Texte
Jean ii Riolan
Première Responsio (1652) aux
Experimenta nova anatomica
de Jean Pecquet (1651).
5. Discours contre la nouvelle
doctrine des veines lactées
 >

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« Discours contre la nouvelle doctrine des veines lactées,
tiré de la Réponse faite par le sieur Riolan
[1][1]

Les temps, disait Tacite, sont rarement assez heureux, pour permettre à chacun d’avoir les sentiments tels que bon lui semble, et de dire hardiment ce qui lui vient en la pensée ; [2][2] mais nous pouvons dire aujourd’hui que notre siècle est trop rempli de ce bonheur puisqu’au grand détriment de la république, il est permis à chacun, sans que les lois y pourvoient, de produire et mettre au jour toutes les nouvelles opinions erronées et pernicieuses que son caprice lui fournit, tant en matière de religion que de médecine : aussi voyons-nous que la véritable et primitive religion de nos ancêtres se détruit journellement, que l’ancienne et véritable médecine, confirmée par les expériences de tant de siècles, se corrompt et pervertit entièrement, tant par l’introduction de nouveaux monstres d’opinions chimériques que par l’exhibition de mille sortes de médicaments venimeux, inventés pour tuer les hommes impunément. [3][3] Chacun invente à présent et fait la médecine comme il la veut et l’entend ; chacun a la liberté de faire prendre aux autres tout ce qu’il a pour médicament. Maintenant ce n’est plus la médecine qui guérit les malades, mais tout ce qui semble avoir guéri est médecine. En un mot, la plus grande partie de la science d’aujourd’hui est de ne savoir guérir [Page 176 | LAT | IMG] les malades ; ce qui arrive par l’ignorance de la vraie médecine, et le mépris qu’on fait des médecins doctes et experts. Il ne se faut donc pas étonner si la médecine est devenue aujourd’hui si défaite et difforme par tant de fausses opinions qu’à peine lui est-il demeurée aucune marque de sa première splendeur. Pecquet a bien fait davantage, il a commencé à bouleverser la structure et composition du corps humain par sa doctrine nouvelle et inouïe, qui renverse entièrement la médecine ancienne et moderne, ou la nôtre, tant en la physiologie qu’en la pathologie et thérapeutique. Car si le foie, suivant son opinion, n’est plus au rang des parties principales, n’est plus le siège de la faculté naturelle, n’est plus celui qui produit le sang dans nos corps, [4] mais seulement dédié à un emploi beaucoup plus vil et abject, à savoir à purger et séparer l’excrément de la bile [5] contenue dedans le sang de la veine porte, [6] il s’ensuivra que les maladies que nous attribuons au foie, à cause de son action blessée, à savoir lorsque l’attraction ou rétention du chyle est diminuée ou abolie, ou que la sanguification ne se fait pas, [7] telles que sont la diarrhée chyleuse, [8] la diarrhée hépatique, [9] la cachexie, [10] l’atrophie, [11] l’hydropisie, [12] il s’ensuivra, dis-je, que ces maladies ne dépendront plus du foie, mais seulement de ces veines lactées nouvellement découvertes, ou bien du cœur même et des poumons. [13] Et par conséquent que, pour la cure des maladies susdites, il ne faudra plus avoir égard au foie, ni lui adresser [Page 177 | LAT | IMG] des remèdes. C’est pourquoi il faudra dorénavant trouver ou forger une nouvelle méthode de guérir. Car si le foie n’est point le lieu où se forme le sang, en vain recherchera-t-on les corruptions de la masse du sang dans le foie ; en vain lui en attribuera-t-on les causes ; en vain travaillera-t-on à le corriger et purger ; en vain accusera-t-on le foie comme auteur de l’hydropisie, à cause de la sanguification frustrée ; en vain aura-t-on recours au foie comme à la source du sang et lui appliquera-t-on des remèdes pour arrêter les grandes hémorragies et flux de sang. Il faudra dire qu’Hippocrate s’est abusé bien lourdement quand il a écrit qu’on devait attribuer au foie bien disposé et fleurissant, la santé et la perfection de toutes les parties du corps. [4][14][15] Aristote même se sera trompé et aura écrit contre son opinion, puisqu’il dit que le foie contribue beaucoup au tempérament et à la santé du corps, à cause qu’il est la fin et le but des choses contenues dans le sang, et que de tous les viscères excepté le cœur, il en est le plus rempli et le plus important. Il fallait qu’il fût encore bien ignorant quand il a dit que la nature avait placé près du foie les réceptacles des excréments [16] afin que le sang, qui s’y forme, fût épuré et séparé des excréments qui, autrement, ne se pouvaient point porter au cœur sans l’infecter. [5][17] Arétée était démonté d’esprit quand il a écrit que le foie apporte d’autant plus d’incommodités et de mal, quand il est malade, qu’il cause de bien au corps, quand il est sain. [6][18] Si la rate a un pareil usage et le même office que le foie pour purifier la masse du sang lorsqu’elle en attire et suce l’humeur acide, elle ne travaillera en façon quelconque à la sanguification. [19] [Page 178 | LAT | IMG] Il faudra avouer que tous les médecins et les anatomistes ont eu bien peu de jugement quand ils ont traité de l’action de la rate, ayant dit qu’elle servait à séparer du sang et à recevoir l’humeur mélancolique, [20] et même à préparer le sang, suppléant au défaut du foie quand il est malade ou corrompu, ou bien à tirer et à boire les humidités superflues du chyle, ainsi que veut Aristote[7] Tous les péripatétiques qui défendent la doctrine d’Aristote [5][21] disent que le sang se prépare dedans le foie, se perfectionne dedans le cœur, où il reçoit la vertu nutritive et vitale, et sa chaleur, [22] se recuisant encore dedans les ventricules, pour devenir vital. [8][23] Les médecins sont bien abusés tous les jours, et abusent encore plus leurs malades, quand ils établissent l’origine et le fondement de presque toutes les maladies dans les obstructions du foie, de la rate, du mésentère et du pancréas, et qu’ils ordonnent des remèdes apéritifs [9][24] pour déboucher ces parties. Galien dit qu’il n’y a point de viscère plus sujet aux obstructions que le foie, à raison de la diversité et du mélange des aliments, desquels le chyle est formé, et de la petitesse des vaisseaux qui sont parsemés dans la substance du foie : [10][25] or, si le foie ne reçoit plus le chyle, cette cause de maladie cessera entièrement, et il ne faudra plus rechercher dans les obstructions des parties susdites les causes des maladies chroniques et rebelles.

[Page 179 | LAT | IMG] Il faut donc croire (au dire de Pecquet) que le chyle tout cru et indigeste, de même qu’il est composé de diverses viandes, [26] se portant dans des veines particulières, par un fort long chemin, à savoir depuis les lombes jusqu’aux rameaux subclaviers de la veine cave [27][28] se rend enfin dedans le cœur : et par conséquent, le cœur sera le chaudron du chyle, ou bien (pour parler en ses termes) il sera la marmite [11][29] destinée à cuire et à préparer le sang, et chassera les ordures par le ventricule droit [30] dans les poumons, ou bien il les entraînera avec soi dans le ventricule gauche du cœur, [31] et de là dans la grande artère, [32] laquelle recevra la première les ordures, avant qu’elles soient parvenues aux veines. Si la bile du sang qui tombe par la veine cave se sépare de celui-ci dans les reins, [33][34][35] si la bile du sang qui coule par la veine porte se sépare dans le foie, il faut de nécessité que toutes ces deux biles soient contenues dans le chyle et que, tout impur qu’il est, il se porte dans le cœur et dans les poumons, la séparation de cet excrément bilieux ne se pouvant faire qu’après plusieurs révolutions du sang par les veines et les artères.

Donc le cœur et les poumons seront plus mal nourris que toutes les autres parties du corps, puisqu’ils sont les premiers à recevoir ce chyle impur. [36] De même, ce sang impur se portant avec l’esprit vital par les artères carotides dedans le cerveau, [37] il en sera nourri et faudra qu’il en forme l’esprit animal (qui néanmoins doit être très pur et très subtil), ce qui nuirait sans doute, et incommoderait extrêmement le cerveau et toutes ses fonctions, tant principales que subalternes. [38] [Page 180 | LAT | IMG] Car la portion du sang artériel qui se porte par le tronc supérieur de la grande artère aux parties supérieures, si vous y comprenez la tête, sera égale à l’autre, qui est envoyée aux parties inférieures ; et partant, le chyle qui est attiré par le cœur en chaque battement qu’il fait, et qui en est chassé avec le sang, y apportera grand détriment.

Pecquet avoue de plus qu’il y a deux sortes de bile contenues dans le foie, l’une subtile, dans la vessie du fiel, l’autre plus grossière, qui coule par le méat ou conduit, et que toutes deux s’écoulent et se purgent par les boyaux[12][39][40][41] Par conséquent, cette bile infectera le chyle qui sera porté au cœur avec ces ordures par les veines lactées dorsales ; [42][43] mais il n’explique point pourquoi on trouve deux sortes de bile dans le sang de la veine porte, qui n’est que d’une même nature, ni pourquoi, étant séparée dans le foie, elle se renferme en divers lieux. Il en devrait bien rendre la raison puisqu’il a tiré cette doctrine de Riolan, qui en montre les causes dans son Anthropographie, au chapitre de la vessie du fiel. [13][44]

Si la diarrhée bilieuse [45] s’écoule incessamment du foie par les boyaux, le chyle sera gâté et rempli de mauvaises humeurs bilieuses, qui monteront au cœur avec le chyle.

Quelquefois les aliments liquides que les valétudinaires et malades [14][46] prennent ne se peuvent convertir en chyle par l’estomac, qui est indisposé. Néanmoins, si ces aliments sont d’un suc louable, le foie, qui pour lors est desséché, les attire et les suce [Page 181 | LAT | IMG] afin de pouvoir fournir la nourriture aux autres parties affamées, et pour lors ils se changent en sang, bon ou mauvais ; or, si ce suc est attiré par les veines lactées et qu’en tant que chyle, il soit porté au cœur, il nuira dangereusement au cœur et aux poumons, à toutes les veines et artères.

Aristote a écrit, et Pline après lui, qu’il n’y a que le cœur dedans le corps qui ne soit point sujet aux maladies et qui soit exempt des supplices de la vie. Et s’il conçoit une fois la pourriture dedans sa substance, il n’y a point de remède, si puissant ou si efficace qu’il soit, qui la puisse ôter et corriger, ainsi que dit Galien[15][47][48] Il n’est donc pas probable que la nature ait voulu accabler d’ordures le cœur, puisque c’est une partie si noble, et la principale de tout le corps ; toutes les autres n’étant faites et formées qu’en sa faveur et pour ses usages. Et étant donné que l’âme, suivant l’opinion de plusieurs, habite et réside au cœur, [49] et que l’on croit le sang artériel animé pour ce sujet, qui sera homme assez insensé pour croire que le cœur, qui est le trône de l’âme, et l’astre du Soleil, fasse la cuisine de tout le corps dans son cabinet, et que toutes les impuretés de la région alvine s’y transportent ? Si cela était, la vie de l’homme serait bien misérable et sujette à une infinité de maladies et d’incommodités, à raison des ordures du chyle qui monteraient incessamment en haut.

Si ces veines lactées sont couchées et fortement attachées le long des vertèbres des lombes [50] et du dos, puisqu’elles sont fort menues [Page 182 | LAT | IMG] et, pour ce sujet, plus faciles à rompre, quand il y aura luxation de plusieurs vertèbres comme quand l’épine des lombes et du dos se recourbe violemment, [51] ou qu’elle fait quelque puissant mouvement aux lombes, ces veines, qui sont le réceptacle du chyle, se briseront.

Et si ce réservoir [52] est placé dessus les lombes, entre les deux reins, et les muscles psoas, [53] qu’est-il besoin ici de l’assistance du foie pour exciter et pousser ces veines lactées, comme un pilon ou battoir, lorsque nous respirons ? [54] Pecquet n’avait que faire de prouver ces choses par des artifices mécaniques, [55] puisque le seul mouvement des lombes suffirait à pousser le chyle en haut ; mais il faut croire qu’il l’ignore.

Les veines lactées existent véritablement, mais tous les anatomistes qui les admettent ne sont pas d’accord touchant leur usage et office : Gassendi, l’autorité duquel est citée par Pecquet, leur donne d’autres usages, et dit que le chyle est infecté de bile, se trouvant encore jaunâtre dans les veines lactées, laquelle opinion j’ai refusée dans mon Anthropographie[16][56][57]

De ce temps-là Folli, Vénitien[58] fort jeune quand il écrivit, proposa cette même opinion en langue italienne ; et Bartholin le fils lui fit réponse en peu de mots, dans son Anatomie de la seconde édition. [59] Harvey, très expert anatomiste, auteur et inventeur de la circulation du sang par le cœur et les poumons, [Page 183 | LAT | IMG] fait peu de cas de ces veines lactées, croyant et soutenant que le chyle passe par les veines mésaraïques, et que le foie le suce et le tire d’icelles ; de quoi néanmoins je m’étonne fort puisqu’elles existent bel et bien, et que nous les voyons manifestement. Cela me fait douter des expériences qu’il se vante avoir faites dans les animaux vivants. [17][60][61][62][63][64] D’autres croient que le chyle se porte au pancréas par le canal de Wirsung[65] lequel est rempli de suc lacté chez les animaux vivants.

Pour moi, je crois que ces veines lactées ne sont pas inutiles, et qu’elles servent à reporter le chyle des boyaux au foie ; mais il est impossible qu’elles portent ce chyle au cœur, à raison de la distance du travers de huit doigts qu’il y a du cœur à l’insertion de ces veines lactées dans les rameaux subclaviers (qu’il aurait plus proprement appelés axillaires). Car si l’intention de la nature eût été d’envoyer le chyle par la veine cave au cœur, pour y en préparer le sang, elle eût bien plus commodément pu insérer ces veines lactées dans la veine cave, près du diaphragme, où elle n’est éloignée du cœur que du travers de deux doigts, ou plutôt de l’épaisseur du diaphragme, afin que le chyle se mêlant avec le sang qui monte, entrât aussi avec lui dans le cœur.

D’ailleurs, puisque ce réceptacle du chyle est tout contre la veine cave aux lombes, le chyle pouvait dès là se répandre dedans le tronc de la veine cave, vu que suivant la doctrine de la circulation, le sang qui est contenu dans ce tronc de la veine cave inférieure monte continuellement, jour et nuit, vers le cœur.

[Page 184 | LAT | IMG] Conring [66] remarque en son livre de la Génération et du mouvement du sang, page 82, que le chyle ne se porte pas tout au foie, mais qu’il y en a une portion qui parfois se transporte aussi dans la veine cave ; que même tout le chyle lacté n’est pas cuit dedans le foie, etc., parce qu’il y en a une portion qui se porte aussitôt tout droit de la veine cave, page 123 ; ce qui a été premièrement observé par Aselli[67] puis par de Wale [68] dans sa première épître. [18]

Or, si les veines lactées n’ont pas de tronc auquel elles s’unissent et se rendent, comme les mésaraïques, [69] tout au moins doivent-elles avoir un lieu commun, dans lequel elles versent le chyle comme dans un magasin. Telle est cette grosse glande remplie de chyle, qui n’est pas faite en forme de ventre, mais est un corps spongieux, duquel est puisé le chyle que portent au foie les deux canaux qui s’y voient insérer : celui qui est contenu dans les deux autres canaux de Pecquet, qui montent s’unir au tronc supérieur de la veine cave ; et celui que contiennent les autres canaux qui s’insèrent dans le tronc inférieur de la veine cave. [19]

Encore que ces veines lactées se trouvent dedans les animaux bien repus, en leur ouvrant le ventre quatre heures après, il ne s’ensuit pas qu’il s’en puisse trouver d’identiques chez les hommes. Et si par hasard [Page 185 | LAT | IMG] il s’y en rencontre, je crois que ce sont de petites branches du rameau mésaraïque de la veine porte qui, pour lors, sont remplies de chyle, qu’elles portent au foie par le tronc de la veine porte ; et que les autres rameaux dispersés par le mésentère, qui paraissent rouges et pleins de sang, sont des branches de l’artère cœliaque, [70] lesquelles fournissent aussi des aliments aux boyaux lorsque les veines mésaraïques sont remplies de chyle.

Cette traversée ou passage du chyle ne peut être que deux ou trois heures, après quoi le sang retourne aux boyaux par les veines mésaraïques. Or, comme en un animal vivant le foie attire continuellement le chyle par la veine porte, le sang se retire aussi dedans le foie ; et comme les veines mésaraïques sont pour lors remplies de chyle, l’animal étant mort et la faculté attractrice abolie, le sang qui se retenait par icelle dedans le foie retombe dans les veines mésaraïques et, en ce cas, les veines lactées disparaissent à cause du reflux et du mélange de ce sang qui, par sa rougeur, détruit la blancheur du chyle.

Et en effet, les veines lactées, au rapport même d’Aselli, qui en est l’inventeur, et suivant l’observation de plusieurs autres après lui, ne sont pas visibles, si ce n’est en un animal encore vivant, car elles disparaissent dès qu’il est mort. Pareillement, suivant l’inventeur même, elles n’ont aucun tronc, et c’est pourquoi plusieurs travaillent en vain à le rechercher. Il ne faut point pour tout cela s’éloigner de l’ancienne doctrine touchant la distribution du chyle, à savoir qu’il se peut faire que diverses humeurs, comme le chyle et le sang, puissent passer ou couler par les mêmes vaisseaux, mais en divers temps [Page 186 | LAT | IMG] et alternativement. Bien davantage, il n’est pas impossible que le chyle reçoive quelque teinture de sang dedans le tronc de la veine porte, ni même que diverses humeurs passent par les mêmes vaisseaux et en même temps, pourvu que les parties qui les attirent soient différentes. Or les boyaux tirent le sang par les veines mésaraïques, et le foie en tire le chyle quand il y en a dans ces vaisseaux-là. Ainsi nous voyons dans un verre, vulgairement appelé montevin, que par ses mêmes tuyaux le vin monte et l’eau descend. [20][71] Nous observons aussi qu’il sort des parties supérieures du pus tout pur, [72] par les veines et les artères, sans aucune teinture de sang, ou du moins fort légère. Nous voyons des fleuves qui, passant au milieu de la mer, y conservent la douceur de leurs eaux, sans qu’elles se mêlent avec celles de la mer, qui est salée, ainsi que témoignent ces vers :

Ac tibi cum fluctus subter labere Sicanos,
Doris amara suam non intermisceat undam
[21][73][74]

Si quelqu’un me demande ce qu’il me semble de ces deux veines lactées nouvellement inventées, comme elles sont décrites par Pecquet, je répondrai, avec Pline, omnium rerum sunt quædam in alto secreta et suo cuique Corde peruidenda[22][75] C’est pourquoi je n’en proposerai mon opinion que fort froidement et tremblant de même que les devins, qui ne disent rien que par les conjectures ; car j’ai [Page 187 | LAT | IMG] appris du Philosophe que φρονημα ταπεινον est une doctrine, [23][76] qu’il y a de certaine ignorance docte, et que ce n’est pas une moindre partie de la science de savoir qu’on ignore beaucoup de choses.

Ces deux veines lactées sont donc ainsi faites et disposées, peut-être afin que le sang qui coule avec trop de violence dans les artères par la circulation se rende plus grossier dans les veines, aux endroits où le tronc de la veine cave se divise, à savoir vers les rameaux axillaires et près des iliaques, [77] car le tronc de la veine cave reçoit ces veines lactées en ces deux lieux-là. [24] Peut-être aussi pour donner la nourriture à diverses parties du corps, qui naturellement requièrent des aliments différents, comme les os et la moelle ; peut-être pour la génération et réparation de la graisse [78] répandue par tout le corps ; peut-être pour produire la matière fibreuse nécessaire au sang, [79] à le rendre plus lent dans ses mouvements trop violents, ce qui est plus vraisemblable. [25][80] Peut-être ce chyle se verse-t-il dans le tronc de la veine cave, près des rameaux axillaires, afin qu’une portion du sang, s’étant épaissie par le mélange de ce chyle, demeure et tarde plus longtemps dans le cœur, pour y servir, comme d’un levain plus chaud et plus acide, à la préparation du nouveau sang artériel ; car le sang ainsi épaissi, s’étant fourré dans les petites fosses et recoins des ventricules, et sous les colonnes charnues ou musculeuses, s’y peut arrêter quelque temps, puisque tout le sang qui est contenu dans le cœur n’en sort point à chaque systole, y en restant [Page 188 | LAT | IMG] quelque petite portion cachée dans les lieux susdits.

Aussi d’ailleurs fallait-il que le sang fût composé de diverses substances pour la nourriture de diverses parties, afin que chacune d’icelles trouvât dans le sang, qui se distribue par tout le corps, quelque chose qui lui fût familier et symbolisant à sa nature, et le pût choisir parmi le reste, l’attirer et le convertir en sa substance. [26] De là vient que nous voyons [27] une substance grossière et fibreuse mêlée dans le sang, et une humeur pituiteuse, [81] prise et gelée au-dessus. Or, les fibres du sang semblent plutôt être produites de la portion la plus subtile du chyle qui se jette dedans le tronc de la veine cave, tant en haut qu’en bas, et non pas de celle qui se porte au foie, dans lequel le sang se produit uniforme, ou de même nature. Aussi les fibres du sang ne se peuvent point former et produire dans l’estomac, quoique Fernel l’ait écrit, d’autant que l’estomac, bien que nerveux, ne communique rien de sa substance au chyle, car s’il donnait tous les jours deux ou trois fibres de sa substance, il serait consommé en bref. [28][82] C’est pourquoi il est plus probable que les fibres du sang se forment de la matière grossière et pituiteuse, telle qu’est la portion du chyle la plus subtile, qui se coule par les veines lactées dans le tronc de la veine cave, en ses parties supérieure et inférieure.

Et lorsque nous voyons, environ l’épaisseur d’un petit doigt, une matière blanchâtre, collée et gelée au-dessus du sang que l’on a tiré par la saignée dans une poêlette, [83] elle ne provient pas tant de la pourriture et corruption du sang que de cette [Page 189 | LAT | IMG] portion susdite du chyle, qui sort avec le sang par l’ouverture de la veine et surnage au-dessus du reste dedans la poêlette, comme le moins recuit. [29] Que si elle est corrompue, ses fibres étant dissipées et putréfiées, elle se convertit toute en sérosité, inutile à nourrir le corps qui, pour cette raison, tombe en atrophie et devient tabide. C’est pourquoi les médecins ont accoutumé de rechercher avec un bâton large dedans les chaudrons où l’on a tiré du sang du pied, qu’il y a des fibres en quantité car, lorsqu’elles se trouvent, ils jugent le sang louable ; s’il n’y en a point, ils disent qu’il est fort corrompu. » [30] [Page 368 | LAT | IMG].

Omissions qu’il faut placer
aux endroits indiqués
.

Page 189 Ajoutez à la fin du chapitre, après pronuntiant. « Si ces veines lactées se trouvent en l’homme, peut-être que ce chyle se distribue aux rameaux axillaires et iliaques de la veine cave [Page 369 | LAT | IMG] afin qu’étant mêlé avec le sang d’en haut, elles fournissent un aliment visqueux et gluant à diverses glandes qui en sont voisines, comme aux glandes axillaires, à celles du larynx, du gosier, du dessous du menton, et aux autres du cou, qui sont placées le long de la veine jugulaire externe, [84] aux parotides, [85][86] et même aux mamelles des femmes. [87] Le chyle mêlé avec le sang d’en bas donne nourriture aux glandes des aines situées au-dessus et au-dessous des os pubis ; mais le chyle qui est contenu dans les canaux ou veines lactées du mésentère fournit de < la > nourriture à une infinité de glandes, et même au pancréas, qui est glanduleux. Et d’autant qu’il s’amasse beaucoup de graisse autour des dites parties glanduleuses, comme aux bras et au thorax, et aux parties inférieures, aux fesses et aux cuisses, ce même chyle semble servir à sa production et réparation.

La graisse du ventre répandue partout, et principalement vers les lombes, peut aussi provenir du chyle du mésentère. Cependant, vous remarquerez la sympathie [31][88] admirable qu’il y a du mésentère avec le cou, les aisselles et les mamelles, par le moyen de ces veines lactées : et pour ce sujet, le vice des glandes scrofuleuses, ou en un mot les écrouelles, [32][89] ne paraissent jamais en ces lieux-là que préalablement elles ne soient fondées ou enracinées dans le mésentère. C’est donc avec raison que les médecins, tant anciens que modernes, établissent l’origine des écrouelles dans les glandes du mésentère ; et < il > faut croire qu’elles ne se peuvent parfaitement guérir qu’on n’ait entièrement déraciné la matière grossière et visqueuse entassée en ces lieux-là ; mais pour quelle raison est-ce que ces tumeurs naissent plutôt [Page 370 | LAT | IMG] autour de la jugulaire externe, d’autant qu’elle est plus proche de l’insertion des dites veines lactées et qu’elle nourrit ces parties externes ? » [33][90][91][92][93]


1.

Paru pour la première fois en latin dans la première Responsio de Jean ii Riolan (1652, pages 175‑189), sous le titre de Commentatio adversus novum de venis lacteis commentum [Commentaire contre la fiction nouvelle des veines lactées], ce texte a été repris dans les suppléments (pages 688‑705) à la seconde édition française du Manuel anatomique et pathologique (Paris, 1661, v. note [8], Experimenta nova anatomica, chapitre i), issue de la dernière édition (posthume) de l’Encheiridium anatomicum et pathologicum (Paris, 1658, vnote Patin 37/514).

Tout en transcrivant la source latine (dans mes notes lat), j’ai ici repris (entre guillemets) et annoté la traduction du Sr Sauvin, qui a l’avantage, sans être strictement littérale, de respecter l’esprit du temps et d’avoir été approuvée par l’entourage académique de Riolan (mort en 1657). Pour faciliter la lecture de ce texte, ma transcription l’a respectueusement modernisé (détails de syntaxe, orthographe et ponctuation) et y a rétabli quelques mises en italique ou petites majuscules. Mes notes signalent à l’occasion des différences entre les deux textes : v. infra note [19] pour la plus notable.

2.

Contrairement à son traducteur, Jean ii Riolan citait fidèlement le latin de Tacite (vnote Patin 20/176), Histoires, livre i, chapitre i (préface), sur les règnes des empereurs Nerva et Trajan :

[…] rara temporum felicitate ubi sentire quæ velis et quæ sentias dicere licet.

[(…) par la rare félicité des temps où il est permis de penser ce que tu veux et de dire ce que tu penses].

3.

Allusion à deux des grandes querelles qui agitaient la « république des lettres » à Paris en 1652 : le jansénisme en religion (v. note [29], Responsio ad Pecquetianos, 5e partie), et l’antimoine en médecine (v. note [2], lettre de Jacques Mentel).

4.

Ce propos se réfère à l’idée générale que le foie règle le tempérament du corps (ou mélange de ses quatre humeurs), dont l’équilibre et le déséquilibre sont les causes de la bonne et de la mauvaise santé, sans claire allusion à un passage précis du corpus hippocratique.

Comme aujourd’hui la principale forme d’hémorragie spontanée de grande abondance était digestive (vnote Patin 5/410), par voie haute (hématémèse) ou basse (« flux de sang », méléna et rectorragie).

V. notes Patin 8/147 pour la dysenterie, forme la plus sérieuse des flux de ventre (diarrhées), 3/66 pour la cachexie (phtisie, consomption ou atrophie), et 12/08 pour l’hydropisie.

Pour répondre à Jean ii Riolan, Jean Pecquet a longuement exposé ses idées sur les différents flux de ventre dans l’expérience i de sa Dissertatio nova ; v. sa note [16].

5.

V. note [10], Experimenta nova anatomica, chapitre i, pour le passage de l’Histoire des animaux (livre ii) où Aristote a déclaré que le cœur forme le sang. Il a été contredit par sa postérité ; à ce qu’ils considéraient comme une embarrassante bévue, Jean ii Riolan et les péripatéticiens (ou aristotéliciens) opposaient deux autres passages du livre iii du même ouvrage. {a}

6.

Le Traité des signes, des causes et de la cure des maladies aiguës et chroniques, la plus importante contribution d’Arétée de Cappadoce {a} à la médecine du ier s. de notre ère, a été traduite du grec en français par L. Renaud (Paris, Ed. Lagny, 1834). Le chapitre vi, Des maladies du foie, du livre ii, Des signes et des causes des maladies aiguës, commence par cette déclaration (page 53) :

« Si on ne meurt pas aussi promptement d’une maladie de foie que d’une maladie de cœur, on en périt plus douloureusement, le foie étant en grande partie une concrétion de sang. Quand cependant il survient une cause de mort dans cette partie du foie que l’on nomme les portes, {b} on périt presque aussi promptement que dans la syncope. Car cette partie n’est rien autre chose qu’un tissu de membranes, de nerfs importants et déliés, et de gros vaisseaux : quelques philosophes l’ont même regardée comme le siège de l’âme appétitive. Il n’y a d’ailleurs aucun endroit où il puisse survenir une hémorragie aussi considérable, car le foie est la souche commune de toutes les veines. {c} Aussi est-il rare qu’il se forme dans ce viscère ou dans des endroits pareils une inflammation forte, < car > la mort la préviendrait bientôt ; et s’il s’y en forme de moins considérables, il arrive à la vérité que le malade échappe à la mort, mais n’évite pas une longue maladie, car la fonction qu’exerce le foie ne peut être supprimée ou suspendue impunément. C’est là en effet que se fabrique le sang, et c’est de là qu’il se porte au cœur et aux autres viscères. »


  1. Vnote Patin 3/407.

  2. Le hile du foie où lui arrive la veine porte.

  3. Ce dont ne doutait pas Jean ii Riolan dans sa conception de la circulation sanguine.

7.

V. note [31], première Responsio de Jean ii Riolan, 4e partie, pour Aristote sur la rate dans les Parties des animaux. Contrairement à ses commentateurs, il ne s’est guère préoccupé de l’« humeur mélancolique », bile noire sur laquelle Riolan n’a pas caché son scepticisme (v. note [29], 4e partie susdite) ; mais il semblait ici partager l’opinion de Gaspare Aselli sur les fonctions de la rate (De Lactibus seu Lacteis Venis, {a} chapitre xxxii, pages 74‑75) :

Galeni constans sententia est, < Lien > αντιστροφον esse, id est respondere ex adverso Vesicæ fellæ, et ut illa tenuem, ac igneam, quam bilem, ita hunc crassam, et terrestrem sanguinis partem, quam melancholiam vocant, ab hepate sese rapere, eandem mitigare in alimentum sui, et quod eius edomari non potest, per constituta ei rei vasa abijcere. Huic eius sententiæ duæ ex adverso sunt. Altera, quæ de officio quidem Lienis nihil mutat, id solùm negat, ab hepate allicere succum, quem conficiat. Illud siquidem contendit, antequam ad hepar perveniat chylus, segregatam iam a venis eius, per Splenicum ramum, melancholicam eius portionem, ad Lienem perferri, qui non alia, quàm hac causa, infrà iecur locatus sit, quà in unum Mesaraicæ coeunt, ac congrediuntur. Hæc sententia recentior est, et Varolium habet auctorem. Altera, socium hepati dat ad sanguinem conficiendum, aut certè vicarium subdit, eaque re ferri ad ipsum non minùs, quàm ad hepar chylum per Mesaraicas autumat. Antiquior hæc est, sed quam multi recentiores, aut sequuntur, aut saltem damnare non audent. Putantur in ea Plato, et Aristoteles fuisse, quorum ille Lienem εκμαγειον, id est expressam hepatis imaginem, ut quidem vertit Ficinus (nam Galenus aliter :) hic αντιζυγον eius και οιον νεθον ηπαρ, id est, iecur velut adulterinum, seu spurium dixit : nec id tantùm, sed vapores etiam vagantes divertere, attrahere ex ventriculo, et concoquere, ut qui sangineus sit. Quin Hippocrates quoque, et Galenus authores laudantur, nec sine causa fortasse. Hippocrates quidem certè hepate e affecto, inquit, Lien elaborat sanguinem. Apud Galenum hæc leguntur. Lien attrahit chylum à stomacho, et intestinis, ut hepar. Taceo Alexandrum, Areteum, et alios. Utramque sententiam falsi damnant venæ nostræ veræ chyli distributrices, et Galeni stabiliunt. Nulla enim, vel minima de illis ad splenem pertinet, à qua chyli aliquam partem possit capere.

[Galien {b} a constamment jugé que, par rapport au foie, < la rate > est la contrepartie de la vésicule biliaire : la première capte la partie épaisse et terrestre du sang, qu’on appelle la mélancolie, s’en nourrit et rejette ce qu’elle ne peut entièrement dompter par les vaisseaux dont elle dispose à cette fin ; la seconde en fait de même avec la partie subtile et ignée du sang, qu’on appelle la bile. Cette sentence les oppose l’une à l’autre. Sur l’une, Galien ne change rien à la fonction de la rate, mais nie seulement qu’elle tire du foie le suc qu’elle élabore, car il énonce qu’avant que le chyle ne parvienne au foie, sa fraction mélancolique, séparée de ses veines, se porte à la rate par le rameau splénique et, selon l’avis plus récent de Varole, {c} la seule raison pour laquelle elle est placée sous le foie est que les vaisseaux mésaraïques s’y rejoignent et réunissent en un tronc unique. Sur l’autre, la vésicule est donnée pour compagne ou du moins pour associée du foie en vue de parfaire le sang, et Galien affirme que la raison en est que le chyle y parvient autant qu’au foie par les mésaraïques. Ces notions sont fort anciennes, mais quantité d’auteurs modernes les suivent, ou n’osent du moins pas le contester. On pense que Platon et Aristote ont été de même avis, car Galien dit que pour eux la rate est une empreinte du foie, c’est-à-dire formée à son image ; ce que Ficin a exprimé (autrement que Galien) en disant qu’elle est comme un foie adultérin ou bâtard ; {d} mais sa fonction ne se limite pas à cela, car elle détourne et fait sortir de l’estomac des vapeurs errantes, qu’elle digère pour acquérir elle-même une nature sanglante. Ce n’est donc pas sans raison qu’on loue Hippocrate d’avoir dit, au rapport de Galien, que quand le foie est affecté, la rate élabore le sang. {e} Comme le foie, la rate attire le chyle de l’estomac et des intestins. Je passe sous silence Alexandre, Arétée et d’autres. {f} En tant que véritables conductrices du chyle, nos veines lactées dénoncent la fausseté des deux membres de cette dernière sentence, mais affermissent celle de Galien : elles ne permettent pas à la rate d’attraper la moindre partie du chyle venant de l’estomac et des intestins]. {g}


  1. V. note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre i.

  2. Utilité des parties, livre iv, chapitre xv (Daremberg, volume 1, pages 318‑322), livre vi, chapitre vi (ibid. pages 395‑397), etc.

  3. Constanzio Varolio, v. note [8‑2], Historia anatomica, chapitre iii, de Thomas Bartholin.

  4. J’ignore où le médecin et érudit Marsilio Ficino (Marsile Ficin, vnote Patin 109/8223), éditeur des Opera omnia de Platon, a proféré cette sentence grecque.

  5. La rate partage avec le foie l’hématopoïèse chez le fœtus, et peut retrouver cette fonction chez l’adulte lors de certaines maladies.

  6. Alexandre de Tralles est un médecin grec du vie s. V. supra note [6] pour Arétée.

  7. Pour Aselli (dont les idées n’étaient tout de même pas d’une limpidité absolue), les lactifères mésentériques gagnaient le pancréas, et non la rate, dont le rôle était de séparer l’atrabile (mélancolie) du sang.

8.

Au mot esprit, notre glossaire définit celui que le sang parachève dans le cœur : nommé vital, il est transporté dans l’ensemble du corps.

9.

Vnote Patin 4/436 pour les remèdes dits apéritifs (qui ouvrent les voies naturelles).

10.

Galien a surtout parlé des maladies du foie dans le livre v Des lieux affectés, en condensant sa pensée générale dans ce paragraphe du chapitre ix : {a}

« La fonction du foie étant, nous le savons, la génération du sang, nous disons de la cause destinée à le produire qu’elle est la faculté propre du foie. J’ajoute au mot faculté le terme propre à cause des facultés communes à toutes les parties qui sont en nous et dont j’ai parlé dans le traité Sur les facultés naturelles ; je veux dire la faculté attractive, rétentrice, expulsive, car la quatrième, la faculté altératrice en général, est sanguificatrice dans l’espèce. {b} Vous savez que l’essence de toutes les facultés réside dans le tempérament propre des parties. Quand donc le foie tombe dans une des huit dyscrasies, {c} il arrivera que ses facultés éprouveront les lésions propres à la dyscrasie dont nous avons traité de façon générale dans le troisième livre Sur les causes des symptômes ; le développement spécial et particulier à chaque partie {d} correspond aux notions générales. Ainsi, pour le foie, les dyscrasies chaudes brûlent et consument les humeurs qui s’y trouvent déjà et celles qui remontent par les veines du mésentère. Les dyscrasies froides rendent épaisse, malaisée à couler et à se mouvoir, celle qui est déjà renfermée dans le foie ; < et > pituiteuse, crue et à demi cuite, celle qui remonte. De même pour les deux autres dyscrasies : la sèche rend les humeurs plus sèches et plus épaisses ; l’humide les rend plus ténues et plus aqueuses. Quand donc vous voyez des déjections semblables à des chairs récemment lavées, que cela soit pour vous un signe infaillible d’une affection hépatique. » {e}


  1. Daremberg, volume 2, page 656.

  2. Dans le cas du foie.

  3. Chacune des quatre facultés susdites peut pécher par excès ou par défaut, ce qui aboutit à huit (voire seize) dyscrasies (déséquilibres humides ou secs, et chauds ou froids).

  4. Ou organe, comme est le foie.

  5. Lientérie (v. notule {h}, note [16], Nova Dissertatio de Jean Pecquet, expérience i), par défaillance de sa fonction digestive (seconde coction portant sur le chyle, qui lui, résulte de la première).

11.

Jean Pecquet a parlé de cacabus cordis [marmite du cœur] dans le chapitre v de sa Dissertatio anatomica, à la fin du premier paragraphe de la page 40. Le traducteur de Jean ii Riolan a manqué de fidélité à sa source : cor erit chyli cacabus, (ut loquitur ille) [le cœur sera la marmite du chyle (pour parler comme lui)].

12.

Jean ii Riolan a déjà émis cette critique dans la précédente partie de sa première Responsio (v. sa note [46]). Dans tout ce développement sur la toxicité de la bile et du chyle mêlés au sang, il feignait d’adhérer à la circulation harvéenne (v. note [33], Responsio ad Pecquetianos, 4e partie), mais ce n’était que pour mieux contrer Jean Pecquet qui en était un fervent défenseur.

13.

Traduction française de l’Anthropographie (Paris, 1629), livre ii, chapitre xxii, La vessie du fiel (page 307) :

« Quant à moi, c’est ma croyance, que la bile crasse va par le droit chemin du foie à l’intestin ; mais que la subtile est attirée du foie par la vésicule, même qu’elle y demeure tout autant de temps que son séjour y est nécessaire, jusqu’à ce qu’enfin, venant à piquer et agacer la faculté expultrice de la vésicule, elle est enfin mise dehors par son propre mouvement, la pesanteur du foie (par qui la vésicule est pressée) y contribuant en quelque sorte. »

14.

Nuance subtile : une personne malade (ægrotans) est affectée d’une maladie définie ; valétudinaire (valetudinaria), elle est en mauvaise santé générale, sujette à des maladies diverses, ou à une maladie récurrente (comme la goutte).

La diarrhée bilieuse était tenue pour un flux de ventre composé de bile (v. note [16], Dissertatio nova, expérience i), mais ne figure plus dans la nosologie moderne.

15.

Histoire naturelle de Pline l’Ancien, livre xi, chapitre lxix (Littré Pli, volume 1, page 456), sur le cœur :

Solum hoc viscerum vitiis non maceratur, nec supplicia vitæ trahit, læsumque mortem illico affert. Cæteris corruptis, vitalitas in corde durat.

« Seul de tous les viscères il n’est pas affecté de maladies, et ne prolonge pas le supplice de la vie ; blessé, il cause aussitôt la mort. Tous les autres viscères étant lésés, la vitalité persiste encore dans le cœur. » {a}


  1. Voilà à quoi semblait se résumer la cardiologie dans l’Antiquité.

Dans le livre iii du Pronostic fondé sur les pouls (Kühn, chapitre iii, volume 9, page 342) Galien dit que la putréfaction du cœur est liée à la peste et qu’elle est mortelle et incurable.

16.

Le texte latin est plus précis : in meæ Anthropographiæ Mantissa [dans l’addition à mon Anthropographie] mais cela ne m’a pas aidé à trouver où il a réfuté les idées de Gassendi sur le chyle, {a} telles qu’elles sont exposées dans l’anonyme Discours sceptique sur le passage du chyle et le mouvement du cœur, {b} pages 30‑38 :

« J’assistai autrefois à l’ouverture d’un homme qui fut pendu environ deux heures après qu’il eut dîné, et on me fit la faveur, pour contenter ma curiosité, d’ouvrir promptement les parties qui servent à la nutrition. Je vis dans son estomac une partie des viandes {c} qu’il avait mangées, et particulièrement du fromage et des choux, qu’il avait moins mâchés, étaient encore connaissables. Ce qui était déjà dissous et qui était de plus liquide était sorti et coulait encore peu à peu : car le chyle n’attend pas que la digestion de la viande {c} soit faite pour sortir de l’estomac tout en même temps ; mais il en coule peu à peu à mesure qu’il se forme, et selon qu’une partie de la viande {c} est plus ou moins aisée à digérer. Ne pense pas aussi qu’il s’exprime de l’estomac tout pur et tel qu’il doit être porté au foie ; mais plutôt qu’il en sort fort mêlé avec les excréments. {d} Je pris garde alors qu’il y avait de la même liqueur jaunâtre et dans le fond du ventricule, {e} et dans le duodénum, et tout le long du canal cholédoque, voire même jusque dans les moindres branches qu’il sème dans le foie. Or cette expérience me semblait une démonstration manifeste du passage du chyle par ce conduit ; et ce qu’on {f} attribue cette teinture jaune à la bile me faisait soupçonner que, la bile étant une humeur chaude, il se pourrait bien faire qu’elle servît de véhicule au chyle, le poussant en haut, et dilatant le tuyau qui lui donne passage. Ce que je vous ai déjà touché favorisait ma pensée, à savoir que comme l’âpre artère {g} ne sert pas tant seulement à conduire l’air que nous respirons dans la poitrine, mais aussi, après que la partie la plus déliée y est arrêtée pour entrer en la composition des esprits vitaux, à en laisser sortir ce qui demeure de moins pur, avec les fuliginosités {h} qui s’élèvent tant du cœur que de toute cette moyenne région ; que de même, dis-je, ce canal cholédoque pouvait servir non seulement à porter le chyle moins épuré au foie, mais aussi, après que la plus louable partie y est arrêtée, à renvoyer la bile, comme un excrément qui n’y est plus d’usage. […] Mais du depuis ayant lu l’observation d’Aselli, son opinion de faire passer le chyle par les veines lactées me parut d’abord plus vraisemblable, à cause de trois remarques qu’il apporte fort judicieusement : la première est que ces veines lactées ne sont visibles qu’en un animal qui a repu ; {i} la seconde, que si on presse les intestins pleins encore de chyle par en haut et par en bas, on voit enfler ces veines lactées d’une liqueur blanche, dont elles se remplissent ; la troisième, qu’il a découvert en ces veines des petites valvules, qui empêchent si exactement le chyle de retourner dans les intestins qu’on ne saurait, quoiqu’on presse avec le doigt, le faire rentrer. J’ai, dis-je, tenu cette opinion d’abord beaucoup plus plausible et j’en fais encore un grand état. Toutefois, considérant de plus près la chose, j’y ai trouvé des difficultés qui me font suspendre mon jugement. »


  1. V. note [5], 3e partie de sa première Responsio, pour ce que Jean ii Riolan a écrit sur les veines lactées dans le livre vii de son Anthropographie (1649), mais sans parler de Gassendi.

  2. Leyde, 1648, vnote Patin 26/152, ouvrage attribué à Samuel Sorbière, où sont exposées les idées de Gassendi.

  3. Terme général désignant tous les aliments ingérés.

  4. Débris alimentaires non digestibles.

  5. De l’estomac.

  6. Le fait qu’on.

  7. La trachée-artère.

  8. Suies légères se déposant lors de la combustion de certains corps organiques (Littré DLF).

  9. Repaître dans le sens ancien, non réfléchi, de « manger pour se nourrir, prendre son repas » (Furetière).

Gassendi développe ensuite les arguments qui le mènent à conclure que sa première idée (mélange du chyle à la bile) était la bonne (pages 46‑47) :

« Il se peut faire donc, comme je me l’imaginais autrefois, que cette liqueur, semblable à du lait tandis que l’animal est en vie, soit la matière de la graisse du mésentère qui se caille et s’épaissit en la mort de l’animal, lorsque la chaleur naturelle s’évapore ; et par ainsi, ce ne serait pas tant du chyle sucé par les intestins pour être transporté au foie qu’un suc dérivé du pancréas, où il a été cuit et changé de sang qu’il était auparavant, et cela afin que les boyaux et les membranes du mésentère, qui en sont arrosées bien davantage que des veines rouges mésaraïques, en reçoivent du rafraîchissement contre la chaleur des excréments qui sortent presque tout bouillants de l’estomac. »

Riolan ne pouvait évidemment partager cette opinion aberrante.

17.

18.

19.

Ce passage important mérite une traduction moins embrouillée que celle de Sauvin :

Talis est glandula illa magna differta chylo, non est ventriculus, sed spongiosum corpus, ex quo depromunt suum chylum, canales ad Hepar delati, alij duo Pecquetiani ad superiorem truncum Cauæ ascendentes, alij in truncum inferiorem venæ Cauæ insinuati.

[Telle est cette grosse glande remplie de chyle, qui n’est pas faite en forme de petite cavité, mais est un corps spongieux, d’où le chyle est puisé par des canaux, dont : [1] les uns gagnent le foie ; [2] les deux canaux pecquétiens montent s’insérer dans le tronc de la veine cave supérieure ; [3] et d’autres s’insinuent dans le tronc de la veine cave inférieure].

Le même traducteur de 1661 {a} a préféré omettre une phrase de Jean ii Riolan dont Jean Pecquet a fait ses choux gras en 1654 : {b}

Nunc liberè meum iudicium interponam de venis lacteis ; Post multas cogitationes et obseruationes super ea re peritior factus, dies diei eructat verbum, et nox nocti indicat scientiam, ut est in Scriptura sacra.

[J’ajouterai librement ici mon jugement sur les veines lactées : après maintes cogitations et observations sur la question, j’entends mieux ce que dit la Sainte Écriture : dies diei eructat verbum, et nox nocti indicat scientiam]. {c}


  1. V. supra note [1].

  2. V. note [10], Nova de lacteis Dissertatio, expérience i.

  3. Psaumes, 19:3, sur la gloire de Dieu : « le jour au jour en publie le récit, et la nuit à la nuit en transmet la connaissance. »

20.

Je n’ai trouvé le montevin (monte-vin) passablement défini que dans A Dictionarie of the French and English tongues. Compiled by Randle Cotgrave [Un Dictionnaire des langues française et anglaise. Réuni par Randle Cotgrave] (page non numérotée): {a}

A strait-mouthed vessel of glasse, which if you fill with wine, and another of te same fashion with water, and then set this upon that, the wine will straight mount through the water to the top of the one vessel, and the water descend through the wine to the bottom of th’other, without mixture of either with the other.

[Récipient en verre à embouchure droite : si vous le remplissez avec du vin, et un autre de même facture avec de l’eau, puis les placez l’un sur l’autre, le vin montera tout droit à travers l’eau jusqu’au col du premier récipient, et l’eau descendra à travers le vin jusqu’au fond du second, sans que les deux liquides se mêlent l’un à l’autre]. {b}


  1. Londres, Adam Islip, 1611, in‑4o ; le philologue anglais Randle Cotgrave, mort en 1634, doit sa célébrité à ce premier dictionnaire du genre.

  2. Voilà qui est fort peu intelligible. David Laigneau {i} a parlé du montevin à la page 226 de son Traité pour la conservation de la santé, et sur la saignée de ce temps…, en termes proches de Jean ii Riolan, mais en parlant des abcès du poumon : {ii}

    « […] se rompt et purge, < et > dans quarante jours, la guérison s’ensuit (autrement un tabès survient, selon Hippoc. aphor. 15. §. 5.) {iii} par le ventricule gauche du cœur (s’il en avait le savoir), et de la porte aux reins et à la vessie ; < il > ne nuirait point et n’infecterait le sang, mais il passerait subtilement et doucement à travers d’icelui, comme on voit dans un monte-vin, en l’un desquels est le vin, et dans l’autre vaisseau est l’eau, qui est deux vaisseaux de verre, le col de l’un entrant dans le col de l’autre, et passent à travers l’un de l’autre {iv} visiblement se séparant et retirant chacun au vaisseau l’un de l’autre, sans mélange […]. »

    1. Docteur en médecine de Montpellier mentionné dans la notule {a} de la note Patin 10/294.

    2. Paris, Mathurin Hénault, 1650, in‑4o de 818 pages : je n’ose imaginer que Riolan, grand ennemi des médecins de Montpellier, soit allé puiser là sa science du montevin.

    3. Littré Hip, volume 4, page 537 : « Ceux qui sont infectés d’empyème, à la suite d’une pleurésie, guérissent si la poitrine se purge dans les quarante jours, à partir de celui de la rupture ; sinon, ils tournent à la phtisie. »

    4. Le pus et le sang, dans le cas considéré ici.

    V. notes [10] et [11], Nova dissertatio, expérience iii de Jean Pecquet, pour son explication sur le fonctionnement du montevin.


Quels que soient le fonctionnement et l’utilité exacts du montevin, la physiologie moderne a établi que le mélange de deux liquides corporels distincts dans les mêmes vaisseaux est pure rêverie, en dehors de circonstances pathologiques.

21.

« Puisse ton onde, coulant sus les flots de Sicile, ne se mêler jamais avec l’onde amère de Doris » : Virgile, Bucoliques, églogue x, vers 4‑5 (avec Ac pour Sic), où Doris, fille d’Océan et de Téthys, est la sœur de Nérée, qu’elle épousa pour donner naissance aux Néréides.

22.

« En toutes choses il est des secrets profondément cachés, c’est à l’intelligence de chacun à les pénétrer » : Pline, Histoire naturelle, livre xvii, chapitre iii, sur la fertilité variable des sols, Littré Pli, volume 1, page 612.

23.

Longin ou le Pseudo-Longin {a} a blâmé le « sentiment des humbles » dans son Traité du sublime (section ix). Comme en écho à la pensée de Jean ii Riolan, François de La Mothe Le Vayer {b} a plus tard commenté ces deux mots grecs : {c}

« Car il y a des connaissances imparfaites, qui sont plus présomptueuses mille fois que la véritable science, si tant est qu’il y en ait. La solide doctrine est toujours accompagnée de modestie, et même d’humilité, φρονημα ταπεινον dit le Philosophe ; les demi-savants seuls sont d’autant plus altiers qu’ils croient savoir ce qu’ils ne savent nullement. »


  1. Vnote Patin 2/756.

  2. Vnote Patin 14/172

  3. Derniers petits traités en forme de lettres écrites à diverses personnes studieuses (Paris, Augustin Courbé, 1660, in‑8o), lettre x, D’un homme de grande lecture, page 181.

24.

Jean ii Riolan admettait que du chyle se mêle au sang veineux cave, mais lui cherchait une fonction autre que la sanguification cardiaque (qu’il rejetait catégoriquement). Il raisonnait en admettant l’abouchement du canal thoracique dans les veines axillaires (subclavières), mais en supposant l’existence d’un autre canal (que Jean Pecquet n’avait pas mis en évidence) permettant à la citerne du chyle de se drainer aussi dans la veine cave inférieure, au-dessus de la jonction des deux iliaques primitives. En outre, dans sa conception de la circulation du sang, il estimait (me semble-t-il) que les veines le délivrent à la périphérie du corps (tout en l’en faisant aussi remonter, par alternance).

25.

Les spéculations de Jean ii Riolan sur le rôle du chyle dans la formation de la « matière fibreuse » du sang, c’est-à-dire dans celle de la fibrine lors de la coagulation (v. notes [6], chapitre v de la Dissertatio anatomica, et [28] infra), s’avèrent aujourd’hui infondées.

En revanche, ce qu’il disait de la graisse corporelle (adeps) ne manquait pas de pertinence. Avec « les os et la moelle » (ossa et medulla), il frôlait même peut-être la fonction des lipides véhiculés par le chyle dans la formation des cellules sanguines au sein de la moelle osseuse (v. notule {f}, note Patin 5/1402), mais sans disposer des connaissances requises pour donner corps à son idée.

26.

L’adjectif « symbolisante », synonyme de « conforme », ne figure pas dans le latin d’origine, qui se contente de familiare.

Avec ses « diverses substances » véhiculées par le sang, Jean ii Riolan pouvait-il ici pressentir les trois grandes classes de nutriments corporels : glucides, protides et lipides ?

27.

Dans la poêlette (ou palette) qui recueille le sang de la saignée, où il coagule, et dont il sera explicitement question un peu plus bas.

28.

Physiologie de Jean Fernel, livre vi, chapitre vii, Du sang, et comme il est contenu dedans les veines (pages 574‑576) : {a}

« [Le sang] est distingué par cette différence des autres humeurs, qu’étant séparé d’icelles et étant tombé des veines au dehors, ou dedans le ventre, ou dedans la vessie, ou dedans la matrice, ou dedans les intestins, ou dedans la capacité du thorax, ou soit qu’il tombe enfin dans une autre partie, il se prend et se fait en grumeaux, ce que n’ont point les autres humeurs. Or, la prochaine et la continente cause de sa concrétion ou caillement, ce sont les fibres qui sont contenues et confuses dedans le sang de tous les animaux […]. Et s’il ne pouvait point du tout cailler ni prendre, il n’aurait point aussi la vertu et le pouvoir de nourrir le corps, et de le changer et convertir en une substance plus solide. {b}

Les fibres sont si exactement et si soigneusement confuses avec le sang, et tellement mêlées, que dedans un sang chaud, l’on ne les peut point du tout reconnaître avec les sens, ni en celui qui est déjà caillé et congelé par le froid. Toutefois, on a accoutumé de les diviser et séparer de cette façon et manière : ou en le passant par un linge chaud et tiède, ou en le remuant par une fréquente agitation, avec un bâton ou avec la main, tant qu’il soit refroidi, tout de même que les femmes ont accoutumé de faire et composer le boudin. Et même aussi, quand on a incisé la veine malléole du pied, {c} on a accoutumé de laisser couler le sang dedans un bassin plein d’eau tiède ; incontinent qu’elle est refroidie et qu’elle a été un peu en repos, elle est toute teinte de la plus pure portion du sang, et ces fibres tombent au fond, étant du tout adhérentes et blanches ; {d} lesquelles ont fait tomber plusieurs en erreur par la ressemblance qu’elles ont à la pituite amassée ensemble ; et toutes les fois qu’elles en auront été ôtées et soustraites, le reste du sang sera beaucoup éloigné de se cailler et de se prendre, à quoi il serait autrement porté de soi et de sa nature, comme aussi de l’excellente vertu et faculté de pouvoir nourrir.

Le chyle contracté dès la première coction des fibres du ventricule, {e} lequel étant presque tout nerveux, il lui communique en quelque façon sa substance, {f} et telle que nous le voyons en plusieurs choses qui sont rendues par le vomissement, et dedans les propres et particuliers excréments du ventricule {e} et des intestins, c’est à savoir en ceux qui < sont > très fort pituiteux, lents et gluants ; et en après le chyle étant tombé dedans le foie, il acquiert la véritable substance et couleur du sang. C’est pourquoi le sang tire du ventricule {e} la vertu et la faculté de se prendre et de se cailler, {f} par l’erreur et le vice duquel tout le corps devient presque pour l’ordinaire tout sec et aride, le sang étant privé et destitué des fibres. »


  1. Édition française de Paris, 1655 (v. notule {a}, note [3], Dissertatio anatomica, chapitre xii).

  2. Le sang procure au corps de quoi former les fibres (protéines) qui lui confèrent sa solidité (principalement le collagène).

  3. Saignée de la veine saphène, à la cheville, v. note [2], Historia anatomica, chapitre xiii.

  4. Inextricable combinaison de coagulation et d’hémolyse.

  5. Estomac.

  6. Passage que Jean ii Riolan critiquait, en dépit de tout le pieux respect qu’il avait pour Fernel.

29.

V. note [34‑3], première Responsio de Jean ii Riolan, 4e partie, pour la graisse du chyle qui surnage normalement dans le sang prélevé après un repas.

30.

si defuerint, valde corruptum pronuntiant : ainsi s’achève le Discours contre la nouvelle Doctrine des Veines lactées dans la première Responsio de Jean ii Riolan parue en 1652. À la fin de son livre, il a ajouté une remarque que Sauvin a traduite et augmentée dans sa version française (1661, pages 702‑705), tirée de la dernière édition (posthume) de l’Encheiridium anatomicum (Paris, 1658, v. supra note [1]), supplément, pages 503‑504.

L’intérêt de cette addition de 1652, rallongée et traduite en 1661 (v. infra note [33]), est aujourd’hui de voir si le raisonnement de Riolan allait le mener jusqu’à penser que le chyle des veines lactées n’est que la partie graisseuse du suc tiré des aliments par l’intestin grêle.

31.

Vnote Patin 4/188 pour le sens médical du mot sympathie, dont le contraire était l’antipathie.

Le paragraphe précédent a lié pêle-mêle le chyle à la tuméfaction des relais lymphatiques (lymphonœuds devenant ganglions ou adénopathies) du cou et des aisselles, aux parotides (oreillons, vPatin, Mémorandum 5), à la production du lait dans les mamelles et au tissu adipeux.

32.

Après avoir imaginé un lien entre le chyle et les adénopathies (cervicales, céphaliques, axillaires et inguinales), Jean ii Riolan en venait à leur ulcération (écrouelles d’origine tuberculeuse, vnote Patin 10/274).

33.

Jean ii Riolan a ainsi poursuivi dans son Encheiridium anatomicum posthume de 1658 : {a}

« Si quelqu’un me demande à quoi sert en la pratique de médecine la recherche si curieuse des veines lactées, il le pourra connaître par les remarques suivantes et autres semblables. Il y a vingt ans qu’Aselli a mis au jour son livre des Veines lactées chylifères, lesquelles il a trouvé à la dissection des animaux vivants, et les < a > destin<ées> à porter le chyle, ayant montré qu’elles sont différentes et séparées des veines mésaraïques. Telles veines lactées sont si bien reçues et approuvées en toutes les académies que personne n’en doit désormais plus douter, bien que de Wale décrive autrement leurs distribution et progrès que n’a fait Aselli, leur inventeur ; {b} mais outre les veines lactées, je crois que les veines mésaraïques, en cas de nécessité, c’est-à-dire quand les lactées sont entièrement bouchées, peuvent faire le même office, suppléant au défaut des lactées afin que la distribution du chyle, qui est intercepté dans les veines lactées, ne cesse point entièrement.

Il me souvient d’avoir jadis souvent vu et montré publiquement dans les cadavres des hommes pendus auxquels on avait fait faire un bon repas un peu devant leur supplice, des veines blanches parsemées dans le mésentère, lesquelles j’ai toutefois prises pour les mésentériques, sans avoir recherché leur origine ni leur distribution ; mais je souhaiterais à présent qu’on fît bien dîner les hommes destinés au gibet, trois ou quatre heures devant leur supplice, afin qu’on pût, incontinent après qu’ils sont morts, observer ces veines lactées ; {c} car cela servirait beaucoup à la connaissance et à la guérison des maladies, d’autant que l’on peut connaître du mouvement du chyle les indispositions de l’estomac, les maladies des boyaux, du mésentère et des parties concaves du foie ; car plusieurs de ces maladies dépendent du vice de la concoction dans l’estomac. D’autres viennent des empêchements qu’il y a en la distribution du chyle au foie, étant très certain que la seconde digestion ne corrige pas les défauts de la première ; et par conséquent, le chyle qui est corrompu, ou dès l’estomac, ou pendant le chemin qu’il fait pour se porter à la partie concave du foie, retombe comme inutile dedans les gros boyaux ; ou bien, s’il est porté par les veines lactées jusqu’au foie, soit il obstrue les veines lactées, soit il imprime son vice à la partie concave du foie et gâte ces parties. C’est d’où proviennent ces divers flux de ventre qui sont produits aussi bien du foie et du mésentère, que de l’estomac et des boyaux. {d}

Or, pour bien discerner, vous devez considérer à l’estomac la constitution de sa substance membraneuse, la digestion, la dissolution et la distribution de l’aliment ; et dans sa distribution la vertu péristaltique ou astringente des boyaux, leurs plis et replis, ou rugosités destinées à retarder ou arrêter le chyle en iceux autant qu’il est nécessaire. Puis vous examinerez la liberté des conduits jusqu’au foie, c’est-à-dire si les veines lactées ne sont pas bouchées depuis leur principe jusqu’au foie ; si pareillement les autres conduits, qui rapportent le sang du foie, et les autres humeurs superflues, sont libres. Par ce moyen, vous discernerez plus facilement le flux cœliaque du lientérique, et tous ces deux de la diarrhée chyleuse, ou séreuse, < et > du flux mésentérique et hépatique ; et par conséquent, vous remédierez avec beaucoup plus de facilité et de succès à chacun de ces flux de ventre, pourvu que vous ayez la connaissance de toutes ces choses, à laquelle est absolument nécessaire celle des veines lactées. Voilà ce qui oblige les véritables médecins à les rechercher dans le corps humain avec tant de curiosité, qui ne peut être excessive, < et > beaucoup moins inutile < encore >, puisqu’elle peut rapporter tant d’utilité au public. »


  1. V. supra note [30], toujours ici dans la traduction de Sauvin (1661).

  2. V. supra note [18].

  3. Riolan ruminait son remords de ne pas avoir porté une suffisante attention aux veines lactées qu’il disait avoir observées chez les pendus gavés de nourriture avant leur trépas : v. note [5], 3e partie de sa première Responsio.

    Les dissections de condamnés réalisées par Thomas Bartholin à Copenhague en 1652 (chapitre v de son Historia anatomica) et par Charles Le Noble à Rouen en 1655 (seconde partie de sa lettre à Riolan) avaient clairement convaincu Riolan, mais un peu tard, de leur intérêt pour comprendre la physiologie du chyle.

  4. V. le point vi de la Nova dissertatio, expérience i, de Jean Pecquet pour son long développement (difficilement intelligible aujourd’hui) sur les diarrhées chyleuses et hépatiques (ou bilieuses).

Telles sont les toutes dernières pensées de Riolan sur le chyle. Sa conclusion et ses prolongements revenaient sur ce qu’il avait dit au début de son Discours quant à l’intérêt des veines lactées pour la compréhension des maladies digestives (v. supra note [4]), mais sans y apporter d’arguments plus convaincants, ni céder un pouce à la sanguification cardiaque de Jean Pecquet.

Le point essentiel, hélas, est que, mis à part Le Noble, ni Riolan ni aucun de ceux qui débattaient alors âprement sur le chyle (Pecquet, Thomas Bartholin, William Harvey, Jacques Mentel, Pierre De Mercenne, etc.), n’ont imaginé que les aliments puissent passer des intestins dans le sang par deux voies distinctes : veines mésaraïques allant au foie pour les sucres et les viandes (au sens restreint de protides) ; veines lactées allant au cœur (puis au foie) pour les graisses.

a.

Page 175, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

Commentatio aduersus nouum de Ve-
nis Lacteis Commentum
.

Rara temporum felicitas, inquiebat
Tacitus, ubi sentire quæ velis, et quæ
sentias dicere licet
 ; Id nimis hodie licitum,
neque legibus vetitum in Religione, et
Medicina, magno Reipublicæ detrimen-
to, dum nouis opinionibus, erroneis, ac
perniciosis, quisque ad libitum indulget :
prisca annorum nostrorum vera Religio de-
struitur ; atque Medicina vetus ac vera, tot
sæculorum experientiis confirmata cor-
rumpitur, nouis figmentis opinionum, et
venenatis pigmentis medicamentorum,
ad necandos homines introductis, et im-
pune exhibitis. Nunc ut quisque vult fin-
git facitque Medicinam ; libertas vnicui-
que concessa dandi quidquid lubet pro
medicamento. Iam non sanat Medicina,

b.

Page 176, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

sed quidquid videtur sanasse Medicina est.
Imò iam maxima pars scientiæ cœpit esse,
sanare non posse. Id accidit ex veræ Me-
dicinæ ignorantia, docti, peritique Me-
dici contemptu. Nec mirum si tot falsis
opinionibus conspurcata et deformata
spectetur Medicina, ut pristinam faciem
vix retineat, ac præ se ferat. Ad euerten-
dam hominis structuram symbolam suam
attulit Pecquetus, sua doctrina noua, ac
inaudita, quæ veterem atque hodiernam
siue nostram Medicinam funditus euertit,
tam in Physiologia, quàm Pathologia,
et Therapeutica. Quippe si iecur non est
amplius pars princeps, naturalis faculta-
tis sedes, sanguificationis opifex, sed vili
ministerio addictum, nempe bilis excre-
mentitiæ expurgationi in Sanguine venæ
Portæ contentæ ; morbi, qui in hepate
collocantur, ex eius actione læsa, scilicet
imminuta vel abolita attractione, et re-
tentione chyli, vel ex furstratione sangui-
ficationis, quales sunt diarrhœa chylosa,
diarrhœa hepatica, cachexia, atrophia,
hydrops ; non amplius dependebunt ab
hepate, sed ex istis vasis lacteis nuper de-
tectis, vel ab ipso Corde, et pulmonibus.
In istarum partium commemoratarum
curatione non amplius respiciendum erit
iecur ; Nec ad idi viscus dirigenda sunt

c.

Page 177, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

remedia. Propterea nouam medendi me-
thodum inuenire, et condere necessum est ;
Nam si Hepar non sit hæmatoseos off
na, frustra corruptiones massæ sanguineæ
repetuntur ab hepate, frustra laboratur in
eius correctione, et expurgatione, frustra
accusatur Hepar, author hydropisis, ex fru-
strata sanguificatione, frustra in profluuio
Sanguinis recurritur ad Hepar tanquam
ad fontem Sanguinis, eique adhibentur
remedia. Turpiter hallucinatus est Hip-
pocrates
, cum sanitatem, et integritatem
partium corporis florenti iecori tribuit.
Ipsemet Aristoteles etiam deceptus fuit, et
contra suam opinionem scripsit, iecur ad
temperiem sanitatemque corporis pluri-
mum conferre, quia finis est eorum, quæ
sunt in Sanguine, et omnium viscerum
excepto Corde refertissimum. Desipiebat
adhuc, cum asseruit naturam excremen-
torum receptacula iuxta iecur apposuisse,
ut genitus Sanguis ab humoribus excre-
mentiis expurgaretur, qui innoxie ad
Cor deferri non poterant. Delirabat Are-
teus
, quando scriptis prodidit, quanto ad
sanitatem iecur melius est, tanto deterius
à morbis afficitur. Si lien parem habet
vsum et officium cum iecore ad expurga-
tionem massæ sanguineæ sugendo acidi-
tatem, nullatenus ad sanguificationem

d.

Page 178, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

opitulabitur. Delirarunt omnes Medici
et Anatomici, quando de actione lienis
tractarunt. An humori melancholico se-
cernendo, vel excipiendo inseruiret, an
hæmatosi defectu iecinoris male affecti
au corrupti, an superfluas humiditates
chyli emulgeret et absorberet, ut voluit
Aristoteles : omnes Peripatetici, qui ex pro-
fesso patrocinantur Aristoteli, statuunt in
iecore præparari Sanguinem, perfici in
Corde, ibique vim nutritiuam, ac vita-
lem, atque calorem assumere, eo in loco
adhuc recoctum, ut fiat vitalis. Decipiun-
tur quotidie Medici, falluntque suos æ-
grotantes, quum ortum, et fundamen-
tum morborum pene omnium constituunt
in obstructionibus hepatis, lienis, mesen-
terij, pancreatis, et ad partes illas rese-
randas remedia sua dirigunt ; Nullum vi-
scus magis obstructionibus obnoxium
prididt Galenus, quam Hepar, propter
variam alimentorum mixturam, quibus
conflatur chylus, quinetiam propter va-
sorum exilitatem, quæ in hepatis substan-
tiam disseminantur. At si iecur non am-
plius admittat chylum, isthæc morbo-
rum causa cessat. Nec amplius quærendæ
morborum diuturnorum et contuma-
cium causæ in obstructionibus istarum
partium iam ceommemoratarum.

e.

Page 179, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

Itaque crudus, indigestusque chylus ex
variis eduliis conflatus, per longissimas
venas, à lumbis ad subclauios ramos ve-
næ Cavæ deductus Cordi diditur. Ac pro-
inde Cor erit chyli cacabus, (ut loquitur
ille) ollaque coquinaria elaborando San-
guini destinata, atque per ventriculum
dextrum in pulmones suas sordes ibi re-
linquit, vel secum reuehit in ventriculum
sinistrum Cordis, inde in Aortam, quæ
prim arecipiet sordes, antequam ad ve-
nas perueniant ; Si Sanguinis per venam
Cauam labentis bilis secernitur in reni-
bus, si bilis Sanguinis per venam Portæ
fluentis separatur in iecore, vtraque bilis
continebatur chylo, et sic impurus tradi-
tur, et truditur in Cor et pulmones, nec
fit istius excrementi secretio, nisi post
multas reuolutiones Sanguinis per venas
et arterias. Ergo Cor et pulmones deteriùs
nutriuntur quam reliquæ partes corporis,
quia primæ excipiunt impurum chylum.
Atque eodem Sanguine impuro per ca-
rotidas arterias transmisso, cum spiritu vi-
tali cerebrum nutrietur, ex quo suum
animalem spiritum cudet, et formabit :
(qui debet esse purissimus et subtilissimus)
quod ipsi cerebro, eiusque functionibus,
tam ministris, quam principalibus non
potest non officere, et incommodare.

f.

Page 180, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

Nam portio Sanguinis arteriosi, qui per
truncum superiorem Aortæ transfertur in
partes superiores, si comprehendas ca-
put, æqualis erit alteri, qui ad partes in-
feriores ablegatur. Ac proinde in omni-
bus pulsationibus Cordis admissus in
Corde chylus et expulsus cum Sanguine,
cerebro non leuem noxam inferre potest.
Præterea, in hepate fatetur duplicem bilem
contineri, unam subtilem in cysti : alteram
crassiorem, quæ per meatum fluit, utram-
que expurgari per intestina
. Ac proinde in-
quinabit chylum, qui cum isto inquina-
mento per venas lacteas dorsales defere-
tur ad Cor. Sed quorsum in isto Sanguine
Portæ eiusdem naturæ duplex bilis reperi-
tur in hepate diuersis locis secreta, et re-
condita : (quod deprompsit ex Riolano,
qui causas assignauit in sua Anthropogra-
phia, capite de cysti fellea) ipse non ex-
plicat.

Si ab hepate diarrhœa biliosa addisuè
fluat per intestina, chylus erit conspurca-
tus, biliosis, paruisque humoribus refertus,
qui ad Cor ascendent.

Interdum alimentum liquidum in vale-
tudinariis, et ægrotantibus non potest in
chylum verti à ventriculo male affecto.
Attamen si istud alimentum fuerit succi
laudabilis, attrahitur et emulgetur ad he-

g.

Page 181, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

pate exsucco, ut queat alimoniam, fame-
licis partibus suppeditare : tumque in
Sanguinem qualemcumque vertitur. At si
iste succus à venis lacteis exsugatur, loco
chyli delatus ad Cor, periculose nocebit
Cordi et pulmonibus, totique arterioso,
et venoso generi.

Scriptum est ab Aristotele, et repetitum
à Plinio, solum in Cor in corpore vitiis non
maceratur, nec vitæ supplicia trahit ; si
putredinem intra se concipiat, nullum est
remedium tam potens, et efficax, quod
eam possit eluere, aut emendare, ex Gale-
no
. Itaque non est probabile naturam vo-
luisse, Cor principem corporis partem
sordibus obruere. Nam eius gratia sunt
reliquæ oartes corporis conditæ. Cum igi-
tur anima multorum opinione habitet in
Corde, et Sanguis arteriosus perhibeatur
animatus beneficio animæ ; Quis sanæ
mentis credat Cordis viscus, solium ani-
mæ, Solis astrum, in suo conclaui culi-
nam corporis exercere, et omnes impurita-
tes aluinæ regionis eò transferri ; si hoc
ita fieret, miserabilis et ærumnosa foret
hominis vita, multis incommodis obno-
xia, ex sordibus chyli supernè remeanti-
bus.

Si venæ istæ lacteæ sint instratæ, et fir-
miter affixæ vertebris lumborum, et dorsi,

h.

Page 182, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

cumque sint tenuissimæ, ac proinde fran-
gibiles, si luxantur vertebræ plurimæ in
cyphosi magna, dum violenter spina in
lumbis et dorso contorquetur ; possunt
istæ venæ simulque receptaculum chyli
effrini in violentis motionibus lumbo-
rum.

Etsi supra lumbos iacet inter duos re-
nes et musculos Psoas, istud Receptacu-
lum, quid opus est incitabulo per hepatis
pistillum, beneficio respirationis ? quid
contractione musculari ? Nec alia opus
est probatione, per mechanica artificia,
si solus motus lumborum sufficit ad pel-
lendum chylum, quod tu ignorabas.

Quamuis venæ lacteæ extent reuera,
non omnes tamen Anatomici, qui eas
admittunt, in vsu, et officio conueniunt.
Nam Gassendus, cuius authoritatem ad-
ducis, ad alios vsus ipsas accommodat, et
chylum bile infectum esse statuit, ac in
venis lacteis flauescentem reperiri. Quod
refutaui in meæ Anthropographiæ Man-
tissa ; Eodem tempore Follius Venetus,
tum Iuuenis quando scripsit, eandem opi-
nionem Italicè proposuit, cui respondit
paucis verbis Batholinus filius in sua A-
natome secundæ editionis.
Harvevs pe-
ritissimus Anatomicus, inuentor et author
Circulationis Sanguinis per Cor et pulmo-

i.

Page 183, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

nes, venas lacteas flocci facit, et chylum
per venas mesaraicas exsugi ab hepate pu-
tat, et sustinet, quod miror, cum reuera
exstent, et panifeste spectentur. Hoc me
dubitare facit de eius experimentiis, in
viuentibus animalibus. Alij per canalem
Virsungi, chylum ad pancreas deferri pu-
tant, in viuis lacteo succo refertum in-
ueniri. Ego non inutiles esse credo venas
lacteas ; sed a reuehendum chylum ab
intestinis ad Hepar conditas fuisse. Ad
Cor verò chylum deferre impossibile, pro-
pter distantiam Cordis octo digitorum
inteuallo ab insertione venarum in ra-
mos subclavios, (rectius axillares diceren-
tur :) Nam si Naturæ fuisset intentio ad
Cor per venam Cauam tuum transmitte-
re chylum ad Sanguinis confectionem,
potuisset iuxta diaphragma duorum digi-
torum distantia vel potius diaphragmatis
interuallo, à dextro ventriculo Cordis ve-
nas lacteas inserere in Cauam, vt cum
ascendente Sanguine chylus permistus
Cor ipsum adiret ac penetraret.

Atque cum istud Receptaculum chyli
habeat vicinam ac finitimam sibi Cauam
in lumbis, poterat in ipsum Cauæ trun-
cum chylus deriuari, cum per istum trun-
cum descendentem Cauæ, Sanguis assiduè
nocte dieque ascendat ad Cor, ex doctrina
Circulationis.

j.

Page 184, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

Conringius, lib. de Sanguinis generatione
et motu, pag. 81.
Notat lacteum chylum
omnem non tendere in Hepar, sed por-
tionem eius statim in venam Cauam
transire subinde, ne quidem omnis la-
cteus chylus ab hepate coquitur, etc.
Quia pars eius aliqua statim rectà in Ca-
uam venam defluit, pag. 123. Quod ab
Asellio primùm est obseuatum, dein à
Vallæo, in i. Epistola.

Cum autem lacteæ venæ non habeant
truncum vt mesentericæ, ad quem con-
fluunt et vniuntur : debent habere locum
communem, in quem chylum refundant.
Talis est glandula illa magna differta chy-
lo, non est ventriculus, sed spongiosum
corpus, ex quo depromunt suum chy-
lum, canales ad Hepar delati, alij duo
Pecquetiani ad superiorem truncum Ca-
uæ ascendentes, alij in truncum inferio-
rem venæ Cauæ insinuati.

Nunc liberè meum iudicium interpo-
nam de venis lacteis ; Post multas cogita-
tiones et obseruationes super ea re peri-
tior factus, dies diei eructat verbum, et
nox nocti indicat scientiam
, ut est in Scri-
ptura sacra. Quamuis exstent et reperian-
tur in animalibus bene pastis, et post qua-
tuor horas aperto abdomine; non sequi-
tur in hominibus consimiles reperiri ; si

k.

Page 185, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

reperiuntur, credo esse surculos rami me-
senterici venæ Portæ, qui tunc temporis
referti sunt chylo, quem deferunt ad He-
par per truncum venæ Portæ : Alios verò
ramos interspersos per mesenteerium, qui
rubri comparent, et sanguinei sunt, esse
ramos arteiæ cœliacæ, qui præbent etiam
alimentum intestinis, quando venæ me-
saraicæ sunt refertæ chylo. Traductio il-
la forsan non durat vltra duas tresve ho-
ras, postea remeat Sanguis per venas
mesaraicas ad intestina. Cum autem in
viuente animali continua fiat attractio
chyli ab hepate per venam Portam, re-
trahitur Sanguis intra Hepar : cum iam
sint oppletæ chylo venæ mesentericæ, ex-
tincto animali, et facultate attractrice
exoluta, relabitur Sanguis in venas me-
saraicas, tumque euanescunt istæ venæ
lacteæ, propter affluxum Sanguinis, qui
candorem illum destruit. Ac sane venæ
lacteæ en inuentore Asellio, et aliorum
obseruatione, non sunt visibiles nisi in vi-
uente adhuc animali, in mortu dispa-
rent : Atque ex ipso inuentore nullum ha-
bent truncum, propterea frustra multi
laborant in trunci inuestigatione : nec
propterea discedendum ab antiqua do-
ctrina, de chyli anadosi : nempe, per
eadem vasa, diuersis temporibus, et

l.

Page 186, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

alternis, diuersos humores fluere posse ;
chylum, et Sanguinem : imo chylum in
trunco Portæ assumere tincturam San-
guinis, quin etiam eodem tempore di-
uersos humores labi per eadem vasa possi-
bile est, modo sint diuersa trahentia. In-
testina trahunt Sanguinem per venas me-
sentericas ; vicissim Hepar chylum, quam-
diu in istis vasis continebitur. Sic videmus
in vasculo vitreo coloratio vini et aquæ,
nostra lingua dicitut Montevin per eos-
dem tubulos istius vasis, vinum ascende-
re, et auquam descendere. Obseruamus
etiam pus a partibus supernis per venas et
arterias sincerum excerni, sine tinctura,
aut leui Sanguinis. Flumina quædam per
medium mare aquas suas dulces tradu-
cunt et conseruant.

Ac tibi cum fluctus subter labere Sica-
    nos,
Doris amara suam non intermisceat
    undam.

Si quis à me quærat quid sentiam de
istis venis lacteis duabus nouiter inuen-
tis, quales describuntur à Pecqueto : re-
spondebo cum Plinio, omnium rerum sunt
quædam in alto secreta et suo cuique Cor-
de peruidenda
. Ideoque tepide ac trepide
meam sententiam more aruspicium con-
iecturis diuinando proponam. Quia didi-

m.

Page 187, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

ci ex Philosopho, doctrinam esse φρονημα
πιπεινον, et doctam esse aliquam igno-
rantiam, nec leuem scientiæ partem, scire
te multa nescire.

Sunt igitur istæ venæ duæ lacteæ ita con-
ditæ, et dispositæ, forsan vt Sanguini vio-
lenter fluenti intra arterias per Circula-
tionem, in venis crassities addatur, circa
diremptus trunci Cavæ, versus axillares
ramos, et juxta iliacos. Nam in istis duo-
bus locis truncus Cauæ venas lacteas ad-
mittit : Partim etiam ad nutritionem di-
uersarum partium corporis, quæ diuerso
gaudent alimento, ut ossa et medulla,
partim ad generationem et reparationem
adipis per vniuersum corpus extensi ; par-
tim etiam ad fibrosæ materiæ productio-
nem in Sanguine, quæ remoram addit
Sanguini, quod est verisimilius. Forsan
etiam iste chylus trunco venæ Cauæ iuxta
axillares infunditur, vt Sanguis portio
ex permistiones chyli crassior facta, hæ-
reat Cordi, et instar fermenti calidioris
et acidioris, inserviat ad elaborationem
noui Sanguinis arteriosi, atque talis San-
guis crassior intrusus Cordis foueolis, et
scrobiculis, et sub columnis carneis, siue
musculosis aliquantisper remanere po-
test : siquidem non totus Sanguis in sy-
stole euacuatur, sed restitat exigua portio

n.

Page 188, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

in istis locis latitans, à me commemora-
tis. Ac sane oportuit Sanguinem ex di-
uersis substantiis conflari ad nutritionem
diuersarum partium corporis,vt habe-
rent aliquid sibi familiare quod ex San-
guine vniuersum corpus peragrante eli-
gerent, ac elicerent, et in suam substan-
tiam verterent : Inde crassities, et fibrosa
substantia, massæ sanguineæ addita, at-
que pituitosus humor inde natus et con-
cretus, Sanguini permixtus. Videntur po-
tius Sanguinis fibræ, ex illa portione chy-
li tenuioris superne et inferne trunco Ca-
uæ infusi formari, quam in hepate, cum
ibi procreetur Sanguis vniformis, nec fi-
bræ Sanguinis in ventriculo fingi, forma-
rique queunt, quamuis id proditum fue-
rit à Fernelio, quia ventriculus licet ner-
uosus, de sua substantia nihil chylo im-
pertit ; quia si de eius substantia quotidie
bis terve fibræ detraherentur vel eraderen-
tur, breui consumeretur. Itaque verisimi-
lius est ex crassa et pituitosa materia, qua-
lis est chyli portio tenuior, per illas venas
lacteas superne et inferne trunco Cauæ
intrusa, fibras effingi. Atque dum in San-
guine educto per phlebotomiam, et va-
sculis excepto, superficies digiti minimi
crassitie albicans apparet, non tam à pu-
tredine Sanguinis nascitur, quàm ab ista

o.

Page 189, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

chyli portione profluente cum Sanguine,
quæ supernata. Quod si corrupta fuerit,
exesis et putrefactis fibris, in serum verti-
tur, ineptum alendo, inde atrophia et
tabes. Ideoque Medici post detractum
Sanguinem è pede aquæ calidæ immerso,
diligenter explorant lato baculo fibras
Sanguinis, quæ si appareant, laudabilem
iudicant Sanguinem : si defuerint, valde
corruptum pronuntiant.

p.

Page 368, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

               Prætermissa suis locis
                       restituenda
.

Page 189. In fine Capitis, post pronuntiant,
adde
. Forsan etiam chylus ad axillares
ramos venæ Cauæ, et ad iliacos distribui-
tur in homine, si reperiantur isti tubuli

q.

Page 369, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

lactei, ut Sanguini permixtus, alimen-
tum viscidum glutinosum præbeant super-
ne, variis glandulis vicinis, quales sunt
glandulæ axillæ, laryngis, fauciuim, et
sub mento, et aliis in collo secundum lon-
gitudinem iugularis externæ, parotidibus,
quin etiam mammis mulierum. Chylus in-
ferne permistus Sanguini, nutrimentum
exhibet glandulis inguinum, supra et in-
fra pubis ossa, sed qui canaliculis coërce-
tur in mesenterio, alimentum præbet innu-
meris glandulis, et ipsi Pancreatis glandu-
loso, atque iuxta partes illas glandulosas
à me commemoratas, multus adeps col-
ligitur, cui reparando videtur inseruire, ut
in brachiis, thorace, partibus inferioribus
ad nates et femora, Abdominis adeps
circumfusus ab isto chylo mesenterij
etiam suum ortum habere potest versus
lumbos. Interea notanda mesenterij sym-
pathia mirabilis, cum collo, axillis et mam-
mis, per istos tubulos lacteos nouos. Ac
proinde vitium glandularum strumosum,
non elucere solet in istis locis, nisi radi-
cem Scrophularum constituunt in me-
senterij glandulis, nec possunt perfecte
sanari, nici radicitus eruatur humor cras-
sus, viscidus, ibi incuneatus. Cur potius

r.

Page 370, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

circa iugularem externam emergunt, et
adnascuntur isti tumores ? quia proximior
est insertioni tubulorum lacteorum, et
partes istas externas alit.


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Jean ii Riolan, Première Responsio (1652) aux Experimenta nova anatomica de Jean Pecquet (1651). 5. Discours contre la nouvelle doctrine des veines lactées

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(Consulté le 08/12/2025)

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