Texte
Jean ii Riolan
Responsiones duæ (1655),
Responsio ad Pecquetianos
5e de 6 parties  >

[Page 127 | LAT | IMG]

Réponse au chapitre v[1][2]

Page 229, « Il ne faut pas s’étonner qu’au début, tous n’aient pas cru [Page 128 | LAT | IMG] aux lactifères thoraciques [3] et qu’ils aient paru improbables à la foule ignorante ; mais il est étonnant que l’homme qui se dit le prince de la science n’ait pas encore été suffisamment pénétré par la force et la majesté de la nature pour admettre leur existence, parce qu’elle est nouvelle, Dira imprecatione, ut Atlantes orientem solem solebant, contuitum fuisse. » [4] Ce début de chapitre vient de Riolan, et vous appelez « foule ignorante » les savants hommes qui nient la fonction des veines lactées thoraciques, en les croyant semblables aux Atlantibus, qui Orienti Soli imprecabantur, mais laissez les Apharantes en paix ! [1][5] « Riolan a injurieusement attaqué la découverte de Pecquet, blâmant la mauvaise utilité qu’il lui a conférée », [6] et je soutiens encore que j’ai raison. Nerui sapientiæ sunt, nihil temere credere, disait Épicharme ; [7] Qui leuis est corde, facilè credit, et reprobabitur, disait l’Ecclésiastique ; [8] Difficile est dare verba Seni[2][9]

Page 230, « Quand Riolan avoue ingénument son ignorance, pourquoi veut-il que les jeunes soient plus sages que leur vieux maître ? » Je ne vous demande rien, ni à votre associé. [10] Vous avez pourtant proposé hardiment que le cœur produit le sang à partir du chyle, en affirmant qu’il en transforme la moitié la plus ténue en un sang parfaitement pur ; et vous ajoutez qu’« il nous est impossible de nier ou de mettre en doute l’existence des lactifères thoraciques, même si nous ignorons entièrement leur utilité et le dessein de leur insertion ». Ce que je n’admets pas, en effet, c’est la fonction que leur ont attribuée Pecquet et ses disciples.

Notre jeune collègue [11] m’invite à expliquer certains faits qu’il juge inextricables : « à quoi les nævus [12] qui s’épanouissent à la surface de la peau servent-ils ? à quelle fin y a-t-il des poils en certains endroits du corps ? à quoi les tétons servent-ils chez les hommes ? » Je lui réponds en un mot qu’il trouvera l’explication de ces faits sans [Page 129 | LAT | IMG] grand intérêt dans mon Anthropographie[13] dont l’index lui montrera où trouver cela. Sur les nævus, qu’il lise la seconde édition du très savant et subtil livre de Ludovicus Septalius[3][14]

Page 232, « Après que le très savant Riolan, qui est vraiment le prince dans l’exploration des fonctions anatomiques, en aura ouvert les portes », il vous permettra d’exposer cela à votre mode et votre idée : « le chyle est dérivé vers le confluent cave supérieur [15] (notez que vous appelez ascendante la veine cave supérieure afin que le lecteur comprenne que le sang monte vers les subclavières), [16] en sorte que le sang qui y reflue depuis le cerveau et les membres supérieurs, lequel a été appauvri (pour parler comme Riolan) par la perte des esprits [17] qui se sont dispersés en tous sens, soit restauré par l’apport nouveau d’un chyle parfaitement pur ; puis, en circulant à travers le cœur, s’enrichisse en esprits régénérés. » L’afflux de chyle dans le cœur restaurerait donc le sang (voilà qui est une fonction nouvelle de la circulation), puis reviendrait bientôt au cœur après avoir circulé et l’enrichirait en esprits frais. Cette seconde circulation suffirait alors pour que les esprits, « que le chyle, après la longue digestion qu’il a subie, a ainsi mêlés au sang, soient attirés et fermentent plus richement et commodément dans le cœur ». Une digestion prolongée du chyle aurait donc lieu dans le cœur, bien qu’il doive le traverser rapidement, dans le court espace de temps qui sépare la systole de la diastole. [18] Les lactifères thoraciques assisteraient admirablement la fonction de la circulation : le sang enrichi par les esprits traverserait plus facilement les poumons avant d’arriver dans le ventricule gauche. [19] Pecquet n’a pas conçu cette merveilleuse utilité du chyle qui parvient au cœur, mais c’est notre autre jeune anatomiste qui est « appauvri » en intelligence de cette science, car il ignore que le sang artériel circule nuit et jour, sans la moindre interruption [Page 130 | LAT | IMG] et il envoie en permanence et de tous côtés du sang nouveau et spiritueux qui assure la chaleur de tout le corps, nourrit ses parties et conserve leur vitalité ; il revient ensuite par les veines, pour fournir au cœur la matière qui lui permet d’accomplir ses actions, acquérant ainsi une chaleur nouvelle. Ce ferment du chyle, qui rend le sang plus vigoureux et vif, manquera pendant vingt heures par jour aux jeûneurs monosites, qui ne mangent qu’une fois par jour, ce qui rendra votre circulation imparfaite. [4]

Page 233, « Grâce à la même montée du chyle, le cerveau reçoit par les carotides [20] l’aliment qui lui convient et dont il a besoin » : le sang que les deux grosses carotides et quatre autres artères latérales et postérieures fournissent au cerveau doit être de la plus haute pureté pour engendrer les esprits animaux [21] et nourrir la matière cérébrale, dont la masse est quatre fois plus élevée que celle des bovins. La qualité de sa substance fait qu’il produit beaucoup d’excréments pituiteux [22] chez certains individus, mais peu chez d’autres, comme l’estomac n’en engendre qu’en proportion de sa substance membraneuse et des aliments qu’il reçoit ; ce qui a fait dire à Hippocrate que le cerveau et l’estomac sont les deux sièges de la pituite. [5]

Page 234, « La connaissance des lactifères thoraciques autorise à comprendre la sympathie [23] qui existe entre l’estomac et le cœur, car ils établissent un chemin libre et ouvert qui permet aux deux viscères de communiquer librement entre eux, avec des conséquences tant heureuses que funestes car, comme l’ont déjà savamment remarqué Guiffart et Bartholin[24][25] la puissance brute des remèdes cardiaques [26] et des poisons se transmet par leur intermédiaire. » [6] Comment ces substances peuvent-elles librement gagner le cœur sans [Page 131 | LAT | IMG] passer par les intestins, les veines mésaraïques[27] le réservoir [28] et les lactifères thoraciques ? Longues sont les sinuosités de ces voies, et les docteurs que vous citez n’ont pas énoncé qu’elles servaient à transmettre au cœur la puissance brute des poisons, car la nature serait mauvaise mère si elle leur avait conçu un emploi qui nuise à l’homme. Vous écrivez sans savoir pourquoi car vous ignorez l’anatomie, vous auriez été plus habile à coudre, teindre et façonner des gants, qui était le métier que vous avez abandonné pour vous consacrer à la médecine, à la manière des disciples de Thessalus. Ne sutor sapiat ultra crepidam, nec chirothecarius ultra chirothecam[7][29][30][31]

Ce que dit Aristote au livre xiv de sa Métaphysique [32] contre les pythagoriciens [33] se disputant sur les nombres, cadre vraiment avec vos arguments et sophismes : Hæc omnia irrationabilia sunt, ac ipsa sibi ipsis et bene ratione utentibus compugnant ; videtur in eis esse longus Simonidis sermo, fit namque longus sermo, quemadmodum is, qui servorum est, cùm nihil sanum et rectum dicunt. [8][34]

Il est vrai qu’en spéculant sur les veines lactées, tant celles du thorax, qui montent jusqu’aux axillaires, que celles de l’abdomen, qui s’attachent au tronc de la veine cave, Riolan a compris les causes de maintes maladies que Pecquet et ses disciples ignoraient. Je conviens avoir qualifié les lactifères thoraciques d’imaginaires, mais une fois seulement, quand je les considérais sous l’angle de leur rôle dans la sanguification[9]

Page 238, « Il est impossible de trouver du chyle laiteux dans une veine axillaire tant que le sang ne s’en est pas entièrement vidé car, comme j’ai remarqué plusieurs fois, le peu de chyle qui s’y écoule par les minces orifices des lactifères, à la manière d’une rosée, rougit dès qu’il se mélange au sang. » Pecquet et d’autres mentent donc quand [Page 132 | LAT | IMG] ils affirment que ce liquide laiteux descend vers le ventricule cardiaque droit [35] sans changer de couleur ; en outre, il ne peut entrer dans la veine axillaire sans être propulsé par la main de l’opérateur.

Le disciple de Pecquet en conclut que « la découverte pecquétienne n’est pas stérile, mais qu’elle contribue remarquablement au savoir médical, ainsi qu’à la connaissance et au traitement des maladies ». C’est à lui de le prouver en énumérant lesdites maladies. Pour ma part, j’ai cité plusieurs maux que provoquerait la sanguification cardiaque, et dont elle rendrait le développement et le traitement impossibles. Que nos pecquétiens sont donc savants en médecine pour ainsi connaître les maladies et leur guérison ! Vous n’avez pas osé vous y essayer, mais votre précepteur a été plus hardi en concevant et proposant une pathologie ridicule, inouïe et difficilement intelligible.

Page 239, vous vous trompez honteusement en déclarant que « les veines mésaraïques ordinaires apportent la moitié du chyle au foie, [36] ce qui est parfaitement compatible avec les canaux pecquétiens et les vaisseaux lymphatiques de Bartholin ». [37] C’est à vous de le prouver. Vous louez Bartholin pour ne pas l’irriter quand vous n’ôtez pas au foie sa primauté dans l’économie naturelle[38]

Quo teneam vultus mutantem Prothea nodo ? [10][39][40]

Vous accordez vos faveurs à Pecquet et chantez les louanges de cet inventeur et de sa découverte, tout en vous en éloignant ; vous désapprouvez le verdict de Bartholin sur ses funérailles du foie[41] tout en faisant l’éloge de ses vaisseaux lymphatiques. Votre associé adhère plus solidement à votre maître, car lui a montré son ardeur pour la cause de Pecquet dans la seconde édition de son livre. [42]

[Page 133 | LAT | IMG] Pages 240‑241, il faut bien relever l’immense ignorance de notre docteur pecquétien en anatomie : il imagine que la circulation renvoie dans le foie la moitié du chyle qui a été transportée dans le cœur par les canaux thoraciques, pour qu’elle y soit purgée de sa bile, [43][44] et que cette portion du chyle qui s’est séparée pour atteindre les subclavières n’échappe pas à la puissante attraction hépatique ; et il s’efforce de prouver cela en s’appuyant sur diverses citations de Riolan qu’il a malicieusement déformées pour les mettre à son goût : « Je conclus de tout cela, conformément à l’aveu que j’ai arraché dans Riolan, que le sang chyleux hépatique, puisqu’il n’est pas absolument pur, n’acquiert pas sur-le-champ sa perfection dans le cœur, mais en passant successivement dans les deux viscères et en y étant préparé par des transfusions maintes fois répétées : digéré et purgé dans le foie, il est enfin achevé dans le palais du cœur. » Voilà une imposture manifeste, car il est bien incapable de le démontrer.

Je lui déclare que les voies qu’il désigne sont impossibles : le sang mêlé de chyle que le cœur a envoyé dans les extrémités du corps retourne très souvent au cœur en passant par le foie pour y être à nouveau digéré et devenir exactement semblable à l’autre sang, qui est hépatique. La circulation d’Harvey [45] ne tolère pas ce trajet car le sang une fois sorti du cœur puis recueilli dans la veine cave, regagne directement le cœur sans passer par le foie, hormis celui qui a reflué dans la veine porte après avoir nourri les parties alvines[46]

Page 242, « Qu’y a-t-il donc de scandaleux dans cette sentence, et en quoi les lactifères thoraciques modifient-ils la médecine et le traitement des maladies ? » Selon la doctrine de Pecquet, ces lactifères renversent notre médecine, fondée sur Hippocrate et Galien[47][48] car l’économie naturelle s’en trouve complètement bouleversée : [Page 134 | LAT | IMG] le foie n’engendrant plus le sang, il n’y aura plus ni faculté naturelle ni esprits naturels, [49] qui fournissent leur substance aux esprits cardiaques vitaux ; les autres parties nutritives ne seront plus sous la dépendance du foie, non plus que la rate, les reins, les parties génitales, car il existe une coopération entre leurs principes et ce qui dépend d’eux, sous condition d’un abondant écoulement du sang. La conjonction du foie et des veines, qu’Hippocrate et Galien ont tant célébrée, sera ridiculisée. Si le cœur produit seul le sang, il ne faudra plus appliquer de ventouses [50] près du foie, comme préconise la doctrine d’Hippocrate, ni renforcer le foie quand il est affaibli, ni prendre soin de le rafraîchir ou réchauffer pour le revigorer en cas d’hydropisie. [51] Les anomalies du sang dépendront de sa formation primitive dans le cœur, mais non de son parcours dans les artères et les veines. Notre jeune docteur estime que la distinction d’un chyle épais et ténu, ou hépatique et cardiaque, préserve l’intégrité de notre art, et même qu’elle éclaire grandement la circulation harvéenne du sang. Ainsi se dispense-t-il d’expliquer les maladies que Riolan a énumérées. [11]

Page 243, « Riolan s’est fourvoyé en pensant que les défenseurs des canaux pecquétiens n’étaient pas de même avis que lui, ils concluent pourtant que du chyle pénètre dans le foie, et reconnaissent les mêmes facultés et fonctions hépatiques que lui. » Vous mentez effrontément car, dans la seconde édition de sa lettre, votre associé a confirmé la sentence de Pecquet, comme vous avez fait dans celle de la vôtre : [52] l’unité du principe a convaincu [Page 135 | LAT | IMG] Aristote que le cœur est l’organe premier de la sanguification. [12][53]

Page 243, vous tirez maintenant gloire d’avoir « anéanti la Responsio de Riolan aux Experimenta nova de Pecquet », en ajoutant : « Pour la vérité sur les lactifères thoraciques, moi qui ne suis qu’un pauvre petit homme de piètre instruction et inconnu des savants, face au plus célèbre des anatomistes, “ j’ai résisté parce qu’il s’était mis en tort ”. » [54] Exegit monimentum ære perennius[13][55] tout en poursuivant Riolan de ses turpitudes, calomnies et sophismes, lui que nul à ce jour n’a jugé digne d’être blâmé, mais qu’on a, au contraire, couvert d’honneurs qu’il n’a pas mendiés, dont on a loué les livres et qu’on a remercié pour ses épuisants travaux anatomiques. Vous dites avec vérité que vous auriez été « inconnu des savants » si vous n’aviez ainsi médit de moi : Egregiam verò laudem et spolia ampla refertis Tuque tuúsque socius, dum argutos inter strepere anser olores voluisti[14][56][57]

Vous supposez malicieusement que « de mes mots et mes phrases j’ai construit les muscles et les articulations de ma propre ruine », mais c’est parce que vous les avez compris et repris de travers : nihil est quod malè narrando non possit deprauarier[15] Vous prétendez avoir suivi mes derniers Opuscules[58] mais vous y avez laissé de côté mon Jugement nouveau[16] où je soutiens et maintiens que je laisse le lecteur juge des autres fonctions des lactifères thoraciques, mais vous avez mutilé mon propos pour en altérer le sens.

Pages 244‑245, « J’atteste et avoue, honnêtement et amicalement, avoir cédé à la démangeaison que chacun éprouve de blâmer Riolan, et surtout de le contredire et de médire de lui, ce que j’ai fait pour rabaisser un brillant homme que j’aime et respecte, mais pour l’aider à prendre en horreur ses injures et à s’en abstenir enfin. Puisse dorénavant Riolan être plus constant en ses jugements ! Puisse-t-il ne plus batailler contre les expériences [Page 136 | LAT | IMG] les plus probantes ! Puisse-t-il s’abstenir d’insulter, et de n’être que fiel et amertume à l’encontre des anatomistes qu’il appelle lactés ! Puisse-t-il, quand il écrit, observer la modestie dont il chante les louanges ! »

Tam felix vtinam, quàm pectore candidus essem,
Extat adhuc nemo saucius ore meo
[17][59]

Vous ignorez que les écrits des vieillards sont des chants du cygne parce qu’ils s’expriment avec plus de douceur : l’âge ayant fait mûrir leur plume, leurs mots sont mielleux, sans amertume.

De quel droit accusez-vous déloyalement et honteusement Riolan ? La Faculté vous a-t-elle conféré le pouvoir de blâmer son plus ancien maître, [60] cui chorus assurexerit omnis[18] À l’exemple de son père, [61] il fut un excellent et fidèle collègue ; gloire de la Faculté, il l’a noblement défendue contre ses adversaires ; aussi a-t-elle prononcé un décret solennel célébrant la gloire de Riolan le père et de sa descendance, qui est transcrit à la fin de la Libavimania[19][62] Nulli patientiùs reprehenduntur, quàm qui maximè laudari merentur, dit Pline, dans la lettre xx, livre vii ; [20][63] mais nul anatomiste sensé ne supportera docilement d’être déloyalement et très injustement blâmé par qui n’a absolument aucune expérience de cette science et n’y connaît absolument rien.

An si quis atro dente me petiuerit,
inultus vt flebo puer ?
 [21][64]

On n’a encore trouvé personne qui ait reproché à Riolan sa « démangeaison de blâmer », mais tout le monde l’a loué pour avoir publié des animadversions contre les anatomistes, et lui-même a depuis longtemps souhaité que d’autres le corrigent avec modération vt superesset artifici regressus ad veniam et emendationem[22][65] Bartholin n’a pas dédaigné [Page 137 | LAT | IMG] mes animadversions pour corriger la troisième édition de son Anatomia reformata[66] bien que Riolan ait malmené son renom ; [23] et si les anatomistes qui nous ont précédés revenaient de l’au-delà, ils corrigeraient leurs ouvrages en puisant dans mes animadversions.

Dites-moi pourtant, je vous prie, que trouvez-vous de rude et d’arrogant dans ce titre d’Animadversions ? Quand il enseigne publiquement au Collège royal de Cambrai[67] devant un grand cercle d’auditeurs, notre collègue Guy Patin [68] commente mon Manuel anatomique et pathologique[69] et a donné à ses leçons le titre d’Animadversions, comme son programme l’affiche publiquement, sans que je m’en trouve offensé. [24] L’éminent savant Joseph Scaliger a procédé de la même façon quand il a publié, sous le nom d’Yvo Villiomarus, un livre d’animadversions, tout plein de très riche érudition, sur des passages controversés de l’Italien Robertus Titius[25][70][71] ce dont on n’a jamais entendu personne se plaindre. Sachez donc bien qu’en raison de mon ancienneté et prééminence parmi les médecins, je suis le censeur perpétuel de la Faculté de médecine quand la question porte sur la doctrine médicale et principalement sur l’anatomie, et j’agis aussi là en qualité de professeur d’anatomie, désigné par l’autorité royale, afin que cette science demeure pure et intacte, et surtout que d’ignorants novateurs, tout comme de vieux renards, devrais-je dire, ne fassent subir aucun dommage à notre république médicale. [26][72]

En outre, en raison de l’âge avancé que j’ai atteint par la singulière grâce de Dieu, et en raison de la modeste compétence que j’ai acquise en médecine après cinquante-cinq années de pratique, grâce [Page 138 | LAT | IMG] au labeur opiniâtre et à l’inlassable application que j’ai déployés et cultivés, je suis le zélateur de la vérité, ce qui me donne le droit de sévir contre ceux qui se fourvoient en médecine. Il est donc malhonnête et honteux que vous déchiriez Riolan et l’accabliez de vos injures et de vos outrages. Vous avez fait cela pour vous gagner quelque renom, mais après vous être marié et avoir acheté une mule que vous promenez orgueilleusement dans Paris, vous voilà vraiment devenu mulo-medicus[27]

Il vous manquait un très éminent athlète à qui vous confronter, et vous l’avez trouvé en la personne de Riolan, que vous couvrez de coups de poing et de crachats, puis que vous saluez respectueusement d’un Ave Rabbi[28][73] et chantez merveilleusement ses louanges. Est-ce là autre chose que me trahir perfidement puis obtenir le pardon de vos injures, afin que tant de crimes ne soient imputés à votre vénérable dignité janséniste, que le souverain pontife Innocent x a condamnée ? [29][74][75]

Si vous étiez encore capable de honte, vous devriez rougir pour cette Apologie pecquétienne, qui est entièrement fausse et parfaitement impudente, et en réclamer le salaire qui convient à votre renom et à votre labeur, plus grand encore que celui dont Pecquet a gratifié son Alethophilus[76][77] Je vous retrouve bien dans l’épigramme xvii, livre viii, de Martial, sur l’avocat Sextus défendant une mauvaise cause :

Egi, Sexte, tuam, pactus duo millia, causam,
Misisti nummos, quot mihi ? mille, quid est ?
Narrasti nihil, inquis, et à te prodita causa est :
Tanto plus debes,
Sexte, quod erubui[30][78]

Mes adversaires ont conclu leur satirique invective en adressant des louanges à Riolan, mais je les tiens pour suspectes et ensorcelées, car il s’agit à la fois de fleurs et d’imprécations, [Page 139 | LAT | IMG] à la manière dont les Anciens ajoutaient un mot de flatterie aux leurs.

Quod si ultra placitum laudarint, bacchare frontem
Cingite, me Medico noceat mala lingua
[31]

Cet avertissement de Sénèque me console autrement : Malè loquuntur homines de te. Sed mali. Mouerer, si de me Marcus Cato, si Lælius sapiens, si alter Cato, si duo Scipiones ista loquerentur. Nunc malis displicere, laudari est. Non potest vllam auctoritatem habere sententia, vbi qui damnandus est, damnat. Malè de te loquuntur. Mouerer, si iudicio hoc facerent : nunc morbo faciunt. Non de me loquuntur, sed de se. Malè de te loquuntur. Bene nesciunt loqui : faciunt non quod mereor, sed quod solent. Quibusdam enim canibus sic innatum est, vt non pro feritate, sed pro consuetudine latrent[79] J’obéirai donc à son autre conseil : Æquo animo audienda sunt
imperitorum conuitia : ad honesta vadenti con-
temnendus est iste contemptus
[32][80]


Avertissement à Pecquet.

Je me rappelle avoir lu dans Aristote que rien n’empêche différents inventeurs d’avoir découvert les mêmes choses, en même temps ou en divers temps, sans avoir du tout communiqué entre eux. [33] Je vérifie cela dans la mise au jour des veines lactées, tant mésentériques que thoraciques. « Sache bien, ô lecteur, écrit Pecquet, que tu me dois cette découverte, c’est un présent de la Providence, qui est Dieu, révélant un immense bienfait à un ignorant » ; [81][82] mais Dieu a bien pu accorder cette même grâce à d’autres au même moment dans divers pays. J’observe en effet que les lactifères [Page 140 | LAT | IMG] mésentériques ont été découverts par les médecins et les aruspices de l’Antiquité, puisqu’ils offraient en sacrifice des victimes vivantes bien grasses et qui avaient été copieusement nourries avant d’être tuées : les Latins ont donné le nom de lactes au mésentère à cause des veines lactées qui s’y éparpillent. [34][83][84] Quant à celles du thorax, Mentel, dans l’augmentation de sa lettre de soutien à Pecquet, a affirmé avoir découvert le réservoir en l’an 1629[85] et l’avoir montré à de nombreux philiatres qu’il avait invités à les contempler ; mais il a voulu que cela fût publié par un jeune médecin de Rouen [86] qui a écrit bien des faussetés sur cette découverte et sur celle de l’imprimerie par un ancêtre de Mentel[87] qui lui a suggéré ces âneries en vue de diminuer la gloire de Pecquet[35]

Hornius, professeur public d’anatomie en l’Université de Leyde[88][89] proclame avoir le premier découvert le réservoir et les lactifères thoraciques, et en a écrit un petit livre qui a été publié dans ladite ville.

Rudbeckius, médecin et professeur royal en l’Université d’Uppsala [90] qui est dans le royaume de Suède, affirme avoir été le premier à mettre au jour les lactifères thoraciques et les veines lymphatiques en l’an 1650 ; il les a montrées à la sérénissime reine Christine[91] qui régnait alors sur son pays, et il a défendu sa découverte dans les opuscules qu’il a publiés contre Bartholin[36]

M. Guy Patin, professeur royal et notre collègue, a récemment reçu une lettre en français que M. Alcide Musnier[92] docteur en médecine, lui a écrite de Gênes où il habite depuis vingt ans et exerce avec grand succès, en raison de sa grande érudition et de [Page 141 | LAT | IMG] l’éminente qualité de son jugement ; elle est datée du 14 juillet de la présente année, et je vous la recopie telle qu’elle pour ne pas paraître en avoir changé un mot. [37]

« Ayant vu les vaisseaux lactés du mésentère et de la poitrine, en un chien bien repu, que je fis ouvrir, et ayant lu le traité du sieur Charles Le Noble, qui les a observés dans les hommes, je crois qu’il n’en faut plus douter. Il me déplaît, de ce que le sieur Pecquet ne s’étant pas voulu contenter de sa belle et glorieuse invention, il nous ait voulu de surplus enseigner de certains usages, qu’il eût peut-être mieux valu remettre au jugement des hommes sages, comme Georg Wirsung fit de son canal avec Monsieur Riolan[93] Il me souvient d’avoir autrefois appris de Monsieur Magnenus, Professeur à Pavie[38][94] que Gaspare Aselli étant encore en vie, se vantait publiquement d’avoir trouvé de petites veines laiteuses dans la choroïde de l’œil ; et Veslingius de Padoue[95][96] en une sienne lettre, qu’il écrivait au sieur Molinettus[97] bien longtemps auparavant que Pecquet nous eut publié son invention, fit une expresse mais bien plus modeste commémoration de ces vaisseaux laiteux du thorax, dont voici les propres termes, que ledit sieur Molinettus, m’a fait l’honneur de me communiquer en une sienne lettre, du 17e d’octobre 1654 : Inter cætera, disait Veslingius, silere nequeo mihi obuenisse pridem in corpore humano per exilia pectoris vasa albi coloris, de quibus multa quidem cœpi cogitare, nihil tamen pronuntiare ausim, priusquam de iis [Page 142 | LAT | IMG] me usus certiorem fecerit ; nosti enim, vt sibi plurimum indulgentes, rerum similitudine etiam periti subinde fallantur[39] Je vous prie de communiquer cela à Monsieur Riolan mon bon maître et, tout ensemble, de le saluer très humblement de ma part. »

Le même Vesling, dans la préface de son Syntagma, note que lui et son adjoint [98] ont examiné la distribution du chyle en direction des mamelles, [99] et il écrit, page 107 : Actionem mammarum propriam lactis generationem dixi, quamuis nondum perspectum satis sit, quibus viis materiam in lac conuertendam admittant. Sed huic rei lactantium animalium à pastu dissectio, lucem aliquam fœnerabitur[40][100]

Remarquez donc bien, cher Pecquet, que de nombreux médecins de divers pays vous ont dérobé l’honneur de votre découverte, et en tout premier le docteur Mentel qui, dans sa lettre, se vante d’avoir trouvé le réservoir du chyle et d’en avoir fait la démonstration publique dans nos Écoles. Pour que cela fût parfaitement connu de tous, on a façonné à Paris de magnifiques éloges sur l’invention de l’imprimerie par ses glorieux ancêtres, et sur le réservoir du chyle et les veines lactées du thorax qu’il a lui-même été le premier à mettre au jour. S’il n’avait pas voulu que cela fût publié avant d’en connaître le jugement des médecins, il se serait encore tenu longtemps caché, comme Apelle derrière son tableau ; [101] mais pensant que cela méritait d’être reconnu, il se proclame maintenant inventeur de cet artifice chyleux et l’a publié sous le pseudonyme d’un jeune médecin de Rouen, en y ajoutant une réponse à l’opuscule de Charles Le Noble[41][102] Néanmoins, ce jeune homme, [Page 143 | LAT | IMG] au début du livre qu’il intitule Clypeus, trompette triomphalement, mais sans en comprendre ou savoir le sens, ce vers de Virgile, arma amens capio, que je me permets de compléter :

——————— Nec sat rationis in armis[42]

Je reconnaîtrais cela comme très vrai venant de quelqu’un qui s’y entend quelque peu en anatomie ; et il ajoute : « Voici mon bouclier, il me protégera et j’ai confiance en mon courage. Reconnaissez mes armes car ce sont les vôtres, vous les avez fabriquées de vos propres mains, etc. »

Pecquet n’a pas remarqué que ces deux docteurs de Paris ont tendu un piège à sa réputation et desservent ses intérêts quand ils répartissent la sanguification en l’attribuant à une portion du chyle qui va au cœur et à une autre qui va au foie. Voilà maintenant le foie solidement établi comme l’organe de la formation du sang et comme le meneur de l’économie naturelle. Si Pecquet n’y prête pas attention et ne s’en rend pas compte, furtivis suis coloribus nudabitur, comme la corneille d’Ésope[43][103] à moins que finalement Alethophilus ne le défende en apprenant qu’il a été abandonné par ceux dont il a usurpé la découverte. [44][104][105]


1.

V. note [3], Brevis Destructio, chapitre v, pour la citation de l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien : « comme les Atlantes avaient coutume de regarder le Soleil levant et couchant en prononçant des imprécations terribles. »

Je n’ai pas trouvé dans quel livre Jean ii Riolan a parlé des Apharantes, mais en y cherchant leur trace, je me suis arrêté sur deux textes.

2.

Succession de trois références antiques :

3.

V. note [11], Brevis Destructio, chapitre v, pour l’Anthropographie de Jean ii Riolan (1649) sur les tétons des hommes, les nævus et la répartition des poils sur le corps.

L’avis d’Éloy m’a découragé de me plonger dans le De Nævis Liber [Livre sur les Nævus] {a} de Ludovicus Septalius : {b}

« Il attribue les taches de naissance à l’imagination frappée des femmes grosses, et il déduit de l’inspection de ces taches une suite de jugements qui ne font point honneur à la solidité d’esprit qu’on remarque dans ses autres ouvrages. »


  1. Padoue, Paulus Frambottus, 1628, in‑8o de 36 pages ; Milan, 1606, pour la première édition.

  2. Lodovico Settala, vnote Patin 9/8.

4.

Jean ii Riolan étalait son savoir avec ses « jeûneurs monosites », dont le nom s’explique par le verbe grec μονσιτειν, monositein, « manger une seule fois par jour ». Son argument n’est pas faux car l’absence de chyle provoquée par le jeûne n’est mortelle qu’après plusieurs semaines. Tout ce paragraphe est pourtant difficile à comprendre car il se fonde sur la manière compliquée dont Riolan concevait la circulation et invoque des notions que la physiologie moderne a entièrement abandonnées.

5.

Il est bien imprimé dans le livre que, outre les deux carotides internes, « quatre autres artères latérales et postérieures » (quatuor alias Arterias laterales et posticas) parviennent au cerveau ; mais dans son Anthropographia (livre iv, page 262), Jean ii Riolan écrit plus justement qu’existent quatre artères cérébrales, les deux carotides internes en avant et les deux vertébrales en arrière.

Dans le livre ii, page 118, l’estomac est décrit comme un organe « membraneux », car formé de deux membranes : l’une externe, charnue, et l’autre interne, villeuse (muqueuse).

Le raisonnement sur l’« excrément pituiteux » n’est plus intelligible, mais semble vouloir exclure ici la possibilité que du chyle accède au cerveau, même si certains croyaient le cérumen issu de la bile qu’il contenait (v. note [17], Brevis Destructio, chapitre v).

6.

V. note [18], Brevis Destructio, chapitre v.

7.

« Que la science du cordonnier ne monte pas plus haut que la chaussure {a} et celle du gantier, plus haut que le gant. » {b}

Galien a beaucoup médit de son prédécesseur Thessalus (Thessalos) de Tralles ; {c} Riolan pensait à ce passage de la Méthode pour remédier, livre i, chapitre i, Kühn, volume 10, page 5, traduit du grec :

Si enim neque geometriæ neque astronomiæ neque dialectices neque musices nec ullius denique bonarum disciplinarum indigent qui medici sunt futuri, quemadmodum Thessalus iste generosissimus promittebat, nec etiam longam exprientiam et operum artis usum desiderant, cuivis promptum sit artem aggredi, ceu facile medico futuro ? Atque hinc adeo fit ut nunc etiam sutores et tinctores et fabri tum materiarii tum ferrarii, proprio magisterio relicto, in medicinæ artis opera insiliant ?

[Si, comme promettait le très vaillant Thessalus, les philiatres n’ont besoin de connaître ni la géométrie, ni l’astronomie, ni la dialectique, ni la musique, en somme, aucun des arts libéraux, et ne requièrent ni longue expérience ni pratique du métier, n’importe qui ne deviendra-t-il pas rapidement et facilement médecin ? N’est-ce pas ainsi qu’on voit aujourd’hui des couturiers, des teinturiers, des charpentiers ou des ferronniers abandonner leur métier pour se ruer sur la médecine ?]


  1. Pline l’Ancien, v. note [10], Nova Dissertatio, Expérience iii.

  2. En prolongeant l’adage de Pline et inspiré par Thessalus (qui suit), Jean ii Riolan laissait malicieusement penser qu’Hyginus Thalassius, c’est-à-dire Pierre De Mercenne, avait été gantier avant d’étudier la médecine : ce détail biographique inédit n’est pas invraisemblable, mais tout de même à ne consigner qu’avec circonspection.

  3. V. notule {b}, note Patin 74/1384.

8.

Jean ii Riolan s’était déjà servi d’Aristote contre les arguties numérologiques des pythagoriciens et empruntait à la même édition latine de la Métaphysique que précédemment, {a} pour citer le livre xiv, chapitre iii, où ce passage est fidèle à la traduction française de l’original grec donnée par Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, 1879 :

« Toutes ces théories sont insensées ; elles se combattent elles-mêmes et se contredisent, en même temps qu’elles contredisent la raison. C’est bien là que l’on retrouve “ Ce discours sans fin ” dont parle Simonide ; {b} car ce discours sans fin ressemble beaucoup à celui de nos esclaves, quand ils n’ont absolument rien de bon à nous alléguer. »


  1. Hieronymus Gemusæus, Bâle, 1548 (v. note [5], Responsio duæ, Préface au lecteur), page 484.

  2. Simonide de Céos, poète lyrique grec du ve s. av. J.‑C.

9.

V. note [24], Brevis Destructio, chapitre v, pour cet écart de langage de Jean ii Riolan, qui a très généralement reconnu la réalité des canaux thoraciques, mais en contestant vivement le rôle que les « pecquétiens » leur conféraient.

10.

« Par quel nœud retiendrai-je ce Protée changeant de visage ? » : Horace, v. note [25], première Responsio de Jean ii Riolan, 4e partie. Riolan s’est légitimement étonné et moqué des avis changeants et contradictoires de Thomas Bartholin sur le lieu de la sanguification, hépatique ou cardiaque : v. note [52] de sa Responsio ad Pecquetianos, 2e partie.

11.

Dans tout ce passage, Jean ii Riolan voulait montrer l’impossibilité d’attribuer la sanguification au cœur, en recourant toutefois à certains arguments obscurs ou incompréhensibles.

Le latin embrouillé de Riolan peut faire penser qu’il était à court d’arguments pour démolir la répartition du chyle entre le foie et le cœur, telle que la défendait ingénieusement Hyginus Thalassius.

Dans ses trois lettres sur le chyle, William Harvey l’a tenu pour accessoire dans la nutrition corporelle et n’a en aucune façon considéré que son mouvement éclairait la circulation du sang.

12.

Jean ii Riolan blâmait les deux docteurs pecquétiens pour avoir continué à défendre la sanguification cardiaque dans la seconde édition du livre de Jean Pecquet :

Aristote avait conclu à la sanguification cardiaque en se fondant sur le « principe d’unité » entre le sang, le cœur et les veines : v. note [10], Experimenta nova anatomica, chapitre i.

13.

« Il a accompli un ouvrage plus durable que l’airain », Horace, Odes, iii, xxx, vers 1 : Exegi monimentum ære perennius, « J’ai accompli un ouvrage plus durable que l’airain ».

14.

« Quelle gloire insigne, quel ample butin vous rapportez là, vous et votre associé, quand vous avez voulu être une oie qui cacarde parmi les cygnes ! » Jean ii Riolan empruntait son estocade à deux vers de Virgile :

15.

« Il n’est rien qu’on ne puisse déformer en l’expliquant de travers » : Térence, Phormion, acte iv, scène 4, vers 697‑698.

16.

Iudicium novum de Venis lacteis [Jugement nouveau sur les veines lactées] dans les Opuscula nova Anatomica de Jean ii Riolan (Paris, 1653, v. note [32‑1], Responsio ad Pecquetianos, 4e partie).

17.

Ovide, Pontiques, livre iv, xiv, vers 43‑44 : « Plût au ciel que mon bonheur fût égal à mon innocence ! Le fiel de ma bouche n’a encore blessé personne. »

V. notule {b}, note [22], Brevis Destructio, chapitre v, pour ceux que Jean ii Riolan avait appelés « anatomistes lactés », lactei Anatomici, dans son Iudicium novum (v. supra note [16]).

18.

« devant qui s’est levé tout le chœur » : Virgile, Bucoliques, églogue vi, vers 66, utque viro Phœbi chorus assurexerit omnis [et devant cet homme s’est levé tout le chœur d’Apollon].

19.

Ce décret solennel est imprimé à la fin de la Ad Libavi Maniam Ioan. Riolani Responsio pro Censura Scholæ Parisiensis contra Alchymiam lata [Réponse de Jean i Riolan contre la folie de Libavius et pour la censure que la Faculté de Paris a prononcée contre l’alchimie] : {a}

Collegium Medicorum in Academia Parisiensi legitimè congregatum Ioannis Riolani responsionem ad Libauimaniam, pro censura Scholæ Parisiensis aduersus Alchymiam lata probat, et luce dignissimam iudicat : Quartam Medicinæ sectam ab Hippocraticâ principiis, morborum causis, signis et remediis differentem iterum, atque iterum reprobat. Decernit, vt Riolano publico nomine gratiæ referantur, eique et posteris ad perpetuam tanti benefecij memoriam hoc monimento honos habeatur. Hortatur Medicinæ studiosos, vt in Hippocraticâ doctrinâ constanter permaneant : prohibetque ne quis ex Medicorum Parisiensium ordine cum istius sectæ fautoribus Medicinam exerceat. Qui secùs fecerit, scholæ emolumentis et Academiæ privilegiis priuabitur, et ex Medicorum regentium albo expungetur. Datum Lutetiæ in scholis superioribus 6. Idus sextil. anno Dom. 1606.

Du Port, Decanus.

[Le Collège médical de l’Université de Paris, réuni en assemblée régulière, approuve la réponse de Jean Riolan à la folie de Libavius, en faveur de la censure que la Faculté de Paris a prononcée contre l’alchimie, et l’a jugée digne d’être publiée. Elle désapprouve la quatrième secte de médecine {b} qui s’écarte sans cesse de la méthode hippocratique, sur les principes, causes, signes et remèdes des maladies. En perpétuel souvenir d’un si grand bienfait, elle décrète que des remerciements soient publiquement adressés à Riolan et à ses descendants, {c} et qu’ils tirent gloire de cet ouvrage. Elle exhorte ceux qui étudient la médecine à être constamment fidèles à la doctrine hippocratique, et interdit à tous les médecins de la Faculté de Paris d’exercer en compagnie des suppôts de ladite secte ; et qui aura autrement agi sera privé des émoluments de l’École et des privilèges de l’Université, et rayé du catalogue des docteurs régents. À Paris, dans les hautes salles de la Faculté, le 8 août 1606.

Du Port, doyen]. {d}


  1. Paris, Adrianus Perier 1606, in‑8o de 185 pages ; v. notes :

  2. Les trois autres sectes médicales historiques étaient la dogmatique, l’empirique et l’éclectique.

  3. Jean ii Riolan avait été reçu docteur régent en 1604.

  4. François Du Port, vnote Patin 2/359.

20.

Pline le Jeune, loc. cit. : « Il n’y a pas de gens plus dociles au blâme que ceux qui méritent les plus hautes louanges. »

21.

Horace, Épodes, vi, vers 15‑16 : « Crois-tu que si quelqu’un me mordait d’une dent furieuse, je pleurerais sans me venger, comme un enfant ? »

22.

« afin que reste à l’artisan un recours pour obtenir le pardon et corriger », Pline l’Ancien sur les peintres et sculpteurs grecs qui n’étaient jamais satisfaits de leurs œuvres : Histoire naturelle, livre i, mais la traduction donnée par Littré Pli (volume 1, page 4) n’est pas suffisamment littérale à mon goût.

Jean ii Riolan a recouru à cette même citation dans l’Antiqua Præfatio [Ancienne préface] de son Anthropographie (Paris, 1649, page ē iij vo) pour inciter les savants qui le liront à lui transmettre leurs avis sur son travail.

Il entamait ici une longue diatribe sur ses Animadversions anatomiques, dont Hyginus Thalassius lui avait reproché le nombre et la dureté dans le chapitre i de sa Brevis Destructio, pages 182‑183.

23.

Thomas Bartholin a abondamment cité Jean ii Riolan dans la troisième édition de son Anatomia reformata (Leyde, 1651, v. note [5], lettre d’Adrien Auzout à Jean Pecquet). Iohannes Riolanus Filius figure notamment, à la 3e page de la préface, parmi ceux qui ont loué la précédente édition, mais avec cette parenthèse : quanquam, subinde iniquior, Patrem et me transversa linea signarit [bien qu’il ait plus tard été injuste en nous jugeant de travers, moi et mon père].

24.

V. notes Patin :

25.

En se référant à la controverse philologique {a} entre Joseph Scaliger, {b} sous le pseudonyme d’Yvo Villiomarus, et Robertus Titius (Roberto Titi), {c} Jean ii Riolan citait le Yvonis Villiomari Aremorici in Locos controversos Roberti Titii Animadversorum liber [Livre d’Animadversions du Breton Yves Guiomar sur des passages controversés de Robertus Titius]. {d}


  1. Vnote Patin 13/8193.

  2. Fils de Jules-César Scaliger (v. note [42], lettre de Thomas Bartholin à Johann Daniel Horst) : vnote Patin 5/34.

  3. Humaniste italien, 1551-1609.

  4. Paris, Mamertus Patissonius, 1586, in‑8o de 196 pages.

26.

Les « ignorants novateurs » étaient Jean Pecquet et Pierre De Mercenne, et un des « vieux renards » était Jacques Menel. Quant à lui, Jean ii Riolan se targuait d’être à la fois doyen d’âge du Collège de France et de la Faculté de médecine de Paris. Cela lui conférait une autorité morale dont il exagérait un peu l’importance : aucune de ces deux compagnies n’a eu le pouvoir officiel de censurer les « pecquétiens ».

Vnote Patin 69/8008 pour le censeur de l’École, qui était élu par ses collègues ou désigné par le doyen, tous les deux ans, pour y veiller avec lui au respect de la discipline et la représenter dans les assemblées de l’Université.

27.

Écumant de rage, après avoir étalé les titres qui imposaient le respect dû à sa personne, Jean ii Riolan injuriait doublement Pierre De Mercenne en le traitant de mulo-medicus, nom que les Romains antiques donnaient au médecin (vétérinaire) qui soignait les mules : Riolan le tenait pour juste capable de soigner ces animaux que les médecins montaient ordinairement pour se déplacer dans Paris, et y mêlait son épouse en évoquant l’exécrable raillerie sur mulier (femme en latin), « mule hier, mule demain, mule toujours » (vnote Patin 14/701).

Un avis daté du 4 avril 1678, conservé dans le registre parisien des tutelles (Archives nationales, cote AN Y3981B) établit que De Mercenne (mort en 1687), veuf de Louise Le Cosquyno, devenait tuteur de leur fils mineur, prénommé Charles.

28.

« Salut, Maître », trahison de Judas dans Matthieu, 26:48‑49 (latin de la Vulgate) :

Qui autem tradidit eum, dedit illis signum, dicens : Quemcumque osculatus fuero, ipse est, tenete eum. Et confestim accedens ad Jesum, dixit : Ave Rabbi. Et osculatus est eum.

« Celui qui le trahissait leur avait donné un signe : “ Celui à qui je donnerai un baiser, c’est lui, arrêtez-le. ” Et aussitôt, s’avançant vers Jésus, il dit : “ Salut, Rabbi ! ”, et il lui donna un baiser. »

Dans le chapitre ii de sa Brevis Destructio, page 190, Hyginus Thalassius avait écrit :

« À vrai dire, si Riolan s’est permis de clamer et vanter sa science en maints endroits de ses livres, n’a-t-il pas dépassé les bornes de la modestie quand il s’est établi comme le plus puissant athlète de l’anatomie, et même comme un roi capable de rivaliser avec Alexandre le Grand ? »

29.

Après l’avoir traité de vétérinaire marié à une mule, puis de Judas, Jean ii Riolan raillait Pierre De Mercenne pour son jansénisme : v. notes Patin 7/96 pour l’origine de cette immense querelle religieuse et politique du xviie s., et 6/321 pour la bulle Cum occasione, fulminée par le pape Innocent x, qui a condamné les Cinq Propositions jansénistes en 1653.

30.

Loc. cit. (épigramme complète) :

« – J’ai plaidé ta cause au prix convenu de deux mille sesterces, Sextus, {a} mais combien m’en as-tu payé ?
– Mille.
– Et pourquoi ?
– Tu as fort mal plaidé et tu as perdu mon procès.
– Raison de plus pour me bien payer, Sextus, car tu dois me payer de ma honte. »


  1. Le titre d’avocat (causidicus) que Jean ii Riolan donnait à Sextus, est un contresens : il s’agit d’un plaideur qui parle à son avocat.

V. note [24], seconde Responsio, première partie, pour Samuel Sorbière, alias Sebastianus Alethophilus, qui, après avoir perdu son épouse et renié le calvinisme, avait obtenu la charge d’aumônier auprès de François Fouquet : Riolan pensait que c’était la récompense du service qu’il avait rendu à Jean Pecquet en lui écrivant une lettre de soutien pour sa découverte.

31.

« Si vous me louez à m’en dégoûter, couronnez-moi alors de lierre pour que sa langue venimeuse ne nuise pas au médecin que je suis » : imitation de Virgile (Bucoliques), que Jean ii Riolan avait déjà employée dans sa première réponse à William Harvey, v. notule {c}, note [4], Brevis Destructio, chapitre ii.

32.

Sénèque le Jeune :

33.

Je n’ai pas trouvé ce propos dans Aristote, mais il est aussi cité à la page 25 de la De Typographia, Dissertatio historica [Dissertation historique sur l’Imprimerie], qui appartient à l’un des cinq essais philologiques de Christopher Besoldus, historien et juriste allemand (1577-1638), parus en 1620 (sans lieu ni nom) :

At tamen Germani soli, Typographiæ nostratis, de quâ hîc agitur, usum reperisse, tam certum quàm quod certissimum est : Chinensium verò rudimenta, non ad eam spectare, sed ad tabularum impressionem ; à Typographiâ multùm distantem. Ac insuper nil aliud efficiunt historici illi Chinenses ; quàm verem esse illud Aristotelis pronuntiatum, quod ita se habet : Nil prohibet, artes easdem, à diversis ; vel eodem, vel etiam diverso tempore, citra ullam communicationem inveniri.

[Il est pourtant absolument certain que les Allemands ont été chez nous les seuls à avoir découvert la technique d’imprimerie dont nous parlons ici. Elle est sans rapport avec les rudiments des Chinois qui ne servaient qu’à reproduire des images, ce qui est bien différent de notre typographie ; et les historiens chinois n’en ont rien dit d’autre. Je tiens pour profondément vrai ce qu’a dit Aristote : Rien n’empêche différents inventeurs d’avoir découvert les mêmes choses, en même temps ou en divers temps, sans avoir du tout communiqué entre eux].

34.

V. notes [18] et [19], Responsio ad Pecquetianos, 4e partie, pour cette remarque étymologique de Jean ii Riolan et l’intrigante question qu’elle pose sur le peu d’intérêt que les lactifères ont éveillé chez les médecins avant Gaspare Aselli (1627).

35.

Après les attaques qu’il avait déjà menées dans la 3e partie de sa Responsio ad Pecquetianos (v. ses notes [23][26]), Jean ii Riolan revenait sur les honneurs que Guillaume de Hénaut, alias Jean Pecquet (selon moi), avait rendus à Jacques Mentel dans la première partie de son Clypeus.

36.

V. notes :

37.

De l’abondante correspondance d’Alcide Musnier avec Guy Patin ne restent que ce fragment (vnote Patin 1/414) et une autre lettre de Musnier à Patin (9 février 1656).

Jean ii Riolan n’avait probablement pas encore lu le Sylloge de Musnier, paru en 1653, car il se conclut sur trois copieuses citations de l’anatomiste parisien et semble partager ses réserves sur la négation de la sanguification hépatique par Jean Pecquet et Thomas Bartholin (v. sa note [44]).

38.

V. notes :

39.

Je n’ai pas trouvé d’autre trace imprimée de cette lettre que Johann Vesling a écrite à Antonius Molinettus, {a} qui lui succéda dans la chaire d’anatomie de Padoue en 1649, où il lui disait :

« Entre autres, je ne puis taire que, voilà déjà quelque temps, se sont présentés à moi dans le corps humain de très fins vaisseaux thoraciques de couleur blanche, sur lesquels j’ai bien sûr commencé à beaucoup réfléchir ; je n’oserais pourtant rien en publier avant de m’être fait une opinion plus ferme sur leur fonction ; je sais en effet combien quantité de gens complaisants, même expérimentés, ont été souvent trompés par le rapprochement des faits. » {b}


  1. Antonio Molinetti, vnote Patin 8/9023.

  2. Ce témoignage n’est certes pas dénué de valeur, mais voir une structure n’est pas la décrire et en comprendre la fonction, et écrire une lettre privée n’est pas publier un livre. Les communications personnelles n’ont jamais eu très bonne presse dans les argumentaires scientifiques.

40.

Jean ii Riolan renvoyait à deux passages du Syntagma anatomicum [Traité anatomique] de Johann Vesling. {a}

41.

Croyant faire enrager Jean Pecquet, mais non sans une certaine confusion, Jean ii Riolan faisait allusion à trois ouvrages qui avaient loué Jacques Mentel pour avoir découvert le réservoir du chyle {a} et pour être descendant de Jean Mentelin, supposé inventeur de l’imprimerie à Strasbourg :

  1. Mentel lui-même, dans sa de vera Typographiæ Origine Parænesis (Paris, 1650), où il n’est pas question des voies du chyle ; {b}

  2. les Experimenta nova anatomica de Pecquet dans leur chapitre vi (conclusion), édition de 1651 (v. sa note [6]), et dans la lettre de Mentel, addition de 1654 (v. sa note [30]) ;

  3. la première partie du Clypeus de Guillaume de Hénaut (Rouen en 1655, peu avant les Responsiones duæ), que Riolan croyait être Mentel, alors qu’il s’agissait à mon avis de Pecquet, cherchant essentiellement à contrer les solides critiques de Charles Le Noble.


    1. Hormis Riolan, dans ce paragraphe, personne n’a jamais prétendu que Mentel avait mis au jour les lactifères thoraciques.

    2. V. note [10], Clypeus, première partie.

V. note [39], Responsio ad Pecquetianos, 2e partie, pour le peintre Apelle qui, au dire de Pline l’Ancien, se cachait derrière son tableau pour savoir ce qu’en pensaient ceux qui le regardaient.

42.

Le Clypeus (v. note [6] de sa première partie) ne cite que les trois premiers mots de ce vers de L’Énéide, « Hors de moi, je prends les armes », auquel Virgile a en effet ajouté : « mais sans bonne raison de les prendre ».

43.

« il sera dépouillé des couleurs qu’il a dérobées », Horace, Épîtres, i, iii, vers 18‑20 :

[…] si forte suas repetitum venerit olim
grex avium plumas, moveat cornicula risum,
furtivis nudata coloribus

[si le peuple des oiseaux vient un jour réclamer ses plumes, on rira de la corneille car elle sera dépouillée des couleurs qu’elle a dérobées].

En remplaçant le geai par la corneille, {a} Horace s’inspirait d’une fable d’Ésope : {b}

« Le geai se voyant paré des plumes de tous les autres oiseaux, se vantait d’être plus beau qu’eux ; mais l’hirondelle étant venue reprendre ce qui lui appartenait, et tous les autres oiseaux ayant suivi son exemple, le pauvre geai se trouva tout nu. Le sens de la fable est que les beautés empruntées ne durent pas longtemps. » {c}


  1. Par étonnant contresens car si le splendide plumage du geai (κολοιος d’Ésope) est multicolore, celui de la corneille (cornicula d’Horace) est tout noir. Jean de La Fontaine a corrigé Horace avec sa fable du Geai paré des plumes du paon.

  2. Traduction d’André Dacier, 1733.

  3. « On dit figurément d’un auteur qui a fait quelque ouvrage en ramassant ou en dérobant les pensées des autres, que c’est la corneille d’Ésope, ou la corneille d’Horace : par allusion à la fable qu’ils rapportent de la corneille qui se trouva sans plumes, quand les autres oiseaux eurent repris celles qu’elle leur avait dérobées pour se parer » (Furetière).

44.

Ainsi s’achève la Responsio ad Pecquetianos, dont la 6e et dernière partie n’est plus composée que de pièces annexes. Le latin et le sens de la dernière attaque de Jean ii Riolan sont ambigus : il voulait dire, me semble-t-il, que les deux « docteurs pecquétiens » avaient abandonné leur champion, Jacques Mentel en revendiquant la découverte du réservoir, et Pierre De Mercenne en admettant la sanguification hépatique ; seul Samuel Sorbière (Sebastianus Alethophilus) le défendait encore, mais Riolan le tenait pour un fripon qui, en vue de servir ses intérêts, avait renié le calvinisme pour le catholicisme (v. supra note [30]).

Par-delà les emportements de Riolan et avec le recul du temps, le principal intérêt de sa dernière Responsio est de mettre en exergue la solution à l’énigme des lactifères thoraciques qui se profilait alors : De Mercenne et Charles Le Noble avaient clairement énoncé l’hypothèse des « deux chyles », à laquelle Riolan n’adhérait que timidement, obnubilé par la menace qui pesait encore sur la sanguification hépatique exclusive ; personne ne pouvait alors concevoir les notions métaboliques expliquant que le chyle laiteux doive passer dans le cœur avant de parvenir au foie. Sa nouveauté et sa vraisemblance anatomique permirent malheureusement à l’erreur de Pecquet et de Thomas Bartholin sur la sanguification cardiaque de prévaloir pendant les deux siècles suivants : v. la seconde partie de la Brève histoire du chyle.

a.

Page 127, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos
.

Responsio ac Caput quintum.

Pag. 229. Non mirum si Lacteæ Thoracicæ
initio non apud omnes fidem inue-

b.

Page 128, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos
.

nerunt, ac primum improbabiles visa sunt indocili
turbæ, sed mirum est Principem doctrinæ virum, de
Naturæ vi ac maiestate nondum persuasum, illarum
veritatem, quia nouam dirâ imprecatione, vt Atlan-
tes orientem Solem solebant contuitum fuisse
. Prin-
cipium capitis ex Riolano depromptum est : In-
docilem turbam
, Doctos viros vocat, qui ne-
gant vsum Venarum Lactearum Thoracicarum :
Similes credit Atlantibus, qui Orienti Soli im-
precabantur. Repone Apharantes. Riolani con-
uitiis incessiuit, mox exprobans Pecqueto malum
inuenti sui vsum
 ; quod verum esse adhuc susti-
neo. Nerui sapientiæ sunt, nihil temere credere,
inquiebat Epicharmus : Qui leuis est corde, facilè
credit, et reprobabitur
, ait Apostolus. {a} Difficile est
dare verba Seni
.

Page 230. Vbi suam ignorantiam ingenuè fa-
tetur Riolanus, cur vult Juuenis 
{b} seniore Magistro
plus sapere ?
Nihil ex te quæro, nec à tuo socio :
Attamen audacter proposuisti Cor ex Chylo
sanguinem effingere, ita et dimidium Chylum
tenuiorem in sanguinem purissimum conuerte-
re asseueras. Addis : quamuis nobis omnino igno-
tus foret Lactearum Thoracicarum vsus et inser-
tio, 
{c} non ideo negari aut in dubium reuocari posset
earum existentia
. Quod admittit Riolanus, non
vsum à Pecqueto eiúsque Discipulis assignatum.

Iuuenis iste Doctor inuitat Riolanum ad expli-
cationem quarundam rerum, quas putat inextri-
cabiles
 : quis sit vsus næuorum, qui in extima
cute efflorescunt : quis pilorum in certis parti-
bus : quis vsus papillarum in viris ? Vno verbo
respondeo : Earum rerum leuissimarum explica-


  1. Sic pour : Ecclesiaticus (source citée).

  2. Sic pour : Juvenes (source citée et syntaxe).

  3. Sic pour : inseertionis finem (source citée et cohérence du propos).

c.

Page 129, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos
.

tionem reperies in mea Anthropographia : et si
Indicem adeas, paginam notatam, vbi talia ex-
plicantur. De Næuis, leges eruditissimum et
subtilissimum libellum Ludouici Septalij, secun-
dæ Editionis
.

Page 232. Postquam Riolanus in Anatomicis
vsibus inuestigandis verè Princeps, hîc fores ape-
ruit
, licebit tibi tuo more et ingenio exponere ;
Chylus in subclauias eo fine deuolvitur, circa di-
remptum Cauæ ascendentis
(Nota appellari ascen-
dentem Venam, vt intelligat Lector sanguinem
ascendere ad subclauias) vt in hac sanguis è bra-
chiis et cerebro refluus, iacturâ spirituum disperso-
rum
depauperatus, vt cum Riolano loquar, no-
ua purissimi Chyli affusione restauretur. Ergo
sanguis restauratur affuso Chylo in Corde (no-
uus est hic vsus Circulationis) mox post Cir-
culationem Cordi redditus, nouis spiritibus, di-
tescat. Ergo secunda dumtaxat Circulatione di-
tescit spiritibus, qui quidem è Chylo post lon-
gam digestionem sanguinis admixti vberiùs et
commodiùs in Corde eliciuntur et fermente-
scunt. Ergo in Corde Chylus longam digestio-
nem facit, cùm tamen celeriter transire debeat,
secundum spatium Diastoles et Systoles inter-
iectum. Igitur Lacteæ Thoracicæ Circulatio-
nis vsum mirè adiuuant : harum ope sanguis spi-
ritibus auctus faciliùs pulmones permeat, et in
sinistrum Cordis ventriculum redit. Admirabi-
lis est iste vsus Chyli ad Cor, Pecqueto ignotus :
Iuuenis iste anatomicus ingenio Anatomico
depauperatus, nescit sanguinem arteriosum
noctu diuque absque vlla intermissione circu-

d.

Page 130, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos
.

lari, et continenter nouum sanguinem spirituo-
sum vbique quoquouersum deferri, ad instau-
randum calorem vniuersi corporis, ad nutritio-
nem et vitalitatem partium conseruandam : re-
fluit per Venas ad Cor, vt suppeditet materiam
Cordi, ad suas actiones perficiendas ; Calorem
nouum adipiscitur : At in iis, qui semel in die
comedunt, monositis, ieiunis, per viginti horas,
deerit istud fermentum Chyli, quo vegetior et
animosior redditur sanguis. Ergo erit imper-
fecta ex te Circulatio sanguinis.

Pag. 233. Ob eandem Chyli accessionem
cerebrum per carotidas conueniens ac sibi conso-
ciale alimentum accipit : At sanguis, qui cerebro
suppeditatur per duas Carotidas amplas, et qua-
tuor alias Arterias laterales et posticas, debet
esse Arteriosus purissimus, ad generationem spi-
rituum animalium, et nutritionem amplæ mo-
lis cerebri, quatuor boum æqualis. In-
de ratione substantiæ multa pituita excremen-
titia in quibusdam excernitur, in aliis pauca,
talis in ventriculo generatur excrementitia ra-
tione ventriculi membranosi, et alimentorum :
ac proinde duplex apud Hippocratem, pituitæ
sedes, Cerebrum, et ventriculus.

Pag. 234. Ex lactearum Thoracicarum co-
gnitione intelligitur ratio sympathiæ Ventriculi et
Cordis, cui ille bona sua vel mala per liberam et
patentem Lactearum Thoracicarum semitam si-
ne impedimento communicat, vt iam dictum à
Guiffarto et Bartholino : per has Cardiacorum
ac venenorum vis impermixta transit
. Quomo-
do possunt ista lberè permeare ad Cor, sine

e.

Page 131, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos
.

transitu per instestina, per Venas Mesaraïcas,
per Receptaculum, Venas Lacteas Thoracicas ?
Longæ sunt viarum ambages ; talis vsus non fuit
ab istis Doctoribus expressus, vt vis impermista {a}
Venenorum transiret ad Cor
, alioqui Natura no-
uerca esset, introducto isto vsu ad perniciem ho-
minis. Nescis quid scribas, ob ignorantiam artis
Anatomicæ : aptior esses consuendis, tingendis,
et parandis chirothecis, quod ministerium de-
seruisiti, vt transires ad Medicinam. {b} Ne sutor
vltra crepidam, {c} nec Chirothecarius vltra chi-
rothecam.

Verè quadrat tuis argutiis, et sophismatis {d}
textus Aristotelis, lib. 14. Metaphysicæ, contra
Pythagoreos de numeris
disputantis. {e} Hæc omnia
irrationabilia sunt, ac ipsa sibi ipsis et bene ra-
tione vtentibus compugnant : Videtur in eis
esse longus Simonidis sermo, fit namque longus
sermo, quemadmodum is, qui seruorum est,
cùm nihil sanum et rectum dicunt.

Verum est Riolanum, suppositis Venis La-
cteis, tam intra Thoracem vsque ad subclauias,
quàm in Abdomine ad truncum Cauæ affixas,
inde cognouisse multorum morborum causas,
quas ignorabant Pecquetus, eiúsque Discipuli.
Fateor semel tantùm imaginarias appellasse per
transennam Lacteas Thoracicas, quo ad vsum
conficiendi sanguinis.

Pag. 238. Lacteus Chylus, in axillari quamdiu
prorsus sanguine exhausta non est, reperiri non po-
test, quia paucus per exilia oscula 
{f} roris instar,
stillans, mox sanguinis admixtione rubescit, vt sæpe
dictum est
. Ergo Pecquetus mendax, et alij, dum


  1. Sic pour : impermixta.

  2. Sic pour : ad medicinam, more discipulorum Thessali (errata).

  3. Ajouter : sapiat (pour respecter de l’adage et corriger l’absence de verbe dans la phrase).

  4. Sic pour : sophismatibus (cohérence grammaticale).

  5. Sic pour : disputantes (cohérence grammaticale).

  6. Sic pour : ostiola (source citée).

f.

Page 132, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos
.

asserunt Lacteum istum liquorem descendere ad
Cordi dextrum ventriculum, sine mutatione
coloris, in mortuo animali non potest intrare
axillarem, nisi manu propulsus.

Ex his, quæ protulit Pecqueti Discipulus, con-
cludit, non esse sterile Pecquetianum Inuentum,
sed ad Medicinæ scientiam, et ad cognitionem,
curationémque morborum egregiè conferre
. Id tibi
probandum, enumerando morbos. Ego plures
ex ista sanguificatione facta in Corde comme-
moraui. Quorum ratio, neque curatio tradi po-
test ratione Cordis sanguificantis. Quàm docti
sunt in Medicina Pecquetiani, ad cognitionem
et curationem morborum ! Id non ausus est at-
tentare : audacior fuit tuus Præceptor, qui Pa-
thologiam
excogitauit, et protulit ridiculam, in-
auditam, et vix intelligibilem.

Pag. 239. Ideo turpiter hallucinaris, dum
mediam Chyli partem per Mesaraïcas in Hepar
asportari, quæ quidem partita Chyli anadosis opti-
mè subsistit cum Canalibus Pecquetianis, et cum
Lymphaticis vasis Bartholini
. Id tibi proban-
dum. Laudat Bartholinum ne iratum habeat.
Nec inde Iecur suo principatu œconomiæ natura-
lis priuabitur
.

Quo teneam vultus mutantem Prothea nodo ?
fauet Pecqueto, et admirabilis Inuenti ac Inuen-
toris laudes prædicat modò ab eo discedit ; Im-
probat iudicium Bartholini, de funere Hepatis,
modò laudat Lymphatica ipsius vasa. Tuus so-
cius firmiùs adhæret suo Magistro, et in hac
secunda Editione, magis suum ardorem in causæ
Pecqueti demonstrauit.

g.

Page 133, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos
.

Pag. 240. 241. Notanda inscitia summa
Pecquetianorum in rebus Anatomicis : Fingunt
partitionem Chyli dimidiam, quæ ad Cor defertur,
per tubulos Lacteos Thoracicos, per Circulationem
ad Hepar refluere, et ibi repurgari bile, atque He-
patis vim alteratricem non effugit diuisa illa Chyli
portio, quæ ad subclauias deuecta est
. Idque pro-
bare conatur, ex quibusdam locis Riolani, ma-
litiosè detortis ad suum sensum. Vnde colligit,
ex Riolani confessione, chylosum sanguinem He-
paticum, quandoquidem purissimus non est, non sta-
tim perfici in Corde, sed reciproco in vtrumque viscus
transitu et alterna
μεταχυσει præparari, multoties
excoqui et repurgari in Hepate, tandémque in Cor-
dis Regia absolui
. Impostura manifesta quæ non
potest demonstrari.

Significo tibi vias illas, quas assignas, esse im-
possibilles, ab extremis partibus sanguinem Cor-
dis permixtum Chylo, sæpius redire per Hepar
ad Cor, vt recoquatur, et fiat consimilis alteri
sanguini Hepatico. Hoc iter non patitur Circu-
latio sanguinis Harueiana, et qui semel egres-
sus est Corde, sanguis, et Vena Cauâ contine-
tur, non remeat amplius ad Cor directè tran-
seundo per Iecur, nisi fuerit sanguis Venæ Por-
tæ ex nutritione partium aluinarum refluus, ex
opinione Haruei.

Pag. 240. {a} Quid igitur flagitij habet hæc sen-
tentia ? quid Lacteæ Throacicæ mutant in Medi-
cina, et curatione morborum ?
Per doctrinam Pec-
queti
euertunt nostram Medicinam, scilicet Hip-
pocraticam et Galenicam
.

Quoniam Oeconomia naturalis prorsus euer-


  1. Sic pour : 242 (source citée).

h.

Page 134, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos
.

titur, non amplius Iecur sanguinem generabit,
nulla erit facultas naturalis, nulli spiritus natu-
rales, qui suppeditant materiam spiritibus Cor-
dis. Reliquæ partes nutritiæ non ampliùs pen-
debunt ab ipso Hepate, ratione suæ functionis,
neque lien, neque renes, neque genitales partes,
cùm sit magna syntimoria principiorum, et eo-
rum, quæ ab his dependent in magno sanguinis
profluuio. Ridicula erit ναυποσις {a} Hepatis et Ve-
narum adeo celebrata ab Hippocrate et Galeno.
Neque amplius admouendæ erunt cucurbitulæ
Hepati doctrina Hippocratis : Neque Hepar
roborandum erit, dum ατονια laborabit. Neque
in hydrope, refrigerando vel calefaciendo He-
pati, eique roborando studendum erit, si solum
Cor sanguificat : Vitia sanguinis pendebunt à
prima hæmatosi in Corde factæ ; {b} non autem in
Arteriis et Venis ab excursu sanguinis. Iuuenis
iste Doctor, ex partitione Chyli in crassum, et te-
nuem
, id est Hepaticum et Cardiacum, existi-
mat conseruare nostræ artis integritatem, imò
magnam lucem attulisse Circulationi sanguinis
Harueianæ
, et sic se absoluit ab explicatione
morborum, quos enumerat Riolanus.

Pag. 243. Seipsum decipit Riolanus, cùm pu-
tat in eadem non esse sententia Pecquetianorum ca-
nalium fautores, qui tamen et chylum ab Hepate
admitti
statuunt, et easdem Hepatis faculltates
et functiones.

Impudenter mentiris, nam tuus Socius Pec-
queti
sententiam in secunda Editione suæ Epistolæ
confirmauit : et tu in tua Epistola secunda. Do-
cuit Pecquetus, quod Principij vnitas Aristoteli


  1. Ou bien ναυτιοσις, mais formes inexistantes en grec.

  2. Sic pour : factâ (errata).

i.

Page 135, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos
.

suaserat Cor esse primum hæmatoseos orga-
num.

Pag. 243. Nunc gloriatur se destruxisse Re-
sponsionem Riolani ad Experimenta Pecqueti
, pro
lactearum Thoracicarum veritate. Subjungit,
Ego Doctis ignotus, et curtæ supellectilis homun-
cio, Anatomicorum celeberrimo in faciem restiti,
quia reprehensibilis erat. Exegit monimentum ære
perennius
, dum Riolanum probris, calumniis, et
cauillationibus insectatus est, quem nemo ad-
huc reprehensione dignum iudicauit ; imò lau-
dibus innumeris non emendicatis, eius libros
laudârunt, et gratias egerunt, pro suis laboribus
Anatomicis exantlatis. Dixisti verè : ignotus
Doctis fuisses nisi Riolano maledixisses : Egre-
giam verò laudem et spolia ampla refertis Tuque
tuúsque socius
, dum argutos inter strepere an-
ser odores {a} voluisti.

Malitiosè supponis ex meis verbis et sensis de-
structionis neruos et articulos constructos fuisse :

Sed perperam explicatis et intellectis : nihil est
quod malè narrando non possit deprauarier.
Fingis te postrema sequutum fuisse Opuscula, et
tamen prætermisisti Judicium nouum, in quo hæ-
reo et consisto, relinquendo alios vsus, ad libi-
tum Lectoris : et mea verba mutilasti, vt sen-
sum deprauares.

Pag. 244. {b} Quædam cùm in Riolano reprehen-
di, maximè contradicendi, et maledicendi vnum-
quemque pruriginem, id amicè et officiosè præsti-
tisse testor ac profiteor, iuuandi causâ, vt horreat
ipse sua convitia, et ab iis tandem abstineat. In sententiis
in posterum constantior sit Riolanus certissimis ex-


  1. Sic pour : olores (errata).

  2. Sic pour : 244‑245 (source citée).

j.

Page 136, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos
.

perimentis non ampliùs bellum indicat, abstineat
à convitiis, et adversus eos, quos Lacteos vocat
Anatomicos, non sit felleus et amarulentus, ser-
uet in scribendo modestiam, quam laudat
.

Tam felix vtinam, quàm pectore candidus essem,
     Extat adhuc nemo saucius ore meo
.

Ignoras Senum scripta cygneas esse cantiones,
quia suaueloquentiùs scribunt : Mellita sunt
eorum verba, non amarulenta, per ætatem ma-
turescente scriptione.

Quo iure malitiosè et ignominosè accusa-
sti Riolanum ? An à Schola tibi data potestas re-
prehendendi Antiquiorem Scholæ Magistrum,
cui chorus assurexerit omnis
. Ipse semper fuit op-
timus et fidelis Collega exemplo Patris ; Decus
et defensionem Scholæ, aduersus eius aduersa-
rios generosè suscepit, ideóque solenni decreto
ab ea pronunciatum est, vt Riolani Patri, eiúsque
posteris honos habeatur. In fine Libauimaniæ
Nul-
li, inquit Plinius lib. 1. epist. {a} patientiùs repre-
henduntur, quàm qui maximè laudari meren-
tur. Sed ab ignarissimo et imperitissimo rei
Anatomicæ, malitiosè et iniustissimè reprehen-
di, nemo sanæ mentis patienter feret. An si quis
atro dente me petiuerit, inultus vt flebo puer ?

Nemo adhuc inuentus est, qui reprehende-
rit Riolano contradicendi pruriginem ; sed eius
institutum Opus Animaduersionum in libros A-
natomicos
, omnes laudârunt. Atque ipse Rio-
lanus
iamdudum exoptauit habere censores mo-
destos et Anatomicos suorum Operum, vt su-
peresset artifici regerssus {b} ad veniam, et emen-
dationem ; Bartholinus non est dedignatus, ex


  1. Sic pour : lib. 7. epist. 20 (source citée).

  2. Sic pour : regressus (source citée).

k.

Page 137, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos
.

Animaduersionibus Riolani, emendare tertiam
Editionem suæ Anatomiæ Reformatæ
, quamuis
Riolani suppresso nomine : et si ab Orco redi-
rent præcedentes Anatomici, sua opera resti-
ituerent ex Animaduersionibus Riolani.

Verùm, dic sodes : quid asperum et super-
bum tibi videtur in ipso titulo Animaduersio-
num ? Guido Patinus, Collega noster, et Professor
Regius
, dum publicè docet in Gymnasio Came-
racensi Regio
, ibique magnâ Auditorum coronâ,
interpretatur meum Encheiridium Anatomi-
cum et Pathologicum
, suas Prælectiones, Anim-
aduersionum
nomine donauit : vt patet ex eius
Programmate publico : nec ideo illi offensus fuit
Riolanus. Idem olim præstitit vir inter eruditos
eximius, Iosephus Scaliger, dum sub nomine
Yuonis Villiomari, Animaduersorum librum, mul-
tiiugæ eruditionis plenissimum edidit, in Lo-
cos Controuersos Roberti Titij
, hominis Itali : de
quo tamen nulla vnquam fuit audita cuiusquam
querimonia. Velim scias, ratione Antiquitatis,
et primatûs inter Medicos, me, perpetuum esse
Censorem Scholæ Medicæ, vbi de doctrina Medi-
ca
agitur, præsertim Anatomica ; et id etiam
agere me, authoritate Regia Professoris anato-
mici
 : vt nostra Anatome integra et sincera con-
seruetur : imò etiam, ne per imperitos, Noua-
tores
dicam, an Veteratores ? aliquod detrimen-
tum capiat Respublica nostra Medica.

Præterea, ratione senilis ætatis, ad quam sin-
gulari Dei beneficio perueni, et mediocris illiu {a}
doctrinæ quam adeptus sum in arte Medica,
quam per quinquaginta quinque annos, impro-


  1. Sic pour : illius.

l.

Page 138, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos
.

bo labore, et continuato studio excolui et exer-
cui ; Zelotes sum veritatis, et possum iure Ze-
lotico animaduertere in eos, qui errant in Me-
dicina. Propterea tibi turpe et ignominosium,
probris et conuitiis Riolanum proscindere et
insectari. Id fecisti vt famam aliquam tibi com-
parares, post ductam vxorem, emptum mulum,
quo per Vrbem superbè veheris, verè Mulo-
Medicus
.

Deerat tibi percelebris Athleta, cum quo pu-
gnares : eum inuenisti in Riolano, quem cola-
phisas et consputas : et postea salutas honori-
ficè, Aue Rabi, dum eius laudes admirabiles
prædicas. Quid hoc significat, nisi proditionem,
perfidiam, vel excusationem iniuriarum, ne Rea
tot scelerum tua venerabilis Iansenistica digni-
tas, sed à Summo Pontifice Romano Innocen-
tio X
. damnata, reputetur.

Si pudor aliquis in fronte superesset, de ista
Apologia Pecquetiana, falsissima et impudentis-
sima, erubescere deberes, et ab eo reposcere mer-
cedem tuo nomini et labori conuenientem, imò
maiorem, quàm Pecquetus suo Alethophilo dedit.
Tibi fauet Epigramma Martialis, lib. 8. Epigr. 17.
de Sexto causidico
, prauam causam defendente.

Egi, Sexte, tuam, pactus duo millia, causam,
    Misisti nummos, quot mihi ? mille, quid est ?
Narrasti nihil, inquis, et à te prodita causa est :
    Tanto plus debes,
Sexte, quod erubui.

Quamuis mei Adversarij inuectiuam suam
Satyricam clauserint laudibus Riolani, ce-
lebratis, eas habet pro suspectis et fascinato-
riis : Voces sunt laudantium et simul imprecan-

m.

Page 139, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos
.

tium, ideoque veteres præfiscine dictum adjun-
gebant.

Quod si vltra placitum laudarint, bacchare
    frontem
Cingite, me Medico noceat mala lingua
.

Cæterum me consolatur istud monitum Se-
necæ
. Malè loquuntur homines de te, sed mali : mo-
uerer si de me M. Cato, si Lælius sapiens, si alter
Cato, si duo Scipiones ista loquerentur. Malè de te
loquuntur, mouerer si iudicio hoc facerent, nunc
malè faciunt, cùm de me loquuntur. Sed de se. Ma-
lè de te loquuntur, bene nesciunt loqui. Faciunt
non quod mereor, sed quod solent : quibusdam ca-
nibus sic innatum, vt non pro feritate, sed pro con-
suetudine latrent
. Ac proinde lubens parebo con-
silio eiusdem Senecæ. Æquo animo audienda sunt
imperitorum conuitia : ad honesta vadenti con-
temnendus est iste contemptus.

—————————————————————

monitum ad pecqvetvm.

Memini me legisse apud Aristotelem, eas-
dem artes à diuersis, vel eodem tempore,
vel etiam diuerso, citra vllam communicatio-
nem inueniri. Quod verum obseruo in detectio-
ne Venarum Lactearum, tam Mesentericarum,
quàm Thoracicarum. Caue, inquit Pecquetus,
putes, ô Lector, debere mihi hoc Inuentum, mu-
nus est Providentiæ, quæ Deus est, imprudenti reue-
lantis beneficium eximium
. Ac proinde Deus hanc
gratiam conferre potest eodem tempore diuersis
nationibus ; Nam deprehendo Venas Lacteas Me-

n.

Page 140, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos
.

sentericas, ab antiquis Medicis et Aruspicibus
inuentas fuisse, cùm Hostias siue victimas vi-
uentes pinguiores et bene pastas (vt pleniores
apparerent) ante mactationem, in sacrificiis of-
ferrent. Ideóque Lactes Latini vocârunt Me-
senterium, propter Venas Lacteas, quibus con-
spersum est. Quod spectat ad Venas Lacteas
Thoracicas, Mantelus, in sua Epistola gratula-
toria ad Pecquetum, aucta
, asseuerat à se inuen-
tum Receptaculum anno Domini 1629. et ab eo
demonstratum fuisse multis Philiatris ad hoc
spectaculum vocatis, ídque publicauit, notúm-
que fieri voluit à Iuuene Medico Rothomagen-
si, qui de hoc Inuento, et Typographiæ Inuento-
ribus
, Atauis Manteli, multa dixit falsa et ridi-
cula ab ipso Mantelo suggesta, ut Pecqueti glo-
riam deprimeret.

Hornius Professor Anatomicus publicus in A-
cademia Leidensi
, Receptaculi et Venarum
Thoracicarum se Inuentorem prædicat, et ea
de re libellum scripsit ibidem editum.

Rudbeckius, Medicus et Professor Regius in
Academia Vpsaliensi
, quæ est in Regno Sueciæ,
Lacteas Thoracicas et Venas Lymphaticas se
primùm detexisse asseuerat anno 1650. et hæc
demonstrasse Serenissimæ Reginæ Christinæ, tunc
regnanti in Suecia, idque sustinuit editis libel-
lis
contra Bartholinum.

D. Guido Patinus, Collega noster et Professor
Regius
, Epistolam nuper acepit Gallicè scriptam
Genuæ, à D. Alcidio Musnier, Doct. Medico, à
viginti annis ibi commorante, et in praxi oc-
cupatissimo, propter eximiam eruditionem et

o.

Page 141, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos
.

præstantiam ingenij et iudicij, die 14. Iulij hu-
ius anni
, quam ex {a} stylo quo scripta est recitabo,
ne quid immutasse videar.

Ayant veu les vaisseaux Lactées du Mésen-
tere et de la Poitrine, en vn chien bien re-
pû, que ie fis ouurir ; et ayant leu le Traité du
sieur Carolus le Noble, qui les a obseruez dans
les hommes, ie croy qu’il n’en faut plus douter.
Il me déplaist, de ce que le sieur Pecquetus ne s’e-
stant pas voulu contenter de sa belle et glorieu-
se Inuention, il nous ait voulu de surplus en-
seigner de certains vsages, qu’il eut peut-estre
mieux valu remettre au iugement des hommes
sages, comme Georgius Virsungus fit de son ca-
nal avec Monsieur Riolan. Il me souuient d’a-
uoir autrefois appris de Monsieur Magnenus,
Professeur à Pauie
, que Gaspar Asellius estant
encor en vie, se vantait publiquement, d’auoir
trouué de petites Veines Laiteuses dans la cho-
roïde de l’œil ; Et Veslingius de Padoüe, en vne
sienne lettre, qu’il escriuoit au sieur Molinetus,
bien longtemps auparauant que Pecquet nous
eut publié son Inuention, fit une expresse, mais
bien plus modeste commemoration de ces Vais-
seaux laicteux du Thorax, dont voicy les pro-
pres termes, que ledit sieur Molinetus, m’a fait
l’honneur de me communiquer en vne sienne
lettre, du 17. d’Octobre, 1654. Inter cætera, di-
soit Veslingius, silere nequeo mihi obuenisse pri-
dem in corpore humano per exilia pectoris vasa al-
bi coloris, de quibus multa quidem cœpi cogitare,
nihil tamen pronuntiare ausim, priusquam de iis


  1. Sic pour : eo (errata).

p.

Page 142, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos
.

me vsus certiorem fecerit ; nosti enim, vt sibi pluri-
mum indulgentes, rerum similitudine etiam periti
subinde fallantur
. Ie vous prie de communiquer
cela à Monsieur Riolan mon bon Maistre, et
tout ensemble, de le saluer tres humblement de
ma part.

Ipsemet Veslingius, in suo Syntagmate, notat
à se, et ab alio suo administro, Chyli ad mam-
mas ditributionem indagatam fuisse, in sua
Præfatione : et pag. 107. Actionem mammarum
propriam lactis generationem dixi, quamuis non-
dum perspectum satis sit, quibus viis materiam in
lac conuertendam admittant. Sed huic rei lactan-
tium animalium à pastu dissectio, lucem aliquam
fœnerabitur
.

Aduerte, Pecquete, multos in diuersis natio-
nibus tui inuenti gloriam tibi surripuisse, et in-
ter eos præualet Doctor Mantelus, qui in sua
Epistola gloriatur, se Receptaculum Chyli repe-
risse, et publicè in Scholis Medicorum demon-
strasse. Atque vt id magis omnibus innotesce-
ret, fabricata sunt Lutetiæ magnifica elogia de
Typographiæ inuentione
, ab eius Atauis gloriosis,
et ab eo, Chyli Receptaculum, et Venas Lacteas
Thoracicas
primùm repertas. Ac si noluisset ea
suo nomine in lucem prodire, priusquam resci-
ret Medicorum iudicia, et tamdiu tanquam
Apelles post tabulam ltauerit : {a} At cùm agno-
scat hæc omnia approbationem meruisse, nunc
se Inuentorem istius Chylosi artificii prædicat,
et nomine alterius Iuuenis Medici Rothomagen-
sis
publicauit, adjunctâ quâdam Responsione
ad opus Caroli le Noble : sed ille Iuuenis incogi-


  1. Sic pour : latuerit (coquille).

q.

Page 143, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos
.

tanter vel inscienter gloriosè insonat initio li-
belli
 ; quem appellat Clypeum ; arma amens ca-
pio
 ; Imperfectum reliquit versum, sed perfi-
ciam ex eodem Virgilio.

——— Nec sat rationis in armis.

Quod verissimum agnoscet, qui peritiam
aliquam in rebus Anatomicis adeptus fuerit.
Sic loquitur, En clypeum qui me fidentem animi
tuebitur ; Agnosce arma, tua sunt, tuis manibus
fabricata, etc
.

Non animaduertit Pecquetus, binos illos Do-
ctores Parisienses
, eius famæ clanculum insidiari,
ab eius partibus deficientes, dum officium san-
guificandi diuidunt, et portionem chyli alte-
ram Cordi adiudicant, alteram Hepati ; Atque
nunc affimauit Iecur hæmatoseos organum,
et œconomiæ naturalis directorem ; Nisi Pec-
quetus
sibi caueat et prospiciat, furtiuis suis
coloribus nudabitur, tanquam Cornicula Æso-
pica
, tandémque nisi eum defendat Alethophi-
lus
, ab illis desertus, tanquam inuenti alieni
furtiuus vsurpator audiet.


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Jean ii Riolan Responsiones duæ (1655), Responsio ad Pecquetianos, 5e de 6 parties

Adresse permanente : https://numerabilis.u-paris.fr/editions-critiques/pecquet/?do=pg&let=1058

(Consulté le 11/12/2025)

Licence Creative Commons "Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.