et maigres, que depuis les intestins certaines des veines lactées se terminent dans la branche mésentérique par un canal unique et ininterrompu, certaines directement dans la veine porte, d’autres dans la concavité du foie, et un tout petit nombre dans la veine cave, [23] près des veines émulgentes. [5][24] Depuis qu’il nous a lui-même montré cela, [Page 49 | LAT | IMG] nous l’avons très souvent retrouvé, comme l’a démontré le savant M. Jo. van Horne dans la thèse v de ses deuxièmes essais contre Riolan. [6][25]
L’Anglais Nat. Highmore, tout récent auteur d’une Anatomie et qui connaît bien celle des animaux, a vu et dessiné dans les élégantes figures du livre i, iie partie, chapitre vii, les conduits, dont le nombre n’est pas limité à deux mais dépasse sept, un peu plus gros que les lactifères mésentériques et demeurant aisément visibles après la mort, qui entourent la veine porte de toutes parts, à la manière d’un anneau, et gagnent le hile hépatique pour s’y disperser et achever leur course. [7][26]
Il y a quelques années, chez le poisson rond, mâle comme femelle, j’ai moi-même à maintes reprises trouvé des veines lactées, et surtout montré le lieu toujours controversé de leur insertion hépatique aux nombreux anatomistes forts aguerris que sont Wormius, [27] Sperling, [28] S. Paulli, [29] Fuiren, [30] Pouchius, [31] etc., qui peuvent attester de ce qu’ils ont vu : une assez grosse branche laiteuse et blanche pénétrait dans le troisième lobe hépatique, [32] qui est fort petit et mou ; elle venait d’une grande glande gonflée d’humeur lactée, qui n’en était pas fort éloignée, où se réunissaient de nombreux lactifères provenant du mésentère et des appendices de l’estomac ; j’en ai dessiné une figure qui est imprimée dans mon Anatomia reformata. [8][33][34] Pour connaître toute la vérité de cette affaire, j’ai passé l’hiver dernier à examiner les entrailles de nombreux chiens, [35] grands comme petits, que j’ai ouverts dans notre amphithéâtre après les avoir nourris, [Page 50 | LAT | IMG] et en présence de nombreuses personnes, [9] j’ai cherché à savoir si leurs lactifères gagnent le foie, comme nous l’avions précédemment vu à de nombreuses reprises, mais comme Pecquet le nie désormais. Ainsi nous apparurent de nombreux petits filaments blancs qui se rendaient vers la porte du foie, entourés de leurs propres membranes, tels que les ont décrits Aselli et Highmore ; ils étaient parfois manifestement enflés d’un liquide que la transparence de leurs enveloppes montrait d’abord être séreux ; mais après les avoir ouverts, il s’en écoulait çà et là un chyle ichoreux [36] qui n’était plus parfaitement blanc, tel qu’est le chyle tardif, avant qu’il ne disparaisse du mésentère. Voyant cela, le très savant M. Pierre Bourdelot, [37] qui est partisan de Pecquet, a dit qu’il ne s’agissait ni de chyle ni de lactifères, après avoir assisté par hasard à plusieurs de nos dissections tandis qu’il était en chemin pour se rendre en Suède, auprès de la sérénissime et incomparable reine Christine, qui est la merveille de son sexe et de son siècle. [10][38][39] Puisqu’il ne s’agissait pas de sang, je jugeai qu’il ne fallait tenir ce conduit ni pour une veine de la porte, ni pour un autre vaisseau alors connu, mais bien pour un lactifère. Cette couleur atténuée du chyle, qui est ordinairement celle de la pituite crue, qui devient blanche quand elle est entièrement cuite, ou celle du lait cru, semblable à celui qui sourd en premier des mamelles et à celui dont se nourrit le fœtus dans l’utérus, [40] comme nous l’avons dit plus haut, ou enfin, celle du sérum qui se sépare du chyle, puis qu’il emprunte les mêmes conduits. Nous avons vu ce chyle séreux dans maints vaisseaux, dans le réservoir [41] et dans les lactifères thoraciques, et il alterne même avec le chyle blanc dans tous les lactifères, tant abdominaux que thoraciques. Il en ira donc pareillement pour les lactifères qui gagnent le foie que pour ceux qui gagnent le cœur, puisqu’ils se remplissent tour à tour d’un pareil liquide. [11]
Personne n’a encore trouvé le lieu de cette insertion chez l’homme, [Page 51 | LAT | IMG] bien que nul ne doute de son existence. Nous avons pourtant mis en évidence des filaments que blanchit ce qui ressemble à un suc ichoreux, qui se rendent avec la veine porte dans la concavité du foie et ne peuvent être des fibres d’enveloppes car : 1. ils sont creux ; 2. ils répandent un liquide ; 3. ils présentent très manifestement une teinte plus blanche que les fibres d’enveloppes. [12]
- La sanguification est altérée dans l’hydropisie, [42] le squirre [43] et les autres maladies du foie, ce qui prouve que, quand il est sain, il assure la digestion d’une partie du chyle. Il n’est certes pas rare que les hydropisies se développent sur un foie intact, mais l’ouverture des cadavres [44] trouve le plus souvent qu’il est lésé, comme en atteste sa saillie dans l’hypocondre droit. En disséquant celui d’une jeune fille hydropique, Wierus, au chapitre xvi, livre iv sur les Fantasmagories des démons, relate la découverte de vers longs de deux empans, dont l’un occupait le canal par où la vésicule biliaire s’insère dans le duodénum, et un autre, ayant progressé dans le parenchyme hépatique, avait envahi la convexité du foie. [13][45][46] Dans ses Observations chirurgicales, Hildanus rapporte avoir vu un foie exsangue et squirreux chez un adolescent cacochyme, [47] et de multiples petits abcès dans ce même viscère chez un ouvrier cachectique. [14][48][49] Dans deux cas d’hydropisie qu’il a disséqués, Zacutus, au livre ii de sa Pratique admirable, observations xxxviii et xlv, a trouvé que le foie était tantôt squirreux, tantôt remplacé par une masse charnue. [15][50] De plus, dans les dissections des malades morts d’hydropisie, Car. Piso, à la page 307 de ses observations sur la Sérosité excrémentielle, rappelle que tout gonflement d’un des deux viscères (foie ou rate) engendre très souvent l’ascite, et presque à lui seul, [16][51] comme nous l’avons plus d’une fois nous-mêmes constaté. En Inde, chez un soldat anglais qui avait d’abord souffert d’inflammation du foie, puis qui maigrit au point de ressembler à un cadavre, [Page 52 | LAT | IMG] Jac. Bontius n’a trouvé, au lieu du foie, que la membrane qui le recouvre, elle était assez épaisse et ressemblait à un sac. [17][52][53] On rencontre de tels cas chez d’autres auteurs et il serait fort long de recenser ici toutes les observations montrant que, dans cette sorte d’authentique hydropisie, le malade reste en vie tant que le cœur assure la formation du sang, mais que la mort survient quand il n’est plus capable, à lui seul, de se substituer au foie. La simple fonction de filtration à laquelle Pecquet réduit le foie n’est pas recevable car, si elle peut rendre compte des maladies chaudes, qui résultent d’un sang chaud dont la bile n’a pas été éliminée, [54][55] elle n’explique en aucune façon les maladies froides, telles que sont la rétention d’eau entre les couches de la peau, [56] les squirres, etc. ; ce qui me mène à citer aussi les cas anatomiques de malades souffrant d’inflammation hépatique qu’ont rapportés Nic. Fontanus, au livre i de ses Observations médicales, page 90, [57][58] et Dom. Panarolus, dans l’observation xxxvii de sa première Pentecôte. [18][59][60]
- Quand la sanguification hépatique est empêchée, c’est-à-dire quand une partie du chyle ne peut plus gagner le foie, il se rue en totalité dans le thorax en passant par les nouveaux lactifères qu’on y a découverts, ce qui provoque souvent suffocation et orthopnée. [61] Piso, page 197, rapporte que mourut ainsi, un mois de mai, à l’hôpital Saint-Antoine, Ioannes l’Alman, receleur de M. de Quarmi, et l’ouverture de son cadavre trouva que le foie était entièrement squirreux et la rate putréfiée. [19] De même, dans Baillou, livre i, annotations de la consultation xliii, pour M. Vigneron, dans le faubourg du Temple, qui se plaignait de l’estomac, y ressentait comme un poids et vomissait souvent, et à l’ouverture du cadavre, le foie était pourri et son dôme adhérait au diaphragme. [20][62] [Page 53 | LAT | IMG]
- S’il est sain, le foie doit assurer la sanguification quand le cœur est malade : les lactifères thoraciques ne lui apportent plus de chyle parce que, soit ils sont obstrués ou comprimés, [63] soit le cœur n’a plus la capacité de le recevoir, soit enfin les mouvements des poumons, du diaphragme, des muscles thoraciques et d’autres parties sont défectueux. [64] Ainsi avons-nous vu, chez l’homme et chez de nombreux chiens, dont le foie était entièrement sain, mais dont les poumons étaient corrompus, que les lactifères de l’abdomen étaient très richement alimentés, tandis que ceux du thorax étaient aplatis et ne contenaient manifestement pas de suc laiteux. Ici donc, le foie supplée à la défaillance du cœur, de la même façon que, en sens inverse, le cœur vient souvent au secours d’un foie mal en point, mais la nutrition ne se fait jamais mieux que quand ces deux viscères sont sains. J’ai vu des jeunes filles hydropiques, dont l’hypocondre droit était enflé et dur, avoir néanmoins des règles assez copieuses, car ce louable écoulement sanguin provenait des artères. [21] Ainsi le soldat allemand que Bontius décrit dans sa viie observation indienne demeura-t-il en vie pendant une année entière, bien qu’il eût l’épiploon et le mésentère entièrement envahis, ce qui empêchait sûrement toute entrée de chyle dans le foie, mais il en passait par le réservoir lombaire [65] ou par les lactifères thoraciques qui s’insèrent sur l’œsophage et la veine cave inférieure. [22]
- Que les lactifères gagnent le foie ou le cœur, il doit exister une proportion entre leur capacité et le volume du chyle à transporter. Ni les conduits lactés du pancréas qui vont au foie, ni les lactifères thoraciques qui vont au cœur ne sont ainsi proportionnés, si on tient les uns ou les autres pour destinés à véhiculer la totalité du chyle : les conduits lactés du thorax sont assez grêles et leurs abouchements dans les veines axillaires sont trop exigus pour qu’y passe une telle abondance de chyle ; il en va de même pour les lactifères abdominaux, où les collecteurs mésentériques qui se [Page 54 | LAT | IMG] glissent du pancréas dans le foie sont bien plus petits qu’il n’y a de lactifères dans la totalité du mésentère. Le chyle ne peut donc être entièrement drainé par l’une ou l’autre de ces deux voies, mais doit se partager entre elles : pour une partie il s’écoule vers le cœur en passant par le réservoir de Pecquet [66] et les canaux thoraciques ; pour l’autre, il gagne le foie, soit directement, par les lactifères d’Aselli qui sortent du pancréas, soit indirectement par les veines cave inférieure, porte et rénales. [23][67][68]
- Chez les animaux, le réservoir est le plus souvent unique et petit, bien que les glandes et les lactifères soient fort nombreux. Chez l’homme, le calibre des glandes lactées nouvelles est fin et leur cavité échappe presque à la vue.
- Les liquides de cette sorte s’écoulent en empruntant diverses voies, car la nature et l’économie de notre corps s’organisent rarement en sens contraires : ainsi le sang le plus délié filtre à travers le septum cardiaque pour aller du ventricule droit dans le gauche, tandis que le plus épais, qui est le plus abondant, circule par les poumons ; et Pecquet dit lui-même, page 84, [69] qu’une partie du chyle emprunte la voie thoracique pour se rendre au cœur, mais que sa partie la plus séreuse gagne les reins, etc. [24][70][71]
- Et je ne manque pas d’auteurs pour étayer mes avis sur la coopération des deux viscères. Au livre iii, chapitre 12 des Parties des animaux, Aristote, qui était lui-même un très chaud défenseur du cœur, reconnaît qu’« après le cœur le foie est le plus sanguin de tous les organes ». [25] Dans la très savante lettre qu’il m’a écrite, M. Conring [72] confère au foie moins d’importance qu’il me semble juste, mais refuse, comme moi, de croire que les lactifères thoraciques suffisent à transporter la totalité du chyle, [73] et ce qu’il dit mérite d’être écouté :
« Quand je compare l’abondance du chyle laiteux au petit nombre et à l’exiguïté des vaisseaux aujourd’hui connus, qui sont capables d’extraire le chyle du réservoir pour le transporter ailleurs, il ne m’est certes pas permis de douter qu’existent d’autres voies encore inconnues. [Page 55 | LAT | IMG] Il est impossible que tout le chyle parvienne à s’écouler par le canal qu’a découvert Pecquet. Les veines qui s’insèrent dans la veine de la porte, dans la concavité du foie et dans la veine cave inférieure, que j’ai naguère observées, ainsi que d’autres auteurs (mais dont Pecquet nie l’existence), sont bien trop étroites et peu nombreuses pour cela. Voilà dix ans, j’ai exposé mes soupçons là-dessus, à la page 8 de l’édition hollandaise de mon livre sur le Sang ; [26] mais, très heureux Bartholin, si j’en ai le temps, j’explorerai plus soigneusement ce que vous découvrirez. Les connexions des lactifères présentent néanmoins une telle diversité que je m’écarte de plus en plus de la sentence que les très anciens auteurs ont portée sur la sanguification, à savoir que l’hématose (pour parler comme Aristote), ou premier rudiment du sang, se fait partout dans les veines : non seulement fortuitement dans le foie, mais aussi dans le cœur, dont la chaleur extrême lui confère son ultime achèvement. En effet, toute chose n’atteint pas sa perfection à l’instant même où elle parvient dans le cœur (et ce qui m’empêche de le croire est cet ichor cru qui se mêle au sang et qui est sans aucun doute porté dans le cœur, sans pourtant y être encore entièrement digéré), mais qu’elle ne peut l’atteindre nulle part sous l’effet de la chaleur. Le petit nombre et l’exiguïté des lactifères qui pénètrent dans le foie ne permettent pas, comme nous le croirons désormais, que ce viscère possède la principale capacité hématopoïétique. Il semble en vérité plus conforme à la nature des choses que le chyle se mélange au sang veineux en de multiples endroits du corps, plutôt qu’il n’est transformé en un lieu unique et tout en même temps, ce qui est beaucoup plus difficile à concevoir, etc. » [27][74]
Cette introduction énonce l’un des points les plus importants de l’Historia anatomica : Jean Pecquet et les promoteurs de sa découverte n’avaient pas entièrement convaincu Thomas Bartholin ; même après avoir confirmé l’existence des lactifères thoraciques chez l’homme, il demeurait dans l’idée qu’une partie du chyle se rendait au foie pour y contribuer à la sanguification ; il empruntait pour ce faire des vaisseaux censés pénétrer dans le foie, mais Bartholin lui-même a montré l’année suivante (Vasa lymphatica, Copenhague et Paris, 1653, v. note [25], Nova Dissertatio de Jean Pecquet, expérience i) qu’il s’agissait de lymphatiques et non de chylifères, ce qui le détermina à réformer radicalement son jugement et à célébrer pour de bon les Funérailles du foie, en écrivant son épitaphe.
V. notes [10], Experimenta nova anatomica, chapitre i, pour la sentence d’Aristote sur la sanguification cardiaque, dans Les Parties des animaux (ive s. av. J.‑C.), et [31], Brevis Destructio, chapitre iv, pour celle de Galien sur la sanguification hépatique dans L’Utilité des parties du corps (iiie s. apr. J.‑C.).
Thomas Bartholin, comme ont fait Hermann Conring, avec lui, {a} et Hyginus Thalassius, {b} Jean ii Riolan {c} et Charles Le Noble, {d} après eux, avait la pertinente intuition que les aliments engendrent deux sortes de produits digérés, auxquels il donnait à tort le nom de chyles. Selon lui, tous deux étaient laiteux, mais de qualités et de cheminements distincts.
Cette hypothèse, qui est développée dans le chapitre xvi, n’était pas fondée sur de solides constats anatomiques et restait fort éloignée de la physiologie moderne (v. la fin de notre Brève histoire du chyle), où les cellules de la paroi intestinale (entérocytes) scindent les aliments digérés en deux sucs nutritifs :
Le sang est produit par deux organes :
Observatio tertia de Gabriel Fallope De Venis [Troisième observation sur les veines], Opera omnia, {a} page 532 :
In sima parte hepatis, sunt quidam parui meatus, qui desinunt, ac terminantur in pancreas, et in glandulas ibi proximas : qui quidem minimi meatus deferunt quendam succum oleaginosum, flauum, et tendentem ad aliquam amaritudinem.[Il y a dans la partie concave du foie de petits conduits qui se dirigent et se terminent dans le pancréas, {b} et dans les glandes qui en sont proches ; bien que très petits, ils transportent un suc huileux, jaune, et qui présente une certaine amertume]. {c}
- Francfort, 1600, v. note Patin 16/427.
- En 1651, Thomas Bartholin avait considéré que le pancréas dont parlait Fallope était la grande glande lactée du mésentère ou « second pancréas » : v. note [21], seconde Responsio de Jean ii Riolan à Jean Pecquet, première partie.
- Ces caractéristiques sont celles de la bile jaune.
Bartholin tenait pour réels ces vaisseaux fantomatiques, puisque Fallope les avait décrits, mais en changeant de jaune (flavum) en blanc (album) la couleur du liquide qu’ils étaient censés contenir (ce qui n’avait rien d’innocent). V. note [37], Brevis Destructio d’Hyginus Thalassius, chapitre iv, pour l’hypothèse de Jean ii Riolan sur leur relation avec le canal de Wirsung (Encheiridium anatomicum et pathologicum, Paris, 1649).
Dans deux des quatre figures de son livre sur les lactifères mésentériques (Milan, 1627, v. note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre i), Gaspare Aselli désigne ces structures (dessinées en blanc) par les repères N :
Aucun de ces deux dessins ne montre distinctement les « deux rameaux » (duobus ramis) que Thomas Bartholin invoquait catégoriquement.
Dans le chapitre i de ses Experimenta nova anatomica (v. sa note [6]), Jean Pecquet a cité ce passage des Johannis Walæi Epistolæ duæ : de Motu chyli et Sanguinis : ad Thomam Bartholinum [Deux Lettres de Jan de Wale sur le Mouvement du chyle et du sang, adressées à Thomas Bartholin] (Leyde, 1641, pour la première édition).
Exercitationum anatomicarum de Motu Chyli et Sanguinis, pro Cl. Walæo, Riolani in ejusdem Epistolas Notis Oppositarum, Secunda. Quam Favente Deo Optimo Maximo sur Præsidio Dn. Joannis van Horne, Med. Doctoris et Anatomes Professoris in Acad. Lugd. Bat. Exerctii gratia, Publicè defendere conabitur Egbertus Veen, Camp-Transs. Ad diem 15. Iulii horis locoque solitis [Deuxième série d’Essais anatomiques sur le Mouvement du chyle et du sang, en faveur du très distingué de Wale, et contre les remarques de Riolan sur ses lettres. {a} À titre d’exercice et avec la faveur de Dieu Tout-Puissant, Egbertus Veen, natif de Kampen, Overijssel, s’efforcera de les défendre publiquement le 15 juillet, aux heure et lieu habituels, sous la présidence de M. Jan van Horne, docteur en médecine et professeur d’anatomie en l’Université de Leyde], {b} thèse i, chapitre v :
Quo supposito, mirari desinet Riolanus distributionem Lactearum in portam, ramum mesentericum, cava hepatis, cavam imò et emulgentes. Fatetur ipsemet in Anthropographia ultima l. 7. c. 1. juxta portæ latera ad jecoris cava ascendere per jecoris fissuram, atque hæc eleganter demonstrat Asellii fig. 4. Jecoris lobo exiguo, minori molliorique, in Orbe pisce, Lactearum satis magnum ramum inseri, non semel observavit Thomas Bartholinus, Regius in Acad. Hafniensi Professor. De earum in cavam et Emulgentes insertione, res est manifesta, cum et juxta cavam ascendant, et in emulgentes, adiposas, capsularumque venas terminentur : imò vix canis est, in quo talis non reperiatur distributio, quam et sæpè nos olim cum I. Walæo, et non ita pridem iteratis vicibus conspeximus, pluribusque monstravimus spectatoribus.[Cette hypothèse étant admise, {c} Riolan cessera de s’étonner que les lactifères se répartissent entre la veine porte, la branche mésentérique, la concavité du foie, la veine cave et même les émulgentes. {d} Lui-même reconnaît, dans la dernière édition de son Anthropographie, livre vii, chapitre i, qu’ils montent vers la concavité hépatique, sur le flanc de la veine porte, pour pénétrer dans le hile du foie, {e} comme la figure iiii d’Aselli le montre élégamment. {f} Chez le poisson rond, Thomas Bartholin, professeur royal en l’Université de Copenhague, a observé plus d’une fois qu’un assez volumineux rameau lacté s’insère dans le troisième lobe du foie, qui est le plus petit et le plus mou. {g} Leur insertion dans la cave et les émulgentes est quant à elle manifeste, car elles montent avec et le long de la veine cave et se terminent dans les veines émulgentes, adipeuses et capsulaires, ainsi que nous l’avons jadis vu avec J. de Wale et de nouveau tout récemment, en le montrant à plusieurs personnes qui nous regardaient disséquer].
- V. supra note [5].
- Leyde, Franciscus Hackius, 1651, in‑8o ; v. note [49], lettre de Sebastianus Alethophilus à Jean Pecquet, pour van Horne.
- En supposant que les veines lactées ont la même distribution chez l’homme et le chien.
- Propos de Wale que blâmait Jean ii Riolan : v. supra note [5].
- V. supra note [4].
- V. note [5‑2], première Responsio, 3e partie, pour cet avis de Jean ii Riolan sur les lactifères dans un chapitre intitulé Viventis Animalis Observationes Anatomicæ [Observations anatomiques de l’animal vivant].
- V. infra note [8] pour cette observation de Bartholin, publiée dans son Anatomia de 1651 ; afin de respecter son texte, ma traduction a remplacé exiguo (petit) par tertio (troisième), car il voulait parler du lobe hépatique de Spiegel.
Dans ce chapitre, intitulé De Venis Lacteis, de sa Corporis humani Disquisitio anatomica [Recherche anatomique sur le corps humain] (La Haye, 1651, loc. cit.), {a} Nathaniel Highmore a poursuivi chez le chien les observations de Gaspare Aselli, pour aboutir à une description illustrée de leur terminaison, où il fait preuve d’une merveilleuse imagination (pages 40‑42) :
Asellius duos tantùm vidit ramos ; ego plures (ut Tab. ii. et iii. delineavi) perlustravi, qui à Pancreate ad hepar per Portæ latera excurrunt ; eosque post mortem etiam facilè monstrare possum. At surculi hi (inquiunt) proportionati non sunt istis ab intestinis prolatis ; non enim illis sunt multò majores, at decuplo pauciores. Ergo à Pancreate vix chylum, quem illi ab intestinis attulerunt tot penè mille venarum lactearum, ad hepar transferre sufficerent. Verumenimverò licet hepati tot numero à pancreate non ascendant lacteæ, sunt tamen illis in mesenterio majores. Præterea cùm chylus ad Pancreas deferatur, in illius plexibus variis moram faciens, ulteriorem subit concoctionem, ubi multum serositatis, partisque crudioris deponit. In coctionis hoc intervallo, lacteæ ad hepar tendentes præparatum eliciunt chylum, qui tam diu in Pancreate immoratur, donec totum à vasis majoribus ad hepar transferatur ; quo tempore ulterius elaboratur, ut infra dicetur. Ideò verò plures surculi intestinis offeruntur, ut chylum præterlabentem omnem à fœcibus eliciant. Si enim pauciores, licet majores in illa insererentur, non omnem chylum attraherent, sed rara illarum ostia multum chyli effugiat. In Pancreate verò dum residat, deperditionis nullum est periculum, nisi excrementi, quod deponi debeat : Ideoque longius tempus in transitione à Pancreate ad hepar consumit, quàm ab intestinis ad Pancreas ; et ob hanc rationem, chylus in hisce majoribus vasis longum post tempus discernatur, quàm in mesaraicis illis, ubi ob subitum ascensum citò evanuerit. Ob moram itaque in Pancreate, et partis cujusdam excrementiæ ibidem separationem, non tanto lactearum numero à Pancreate ad hepar, ut ab intestinis ad Pancreas opus est. Ad secundum dicimus, proportionem inter cavam et lactearum surculos non esse necessariam, arbitramus ; cùm vena cava ob hoc solum non sit facta, ut sanguinem qui ex chylo quotidiano duntaxat conficitur, contineat : sed ut canalis sit communis, instar maris respectu fluviorum, in quod minutiores rivuli suas aquas refundant.[Aselii n’a vu que deux branches ; {b} mais pour ma part, j’en ai compté plus que cela (comme le montrent mes figures ii et iii), {c} qui cheminent le long de la veine porte depuis le pancréas jusqu’au foie, et je puis même les montrer aisément après la mort de l’animal. Néanmoins (me dira-t-on), ces rameaux ne sont pas proportionnés à ceux qui naissent des intestins, car ils sont beaucoup plus fins et dix fois moins nombreux qu’eux ; ils suffiraient donc difficilement à mener du pancréas au foie le chyle qu’y a apporté une telle myriade de lactifères mésentériques. Toutefois, bien qu’il n’en monte pas un tel nombre du pancréas au foie, leur calibre est plus grand que ceux du mésentère. En outre, puisque le chyle est conduit dans le pancréas et s’attarde en ses multiples entrelacements, il y subit une coction plus poussée, qui le débarrasse de son abondante sérosité et de sa partie la plus crue. Après cette digestion prolongée, les plus gros lactifères qui se dirigent vers le foie puisent un chyle préparé, qui a séjourné longtemps dans le pancréas avant d’aller subir sa digestion hépatique finale, comme il sera dit plus loin. Le très grand nombre des lactifères mésentériques permet au chyle de s’y débarrasser des excréments qu’il contient ; et s’ils étaient moins nombreux à s’insérer dans les intestins, même en étant plus gros, ils ne pourraient absorber la totalité du chyle, dont une importante partie échapperait à leurs orifices. Pendant qu’il séjourne dans le pancréas, le chyle n’est en revanche exposé à aucun danger d’être perdu, hormis pour sa partie excrémentielle qu’il doit y abandonner. Il passe ainsi plus de temps à passer du pancréas au foie qu’il n’en a mis à passer des intestins au pancréas ; et cela explique qu’il soit plus longtemps visible dans les grands chylifères qui longent la veine porte que dans ceux du mésentère, où son passage rapide le fait promptement disparaître. En raison de son ralentissement dans le pancréas, qui lui permet de perdre une partie de ses détritus, nous ne jugeons pas nécessaire qu’il y ait autant de lactifères allant du pancréas au foie que de lactifères venant du mésentère ; et ce de la même façon que la veine cave n’est pas seulement faite pour transporter le sang qui est chaque jour élaboré à partir du chyle, mais pour être le canal commun où, comme font les fleuves dans la mer, les plus petits ruisseaux répandent leurs eaux]. {d}
- V. note [6], Historia anatomica, chapitre iii.
- La figure i de Highmore reproduit en noir et blanc celle d’Aselli ; mais les deux canaux qui vont du pancréas au foie sont bien dessinés dans sa figure ii (repères N).
- Les figures ii (repères b.b.b., c.c.c. et g.g.), et iii de Highmore (repères a.a.a., b.b.b. et c.c.c.) montrent de multiples petits conduits qui entourent la veine porte pour faire passer le chyle du pancréas dans le foie. Sur la seule face antérieure de cette veine, leur nombre est de quatre sur la figure ii et de sept sur la figure iii.
En 1653 (v. supra note [1]), Thomas Bartholin a démontré qu’il s’agit de vaisseaux lymphatiques qui sortent du foie pour gagner le réservoir lombaire, et non de conduits qui transportent le chyle du pancréas dans le foie.
- Highmore a publié ces extravagances anatomiques l’année même où ont paru les Experimenta nova anatomica de Jean Pecquet, ce qui permet de comprendre à quel point sa découverte des lactifères thoraciques a médusé la totalité des anatomistes européens, et pourquoi une majorité d’entre eux a cherché à en amoindrir l’importance physiologique.
V. note [23], première Responsio de Riolan, 1re partie, pour les observations de Thomas Bartholin (avec leur figure) sur les lactifères mésentériques du poisson rond (lompe) qui gagnent le lobe hépatique de Spiegel. À Olaüs Wormius, Simon Paulli et Henrik Fuiren (v. note [7], Historia anatomica, chapitre v), il en ajoutait deux autres témoins :
Malgré la structure de sa phrase, j’ai tenu pour « grands comme petits » (magnis parvisque) les chiens , plutôt que les nombreux témoins qui regardaient Thomas Bartholin les opérer. Il décrivait ici ses dissections de l’hiver 1651-1652, où il cherchait fébrilement à vérifier ce que Jean Pecquet venait de publier.
Pierre Michon, dit l’abbé Bourdelot, docteur régent de la Faculté de médecine de Paris, avait quitté la France en novembre 1651 (v. note Patin 45/211) pour se rendre à Stockholm et œuvrer auprès de la reine Christine de Suède (v. note Patin 11/121).
Dans un fort aimable message du 19 août 2023, le très sagace et savant Frédéric Blanchard {a} a judicieusement attiré mon attention sur ce passage de l’Entretien servant de préface qui introduit les Conversations tirées de l’Académie de Monsieur l’abbé Bourdelot contenant diverses recherches et observations physiques. Par le Sieur le Gallois {b}, pages 52‑55 :
« Il suffit de dire que la médecine est fort redevable à Monsieur Bourdelot. Ce fut lui qui découvrit les vaisseaux lymphatiques. Monsieur Bartholin parle de cette découverte qui fut faite à Copenhague, où il était présent avec le sieur Wormius {c} et beaucoup d’autres personnes de remarque, à qui Monsieur Bourdelot voulant montrer les veines lactées nouvellement découvertes alors par Monsieur Pecquet, il aperçut dans la dissection les veines lymphatiques ; et il dit qu’il fallait nécessairement que ce fussent des vaisseaux inconnus, dont il rechercherait la dissémination en d’autres ouvertures de corps. Il exhorta aussi ces Messieurs en partant pour Stockholm d’achever et de perfectionner cette découverte ; et depuis, il reçut force lettres de Monsieur Bartholin qui lui rendait compte du progrès qu’il avait fait dans la recherche de ces veines. C’est ainsi que Monsieur l’abbé Bourdelot nous l’a conté deux ou trois fois, et qu’il m’a été confirmé par un Danois avec qui je logeais à Paris. {d} Cet étranger me dit que quand Monsieur Bourdelot eut découvert ces vaisseaux remplis d’eau, qui étaient au foie, Monsieur Bartholin, en s’écriant, lui dit “ Voici donc les lactées, Monsieur ! ”, et que Monsieur Bourdelot lui soutint deux ou trois fois qu’il fallait que ce fussent d’autres vaisseaux parce que les lactées étaient blanches et que ces veines-ci étaient remplies d’une eau transparente. J’ai été bien aise de vous faire ce récit afin de désabuser plusieurs personnes qui croient que Monsieur Bartholin les a découvertes, et pour détromper aussi quantité d’autres qui croient qu’un nommé Olaüs Rudbeck, Suédois, les a trouvées, ce Rudbeck ne l’ayant su que plus de trois mois après, sur le récit qu’on lui fit de ce qui s’était passé à Copenhague. Cependant, pour ôter la gloire à qui elle appartient et pour se l’attribuer, Rudbeck fit imprimer en diligence un traité de ces lymphatiques, {e} ainsi que M. Horne en fit imprimer un des lactées quand Monsieur Bourdelot lui en eut fait la démonstration en passant par Leyde. {f} Voilà de quelle manière la chose se passa dans la découverte des veines lymphatiques. Voilà une des obligations que la médecine a aux soins et à l’esprit de Monsieur Bourdelot. »
- V. note [44], lettre de Thomas Bartholin à Johann Daniel Horst, avec tous mes remerciements pour cette splendide trouvaille qui honore la mémoire de Bourdelot en corroborant le propos de Bartholin.
- Paris, Thomas Moette, 1672, in‑8o en deux parties de 76 et 277 pages.
- Ole Worm, oncle de Bartholin, v. note [7], Historia anatomica, chapitre v.
- Oronte, le narrateur de ce récit, peut être un pseudonyme de François le Gallois (1633-1693), voire de Bourdelot lui-même.
- V. note [27], seconde Responsio de Jean ii Riolan, 3e partie, pour Rudbeck et ses ouvrages où il revendiquait la priorité dans la découverte du canal thoracique et des vaisseaux lymphatiques.
- V. note [49], lettre de Sebastianus Alethophilus à Jean Pecquet, pour Jan van Horne et son Novus ductus chyliferus (Leyde, 1652) où il revendiquait effrontément sa priorité dans la découverte du canal thoracique.
En passant par Leyde et Copenhague, durant son voyage de Paris à Stockholm (où il est arrivé vers la fin de février 1652), Bourdelot a donc rencontré van Horne puis Bartholin. Non seulement il leur a montré les Experimenta nova anatomica de Pecquet, alors tout récemment parues, mais il a devant eux disséqué le canal thoracique. Cela peut expliquer la fourberie de van Horne. Quant à Bartholin, dans ses Vasa lymphatica (dont l’épître est datée du 1er mai 1653), il date sa découverte des lymphatiques hépatiques du 28 février 1653 (page 7), sans y citer Bourdelot. Il convenait néanmoins clairement ici que, vers décembre 1651, le médecin voyageur parisien lui avait fait remarquer, près du foie, la présence de vaisseaux qui ne contenaient ni sang ni chyle, et qui allaient devenir les lymphatiques. Le récit d’Oronte est donc absolument digne de foi.
La centurie ii des Epistolarum medicinalium de Bartholin {a} contient deux intéressantes lettres qui abordent la question des lactifères, mais sans du tout évoquer celle des lymphatiques.
Dum multa de Te Smæ Reginæ retuli muneris illud mei fuit. Id debebam veritati non amicitiæ. Gaudet Regina habere in vicinia Virum in Anatomicis Sectionibus sic insignem. Virtus tua de qua mirifica dixit Regina Professoribus Upsaliensibus fuit incentivum ipsorum animis, qui jam sedulo sectioni animantium incumbunt, aliquis ex illis eandem observationem de Thoracicis chyliferis fecit ; ignoto Pecqueti nomine, sic enim asserit, multa promittit. Ad me scribit Auzotius Parisiensis se parare librum de generatione Lactis contra Guiffardum Rhotomagnesem, in quo probat fieri à sanguine non à chylo immediate, est Vir mathematico more disserens, nihil profert in medium perperam. Scribit Riolanum vidisse librum Schlegelii et sprevisse, et multa in illum moliri, sed credo fore irrita, senescit enim illius Viri virtus, et vult legentibus fidem extorquere, jure veteri sed jam obsoleto et autoritate dicentis. […][Comme vous m’aviez chargé de le faire, j’ai dit grand bien de vous à la sérénissime reine, {b} et ce non par égard pour notre amitié, mais pour la vérité. La reine se réjouit d’avoir pour voisin un anatomiste si renommé pour ses dissections, et a dit merveille de votre talent aux professeurs d’Uppsala, ce qui les a déjà incités et encouragés à ouvrir des animaux avec assiduité. L’un d’eux a même reproduit votre observation sur les chylifères thoraciques et promet d’en écrire abondamment, tout en prétendant ignorer le nom de Pecquet. {c} Auzout m’écrit de Paris qu’il prépare un livre sur l’origine du lait, contre Guiffart de Rouen, où il prouve qu’il se forme à partir du sang, et non directement à partir du chyle. C’est un homme qui disserte comme un mathématicien, sans rien mettre en avant de faux. {d} Il m’écrit aussi que Riolan a vu et rejeté le livre de Schlegel, et se remue beaucoup contre lui, {e} mais je crois que ce sera en vain car son talent décline : il veut s’acquérir de force la confiance de ceux qui le lisent, en fondant pourtant son autorité sur l’ancienne règle qui est déjà périmée. (…)]
In magna gloriæ parte reputo, tantæ Reginæ placuisse mea studia et Anatomicos labores, quibus defungor. Quid Upsalienses observaverint de lacteis thoracicis, scire percuperem. Ego publico scripto edidi, quæ post tuum discessum, in Homine observavi. Receptaculi loco glandulas tres lumbares inveni. Nec insertionem duplicem thoracici ductus videre potui, sed unam solam, eamque in subclaviam sinistram, quemadmodum ex Historia mea Anatomica percipies, quam prima occasione mittam. […][Je pense vous être en grande partie redevable de l’honneur que mes recherches et mes travaux anatomiques aient plu à une si grande reine. Je serai fort désireux de connaître les observations de ceux d’Uppsala sur les lactifères thoraciques. J’ai moi-même publié celles que j’ai recueillies chez l’homme depuis votre départ : {b} au lieu d’un réservoir, j’ai trouvé trois glandes lombaires, mais au lieu de deux insertions du canal thoracique, je n’ai pu en voir qu’une seule, qui se fait dans la subclavière gauche, comme vous verrez dans mon Historia anatomica, que je vous enverrai à la première occasion. (…)]
- Copenhague, 1663, v. note Patin 26/752.
- Dans sa précédente lettre à Bartholin (datée de Copenhague, le 15 mars 1652, pages 466‑467), Bourdelot lui avait transmis les chaleureux compliments de Christine de Suède.
- Cet anatomiste d’Uppsala pouvait être Rudbeck ou l’un de ses collègues. L’Historia anatomica de Bartholin est datée du 5 mai 1652, soit seulement 13 jours avant la rédaction de la lettre de Bourdelot.
- Adrien Auzout a exposé ses idées sur la lactogenèse dans sa lettre à Pecquet (v. sa note [4]), mais n’a pas publié de livre sur le sujet.
Dans son traité de proxima Lactis materia [sur la première matière du Lait] (chapitre xi, Rouen, 1652, v. note [10], Brevis Destructio, chapitre i), Pierre Guiffart avait conclu que le lait dérive directement du chyle.
- V. note [32], Brevis Destructio, chapitre iv, pour la Defensio de Riolan contre l’Inquisitio de Paul Markward Schlegel sur le mouvement du sang, dans les Opuscula de 1652.
Thomas Bartholin était en train de découvrir la communauté des voies qui transportent la lymphe et le chyle dans l’abdomen et le thorax : le chyle séreux et un peu trouble, qu’il disait ichoreux (ou sanieux, v. note [4], Experimenta nova anatomica, chapitre ii), était sans doute une forme de transition entre le chyle bien blanc et la lymphe translucide qui l’y remplace dans les lactifères entre les périodes de digestion.
Dans le chapitre x de son Historia anatomica, Bartholin a longuement spéculé sur les communications entre les lactifères et l’utérus, en vue de nourrir le fœtus.
Sur la veine porte, les « fibres d’enveloppes » (fibræ membranarum) peuvent difficilement être autre chose que des froncements du péritoine qui l’entourent. Thomas Bartholin observait que de fins vaisseaux courent sur la surface de ce tronc, et voulait se convaincre qu’ils font entrer le chyle mésentérique dans le foie. Il les a de nouveau décrits et examinés de plus près l’année suivante dans le chapitre iii, Vasa Lymphatica in hepate [Vaisseaux lymphatiques dans le foie], de ses Vasa lymphatica (v. supra note [1]), chez le chien nourri trois heures avant la dissection, en démontrant, brillamment cette fois, grâce à l’inspection soigneuse et aux ligatures, qu’ils ne font pas entrer du chyle dans le foie, mais en font sortir de la lymphe.
Ioannis Wieri de Præsttigiis dæmonum et incantationibus ac veneficiis Libri sex [Six livres de Ioannes Wierus sur les fantasmagories et enchantements des démons, et leurs sortilèges], {a} loc. cit., colonne 442 : {b}
Obseruauit Monspessuli anno 1572. filius meus Galenus Medicinarum Doctor, in cadauere puellæ cuiusdam hydropicæ, quam secuit, duos spithamæ longitudinis uermes, quorum unus meatum uesiculæ bilis duodeno insertum occupabat, alter in ipsummet hepar (ex defectu credo alimenti) progressus, gibbum iecoris obsidebat, capite ambientem uiscus illud membranam attingente.[À Montpellier en 1572, mon fils Galenus, {c} docteur en médecine, a observé, en disséquant le cadavre d’une jeune fille hydropique, des vers longs de deux empans, {d} dont l’un occupait le canal par où la vésicule biliaire s’insère dans le duodénum ; {e} un autre, ayant progressé dans le parenchyme hépatique (par manque de nourriture, me semble-t-il), investissait la convexité du foie et sa tête atteignait la membrane qui entoure ce viscère]. {f}
- Bâle, 1583, v. note Patin 19/97 pour cet ouvrage et son auteur, Johann Wier.
- Livre De iis qui Lamiarum Maleficio affecti putantur [Sur ceux qui se croient victimes d’un maléfice des vampires], chapitre intitulé In Corporibus reperiuntur quædam naturaliter, quæ ad maleficia quandoque referuntur [Certains faits s’observent naturellement dans le corps, mais il arrive qu’on les attribue à des maléfices].
- Galenus Wierus, premier médecin de l’électeur de Trèves, prince de Clèves, Juliers et Mons, est auteur d’une lettre écrite en juin 1601 à Guillaume Fabrice de Hilden, qui figure dans l’observation liv (pages 67‑68) de sa première centurie (v. infra note [14]).
- Environ 45 centimètres.
- Canal cholédoque, v. note [9], Dissertatio anatomica, chapitre xii.
- Ce cas est typique d’une ascaridiase (parasitose due à Ascaris lumbricoides). L’hydropisie n’était probablement pas liée aux lésions hépatiques provoquées par les vers, mais à la profonde dénutrition qu’ils engendrent : syndrome œdémato-ascitique dû à l’effondrement de la concentration plasmatique de l’albumine, belle illustration du rôle que joue le foie dans la sanguification.
Ce sont deux références à la première centurie de Guillaume Fabrice de Hilden. {a}
Adolescens duodecim annos natus cacochymicus, tumore insigni, duro et dolorifico, musculorum rectorum abdominis ad vmbilicum laborabat. Rupto tumore excrementa hanc viam iniêre, vt per hebdomadas quatuor aut quinque, nihil per aluum egestum sit. Ego ventrem dissecui […].[Un garçon cacochyme, âgé de douze ans, souffrait d’une considérable tumeur, dure et douloureuse, des muscles droits de l’abdomen autour de l’ombilic. Après sa rupture, les excréments se sont mis à en sortir, si bien que durant quatre ou cinq semaines, plus aucun n’a été émis par l’anus. J’ai moi-même procédé à la dissection de son ventre (…)]. {b}
Amedeus quidam faber lignarius quadraginta annos natus, biennio variis per interualla morbis, dolore capitis, ictero, viscerum obstuctionibus, imò etiam cachexiâ, postremùm etiam dolore ischiadico, laborauit : tandémque, auctâ febri cum paraphrenitide, 19. Aprilis 1596. extinctus est.[Un dénommé Amedeus, artisan menuisier âgé de quarante ans, souffrait, par intermittence et depuis deux ans, de divers maux : céphalée, ictère, obstructions des viscères, et même cachexie avec, en dernier lieu, une douleur sciatique. Survint finalement une fièvre croissante avec paraphrénésie, {c} et il mourut le 19 avril 1596]. {d}
Dans aucun de ces deux cas le foie n’était le siège primitif de la maladie.
Ce sont deux références à la centurie ii de la Praxis medica admiranda de Zacutus Lusitanus. {a}
Virgo tympanica ex mensium restrictione diuturnâ, viscerúmque hac de causâ Schirrhosis tumoribus excitatis, oppressa, ita malè habuit, vt præ dextri Hypochondrij pondere, ingenti duritie, ac tumore fatigata vix ambulare posset, quare vitio in vitium mutato, vt sæpè in hoc contumaci morbo euenire solet, resolutis viribus è vita discessit. Dissecto corpore, inuenta est massa carnea in regione Hepatis vsque ad vmbilicum extensa, quæ extracta (dictu mirum, et visu mirabilius) 36. libras ponderabat. Hepar nullo modo inuentum. In substantia internâ massæ, duo magni abscessûs reperti.[Une suppression prolongée des règles avait provoqué un tympanisme {b} chez une vierge, qui engendra d’intenses gonflements squirreux des viscères. Cela empira tant qu’apparut une masse extrêmement dure de l’hypocondre droit, dont le poids était si fatigant à porter que la malade ne pouvait presque plus marcher ; et les maux se muant en d’autres maux, comme il arrive ordinairement dans cette sorte de maladie opiniâtre, elle mourut d’épuisement. À l’ouverture du cadavre, la région hépatique était occupée par une masse charnue qui s’étendait vers l’ombilic et qui, une fois extraite, atteignait un poids de 36 livres {c} (ce qui est encore plus admirable à voir qu’à dire). Il n’y avait plus aucune trace du foie et à l’intérieur de la masse, se trouvaient deux grands abcès]. {d}
Vixerat fœmina quædam pauper, pluribus annis de tumore ventris queribunda, quousque ad immensam molem cum summâ corporis tabitudine, et gracilitate distensus est venter. Hæc, mensibus omnino suppressis, erroneâ diætâ semper vsa est. Quare ob virium iacturam exanimis emoritur. Secto cadauero, adstante peritorum Medicorum coronâ, parva aquæ copia educta est. Iecur lapidosum inuentum. Pulmones, ob aquam, quæ Diaphragma penetrârat, dimidiâ ex parte corruptos vidimus. Resecto ventre ad musculos abdominis, inter Peritonæum et intestina, binas vesicas inuenimus, quarum quædam, bouinæ vesicæ vrinariæ (mirum dictu) prægrandis magnitudinem superabat. Iis disruptis, tanta fœtidæ, liuidæque aquæ copia mucoso humori permixta effluxit, vt vas triginta librarum capax adimpleret, quo copioso humore innatus ignis obrutus, est extinctus.[Une femme de pauvre condition avait vécu pendant plusieurs années en se plaignant d’un gonflement du ventre, qui s’accentua jusqu’à devenir une énorme masse, accompagnée d’amaigrissement et de cachexie. Ses règles étant aussi supprimées, elle avait toujours recouru à une diète viciée, ses forces s’épuisèrent et elle mourut. À l’ouverture du corps, en présence d’une couronne de médecins fort aguerris, on trouva une petite quantité d’eau dans le ventre et un foie pierreux. En raison de l’eau qui avait traversé le diaphragme, la moitié basse des poumons était corrompue. Ayant incisé l’abdomen jusqu’aux lombes, nous avons découvert, entre le péritoine et les intestins, deux vésicules, dont l’une était extrêmement volumineuse, dépassant la taille d’une vessie de bœuf {e} (ce qui est incroyable). Quand on les eut rompues, il s’en écoula une humeur noirâtre et fétide, en quantité telle qu’elle remplit un récipient de trente livres. La ruine de la chaleur innée par cette abondante humeur a provoqué le décès].
Charles Le Pois (Carolus Piso) de Serosa colluvie, page 415, {a} Observatio cxv, De hydrope à tumoribus viscerum [Hydropisie par gonflements des viscères] :
Certè quisquis demortuorum hydropicorum curiosus attenderit dissectioni (debent autem Medici satagere plurimum ut quantum licet hæc iis detur facultas, quod liber naturæ sit optimus docendus medicinæ magister, ex quo certè, dico verè et seriò, longè plura quàm ex scholis omnibus semper didici) quisquis (inquam) attenderit serio dissectioni hydropicorum, fatebitur unà mecum ultrò tumorem aliquem visceris alterutrius ferè unam esse certè frequentissimam ascitis parentem.[Tout curieux qui aura prêté attention à la dissection des personnes mortes d’hydropisie (et les médecins doivent se donner tout le mal qu’ils peuvent pour se convaincre que le livre de la nature est certainement le meilleur maître qui enseigne leur art, car, pour parler sérieusement et sincèrement, j’y ai toujours plus appris que dans toutes les gloses), quiconque (dis-je) se sera sérieusement intéressé à la dissection des hydropiques, conviendra, comme et plus encore que moi, que tout gonflement d’un des deux viscères {b} engendre très souvent l’ascite, et presque à lui seul]. {c}
- Édition de Leyde, 1650, v. note [3], Historia anatomica, chapitre ii.
- La rate et le foie.
- Cet adage est à présent des plus discutables.
Quatrième livre De Medicina Indiorum de Jacobus Bontius, {a} Observationes e cadaveribus [observations recueillies chez les cadavres], Obs. ix. De Apostemate Hepatis [Abcès du foie], pages 201‑202 :
Miles Anglus, cum inflammationem primum hepatis passus esset, et frustra tentassemus ea, quibus opus erat, dolor se remisit quidem : sed desiit malum in fluxum hepaticum ; tumore, qui ante erat, in hypochondrio plane evanescente. Cum hoc modo per sex ferme menses languisset, tandem ad extremam maciem ita perductus est, ut ipsissimam, qualis pingitur, mortem dixisses, et sic miserissimam vitam eum morte permutavit. Aperto corpore invenimus loco hepatis, solam membranam ipsum vestientem, satis crassam, inftar sacci, cui adhuc portio saniei, loturæ carnium similis inerat, qualem tam longo tempore excreverat. Obiit 1629. April. mens.[Un soldat anglais souffrit d’abord d’une inflammation du foie, et nous essayâmes les remèdes dont il avait besoin, mais sans résultat autre que le soulagement de ses douleurs. Son mal aboutit à un flux hépatique, en même temps que le gonflement de l’hypocondre, qui existait auparavant, disparaissait entièrement. Après avoir ainsi langui pendant six mois entiers, il finit par devenir si maigre qu’on aurait dit voir la mort elle-même, telle qu’on la représente sur les tableaux, avant d’achever sa très misérable existence. À l’ouverture du cadavre, au lieu du foie, nous n’avons trouvé que la membrane qui le recouvre, elle était assez épaisse, ressemblant à un sac ; elle contenait encore une partie de l’abcès, qui ressemblait à de la lavure de viande et qui s’y était développé pendant une si longue période de temps]. {b}
- V. note Patin 16/153 pour cet ouvrage paru à Leyde en 1642 et son auteur, Jakob de Bondt, médecin de la Compagnie hollandaise des Indes.
- Cela évoque en tout premier l’évolution fatale d’un abcès amibien du foie.
Pour étayer son raisonnement, aujourd’hui impénétrable, sur la double fonction hépatique de sanguification et de filtration, Thomas Bartholin recourait aux observations de deux autres auteurs.
Iuvenis Anasarca diu cum laborasset subito incidit in Ictericiam, deinde in Hæmorrhagiam narium, postea vero in subitaneam mortem : in hujus corpore à me dissecto aparuit hepar subalbidum, cum in parenchymate magno abscessu. Lien supra modum magnus, lapidibus albissimis plenus.[Un jeune homme qui avait longtemps souffert d’anasarque, fut soudainement atteint d’ictère, puis d’épistaxis, avant de mourir subitement. À l’ouverture de son cadavre, je découvris que le foie était blanchâtre et que son parenchyme était occupé par un volumineux abcès ; la rate était anormalement grosse et pleine de pierres très blanches]. {b}
Aderant præterea alia signa, quæ si accuratè ab illo ignaviæ, et albitionis crasso farcimine enucleata fuissent, æger ille forsan fosan viveret, sicuti dolor acerbus supra regionem hepatis, calor immodicus, vomitus acerbus cum cardialgia, diarrhœa biliosa postmodum dysenteria cum siti, vigiliaque intolerabili, atque totius corporis emaciatione, tandem post quindecim dierum spacium magna puris graveolentis quantitas per alvum excreta fuit, quam paulo post mors subsequuta est.[D’autres signes étaient présents, et s’ils avaient été soigneusement analysés par cet homme farci de crasse ignorance et de prétention, {c} le malade serait peut-être encore en vie. Il s’agissait d’une violente douleur au-dessus de la région hépatique, d’une ardeur immodérée, de vomissements pénibles avec cardialgie, {d} diarrhée bilieuse puis dysenterie avec soif, insomnie intolérable et amaigrissement de tout le corps. Enfin, au bout de quinze jours, une grande quantité de pus malodorant s’écoula par le fondement, et le malade mourut peu après].
- Réédition de Hanau, 1654, v. note [4‑3], Historia anatomica, chapitre iii.
- Irruption subite et abondante de pus.
- Ainsi Panarolus dépeignait-il son confrère qui était absolument certain qu’il s’agissait d’une pleurésie.
- V. notule {c}, note [10], Historia anatomica, chapitre xiv.
Charles Le Pois (Piso) de Serosa colluvie, {a} section iii, chapitre iv, De Asthmate intermittente [L’asthme intermittent], observation xlvi, pages 265‑266 :
Orthopnœam adferunt hydropici affectus duri, ut hoc tempore vidimus in studioso quodam Israële l’Alman, qui à quatuor mensibus insigni tumore inflammatorio hepatis oppressus cathedræ toto eo tempore insidere et indormire coactus interiit Augusti præteriti, cujus parens Ioannes l’Alman receptor D. de Quarmi in eodem hospitali D. Anthonii orthopnœâ simili mense Majo triennio ante jugulatus est, in cujus cadavere hepar scirrosum valdè inventum unà cum liene in tabum converso.[Les hydropisies graves sont causes d’orthopnée, {b} comme nous l’avons récemment vu chez un homme adonné à l’étude, dénommé Israël l’Alman : oppressé par un notable gonflement inflammatoire du foie qui le forçait à demeurer en permanence assis dans un fauteuil et à y dormir, il mourut en août dernier. Trois ans plus tôt, au mois de mai et dans le même hôpital Saint-Antoine, {c} son père, Ioannes l’Alman, receleur de M. de Quarmi, {d} était mort d’une orthopnée identique, et l’ouverture de son cadavre trouva que le foie était entièrement squirreux et la rate putréfiée]. {e}
- Leyde, 1650, v. supra note [17].
- Symptôme d’hydropisie thoracique, v. note [5], Historia anatomica, chapitre xiv.
- L’ancien hôpital Notre-Dame de Pont-à-Mousson était tenu par des religieux de l’Ordre de saint Antoine (antonins).
- La traduction ordinaire du mot latin receptor est « receleur », ce qui peut suggérer que les activités des sieurs l’Alman et Quarmi étaient louches, mais je n’ai rien lu ailleurs qui le confirme.
- Il pouvait s’agir chez le père l’Alman d’une insuffisance cardiaque droite ou globale avec stase hépatique. Le cas de son fils ressemble à une coïncidence fortuite, mais sans pouvoir écarter une cardiopathie familiale.
Guillaume de Baillou, Consilia medicinalia, {a} loc. cit., tome 1, page 199 : {b}
Eodem penè modo interiit Dominus Vigneron, in vico Templi qui per sex hebdomadas laborauit, et de stomacho tantùm querebatur. Sentiebat pondus quoddam, nec in latus alterutrum decumbere poterat. Vomebat sæpe. Aperto cadavere hepar superiore parte adhærebat diaphragmati, et idipsum hepar putre erat, et pulmones ferè.[Monsieur Vigneron mourut presque de la même manière, au faubourg du Temple, {c} après six semaines de maladie, où il ne se plaignait que de l’estomac : il y sentait comme un poids, ne pouvait se coucher sur le côté, droit comme gauche, et vomissait souvent. {d} À l’ouverture du cadavre, le foie était pourri, et les poumons l’étaient presque tout autant, {e} et son dôme adhérait au diaphragme].
- Paris, 1635, v. note [13], Historia anatomica, chapitre ix.
- Annotation sur une observation intitulée De ventriculi grangræna et syderatione [Gangrène et nécrose de l’estomac] (qui évoque une sténose du pylore).
- V. note Patin 3/118.
- Symptômes que Thomas Bartholin interprétait comme les effets d’un engorgement des lactifères thoraciques par le chyle.
- Détail que Bartholin a préféré omettre pour ne pas gâter sa démonstration.
Autrement dit, l’hydropisie ne provoque pas d’aménorrhée car le cœur supplée à la défaillance du foie, en fabriquant le sang menstruel qu’il envoie à l’utérus par les artères…
Thomas Bartholin interprétait à sa façon l’observation de Jacobus Bontius intitulée De chronicis ac implicitis morbis in uno subjecto [Maladies chroniques et intriquées chez un seul et même individu] (pages 198‑199) : {a}
Anno 1629. Septembr. 5. dissecuimus cadaver militis Germani, qui ferme per integrum annum languerat, fluxu ventris æruginoso, tussi sicca, et insigni respirandi difficultate, etc. Mortuo eo, Omentum, ac Mesenterium repertum fuit ferme absumptum ; ita ut intestina sibi invicem adnata, vel potius nullo ordine inter se confusa essent, parvulis villis hinc inde enatis. Lien erat contractus in minimam pilæ magnitudinem, ita ut Renes subjecti longe majores essent. Jecur tam varii erat coloris, luridi, pallidi, flavi ac viridis, ut miraculo spectantibus nobis esset. Cystis fellis longe major solito, repleta ac distenta erat bile æruginosa : Ventriculus, ac intestina erosa, insignem quoque hujus humoris copiam retinuerant. Præterea è vitalibus dexter lobus pulmonis costis et diaphragmati erat adnatus, ut invicem continui viderentur.[Le 5 septembre 1629, nous avons disséqué le cadavre d’un soldat allemand qu’avaient débilité pendant une année entière un flux de ventre érugineux, {b} une toux sèche, une importante gêne respiratoire, etc. Après son décès, on trouva que l’épiploon et le mésentère étaient entièrement envahis, à tel point que les intestins étaient attachés les uns aux autres, ou plutôt entremêlés sans aucun ordre, par des villosités éparses ; la rate était contractée, réduite à la taille d’une petite boule, en sorte que les reins sous-jacents semblaient beaucoup plus grands. À notre profond étonnement, le foie présentait diverses couleurs : plombé par endroits, mais pâle, jaune ou vert ailleurs. La vésicule biliaire était bien plus grosse qu’à l’ordinaire, remplie et distendue par une bile érugineuse. Une importante quantité de cette humeur stagnait aussi dans l’estomac et dans les intestins érodés. En outre, parmi les parties vitales, le poumon droit était fixé aux côtes et au diaphragme, le tout semblant former un bloc soudé]. {c}
- Leyde en 1642 v. supra note [17].
- Qui avait la couleur verdâtre du vert-de-gris (rouille de cuivre), c’est-à-dire bilieux.
- Cette peu ordinaire accumulation de graves lésions plongeait Bontius dans la perplexité : il invoquait un abus d’eau-de-vie de riz aromatisée à l’aide de divers produits toxiques d’origine marine (holothuries, qui sont des sortes de madrépores, encre de seiche, lièvre marin, v. note Patin 14/995) ; Frédérique Capron (v. supra note [15], notule {d}) pense plutôt à un cancer polymétastique dont le siège primitif pourrait être le foie (hépatocarcinome) ou un mésothéliome (tumeur maligne des séreuses).
Les voies indirectes et fictives du chyle par les veines cave inférieure et rénales ont été évoquées ailleurs, mais Thomas Bartholin surprend en ajoutant ici son passage par la veine porte (per portam) : ce pouvait être par inadvertance, mais les mots ont leur sens et il y a bien de quoi s’en étonner, car il s’agit de la principale voie que la physiologie moderne attribue au chyle hydrosoluble (protido-glucidique, v. supra note [2]) ; ce point V de son chapitre ne semble parler que du chyle laiteux (lipidique), mais il est regrettable qu’il n’ait pas poussé son idée plus loin car elle lui aurait permis d’approcher la vérité de beaucoup plus près.
L’Anatomia reformata des Bartholin {a} ne m’a pas aidé à comprendre, car le chapitre iii de son Libellus de venis nie catégoriquement le passage du chyle dans la veine porte {b} (§ 1, page 417, sur les fonctions [Usus] de cette veine) :
[secundum antiquos,] Chylum exsugere ex intestinis, et per truncum venæ portæ in epar deferre. [sed nunquam in his lacteus chyli succus repertus ; semper sanguine refertis. Adhæc inventio venarum lactearum isti repugnat. Necessitas tamen tempore in omnimoda obstructione venarum lactearum, per hæc chylum deferri concedit Riolanus, sed nullo argumento. Nec enim hiant in intestina, alioquin effunderetur sanguis, et meo judicio, cessaret potius nutritio, quod in lienteria videre est, illis obstructis.Harvejus, ut lacteas refutet, suam tamen circulationem in mesenterio tueatur, arbitratur, sicut venæ umbilicales ab ovi liquoribus succum alimentativum absorbent, deferuntque ad nutriendum et augmentandum pullum, ita et venas mesaraicas ab intestinis chylum sugere et in jecur deferre etiam in adulto. Cæterum chylum simul cum sanguine veherent, adeoque confunderentur diversa, concota cum incoctis. Et quid opus confundere vasa quæ natura distinxit. Diversum autem esse umbilicalium vasorum usum in embryone et adulto, nemo ignorat].
[(Selon les Anciens), {c} le chyle est sucé hors des intestins et transporté dans le foie par le tronc de la veine porte. (On n’y trouve pourtant jamais de suc chyleux lacté, et elles sont toujours pleines de sang. La découverte des veines lactées contredit en outre ce fait. Riolan convient néanmoins de la nécessité que le chyle soit transporté par cette voie dans tous les cas où les veines lactées sont obstruées, mais sans en apporter la moindre preuve. Les veines mésaraïques ne s’ouvrent pas dans les intestins, car alors du sang s’y répandrait et, à mon avis, toute nutrition cesserait quand les lactifères sont obstrués, comme on voit dans la lientérie. {d} Pour réfuter les lactifères, tout en protégeant sa circulation sanguine dans le mésentère, Harvey {e} juge que les veines ombilicales tirent le suc alimentaire des liquides de l’œuf et le délivrent au poussin pour le nourrir et le faire croître, de la même façon que, chez l’adulte, les veines mésaraïques sucent le chyle des intestins et le conduisent au foie. Ainsi transporteraient-elles du sang et du chyle, et le digéré s’y mêlerait-il avec le cru ; mais il confond des vaisseaux que la nature a distingués les uns des autres, et nul n’ignore que la fonction des vaisseaux ombilicaux n’est pas la même chez le fœtus et chez l’adulte)].
- Leyde, 1651 (v. note [5], lettre d’Adrien Auzout), soit avant la parution du livre de Jean Pecquet.
- Le chyle gagnait le foie par les lécatifères, sans s’être mêlé au sang porte.
- Les passages mis entre crochets [dans le texte latin] et entre parenthèses (dans la traduction) sont les additions de Thomas Bartholin au texte de son père, Caspar.
- V. notule {h}, note [16], Nova Dissertatio de Jean Pecquet, expérience i.
- William Harvey avait alors expliqué son scepticisme sur les lactifères dans son Exercitatio anatomica de 1648 et ses Exercitationes sur la reproduction des animaux de 1651 (v. note [17], première Responsio de Jean ii Riolan, 5e partie). Ses trois lettres sur les Experimenta anatomica nova, et particulièrement la première (avril 1652), l’ont plus tard confirmé.
V. note [17], lettre de Thomas Bartholin à Johann Daniel Horst (1655), pour une critique acerbe de Riolan sur ce point v de Bartholin.
Dans le livre de Jean Pecquet, la page 84 de l’édition de 1651 appartient au chapitre xi de sa Dissertatio anatomica et correspond au dernier paragraphe de la page 85 dans l’édition de 1654.
Il est fort surprenant que Thomas Bartholin, zélé partisan de la circulation harvéenne, tire ici argument de l’idée erronée qu’une partie du sang ventriculaire droit traverse le septum cardiaque (v. première notule {a}, note [10], première Responsio de Jean ii Riolan, 6e partie) et qu’il n’emprunte pas exclusivement la petite circulation cardiopulmonaire.
Citation textuelle d’Aristote, loc. cit., § 3.
Aux pages 8‑9 de son traité De Sanguinis Generatione, et Motu naturali [De la Génération du sang et son Mouvement naturel], {a} Hermann Conring, en opposition avec Galien et Varole, défend l’idée que le chyle des lactifères d’Aselli pénètre dans les veines et non dans les artères. Ses chapitres ii et iii sont intitulés : Per mesenterii arterias et venas vulgo notas ex intestinis chylum deduci [Le chyle n’est pas extrait des intestins par les artères et les veines communes du mésentère], et Chylum ex intestinis per venas lacteas in Pancreas et Epar deduci [Le chyle est mené des intestins au pancréas et au foie en passant par les veines lactées].
Globalement fidèle aux idées d’Aselli, Conring faisait du pancréas le relais principal dans le transit du chyle vers le foie. Je n’ai rien lu sur son intrigant passage par la veine porte. {b}
- Leyde et Amsterdam, Franciscus Hackius et Ludovicus Elzevirius, 1646, in‑8o de 626 pages.
- V. supra note [23].
V. supra note [11] pour l’ichor.
Hermann Conring renchérissait donc sur l’idée générale que Thomas Bartholin a voulu défendre dans ce chapitre : pour se mélanger au sang, le chyle devait utiliser d’autres voies que les lactifères qui le conduisent du mésentère à la veine cave supérieure, dont la capacité était nettement sous-estimée ; maints arguments plaidaient en faveur de cette conviction, mais elle se heurtait à l’impossibilité, qu’il fallait croire temporaire, de démontrer l’existence de ces autres voies. Tout serait devenu lumineux si les anatomistes avaient eu l’idée de distinguer le chyle liposoluble du chyle hydrosoluble (v. supra note [2]) : dans sa lettre à Jean ii Riolan, Charles Le Noble (1655, v. note [17] de sa première partie) a brillamment montré que cela ne dépassait pas les bornes du raisonnement scientifique dont on était alors capable.
Page 46, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.
CAP. XV.
Nom omnem chylum per thoracicas lacteas ad cor fer-
ri, sed aliqvem ad hepar per lacteas mesenteri.
Ardua restat controversia, an omnis chylus per novos
ductus thoracicos ad cor tendat. Ita qvidem credit
Page 47, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.
Pecquetus, et cum eo tres illi Viri Doctissimi, Mantellius,
Mersennus, et Auzotius, qvorum elegantibus literis Dis-
sertatio Pecqvetiana exornatur, qvia venas lacteas inve-
nerunt nullas ad hepar vergentes, adeóqve deceptos hacte-
nus omnes qvi hepati cum Galeno sanguinificationis opus
concesserunt, qvum Aristoteles potius verus sit, Cor so-
lum sanguificare.Sed illi cum aliis Anatomicis et nobisipsis sunt con-
ciliandi, si fieri ullo modo potest, ne hepati, tot seculis o-
pere sanguinificationis gloriosè defuncto planè eamus ex-
seqvias. Meo judicio inventa nova ambabus ulnis sunt
excipienda, sed qvantum veritas et natura permiserit, an-
tiqva placita, sine prægnanti ratione nunqvam sunt dam-
nanda.Si aliqvid placatâ conjectura asseqvor, existimo ope-
ras inter se patiri hepar et cor, ut vel promiscuos humores
alimentarios admittat uterqve vel diviso munere, hoc te-
nuem, illud crassum. Qvidqvid veritati naturæqve magis
videbitur consonum, qvivis eligat, qvia certum est solas
thoracicas pares non esse omni chylo vehendo. Mihi su-
spiciones non leves videntur persuadere, hepar chyli par-
tem qvæ tardius in ventriculo concoqvitur, et diuturnio-
ri coctione ad sanguinem indiget, ad se vel trahere vel ad-
mittere pulsam : Cor verò per Pecquetianas venas et sub-
tiliorem et tenuiorem chylum ante totius in ventriculo
perfectionem sorbere, ut cita mutatione ad sui coporisqve
restaurationem transformet. Sunt tamen quæ testentur
Page 48, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.
ab utroqve viscere et tenuem chylum et crassiorem sive si-
mul sive successivè et per vices sive sponte sua sive urgen-
te necessitate absorberi. Primò videamus, ex hac classe
hepar non esse excludendum, qviaI. Venas lacteas mesenterii per pancreas seu glandu-
lam majorem, per portæ latera in ipsum hepar inseri αυ-
τοψια plurimi observarunt, qvibus minus deneganda fi-
des qvam Pecqueto. Fallopius Obs.3 de Venis, qvan-
qvam lactearum venarum notitiam seculi vitio non ha-
buerit, invenit tamen in simâ hepatis parte meatus qvos-
dam minimos, qvi desinunt et terminantur in Pancreas et
in glandulas illi proximas ; qvi succum qvendam oleagi-
nosum, album, et ad aliqvam amaritudinem tendentem
deferunt. Qvas ad ductum Virsungianum malè detor-
qvet Riolanus.Postea Asellius primus lactearum detector, insertio-
nem earundem invenit in hepar, et figuris duabus III et IV
illustravit, duobus ramis distinctam.Post eum omnes, qvi sectionibus operam suam cul-
trumqve accommodarunt, idem observarunt, qvorum
numerus iniri facilè non potest. Inter eos Jo. Walæus, Præ-
ceptor olim noster meritissimus, in magnis macilentisqve
canibus animadvertit, venarum lactearum qvasdam ab
intestinis uno et continuato ductu in ramum Mesenteri-
cum, qvasdam in ipsam portæ venam, in cava hepatis
qvasdam, paucissimas qvandoqve in venam cavam prope
Emulgentes desinere. Qvod apud eum vidimus, sæpius
Page 49, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.
exinde ipsi experti sumus, et contra Riolanum demonstra-
vit nuper Eruditus Vir Jo. van Horne amicus veteri neces-
situdine mihi conjunctissimus Exerc.2. th.5.Nat. Highmorus Anglus, nuperrimus scriptor accu-
ratus in Anatomiis Animalium benè versatus, vidit et
elegantibus figuris lib.1. part.2. c.7. demonstravit lacteas
venas à pancreate majoribus paulò surculis per Portæ late-
ra undiqvaqve qvam qvibusdam in locis annuli instar cin-
gunt in jecoris cavam, non duobus tantum ramis, sed plu-
ribus, imò septenis, etiam post mortem facilè monstran-
dis, subire, indeqve illatas in hepatis parenchyma, ibi qva-
qvaversum disseminari dum obliterentur.Ipse ego ante annos paucos in Orbe pisce utriusqve se-
xus non solum venas lacteas inveni sæpius, sed verum in
hepate insertionis locum semper controversum, mon-
straviqve pluribus Viris Anatomiæ peritissimis, Wormio,
Sperlingio, S. Paulli, Fuirenio, Pouchio etc. qvi adhuc de
visæ rei veritate testari possunt. Is erat tertius hepatis lo-
bus minor ille et mollior, qvem lacteus candidusqve ramus
satis magnus ingrediebatur ex glandula magna haud pro-
cul locata, lacteoqve humore turgida, ad qvam pleræqve la-
cteæ ex mesenterio et appendicibus ventriculi commea-
bant Figurâ id illustravi, quæ extat in Anatome mea Re-
formata. Veritas ut magis mihi innotesceret totam hanc
hyemem extis canum consulendis insumpsi, variisqve post
pastum in Theatro nostro apertis, experimentum feci plu-
Page 50, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.
ribus præsentibus magnis parvisqve, an lacteæ hepar subi-
rent, qvod antea sæpius vidimus et jam negat Pecquetus.
Ecce multæ candicantes fibrillæ apparuerunt ad hepar
per portam vergentes membranis suis immersæ, qvem-
admodum depingunt Asellius et Highmorus, nonnun-
qvam manifestè tumidæ, inprimis seroso liqvore per tu-
nicas transparente, apertæ verò sive hæ sive illæ effunde-
bant chylum ichorosum non usqve adeò candidum, qva-
lis esse solet chyli evanescentis, unde Pecqveto favens D.
Petrus Bourdelotius Vir Eruditissimus, qvi semel forte o-
perantibus nobis adfuit, in Sueciam ad Serenissimam
christinam Reginam incomparabilem, et sexus se-
culiqve miraculum iturus, et chyli vas et chylum esse perne-
gabat. Sed qvum sanguis non sit, nec portæ vena, aliudve
vas adhuc cognitum, pro lacteo omnino habendum cen-
sui. Color iste chyli evanidus, crudioris pituitæ esse so-
let, qvæ pleniore coctione tamen albet, vel lactis crudio-
ris, qvale in mammis primò apparet, et in utero ex qvo
embryonem nutriri supra diximus, vel deniqve est seri à
chylo separati, qvod eosdem ductus sibi vendicat. Vidi-
mus certè in pluribus hujusmodi serosum chylum et in
Receptaculo et lacteis thoracicis, imò per vices serum
chylo albo succedere in omnibus lacteis tam abdominis
qvam thoracis. Unde eadem erit condicio lactearum ad
hepar, qvæ est lactearum ad cor, qvum simili per vices li-
qvore impleantur.Nemo hactenus insertionem in homine invenit,
Page 51, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.
qvanqvam de illa dubitari nemo : Nos tamen de-
monstravimus candicantes fibrillas simili succo ichoro-
so, cum portâ hepatis concavum repetentes, qvæ fibrillæ
membranarum esse neqveunt, qvia 1. cavæ sunt. 2. hu-
morem profundunt. 3. candidiori colore se qvam fibræ
membranarum manifestius produnt.II. Hepate affecto in hydrope, scirrho, aliisqve mor-
bis, læditur sanguificatio. Ergò aliqvid chyli in sano sta-
tu assumet concoqvendi. Qvanqvam hydropes incre-
scant non rarò illæso hepate, tamen sæpissimè hepar af-
fectum in dissectis apparuit, et externus hypochondrii
dextri tumor testatur. Apud Wierum l.4. de Præst. Dæm.
c.16. in cadavere puellæ hydropicæ Monspelii, duo spi-
thamæ longitudinis vermes inventi, qvorum unus mea-
tum vesiculæ bilis duodeno insertum occuparat, {a} alter in
ipsummet hepar progressus gibbum jecoris invaserat.
In cacochymo adolescente hepar exsangue et scirrhosum
vidit Hildanus in Obs. Chir. et in fabro idem cachectico
apostemata multa exigua. In dissectis Hydropicis inve-
nit Zacutus l.2. Prax. adm. Obs.38. 45. hepar modò lapi-
dosum, modò loco ejus massam carneam. Et rectè Car.
Piso de Illuv. {b} Seros. p.307. monet in demortuorum hy-
dropicorum dissectionibus tumorem aliqvem visceris al-
terutrius (hepatis vel lienis) ferè unam esse, certè freqven-
tissimam Ascitis parentem. Qvod et nos non semel vidi-
mus. Militis Angli in India, inflammatione hepatis pri-
mum, mox extrema macie mortui cadaver referans
- Sic pour : occupabat.
- Sic pour : Colluv.
Page 52, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.
Jac. Bontius Obs.9. loco hepatis invenit solam membra-
nam ipsum vestientem, satis crassam, instar sacci. Alia
apud alios occurrunt, longumqve foret omnes observati-
ones ad hanc lineam vocare : In hujusmodi vero hydro-
pe superstitem vitam et sanguinis munia supplet cor, sed
qvia solum neqvit hepatis auxilio destitutum, perit ho-
mo. Nec valet Pecqveti transcolatorium hepatis munus
solum, qvia succederet illud in morbis calidis, qvi gene-
rantur ex sanguine calido non segregata bile, haudqva-
qvam in frigidis morbis, qvales utplurimum sunt aqvæ
inter cutem, scirrhi etc. Qvo referenda qvoqve dissecto-
rum exempla inflammatione hepatis laborantium apud
Nic. Fontanum l.1. Obs. Med. p.90. Dom. Panarolum Pen-
tec.1. Obs.37.III. Impedita hepatis sanguinificatione, sive chyli ali-
qvalis commeatu, qvia universus chylus ad thoracem
per novos ductus irruit, suffocatio sæpe oritur, et Ortho-
pnæa. Ita de Ioanne l’Alman Receptore D. de Qvarmi in
hospitali D. Antonii, Orthophnæâ mense Majo jugulato
refert Piso p 197. in cadavere hepar scirrhosum valdè fu-
isse inventum unà cum liene in tabum converso. Et sæpe,
qvia omnis chylo præcluditur ad thoracicas via, superflu-
um revomunt. Sic Dn. Vigneron in vico templi de sto-
macho qverebatur, sentiebatqve pondus qvoddam, et vo-
mebat sæpe. Aperto cadavere hepar superiore parte adhæ-
rebat diaphragmati, et idipsum hepar putre erat. Ballo-
nius lib.1. Cons.43 in Annot.
Page 53, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.
IV. Hepar sanum sanguinem conficere debet, ubi cor
patitur, et venæ thoracicæ nihil deferunt chyli sive vitio
viarum obstructarum aut compressarum, sive vitio reci-
pientis cordis, sive denique moventium pulmonum, dia-
phragmatis, musculorum thoracicorum, aliarumqve par-
tium. Ita in homine vidimus, et canibus plurimis hepar
sine omni noxâ, at pumones vitiatos, unde qvidem in
abdomine lactearum uberrimus proventus, sed flaccidæ
thoracicæ sine manifesto succo lacteo. Hic igitur cordis
vices supplevit hepar, qvemadmodum sæpe cor hepati
fert suppetias malè affecto sed nisi utrumqve viscus sanum
sit, nunqvam perfecta sit nutritio. Vidi Hydropicas vir-
gines, duro et tumido hypochondrio dextro, laudabi-
lem tamen menstrui sanguinis satis copioso habuisse ex
arteriis fluxum. Ita omento et mesenterio absumpto mi-
les Germanus apud Bontium Obs. Ind.7. per integrum
annum vixit, in qvo certè per hepar nulla chyli distribu-
tio, forsan per Receptaculum, vel lacteas thoracicas œso-
phago et cavæ insertas.V. Proportio esse debet vasorum lacteorum ad vasa
chylum recipientia, sive hepar sive Cor. At nulla est du-
ctuum lacteorum Pancreatis et thoracicorum cor vel
hepar proportio, si vel soli hi vel illi chylum deferunt.
Lactei meatus in thorace sic satis sunt exiles, et forami-
nula ad axillares qvoqve nimis exigua, qvam pro copia
chyli transvehendi et lactearum in abdomine Pari pacto
minores sunt lacteæ communes mesentericæ, qvæ ex
Page 54, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.
pancreate ad hepar serpunt, qvam sunt in mesenterio to-
to. Igitur nec hac nec illa omnis chylus potest amanda-
ri, sed partim hac, partim illac, pars enim chyli ad cor per
Receptaculum Pecqveti, et lacteos thoracicos labitur,
pars ad hepar vel immediatè per lacteas Aselli ex Pancre-
ate, vel mediatè per portam, cavam, emulgentes.VI. Receptaculum in brutis unicum plerumqve est et
parvum, qvum glandulæ et lacteæ sint copiosissimæ. In
homine glandulæ lacteæ novæ mole exiles et cavitate vix
conspicuæ.VII. Naturæ id familiare et corporis nostri œcono-
miæ minimè adversum, ejusdem generis humiditates per
diversas vias derivare. Ita tenuiorem sangvinem per se-
ptum cordis ad sinistrum ex dextro ventriculo transcolat,
crassiorem verò et copiosorem per pulmones circulat. I-
pse Pecqvetus p.84. concedit partem chyli per chylosam {a}
semitam ad cor ire, partem serosiorem ad renes etc.VIII. Nec desunt mihi concordiam viscerum et sen-
tentiarum molituro autoritates. Aristoteles ipse, cordi
addictissimus l.3. de Part. animal. c.12. fatetur Epar post
Cor omnium viscerum esse αιματικωτατον. Cl. Con-
ringius in Doctissimis ad me literis, qvanqvam minus
hepati tribuat, qvam par videtur, tamen per solas thora-
cicas omnem chylum ferri, juxta mecum pernegat. Ipse
audiri meretur : Neqve verò copia lactei chyli et angustia
paucitasqve hactenus cognitorum vasorum, aptorum in id
uti chylum ex receptaculo possint alio transferre, me qvi-
dem permittit dubitare de aliis hactenus ignotis viis. Ut
- Sic pour : chylosam thoracis.
Page 55, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.
sanè per illum à Pecquetio inventum ductum omnis pos- ʿ
sit meare, εν est των αδυνατων. Nimis etiam paucæ sunt ʿ
et angustæ venulæ, qvas in venam portæ, in cava hepatis ʿ
in venam cavam inseri dudum cum aliis tum etiam mihi ʿ
(qvicqvid neget Pecqvetus) est observatum. Jam ante ʿ
decennium nonnihil aliqvid ea de re sum suspicatus, qvod ʿ
habetur pag.8. libr. de Sangvine edit. Batavicæ : impo- ʿ
sterum si ferant negocia curiosius inqviram, imò verò ʿ
Tu, felicissime Bartholine, invenies. Efficiunt verò adeò ʿ
diversæ lactearum connexiones, ut magis magisqve decli- ʿ
nem in antiqvissimi ævi illam περι αιμτωσεως sententi- ʿ
am, nempe εξαιματωσιν (ceu loquitur Aristoteles) sive ʿ
primum sangvinis rudimentum passim in venis fieri, a- ʿ
deoqve in hepate non nisi κατα συμβεβηκος, in corde au- ʿ
tem, qvoniam ibi calor est maximus ultimum accipi com- ʿ
plementum ; non qvod omne eo momento qvo in cor per- ʿ
venit statim perficiatur, (id enim vetat me credere is qvi ʿ
sangvini permistus est ιχωρ crudus, qvem per cor tradu- ʿ
ctum esse nullum est dubium, et tamen nondum plenè ex- ʿ
coctus est) sed qvod tamen vi caloris nusqvam ita qveat ʿ
perfectionem suam ultimam conseqvi. Certè paucitas il- ʿ
la et angustia meatuum lacteorum qvi in hepar pergunt ʿ
non permittunt, uti credamus imposterum hepar præcipua ʿ
qvadam vi αιματοποιητικη valere. Et verò videtur na- ʿ
turæ rerum rectius consultum si chylus variis multisqve in ʿ
locis cum venoso sangvine misceatur, qvam si omnis uno ʿ
loco temporeqve conficiatur : hoc sanè longe est difficilius ʿ
qvam prius illud. etc.
"Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la
licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.