Quand le second pecquétien [2] reproche à Riolan de tirer son principal argument des « impuretés du chyle qui souillent les esprits vitaux », [3] il a tiré cela de la deuxième lettre [4] parce qu’il avait prévu mon objection et y avait répondu. [1][5] Je lui sais profondément gré de m’avoir ainsi procuré de très puissantes armes pour rejeter la sanguification dans le cœur, [6] mais mon raisonnement est tout à fait différent du sien. [7]Page 203, Riolan a « l’habitude bien ancrée de réfuter un argument inexpugnable, car tiré de l’expérience », sans considération pour les œuvres de la nature. « Ainsi, par exemple, réfute-t-il la démonstration de la circulation du sang dans la veine porte, [8] que la ligature de la racine du mésentère rend manifeste chez un chien vivant, [9] et plus encore celle de son tronc porte tout près du foie, qui le vide de son sang en amont du lien, mais qui s’en remplit dès qu’on le dénoue. » Vous ignorez qu’entre ces deux ligatures le tronc porte reçoit le sang venant [Page 109 | LAT | IMG] des veines splénique [10] et mésentérique, et s’en remplit quand on les dénoue. [2]
Page 204, il emprunte maints passages aux livres de Riolan en les abrégeant, mais non sans les corrompre car il en omet des mots essentiels. Ainsi a-t-il soustrait tous les mots que je mets ici en exergue, quand il me reproche, à la page 149, de désapprouver les expériences en écrivant : « Quel médecin vouant son temps à la pratique, voudra gaspiller son travail et son argent à explorer ces questions qui n’ajoutent rien à la bonne manière de remédier ? Il préférera rester fidèle à l’antique doctrine, qui est vraisemblable car elle a été approuvée de tout temps par toutes les nations, à se ridiculiser en optant pour le doute et l’incertitude, s’il adhère aux opinions paradoxales de Harvey, qui ne peuvent résister au raisonnement, ni être démontrées par la vue et le toucher. À l’âge que j’ai atteint, je m’abstiens donc volontiers et sciemment de ces expériences extrêmement pénibles, et en laisse le soin à d’autres, qui sont curieux, jeunes et riches. » [3] Tel est mon exact propos que le second Pecquétien a tronqué suivant sa mauvaise habitude. J’ai exposé mes raisons de ne pas approuver ces expériences aux pages 148‑149 de mon débat contre Harvey. [11][12] J’ajoute ce qu’Horapollon a écrit dans son chapitre 36 : « Les Égyptiens donnent à entendre que quiconque a de quoi vivre, s’appliquera aux lettres, et que celui qui manque du nécessaire, se livrera à un autre art. De là vient qu’ils appellent la science Sbo, mot qui signifie nourriture pleine. » [4][13]
Page 205, il blâme Riolan pour avoir accusé deux médecins de Paris d’être « complices et cautions » de la doctrine pecquétienne, ce dont il confirme ensuite la vérité : « Puisque le cœur est l’organe premier de [Page 110 | LAT | IMG] l’hématose, alors il en existe un second », mais il n’en résulte pas que « le censeur ne peut penser à nul autre que le foie », car comment prouvera-t-il que le foie est secondaire ? Néanmoins, « comment ne rougit-il pas de s’imaginer que l’auteur d’une lettre qui tenait un propos si clairvoyant a été le conseiller d’un crime ? » C’est pourtant vous qui devriez rougir d’avoir écrit dans ladite lettre à Pecquet que son livre lui « a appris, en accord avec le principe dont Aristote [14] s’était convaincu, que le cœur est l’organe premier de l’hématose. » [5][15] La sanguification commence donc dans le cœur, et Riolan se plaint légitimement que les médecins de Paris, comme en atteste ce jeune docteur, soient divisés en deux factions, contre et pour l’antimoine ; et que ces derniers aient entrepris une conspiration, en signant un pacte pour établir la toute-puissance stibiale. Dans sa plainte auprès des médecins de Paris, quand il demande à être rétabli dans sa dignité, le foie fait cependant remarquer qu’il ne pourra l’obtenir : la ligue séditieuse des stibiaux s’y opposera car quand cette question est soulevée dans les Écoles, elle fait taire les antistibiaux. [6][16][17]
Page 206, Riolan a vu et loué, comme ses collègues pecquétiens, les veines lactées thoraciques que Pecquet a découvertes, mais Riolan a tout fait pour le tailler en pièces dès qu’il parlait de leurs insertions ; [18] et pire encore quand il parlait de leur fonction, page 186, car notre vieillard n’a pas reconnu leur véritable utilité, ce qui l’a mené à réprimander Pecquet plus sévèrement encore, page 187 ; [7][19] mais rien n’est plus faible et léger que les arguments dont Hyginus Thalassius l’assaille à la même page 206, et je ne souffrirai pas qu’il étouffe ainsi la lumière qui brille encore en moi, même si je perds mon temps à lutter contre la vérité de ce que Pecquet a écrit. [Page 111 | LAT | IMG]
Si la scission des médecins de Paris est authentique, je redoute fort (et vous vous souvenez d’avoir prononcé cet oracle fatal) que notre Faculté ne finisse par être culbutée de fond en comble, et que celle de Montpellier s’introduise dans la capitale, sans éviter que circa ægros miseræ sententiarum concertationes, nullo idem censente, ne videatur accessio alterius. Considérez donc bien, disait Cassiodore, Medici, dum non vultis vobis inuicem cedere, ne inuenta vestra videamini dissipare. Adviendra finalement ce qui s’est produit à Rome, d’après Pline, Per quæ effectum est, vt nihil magis prodesse videatur, quàm multitudo grassantium in tanta Medicorum discordia ; et alors perditio tua ex te Israël, erit. [8][20][21][22] La sanguification ne s’accomplirait que dans le cœur, le foie aurait pour unique fonction d’être le filtre et le réservoir de la bile. [23] Depuis que l’Université de Paris a été fondée et se tient debout, jamais un de ses docteurs n’a prononcé et consigné par écrit paradoxe si absurde et dangereux pour la vie humaine. Jamais nos anciens maîtres n’auraient toléré qu’il dît cela sans le punir, soit en le radiant de la liste de nos docteurs, soit en obtenant de lui qu’il abjurât un dogme si faux et pernicieux, et qu’il l’abandonnât. Vous tournez en dérision la piété de Riolan et en riez quand, approchant du terme de son existence, il pense à « se compter parmi les célicoles » ; [24] mais comme vous en avez coutume, vous avez mutilé le propos qu’il a tenu à la fin de sa préface contre Spiegel ; [9][25] et pour venger Pecquet et ses suppôts, vous menacez Riolan de sévères punitions qu’il n’a pas méritées, car il a solidement ancré dans le cœur, depuis l’enfance, ce qu’a dit le prophète et roi David, Initium sapientiæ timor Domini, [26] et il observe plus diligemment encore ce précepte, [Page 112 | LAT | IMG] une fois qu’il est devenu vieux, en se rappelant celui du Sage Siracide, Gloria Senum est timor Domini. [10][27]
Page 205, pour vous monter vraiment « stibialissime » et vous gagner la faveur de la faction stibiale (pour employer vos mots), vous affirmez impudemment que « toutes les universités, et particulièrement celle de Paris, ont approuvé le vin émétique qu’on tire du safran d’antimoine métallique, [28] dont l’emploi, tout aussi dénué de danger que l’invention des canaux pecquétiens, enrichit pareillement la science médicale. » [11]
Il est parfaitement faux que « Riolan qualifie ses collègues de pestes stibiales et stygiales » car il a dit cela des méfaits de l’antimoine qui mortifie et déchire la substance du foie : « Empêchez ce crime et chassez cette peste de votre Faculté ! » ; [6] c’est ainsi que je parle de ce métal, et non des docteurs de Paris, que je vénère tous et dont j’ai chanté les louanges dans un livre qui a paru naguère, ce que personne n’avait entrepris au cours des huit siècles écoulés depuis que l’École de médecine parisienne a été créée, et dans le livre i de mon Anthropographie, sur la construction de l’amphithéâtre d’anatomie. [12][29][30] Pourquoi plaisantez-vous si longuement sur la laine de chèvre ?Dic de tribus capellis, [13][31] secouez et réfutez donc mes arguments, comme vous l’avez promis à grands cris ; sinon je vous dirai, comme Horace fit jadis :
Parturient montes, nascetur ridiculus mus.Incerta hæc si tu postulas
ratione certa facere, nihil plus ages
quàm si des operam, vt cum ratione insanias. [14][32]Bartholin s’y est essayé dans ses Doutes anatomiques, [33] que j’ai résolus, [34] mais vous recuisez stupidement le même chou,
Occidit miseros crambe repetita magistros. [15][35]
Dans les trois précédents chapitres, les suppôts pecquétiens se sont efforcés, par leurs insultes, calomnies, mensonges et impostures, de diffamer Riolan, qu’ils ont dénigré et méprisé pour accroître la gloire de Pecquet. Dans celui qui les suit, ils ont médité de s’en prendre sérieusement et vaillamment à lui en démontrant la fonction des lactifères thoraciques, mais en s’y prenant très sottement comme je vais en procurer la preuve manifeste.Turpe est difficiles habere nugas,
Et stultus labor est ineptiarum. [16]Pages 207‑208, si ces docteurs de Paris avaient loyalement affronté Riolan, ils auraient dû examiner la dernière opinion qu’il a présentée dans son jugement nouveau sur les veines lactées du thorax. Il y a remarqué que, selon Vésale, [37] la branche mésentérique [38] se dirige sous le mésentère vers la grande glande, [39] où le chyle ruisselle de tous côtés, en passant par les veines mésaraïques. Ce sont celles dont Hérophile [40] a établi qu’elles ne naissaient pas du foie : Galien, vers la fin du livre iv sur l’Utilité des parties, [41] atteste que, selon Hérophile, ces veines aboutissaient à des corps glanduleux, tandis que toutes les autres remontaient le chyle au hile du foie ; [17] il établissait ainsi deux sortes de veines mésentériques, dont les unes menaient le chyle aux glandes et les autres, au foie. Comme les médecins, les aruspices de l’Antiquité voyaient les veines lactées quand ils ouvraient du bétail vivant pour célébrer leurs sacrifices expiatoires ou prédire l’avenir en [Page 114 | LAT | IMG] scrutant leurs entrailles, et s’ils observaient quelque chose d’insolite, ils en tiraient des oracles. [42] Les Romains donnaient au mésentère le nom de lactes, selon Plaute, dans le Curculio : præ vacuitate laxis lactibus accedo. [18][43] Dans sa version latine de l’Histoire des animaux d’Aristote et ailleurs, Gaza a traduit mesenterion par lactes. [19][44][45] Quand, en disséquant un chien, Aselli [46] a vu le mésentère laiteux, il a cru que ces veines étaient celles qu’Hérophile avait observées, et il en a tiré occasion d’écrire son livre sur les Veines lactées. Étant pour ma part convaincu que les veines du mésentère puisent et emportent le chyle, je n’ai pas prêté grande attention à la blancheur des veines mésaraïques chez des animaux bien nourris, puisque cela n’apportait rien à l’art de mieux exercer la médecine et que les philiatres avaient tenu leur observation pour incontestable. [20] Pecquet a vu et soigneusement examiné les lactifères, et a découvert le réservoir qui reçoit le chyle ruisselant de partout. [47] Toutefois les branches cæcale et mésentérique inférieure, qui se distribuent dans le gros intestin, ne possèdent pas leur réservoir propre, et ni Pecquet ni les docteurs de Paris qui sont ses disciples n’ont observé de telles branches. [48][49] Ensuite, le chyle devrait se diviser pour se rendre au foie et au cœur en empruntant des rameaux distincts ; si, de fait, les veines issues du tronc mésentérique atteignent le réservoir et sont obturées par des valvules, elles en ramènent soit du chyle soit du sang artériel car, selon les lois de la circulation, elles sont jointes aux artères mésentériques, qui se divisent en autant de branches qu’il y a de veines mésentériques, lesquelles transportent le chyle avec le sang. [21]
[Page 115 | LAT | IMG] Page 207, premier argument : Riolan dit que d’innombrables veines lactées ne peuvent se résoudre en deux veinules thoraciques afin de mener la totalité du chyle au cœur, pour qu’il s’y transforme en sang destiné à nourrir le corps. J’ai ailleurs écrit, ajoutent-ils, que quatre lactifères délivrent le chyle au foie : [22] j’ai parlé là comme Aselli ; mais il me semble admirable que, selon Pecquet, deux canaux puissent faire remonter le chyle jusqu’au cœur, alors même qu’on n’en trouve très souvent qu’un seul, lequel est fin et chemine à gauche, et c’est d’ailleurs le seul que Pecquet et Gayan, le chirurgien qui l’assiste, savent montrer. [50][51][52]
Le chemin aurait été plus court si ce canal s’était inséré dans la veine cave inférieure, [53] sous le foie, et c’est ce que la nature aurait fait si son dessein était d’envoyer le chyle dans le cœur en le mêlant au sang : et si elle ne s’y est pas prise ainsi, répondra le suppôt pecquétien, c’est que cette voie ne convenait pas.
Page 208, cet imposteur et méchant chicaneur invente les raisons que j’aurais avancées, car le chemin de la veine cave inférieure n’était pas plus commode. Puisque je reconnaissais que le canal de Pecquet monte jusqu’à la veine axillaire, j’ai réfléchi à sa fonction, soit à la raison pour laquelle il transporte une petite partie du chyle. Pecquet présume qu’il s’agit de la totalité du chyle, mais le docteur pecquétien reconnaît la taille inégale des vaisseaux et sépare le chyle en deux portions : la plus déliée et la plus pure emprunte la voie thoracique, et la plus épaisse gagne les veines mésaraïques pour se mêler au sang et se rend au foie, où elle est transformée en sang et purgée, avant finalement d’arriver dans les cavités du cœur qui lui confèrent [Page 116 | LAT | IMG] sa perfection. [54] Ainsi donc le chyle hépatique est-il purgé dans le foie et parachevé dans le cœur. Il ajoute que cette répartition entre les veines mésaraïques et les lactifères va parfaitement à l’encontre de la découverte pecquétienne, et s’y oppose même tout à fait. Ainsi donc se trouverait-il deux sangs distincts dans le corps, parvenant séparément au cœur : l’un, hépatique, est passé par le foie, et l’autre, cardiaque, dérive du chyle monté dans le cœur par les lactifères thoraciques ; les lactifères mésentériques les ont tous deux fait s’écouler dans le réservoir, et celui qui emprunte les veines mésaraïques pour aller dans le foie est le même que celui qui est transporté vers le cœur par les canaux thoraciques. [23] Ces vaisseaux sont néanmoins pareillement perforés et le chyle sourd au travers de leurs petits orifices, à l’instar de la rosée qui est emportée par les lactifères du thorax, mais il a été purifié dans les parois de l’intestin de la même façon que celui qui va au foie : ni l’un ni l’autre n’ont ainsi besoin d’épuration ; votre théorie est donc fausse quand elle distingue un chyle cardiaque parfaitement pur, et un chyle hépatique grossier et impur. [55]
Si, selon vous, du chyle passe dans les veines mésentérique, pourquoi ne s’agit-il pas de sa totalité ? N’existe-t-il pas dans les intestins un triage qui sépare votre chyle en ses deux portions, ténue et épaisse ? Sans cela, le cœur et le foie puisent leur chyle à la même source.
Voilà maintenant que vous vous écartez de la doctrine de Pecquet, votre précepteur, qui établit le cœur comme seul organe de la sanguification, en soutenant mordicus [Page 117 | LAT | IMG] que le foie attire et retient la bile ; et votre collègue a confirmé cela dans sa lettre de félicitations, qu’il a revue et augmentée. [56] J’ai déjà annoté vos expériences de la page 210 et j’ai démontré, dans mon Anthropographie et dans mes secondes Animadversions contre l’Anatomie réformée de Bartholin, [57] que le foie affamé attire le chyle le plus ténu de l’estomac par les veines du tronc porte qui sont fixées à l’estomac. [24][58]
Page 211, « La circulation du sang dans la veine porte déplaît à Riolan, mais j’aimerais qu’il prouvât la fausseté de la très probante expérience présentée par Harvey. » Puisque vous m’y poussez, vous avez fait voir que vous ne savez pas l’anatomie quand vous avez dit que « la ligature de la racine du mésentère la rend manifeste chez un chien vivant, et plus encore celle de son tronc tout près du foie, qui le vide de son sang en aval du lien, mais s’en remplit dès qu’on le dénoue ». Pourquoi s’en étonner ? N’y a-t-il pas, entre la veine porte qu’on a liée près du foie et la racine du mésentère qu’on a oblitérée, d’innombrables veines qui extraient et sucent alors le chyle du tronc porte comme sont les trois branches mésentériques et la splénique ? Quand on relâche la striction du mésentère, un autre sang vient remplir la veine porte, pour remplacer celui que les parties voisines ont capté et attiré : convenez donc maintenant de votre ignorance. [25]
« La circulation est bien plus nécessaire encore dans la veine porte, où le sang impur et bourbeux, ralenti dans un endroit stagnant, pourrirait très facilement ». Vous ne savez pas que le diaphragme, par son mouvement propre, comparable à celui d’un éventail, agite et remue les viscères qui lui sont appendus ou qui en sont voisins. [59] Ne connaissez-vous pas non plus la puissance de la contraction péristaltique [Page 118 | LAT | IMG] intestinale, [60] telle qu’on la voit sur les anses qui surgissent d’une plaie de l’abdomen ? Ce mouvement est certes très affaibli chez les animaux mourants dont on a ouvert le ventre. Ignorez-vous aussi qu’à tout instant le tronc cœliaque et l’artère splénique apportent du sang nouveau, et que leurs battements sont manifestes ? [61][62] et que quand le sang regorge dans les vaisseaux de la région alvine, il reflue dans le tronc de l’aorte descendante ? [63]
Page 211, parmi les solides raisons pour lesquelles j’ai réfuté la circulation du sang dans la veine porte et son retour au cœur, vous avez choisi la plus fragile, qui est en lien avec la comparaison historique du microcosme et du macrocosme, sur laquelle je n’insiste pas, et pour faire étalage de votre savoir, vous discutez du mouvement de la mer, par exemple de son flux et reflux, sur quoi les physiciens et les mathématiciens ne sont pas d’accord entre eux. On y compte autant de chapitres qu’il y a d’avis et le procès n’est pas encore jugé, aussi m’abstiendrai-je de donner le mien sur une question aussi délicate et ardue. [26]
Page 213, « Ce deuxième argument, dites-vous, se résout de la même manière que le premier », et Riolan ne trouvera aucune proportion entre le nombre des veines mésentériques et celui des pores par où elles pénètrent dans le foie, car elles sont innombrables et si peu d’orifices ne peuvent leur suffire. Je réponds en un mot à votre inepte raisonnement : il ne peut y avoir aucune proportion entre ces deux nombres, car je n’ai compté ni les veines mésaraïques ni les rameaux terminaux de la veine porte, que vous appelez des pores, [64] et ladite proportion n’est pas nécessaire, étant donné que s’intercale le tronc de la veine porte, dont le calibre est quatre fois plus grand que celui des deux canaux lactifères pecquétiens (dont il n’existe très souvent qu’un) ; [Page 119 | LAT | IMG] et pourtant, il devrait y avoir équivalence de capacité entre lesdits canaux thoraciques et la grande abondance de sang qui s’écoule du cœur, car la majorité des hommes le consomment et dépensent avec voracité pour nourrir leur corps et assurer, selon la Statique de Sanctorius, sa transpiration insensible ; [27][65][66] ce que doit procurer une alimentation copieuse, qu’il faut apporter au cœur pour compenser la dépense de sang. Les lactifères thoraciques ne peuvent assurer cela, alors que si la sanguification est hépatique, et non cardiaque, elle en est capable, étant donné que la grande taille du foie et sa situation très proche du cœur permettent au sang d’y être transféré rapidement.
J’ajoute que, selon vous, page 240, [67] « Le foie est l’autre source de la chaleur innée [68] parce que le riche fonds de son vaste et épais parenchyme renferme une très grande quantité d’esprits naturels ; [69] en outre, les innombrables veines qui y sont éparpillées contiennent beaucoup de sang. » Vous êtes donc ridicule quand vous ne voulez ni établir d’égalité entre les veines du mésentère et les veines de la porte et du foie, ni les joindre les unes aux autres. [28]
Page 214, troisième argument : « L’expérience et le regard montrent manifestement que quand une main appuie sur les lactifères thoraciques, le chyle s’écoule jusqu’au cœur, en jaillissant comme de l’eau dans la veine cave, qu’on a incisée longitudinalement. » Ce n’est pas ce qu’affirme votre maître Pecquet, [29] et si vous pouvez me montrer et prouver cela chez un animal vivant, je vous proclamerai supérieur à lui et j’admettrai votre répartition du chyle entre le foie et le cœur. Vous avez pourtant écrit ailleurs, page 218, que le chyle, en passant par les fins orifices des veinules lactées, s’écoule goutte à goutte dans la veine axillaire [70] et se mêle immédiatement au sang, en sorte qu’il ne subsiste aucune trace de sa blancheur. Je vous cite pas plus longuement sur ce sujet, dont je ne continuerai plus à débattre contre les pecquétiens. [30]
[Page 120 | LAT | IMG] Page 215, quatrième argument : Ailleurs dans le corps, on ne trouve pas une aussi grande abondance de graisse que dans le mésentère et les reins ; elle peut donc écraser et étouffer le réservoir et l’origine des canaux thoraciques. À ma remarque, vous répondez que « si la graisse n’écrase pas les veines du rein, pourquoi écraserait-elle les nôtres ? » Vous ne savez pas que dans la campagne d’Agrigente, en Sicile, les reins des moutons sont si chargés de graisse qu’ils s’en trouvent étouffés, qu’Aristote a appelé cette maladie περινεφρα et qu’elle peut affecter les humains ; [31][71][72] elle est due à l’écrasement du réservoir, autrement nommé citerne de Pecquet, avec destruction de la jonction entre les glandes mésentériques inférieures et les veines lactées thoraciques. [73]
Page 215, votre cinquième argument traite de la poussée ascendante du chyle dans les canaux thoraciques, et Gayan m’y a démontré sa présence ; mais en toute bonne foi chrétienne, il ne m’a fait voir qu’un unique canal dans le thorax, qui contenait une humeur bleuâtre, peut-être due au mélange du chyle avec le sang : et voilà tout, car lors de sa prudente dissection, craignant qu’ils ne fussent absents, il n’a cherché à me montrer ni le réservoir, ni le canal droit du chyle, ni l’insertion du gauche dans la veine axillaire.
Si le disciple de Pecquet avait loyalement agi à mon égard, il aurait remarqué que, dans mon Jugement nouveau, qu’il a vu et lu, les canaux lactés de la veine porte sont gonflés de chyle quand le réservoir en est plein, mais qu’ils n’en contiennent plus quand son transfert dans [Page 121 | LAT | IMG] le foie est achevé ; et qu’en outre, Vésale et Rondelet [74] ont précédemment observé le canal thoracique gauche ; pour le droit, ils admettent qu’il s’agit de la branche azygos, [75] qui s’insère dans la veine cave et descend en direction des reins. [32]
Voici ma réponse à son septième argument : à des moments variables, la bile s’écoule de la vésicule ou par le canal cholédoque dans les intestins, [76] alors que le chyle n’en a pas encore été évacué, qu’il s’agisse de sa portion qui va au cœur ou de celle qui va au foie. [77] Le chyle qui gagne le foie emprunte les veines mésentériques et arrive dans la veine porte avec la bile, tandis que l’humeur mélancolique s’éloigne vers la rate, [78] et que le sérum [79] s’en va dans les reins et les veines émulgentes. [80] Ainsi ce chyle hépatique a-t-il été purifié, mais celui qui se dirige vers le cœur, en empruntant les lactifères thoraciques, n’a subi aucune séparation des excréments qu’il contient [81] avant d’y parvenir, si bien qu’il souillera les poumons et le cœur. [82][83] Comme vous en convenez, il ne pourra être débarrassé de ses impuretés qu’après de nombreuses circulations, mais pendant ce temps, c’est un sang corrompu qui sera envoyé dans toutes les parties du corps pour les nourrir, et que les veines conduiront ensuite aux portes du foie où il sera purgé. [33][84] Que cette transmigration du chyle transformé en sang est donc longue et difficile, avant qu’il ne soit purifié !
Dans votre huitième argument, vous écrivez : « Ce n’est pas du chyle qui parvient au cœur, mais du sang imprégné d’une portion du chyle ; et ce mélange ne contient qu’une petite quantité de chyle, car il sourd goutte à goutte dans les subclavières. » Ce n’est donc pas la moitié de tout le chyle qui monte à profusion et à grands flots vers les axillaires. Néanmoins, vous avez écrit, page 214, que « le chyle s’écoule manifestement jusqu’au cœur, en jaillissant comme de l’eau [Page 122 | LAT | IMG] dans la veine cave, qu’on a incisée longitudinalement », comme l’a dit votre cher Pecquet dans la première partie de son livre, mais il s’est rétracté dans sa réponse à Riolan : [85] je constate ainsi qu’elle avait été rédigée et préparée depuis longtemps déjà. [34]
Pages 220‑221, neuvième argument : le disciple de Pecquet se glorifie que j’aie tiré de sa lettre et qu’il m’ait procuré des flèches pour attaquer la montée du chyle vers le cœur, mais en y répondant que la nature agit de la meilleure façon, car elle a trouvé des voies qui purifient manifestement le chyle. « Il est purgé de ses détritus dans la région alvine : il les abandonne non seulement dans les intestins, quand il est filtré par leurs parois, mais aussi dans la substance spongieuse du pancréas où, selon Aselli, [86] s’intriquent de curieuses anfractuosités et un réseau semblable aux vrilles d’une vigne, qui contient une substance lactée. » [35] Ce passage montre que vous ignorez la structure du réservoir, parce que vous ne l’avez pas soigneusement examiné et ne comprenez pas ce qu’a écrit votre maître : vous le contredisez car il rit du pancréas d’Aselli et le rejette ; quant à vous, vous confondez la glande du mésentère, qu’Aselli appelle pancréas, et le vrai pancréas, qui est placé sous le foie et l’estomac. Pecquet veut que son chyle s’écoule dans la cavité du réservoir, mais vous écrivez qu’il s’y attarde et qu’il est purgé « dans la substance spongieuse du pancréas où s’intriquent de curieuses anfractuosités et un réseau semblable aux vrilles d’une vigne, qui contient une substance lactée », en oubliant ce qu’a dit votre précepteur : Aselli a mis au jour les lactifères, [36] ; et voilà comme, en se contentant de ce jugement superficiel, il se joue de ce très éminent anatomiste dont vous suivez l’opinion !
Vous poursuivez en montrant que dans ce viscère le chyle est parfaitement purgé et acquiert une parfaite pureté : « La remarquable [Page 123 | LAT | IMG] blancheur du pancréas et la texture de son parenchyme, dit aussi Aselli, suggèrent que la portion la plus fangeuse et crue du chyle s’y infiltre, à la manière dont le placenta, ou foie utérin, [87] absorbe ce qui est bourbeux dans le sang maternel. Il faut ainsi croire que l’habile nature a formé tant de filtres pour qu’un chyle parfaitement purifié et purgé parvienne au cœur. »
Le lecteur remarquera la nonchalante ignorance d’un homme qui compare le pancréas d’Aselli au placenta utérin. [37] Étant donné la longueur des voies qu’il parcourt et le ralentissement qu’il subit dans sa traversée du pancréas, le chyle (qui doit monter rapidement dans le cœur) est enfin « dilué dans le sang, subissant encore une coction, sous l’effet de ce mélange, avant de gagner les cavités cardiaques. Tout étant soigneusement considéré, il est évident que le chyle ne peut être nocif pour le cœur. En effet, il ne l’est pas pour le foie, alors qu’il lui parvient à l’état cru, impur et brut, selon Riolan, et que dans ce viscère, la chaleur est plus douce et les vaisseaux sont plus fins que dans le cœur, ce qui fait qu’il contient une moindre quantité de sang ; alors pourquoi, en entrant dans le cœur, le sang humecté par la portion la plus pure et élaborée du chyle corrompra-t-il les esprits vitaux ? » Vous comparez des situations fort différentes parce qu’il restera toujours de la bile, même si elle est adoucie, dans votre moitié du chyle qui se mêle au sang cardiaque. Comme vous le croyez, le chyle qui se déverse dans le foie est aussitôt transformé et digéré, de façon qu’il perde ses parties les plus grossières et qu’elles soient toutes éliminées à l’endroit qui leur convient ; en revanche, aucune séparation de cette sorte ne se fait dans le cœur ni dans les parties que le sang doit nourrir, et c’est donc un chyle impur qui formera leur aliment. Rappelez-vous ce que vous avez dit du foie page 240 : [28] « il est l’autre source de la chaleur innée parce que le riche fonds de son vaste et épais parenchyme renferme une très grande quantité d’esprits naturels, et que les innombrables veines qui y sont éparpillées contiennent beaucoup de sang, [Page 124 | LAT | IMG] dont les particules, épaissies et comprimées par tant de chenaux étroits et de pores, permettent une multiplication de la chaleur. »
< Page 222 >, « Le chyle cardiaque contient peu de bile, et elle a été bâillonnée par le tempérament des autres parties » : vous auriez dû nommer ces parties (qui procurent cette atténuation) car ledit chyle n’en traverse aucune qui puisse le tempérer, et sa bile n’a pas encore été « libérée des liens qui l’attachent à ce mélange ». Il est donc de pire qualité car il n’a pas perdu sa bile, mais vous la dites « utile car elle rend le sang plus ardent et plus vif, puis une fois cette fonction accomplie, après de nombreuses circulations, elle est éliminée tant par le foie que par les reins. » [88] Vos arguments sont absurdes et ridicules, et se contredisent les uns les autres : si la bile est utile, elle ne doit être mise à l’écart et éliminée comme un excrément !
Page 224, le pecquétien insiste : « Riolan dit qu’il est indigne du cœur, qui est le Soleil et le roi du microcosme, d’assurer la cuisine du corps dans le cabinet de l’âme. » Je répondrai qu’il n’est pas inconvenant qu’un prince fournisse de la nourriture à ses sujets et fasse donc de sa chambre une cuisine. Il insiste encore : « Vie et nutrition ne sont que cuisine si on tient pour telle la charge de parfaire le sang, de digérer les aliments et de les distribuer. » Les parties du corps réclament un aliment bien préparé par le foie et le convertissent [Page 125 | LAT | IMG] en leur propre substance, le sang n’est destiné à rien d’autre qu’à nourrir et conserver le corps.
Page 226, « Si le sang choisit de pénétrer dans le cœur, etc. » [38] Il est amplement suffisant de croire que le cœur, selon Hippocrate et Galien, a le choix du sang et attire celui qui est pur ; il ne l’engloutit pas voracement mais n’en prend que ce dont il a besoin, car il en a toujours à sa disposition, qui attend devant ses entrées ; quand il est impur, il le recrache en le renvoyant dans le tronc de la veine cave pour qu’il soit purgé dans les intestins en passant par les veines mésentériques, ou dans les reins ; le sang ne stagnera donc pas autour du cœur.
Page 226, Homine imperito nihil ineptius, nihil rectum putat nisi quod ipse facit. [39] Notre jeune pecquétien croit qu’il m’a attrapé dans ses filets et que je ne peux m’en dégager. Qu’il prête attention à ma première Responsio et la pèse soigneusement, car je m’y suis déjà suffisamment justifié de ses neuf arguments qu’il a tirés de mes Opuscules, et je ne répéterai pas. Il juge que ses réfutations sont inexpugnables, et reprend ensuite les quatre fonctions que j’ai attribuées aux lactifères thoraciques, qui perdront toute valeur si le chyle ne les emprunte pas pour gagner le cœur, mais je les ai conçues et proposées séparément pour que le lecteur y choisisse à son gré ou en trouve d’autres. [40] Ce faussaire en déduit que je les ai admises : quand on m’a fait la démonstration du canal thoracique gauche, je n’ai certes plus douté de son existence et de son ascension jusqu’à la veine axillaire gauche pour y délivrer du chyle ; mais comme la capacité de ce canal est insuffisante pour transporter la totalité du chyle, je lui ai imaginé quelques fonctions en laissant au lecteur le soin de les juger et d’y faire son choix.
[Page 126 | LAT | IMG] Page 227, il est vrai que voilà trente ans M. Puilon, [89] notre très docte collègue, a fait la démonstration des lactifères mésentériques sur un cadavre que j’avais publiquement disséqué dans nos Écoles, et que nous ne nous sommes pas souciés de le faire savoir. J’ai bien dit et soutiens encore que, si on les trouve chez l’homme, ce seront des rameaux issus de la branche mésentérique de la veine porte ; et les lactifères, tant mésentériques que thoraciques, le sont pareillement, et partagent donc le liquide que contient la veine porte et la substance qu’elle transporte. [41][90]
Page 228, vous me citez disant que si ces veines lactées et ce réservoir du chyle existent chez les bêtes, il ne va pas de soi qu’on les trouve chez l’homme, jamais vous ne les y verrez à moins de le disséquer vivant, mais vous avez abrégé mon propos ; ajoutez-y donc ce que vous en avez retiré : étant donné que chez les bêtes, sitôt qu’elles ont trépassé, ils disparaissent entièrement, comme Pecquet l’assure, sans laisser aucune trace visible. [42][91] Pecquet a été responsable de votre erreur sur ce point. Je ne doute plus du tout de leur existence chez l’homme depuis l’observation qu’en a faite M. Charles Le Noble, [92] très docte médecin et éminent anatomiste. En me fondant sur ce que d’autres avaient rapporté, j’ai cru que du chyle passait dans la veine cave, mais Pecquet l’a obstinément nié dans sa première expérience. [93] Voilà pourquoi j’avais conçu certaines fonctions pour ce chyle qui s’écoule dans la veine cave inférieure ; et quoi donc ? cela n’a pas de rapport avec la montée du chyle vers le cœur. Vous cherchez partout querelle. [43]
Page 227, si le disciple de Pecquet agissait plus loyalement à mon endroit, il oublierait les spéculations que j’ai proposées sur l’union du canal thoracique gauche à la veine axillaire, il insisterait sur la plus mûre et récente conjecture que j’ai exposée dans mon Jugement nouveau sur [Page 127 | LAT | IMG] les Veines lactées, [32] où j’ai solidement démontré que ce sont des rameaux de la veine porte et qu’elles gagnent les axillaires pour établir cette communication entre les veines porte et cave supérieure, que les anatomistes cherchent depuis fort longtemps. Néanmoins, comme il ne peut me mordre et déchirer sur ce point, il l’a laissé de côté, préférant s’occuper à blâmer mes autres spéculations. J’affirme donc que celles que j’ai proposées sur la fonction des canaux thoraciques ne sont pas tout à fait certaines : j’ai laissé à chacun la liberté d’en juger pour en retenir ou rejeter ce qu’il voudra, quand je soutiens que si du chyle atteint le cœur, ce n’est qu’en petite quantité et afin d’y remplir les fonctions que j’ai citées, mais non d’y être transformé en sang. Le disciple de Pecquet en tire argument pour prouver que j’admets l’écoulement du chyle dans le cœur et conviens ainsi que la sanguification cardiaque existe. Son imposture est manifeste.
Quant aux fonctions des lactifères en relation avec les veines porte et caves, la conjecture que j’en ai présentée dans mon Jugement nouveau aurait été détruite par la première expérience de votre précepteur, [43] car il pense y avoir clairement démontré que le réservoir ne communique absolument pas avec les veines porte et cave dans l’abdomen, bien que de très éminents professeurs d’anatomie, tels Aselli, de Wale [94] et Conring, [95] parmi d’autres, aient écrit et prouvé le contraire.
Le premier docteur pecquétien de Paris était Jacques Mentel, et le « second », son collègue Pierre De Mercenne, alias Hyginus Thalassius. Contrairement à moi, Jean ii Riolan pensait que ses deux hardis collègues se cachaient sous ce pseudonyme. Sa critique portait toujours sur le chapitre iii de la Brevis Destructio (début de la page 203).
De Mercenne, dans la deuxième des trois lettres de soutien adressées à Jean Pecquet (première édition des Experimenta nova anatomica, 1651), avait réfuté, par anticipation et à visage découvert, la supposée souillure des esprits vitaux par le chyle impur qui parvient dans le cœur, en disant (page 153) que la nature sait ce qu’elle fait, et que son dessein n’est pas de nuire à la santé.
Ici comme ailleurs, ma traduction a préféré la clarté au strict respect des incessantes fluctuations de Riolan dans sa manière de parler de lui-même et des autres, soit à la troisième personne, soit aux première et deuxième.
V. note [5], Dissertatio anatomica, chapitre ii, pour les fausses idées de Jean ii Riolan sur le mouvement du sang dans le système porte, qu’il mettait hors du circuit harvéen, pour y imaginer par un lent va-et-vient entre le foie et les viscères sous-jacents.
Pour mieux comprendre l’expérience des ligatures de la veine porte qu’Hyginus Thalassius a trop brièvement exposée (v. infra note [25]), il faut en lire l’exposition donnée par Jean Pecquet dans le susdit chapitre (pages 31‑32, v. ses notes [6]‑[8]).
V. note [28], chapitre iii de la Brevis Destructio, pour la manière dont Hyginus Thalassius a tronqué une citation du traité de Jean ii Riolan de Motu cordis eiusque circulatione vera, ex doctrina Hippocratis [sur le Mouvement du sang et sa véritable circulation, selon la doctrine d’Hippocrate] (chapitre xix, page 149) : il rétablissait ici le texte originel de ce qu’il avait écrit contre les expériences de William Harvey et de Jan de Wale.
Hieroglyphica d’Horapollon, chapitre 36, pages 30‑33, Quomodo Ægyptias litteras [Comment se font les lettres égyptiennes] : {a}
Cæterum Ægyptias litteras, aut sacrum scribam, aut finem inuentes, atramentum, cribrum et iunctum pingunt. Ægyptias quidem litteras, quod his omnis apud eos scriptura compleatur. Iunco enim, non alia re vlla scribunt. Cribrum verò appingunt, quoniam hoc cùm primùm sit panis conficiendi instrumentum, ex iunco fit. Innuunt itaque, cuicumque victus suppetit, eum litterarum studiis animum adiuncturum : cui vero non suppetit, aliis operam daturum artibus. Quociraca et apud eos eruditos Sbo vocatur, quod nomen si interpreteris, plenum alimentum sonat. Sacrum autem scribam, quoniam hic vitam mortemque dignoscit. Nam est apud sacros scribas liber, sacram ambrem appellant, cuius ope iudicium de ægroto decumbente ferunt, sit vitalis, necne ; id ex ægri decubitu, signis quibusdam perspicientes. Finem denique, quoniam qui litteras didicit, ad tranquillum vitæ portum pervenit, non iam vitæ incommodis oberrans aut fluctuans
Dans la traduction française, {b} ce texte correspond au xxxviiie hiéroglyphe, L’encre, le jonc, le crible, pages 78‑80 :
« Ces trois choses désignent les lettres égyptiennes, le scribe sacré, la fin. Elles désignent les lettres égyptiennes parce que, chez les Égyptiens, toute écriture s’exécute avec le jonc et l’encre, et parce que le crible, {c} qui est fait avec du jonc et qui est le premier outil pour faire du pain, donne à entendre que quiconque a de quoi vivre, s’appliquera aux lettres, et que celui qui manque du nécessaire, se livrera à un autre art. De là vient que les Égyptiens appellent la science Sbo, mot qui signifie nourriture pleine, c’est-à-dire suffisante. {d}Le scribe sacré est évidemment désigné par l’encre et le jonc. Il l’est aussi par le crible parce qu’il discerne la vie et la mort, comme le crible sépare le bon grain du mauvais. Il fait ce discernement par le moyen d’un livre, gardé par ceux de ce collège, et sacré comme eux. Les Égyptiens l’appellent Ambrés : il leur sert à connaître si un malade vivra ou s’il mourra, et cela à la façon dont il est dans son lit.
L’encre, le jonc et le crible, désignant les lettres, désignent aussi la fin, parce que celui qui les a apprises est arrivé à une fin heureuse, à un port tranquille, où il n’est plus agité par les maux de la vie. »
- Paris, 1647, v. note [1], Responsiones duæ de Jean ii Riolan, préface au lecteur.
- Hiéroglyphes, dits d’Horapolle, ouvrage traduit du grec par M. Requier, « À Amsterdam, et se trouve à Paris, chez Musier, libraire », 1789, in‑12, de 326 pages.
- Tamis.
- Mise en exergue du passage abrégé par Jean ii Riolan, pour faire entendre qu’il ne tenait pas Hyginus Thalassius pour un savant.
Les sources et commentaires de ces citations sont dans les notes :
Les propos de Jean ii Riolan contre le parti antimonial de la Faculté de médecine de Paris sont développés dans la note [35], chapitre iii de la Brevis Destructio. J’ai préféré ici l’italique aux guillemets car il s’agit d’une interprétation et non d’une citation de son Hepatis funerati et resuscitati Querimonia [Plainte du foie pour ses obsèques et sa résurrection] (1653). Dans sa détestation des nouveautés médicales qui n’émanaient pas de lui, Riolan assimilait clairement les partisans de l’antimoine aux tenants de la sanguification cardiaque, mais c’était confondre deux débats qui n’avaient rien de commun, tant en ampleur qu’en enjeu.
Jean ii Riolan revenait sur des reproches qu’Hyginus Thalassius lui avait adressés aux pages indiquées dans le chapitre i de sa Brevis Destructio.
Jean ii Riolan empruntait ses quatre citations latines à trois sources.
Pline l’Ancien, Histoire naturelle, livre xxix, v, contre les innovations nuisibles que les médecins étrangers introduisaient à Rome (Littré Pli, volume 2, pages 298‑299) :
Nec dubitum est, omnes istos famam novitate aliqua aucupantes anima statim nostra negotiari. Hinc illæ circa ægros miseræ sententiarum concertationes, nullo idem censente, ne videatur accessio alterius.« Il n’est pas douteux que tous ces gens-là, cherchant la vogue par quelque nouveauté, l’achetaient aux dépens de notre vie. De là ces misérables débats au chevet des malades, personne n’accédant à l’avis déjà émis, de peur de paraître subordonné à un autre. »
Habeantur itaque medici pro incolumitate omnium, et post scholas magistrum vacent, libris delectentur antiquis. Nullus inustius assidue legit, quam qui de humana salute tractauerit. Deponite medendi artifices noxias ægraotantium contentiones : vt cum vobis non vultis cedere, inuenta vestra inuicem videmaini dissipare« Qu’il y ait donc des médecins, dans l’intérêt de la santé publique, et qu’au sortir des écoles ils exercent leur profession et fassent leurs délices de la lecture des auteurs anciens. Personne n’a de plus sérieux motifs d’étudier que celui qui veut s’occuper de la santé des autres. Laissez donc de côté, vous qui exercez l’art de guérir, ces querelles si nuisibles aux malades ; craignez, en refusant de vous faire des concessions mutuelles, de perdre le fruit des découvertes utiles que vous pourriez réciproquement faire. »
- Opera, Paris, 1588, v. notule {a}, note [51], Responsio ad Pecquetianos, 3e partie.
- Comte des archiatres est l’antique dénomination du premier médecin du souverain.
- Traduction de Camille Vieillard, Bulletin de la Société française d’histoire de la médecine, 1903, no 2, page 521.
Ne avaritiam quidem arguam, rapacesque nundinas pendentibus fatis, et dolorum indicaturam, ac mortis arrham, aut arcana præcepta, squamam in oculis emovendam potius, quam extrahendam : per quæ effectum est, ut nihil magis prodesse videretur, quam multitudo granssantium. Neque enim pudor, sed æmuli pretia summitunt.« Je passerai même sous silence l’avarice, les marchés cupides quand la destinée est pendante, les douleurs taxées, les arrhes prélevées sur la mort, et ces secrets du métier, par exemple : déplacer seulement, au lieu de l’extraire, le corps opaque dans l’œil. {a} Aussi, rien ne paraît-il plus avantageux que le grand nombre de ces aventuriers ; ce n’est pas la pudeur, c’est la concurrence qui leur fait baisser le prix. »
- Pline parlait sans doute d’une taie (membrane opaque) de la cornée, plutôt que d’une opacité du cristallin (cataracte, v. note Patin 2/116), car on n’a su l’extraire qu’au xviiie s. : auparavant, on se contentait de luxer le cristallin pour le faire tomber au fond de l’œil.
Perditio tua ex te, Israel, tantum ex me auxilium tuum.[Ta perdition vient de toi, Israël, mais de moi seul vient ton secours].
V. note [20], Experimenta nova anatomica, chapitre i, pour l’emploi maladroit du mot « célicole » par Jean ii Riolan, dont Hyginus Thalassius s’est gaussé (mais sans vraiment le mutiler).
Pour vanter une fois de plus l’honneur des vieillards, Jean ii Riolan citait deux versets de l’Ancien Testament (dans la version latine de la Vulgate) :
V. notes :
Jean ii Riolan citait deux de ses ouvrages :
« Parle-moi de mes trois chèvres », Martial, Épigrammes, vi, xix, à l’avocat Posthumus :
Non de vi, neque cæde, nec veneno,
Sed lis est mihi de tribus capellis :
Vicini queror has abesse furto :
Hoc judex sibi postulat probari.
Tu Cannas, Mithridaticum bellum,
Et perjuria Punici furoris,
Et Sullas, Mariosque, Muciosque
Magna voce sonas, mauque tota.
Jam dic, Postume, de tribus capellis.[Mon procès n’est ni pour violence, ni pour meurtre, ni pour poison : il ne s’agit que de trois chèvres ; je me plains qu’un voisin me les a volées. Le juge en demande la preuve, et toi tu parles de la bataille de Cannes, de la guerre de Mithridate, des fureurs de la perfide Carthage, et tu cites les Sylla, les Marius, les Mucius, avec grand luxe de paroles et de gestes pompeux. Parle donc, Posthumus, de mes trois chèvres].
V. note [28], seconde Responsio, première partie, pour les vers du même Martial sur les futiles discussions à propos de « la laine de chèvre » (lana caprina).
« La montagne va accoucher, il en naîtra une ridicule souris. {a}
Si tu prétends fixer par la raison des choses aussi mobiles, tu n’y réussiras pas mieux que si tu essayais de déraisonner raisonnablement. » {b}
- Horace, v. note [5], Anagramma.
- Térence, v. note [34], lettre de Sebastianus Alethophilus.
V. notes :
Martial, Épigrammes, livre ii, lxxxvi, vers 9‑10 : « À pâlir sur des riens l’auteur se déshonore, et il est stupide de se torturer l’esprit avec des inepties. »
V. notes :
Gaspare Aselli avait eu la gloire de décrire les lactifères mésentériques en 1622 chez le chien vivant en période de digestion (livre publié en 1627, v. note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre i). Ils avaient échappé à Riolan car ils sont vides chez les cadavres qui fondaient ses travaux, où ij recourait rarement à la vivisection animale. Il était mauvais joueur quand il :
.
« me voici qui viens avec les intestins relâchés », {a} passage difficile de Plaute, Curculio [Le Charançon], acte ii, scène 3, vers 322‑324 :
Perii ; prospicio parum,
os amarum habeo, denteis plenis, lippiunt fauces fame,
ita cibi vacuitate venio laxis lactibus.[Je suis mort, ma vue faiblit, j’ai la bouche amère, les dents collantes, la faim rend mon gosier chassieux, {b} tant sont relâchés mes boyaux vides de nourriture]. {c}
- V. note [5‑1], première Responsio de Jean ii Riolan, 3e partie, pour la référence à ce vers dans son Anthropographie de 1626.
- Dans la sémiologie poétique de Plaute, denteis plenis a laissé Denis Lambin perplexe, page 286 : {i}
Quid sit habere denteis plenos, aut quid significent dentes pleni, quæro. An denteis plenos dicit, pituitæ plenos ? an saliuæ ? an pulueris ? an bilis effusæ, quæ in os redundarit ? an in voce plenos subest aliquid mendi, et legendum est lippos ? vt sit translatio à morbo oculorum, ad morbum dentium : dentes autem ei ægrotare intelligamus, qui esurit et qui longa inedia cruciatus est ; sic deinceps dixit fauceis lippire fame.[Je me demande ce que c’est qu’avoir denteis plenos, ou ce que signifie dentes plenos : est-ce à dire qu’elles sont pleines de pituite, de salive, de poussière, de bile remontée dans la bouche ? Doit-on corriger le mot plenos et le remplacer par lippos, {ii} pour faire la transition entre l’atteinte des yeux et celle des dents ? Nous comprendrions ainsi que celui qui est torturé par la faim d’un long jeune souffre aussi des dents, répétant ensuite que la faim rend le gosier chassieux]. {iii}
- Paris, 1576, v. notule {a}, note Patin 13/407.
- Chassieux : pleins de chassie, « humidité visqueuse qui sort des yeux et qui colle les paupières » (Furetière).
- Denis Lambin était un très savant philologue, mais n’était pas médecin, ce qui excuse la bizarrerie de son commentaire.
- Nicolas Gueudeville a commenté ce passage dans sa traduction annotée des Comédies de Plaute, {i} tome troisième, page 60 :
« Lactibus vient de lactes, et lactes de lacio, terme mort de vieillesse, {ii} et qui de son vivant signifiait attirer. Il est certain que lactes signifie “ les intestins ” ; mais savoir lesquels, c’est sur quoi le Doctorat Hippocratique {iii} n’est pas d’accord. La plus commune opinion est que lactes désigne les menus boyaux où se porte le chyle. Ce terme veut dire aussi ce qu’on appelle ris de veau, et la laite {iv} des poissons par où les mâles sont distingués des femelles, celles-ci ayant des œufs. Quant au sens de Curculion ? il prétend marquer ici que son pauvre ventre, pris sans exception, est vide et pendant. » {v}
- Leyde, Pierre vander Aa, 1719, in‑12, avec ce commentaire, aussi peu convaincant que celui de Lambin, sur dentes plenos :
« les dents pleines, c’est-à-dire, sordidos et impeditos carie, et rubigine, “ sales, et gâtées de pourriture et de rouille ” ; en cela faisant allusion au fer qui, à moins qu’on ne le frotte souvent, se rouille et se salit.” »- Lacire est un verbe latin oublié, mais défini dans le Gaffiot : « attirer, faire tomber dans un piège ».
- La Faculté de médecine.
- Laitance.
- Gueudeville n’établit pas de lien étymologique entre lactes, « intestins grêles », et lacteus, « laiteux » ; bien que troublant, il est fort incertain, même si l’évocation des aruspices par Riolan ne manque pas de quelque pertinence (v. note [5], Experimenta nova anatomica, chapitre ii).
Dans sa version latine des neuf livres de l’Histoire des animaux (Venise, 1545, livre i, chapitre 16, page 12 vo), Théodore Gaza (v. note Patin 51/1187) a, comme ailleurs, traduit Υπερ δε των εντερων το μεσεντεριον εστιν par : Lactes super intestina posita sunt [Sur les intestins est le mésentère].
Jean ii Riolan reprenait ici deux des nombreuses références antiques que Gaspare Aselli a citées dans le chapitre xi (pages 23‑27) de son livre De Lactibus seu Lacteis Venis (Milan, 1627, v. supra note [17]). S’il est hors de doute que les aruspices ont connu les lactifères depuis la nuit des temps, on ne peut que se demander pourquoi les anatomistes n’ont commencé à s’y intéresser sérieusement qu’après la publication de cet ouvrage (v. notule {a}, note [42], première Responsio de Jean ii Riolan, 4e partie).
Jean ii Riolan convenait avoir été négligent en tenant les lactifères mésentériques pour une banalité sans intérêt pour la pratique médicale, soit un argument classique d’autorité qui permet d’éluder les questions gênantes.
V. note [1], Historia anatomica de Thomas Bartholin, chapitre xix, pour les trois chapitres du livre de Gaspare Aselli de Lacteis Venis (1627, v. supra note [17]) qui font une soigneuse revue historique du sujet en citant Hérophile et Galien.
Dans ce paragraphe confus, mais fidèlement traduit, Jean ii Riolan voulait dire que la plus grande partie du chyle, après avoir gagné le réservoir en empruntant les lactifères mésentériques, en sortait pour se mêler au sang des veines mésentériques et se rendre avec lui dans le foie, contrairement à ce que soutenaient les pecquétiens.
Apparaissent ici, pour la première fois dans notre édition, les vaisseaux sanguins du gros intestin, cæcaux et mésentériques inférieurs : cette mention surprend car Jean Pecquet n’en a pas parlé et ils n’ont pas de rapport avec sa découverte puisqu’ils sont dépourvus de lactifères.
Riolan a décrit la structure et la fonction du gros intestin, du cæcum à l’anus, {a} dans le livre ii de son Anthropographie, chapitre xiv. {b} Ses veines sont brièvement mentionnées dans le chapitre xvii, avec la veine porte, {c} pour dire que le tronc mésentérique a quatre branches : hémorroïdale, mésentérique (supérieure), cæcale et colique (mésentérique inférieure). L’artère mésentérique inférieure est simplement citée dans le chapitre xxv, {d} parmi les branches de l’aorte abdominale.
- Autrement nommé podex en latin, dérivé du verbe pedere, « péter ».
- Paris, 1649, pages 102‑107.
- Ibid. page 113.
- Ibid. page 143.
Je remarque au passage que le nom des Riolan a été immortalisé par l’arcade ou anastomose artérielle qui longe le côlon ; inconstante, elle unit les réseaux mésentériques supérieur et inférieur. Toutefois, je n’en ai trouvé mention ni dans les ouvrages de Jean i Riolan, ni dans ceux de son fils, Jean ii (v. note [28], Responsio ad Pecquetianos, 6e partie). Peut-être s’agit-il d’une attribution abusive.
Jean ii Riolan a écrit cela dans la préface de sa première Responsio, page 143, et dans sa 2e partie, pages 145 et 151. Il entamait ici ses réponses aux neuf arguments qu’Hyginus Thalassius en avait extraits pour les contrer.
Pour clarifier le dialogue, j’ai traduit en italique les propos émanant de la première Responsio de Riolan, et entre guillemets ceux qu’il a repris dans la Brevis Destructio. Contrairement au texte imprimé dans le livre, je n’ai pas mis en exergue ce qui n’était pas textuellement issu d’une de ces deux sources.
L’argumentaire d’Hyginus Thalassius se fondait sur l’existence de deux chyles distincts, dont seule la portion laiteuse gagnait le réservoir (v. notes [7] et [27] de sa Brevis destructio, chapitre iii) ; mais en l’interprétant de travers ou en refusant de le comprendre, Jean ii Riolan devenait inintelligible. Ma traduction n’est qu’une interprétation plausible de son charabia embarrassé.
V. notes :
Jean ii Riolan en avait parlé dans la 2e partie de sa première Responsio, page 147. Il était revenu sur le sujet dans les Animadversiones secundæ contre Thomas Bartholin, paragraphe De Venis Lacteis, pages 61‑62 : {a}
Scripsit Riolanus tempore necessitatis in omnimoda obstructione Venarum Lactearum, per Mesaraïcas chylum deferri. Obijcit ille, sed nullo argumento, nec enim hiant in intestina alioquin effunderetur sanguinis, quod in lienteria videre est illis obstructis. Venæ Mesentericæ sugunt chylum instar huridinum, nec recludi possunt nisi erosæ fuerint, vt in lienteria intestinali et hepatica. Illis obstructis non accidit lienteria, sed vitio ventriculi, vel tenuium intestinorum superiorum quæ sunt læuigata, et relaxata propter intemperiem, vi retrentice debilitata. Earum obstructio potiùs impediret lienteriam, alternis vicibus sanguis et chylus distribuitur per Venas Mesaraïcas, et duo liquores possunt eodem tempore traduci per eosdem tubulos angustos, vt iam demonstraui si fuerint diuersa trahentia : sed per istam glandulam magnam in centro Mesenterij sitam inter duos renes, quæ excipit Vasa Mesenterica, et ab eo loco assurgunt in intestina, suis osculis in interiorem tunicam hiantia. Nonne Vesalius aperuit Vasa illa Lactea, cap. de Intestinis et Mesenterio ?
[Riolan a écrit que dans toute obstruction des veines lactées, le chyle est nécessairement transporté sur-le-champ par les veines mésaraïques ; {b} à quoi il {c} objecte que cela n’est aucunement fondé, car s’ils béaient dans les intestins, quand les lactifères sont obstrués, il s’y écoulerait du sang, comme on le voit dans la lientérie. {d} Les veines mésentériques sucent le chyle, comme font les sangsues, et ne peuvent pas béer, sauf si elles sont érodées, comme dans la lientérie intestinale et hépatique. Quand elles sont obstruées, il ne survient pas de lientérie, mais leur pouvoir de rétention est affaibli, si une intempérie crée une défaillance de l’estomac ou des intestins supérieurs, qui les rend glissants et relâchés. Leur obstruction empêcherait plutôt la lientérie : le sang et le chyle s’écoulent en sens inverses dans les veines mésaraïques, car deux liquides peuvent se déplacer en même temps dans les mêmes conduits étroits s’ils sont soumis à des attractions différents, comme je l’ai précédemment démontré ; ils gagneront donc alors la grande glande qui est placée à la racine du mésentère, entre les deux reins, et qui reçoit les vaisseaux mésentériques ; puis de là, ils se rueront dans les intestins, dont la tunique interne est percée de petits orifices. Vésale n’a-t-il pas découvert ces lactifères dans son chapitre sur les intestins et le mésentère ?] {e}
Les références indiquées par Riolan sont cohérentes, mais son raisonnement est devenu franchement impossible à suivre, s’il a jamais été intelligible.
La seconde citation est d’Hyginus Thalassius, dans le chapitre iii de sa Brevis Destructio, page 203.
La discussion porte à nouveau (v. supra note [2]) sur la ligature de la veine porte que William Harvey a proposée dans son second essai sur la circulation du sang (Rotterdam, 1649), expérience qu’il n’a pas détaillée et qui est donc difficile à suivre : quand on lie la racine du mésentère (et tous ses vaisseaux), puis la veine porte à son entrée dans le foie, cette veine est vide de sang ; elle s’en remplit quand on libère le mésentère ; Harvey jugeait légitimement que la circulation le faisait venir du tronc cœliaque et de l’artère mésentérique supérieure ; mais à tort, Riolan croyait cela impossible (v. note [3] de sa première Responsio, 6e partie) parce qu’il fallait supposer l’existence d’anastomoses invisibles (capillaires) entre les artères et les veines du mésentère ; pour lui, ce sang ne pouvait venir que des branches de la veine porte, compartiment qu’il estimait exclu de la circulation générale.
V. notes [12]‑[15], Brevis Destructio, chapitre iv, et Patin 4/483, pour ce débat qui captivait les savants de l’époque.
L’Ars de Statica Medicina [Médecine statique] de Sanctorius {a} est composée de sept sections d’aphorismes, principalement fondés sur sa conviction que la transpiration insensible {b} est la clé de la santé. Je ne suis pas certain d’avoir trouvé à quel ou auxquels aphorismes renvoyait Jean ii Riolan, mais j’en ai trouvé deux sur le chyle dans la section iii, page 42 ro : {c}
En bien plus qu’un mot, Jean ii Riolan renversait l’argument d’Hyginus Thalassius, en essayant de lui prouver que la disproportion entre les veines mésaraïques et les « pores » hépatiques (branches de la veine porte qui pénètrent dans le foie) devient bien plus criante encore quand on compare, en période de digestion, le débit thoracique du chyle aux débits sanguins hépatique et cardiaque ; et ce sans avoir tout à fait tort, selon la physiologie moderne qui a tout à fait abandonné la notion de transformation du chyle en sang par le cœur.
La citation d’Hyginus Thalassius vient du chapitre v de sa Brevis Destructio ; mais le commentaire ironique de Jean ii Riolan (que ce propos devait profondément réjouir) n’est à mon avis intelligible, que si on le met au mode négatif, en remplaçant, comme j’ai fait, vis, « vous voulez », par non vis, « vous ne voulez pas ».
Jean ii Riolan a malicieusement altéré cette citation cruciale sur le mouvement du chyle :
« L’expérience et le regard montrent manifestement que quand une main appuie sur les lactifères du mésentère, le chyle distend beaucoup le réservoir, et que, quand elle appuie sur le réservoir, le chyle gonfle les canaux thoraciques. Quand on incise longitudinalement la veine cave supérieure, on le voit pénétrer, en jaillissant comme de l’eau, pour s’écouler très manifestement jusqu’au cœur. »
Ce propos ne contredit en rien ce que Jean Pecquet a écrit dans ses Experimenta nova anatomica et dans l’expérience iii de sa Nova Dissertatio.
La brusque interruption de Jean ii Riolan veut-elle dire qu’il rendait les armes sur ce point ? La phrase exacte d’Hyginus Thalassius était plus circonspecte, mais ne prêtait guère le flanc au blâme :
« Ce n’est donc pas du chyle qui parvient au cœur, mais du sang imprégné d’une portion du chyle ; et par ce mélange, c’est une petite quantité de chyle, car il sourd goutte à goutte dans les subclavières, qui se dilue dans une grande quantité de sang et se trouve alors déjà presque transformée en sang, de la même façon qu’une goutte d’eau répandue dans beaucoup de vin devient vin. »
V. note [6], Réponse de Jean ii Riolan à Charles Le Noble pour la périnéphra qu’Aristote a décrite chez les moutons, qui semble correspondre à la maladie infectieuse dite des reins pulpeux, et pour son existence chez l’homme, supposée par Riolan (qui l’appelait périnéphria). Une telle obstruction mécanique du réservoir par la graisse est fictive.
Jean ii Riolan se fondait sur trois ouvrages pour nier l’existence d’un canal thoracique droit, et affirmer que les voies du chyle avaient été décrites au xvie s. et le menaient exclusivement au foie.
Semper existimaui cum Galeno, et recentioribus Anatomicis Vesalio et Fallopio, Chylum in intestina delapsum à Venis Mesaraïcis per Mesenterium dispersis, et intestino affixis exsugi, ac deferri ad Hepar ; Venas cum Mesenterio dictas fuisse à candore lactis ; Mesenterium lactes, vt Onomasticum Græcum interpretatur ; Vbi autem fuit editus liber Asellij de Venis lacteis, non potui mutare sententiam, et noua hæc vasa lactea admittere separata à Venis Mesaraïcis, quum scirem istas venas posse et vehere chylum ad Hepar, et inde sanguinem reuehere ad intestinorum nutritionem. Quum verò animaduerti in epistolis Valæi, et in libro Coringij de motu sanguinis, Venas lacteas communicari trunco et tubulis Venæ Cauæ, id mihi suspicionem iniecit synastomosis Venæ Portæ cum Caua, quam constituit Galenus. Verum vbi Pecqueti surculus, soboles Mesenterici rami, ex suo receptaculo enatus, et ascendens ad subclauias Venas mihi innotuit, tunc non amplius dubitaui de ista Vnione, et synanastomosi Venæ Cauæ cum Porta, et occasionem dedit huic novi iudicio, quod nunc audacter pronuncio. Quum animaduertam istud mysterium Naturæ detectum fuisse à Vesalio, quem nunc intelligo, olim à me repudiatum ; sciliect in centro Mesenterij appositam esse magnam glandulam, et sitam inter duos renes, vbi prima fuit vasorum distributio. Et cap. de Intestinis, Vasa mesenterica quemadmodum in duodeno, secundum Ieiuni et Ilei longitudinem non deducuntur, sed velut ex Mesenterij centro, ex alto sursum tendunt, rectáque antrorsum in intestina pertingunt, in qua numerosa sobole, arboris radicum modo implantantur, osculis suis in internam intestinorum sedem hiantia. Nonne hîc Vesalius depingit in ista magna glandula, quam Asellius nouum Pancreas vocat, receptaculum chyli Asellij et Pecqueti ? Ab ista glandula Mesentericus ramus chylum vndique corriuatum deducit ad Hepar ; In trunco rami Mesenterici et Portæ, chylus incipit rubescere, ex permixtione sanguinis : Nec alius truncus est inquirendus Venarum lactearum. Propterea ineptæ sunt istæ fibrillæ, quas depingit Highmorus, truncum Venæ Portæ amplexantes, et ad verum Pancreas pertingentes, quibus fauet Bartholinus, vt eas reddat lymphaticas. Atque ita componi omnes Anatomicorum de Venis lacteis dissensiones. Picturæ Vesalij decima quinti libri et vndecima diligenter inspiciantur, et expendantur.[Comme Galien {b} et les anatomistes plus récents, Vésale et Fallope, {c} j’ai toujours estimé que le chyle intestinal est sucé par les veines mésaraïques éparses du mésentère et fixées à l’intestin, puis qu’il est porté au foie. La blancheur du lait a valu leur nom à ces veines, comme au mésentère, mot d’origine grecque qui se dit lactes en latin. {d} La parution du livre d’Aselli sur les Veines lactées n’a pourtant pu me faire ni changer d’avis ni admettre que ces vaisseaux lactés nouveaux étaient distincts des veines mésaraïques, puisque je savais qu’elles sont à la fois capables de transporter le chyle dans le foie et, en sens inverse, d’en conduire le sang destiné à nourrir les intestins. Quand pourtant j’ai lu, dans les lettres de Wale et le livre de Conring sur le mouvement du sang, {e} que les veines lactées communiquent avec le tronc et les branches de la veine cave, j’ai soupçonné qu’il s’agissait de l’anastomose entre les veines porte et cave, dont Galien a postulé l’existence ; mais quand le petit conduit de Pecquet, branche de la veine mésentérique, née de son réservoir, qui monte vers les subclavières, est venu à ma connaissance, je n’ai plus eu de doute sur l’existence de cette synanastomose qui unit la veine porte à la cave, et cela m’a donné l’occasion d’élaborer le jugement que je prononce aujourd’hui hardiment. Je comprends maintenant ce mystère de la nature que Vésale avait mis au jour et que j’avais précédemment réfuté, à savoir qu’existe, au centre du mésentère, une grande glande sise entre les deux reins, où a été placée la première distribution des vaisseaux ; {f} il ajoute au chapitre sur les intestins que « les vaisseaux mésentériques ne parcourent pas toute la longueur du jéjunum et de l’iléon, comme ils font pour le duodénum, mais y viennent du centre du mésentère, car ils remontent de la profondeur vers l’avant pour atteindre les intestins, où ils s’épanouissent en de nombreux rameaux, à la manière des branches d’un arbre, et s’implantent dans la couche interne des intestins par les petits orifices qui béent à leurs extrémités. » {g} Vésale n’a-t-il pas dépeint là, avec cette grande glande, ce qu’Aselli a appelé le nouveau pancréas, et Pecquet le réservoir du chyle ? Depuis ladite glande où le chyle a ruisselé de toutes parts, la veine mésentérique le mène au foie. Dans le tronc de ladite veine et de la porte, le chyle commence à rougir en se mêlant au sang. Il n’y a pas à chercher d’autre tronc commun des veines lactées : les petits rameaux entourant le tronc de la veine porte et gagnant le vrai pancréas, qu’Highmore a décrits et que Bartholin préfère appeler lymphatiques, {h} n’ont donc aucun sens. Ainsi ai-je résolu tous les désaccords des anatomistes sur les veines lactées : qu’ils regardent avec attention les figures x et xi du livre v de Vésale, et y réfléchissent mûrement]. {i}
- Opuscula nova anatomica, Paris, 1653, v. supra note [15].
- Dans le livre iv de l’Utilité des parties, v. note [29], lettre de Jacques Mentel.
- André Vésale est largement cité plus bas ; v. note [3], Historia anatomica, chapitre xv, pour la douteuse allusion de Gabriel Fallope à l’entrée du chyle dans le foie.
- V. supra note [18].
- V. note [2], première Responsio de Riolan, 4e partie, pour les deux lettres de Jan de Wale à Thomas Bartholin sur le mouvement du chyle et du sang (Leyde, 1641), et pour les 22 chapitres d’Hermann Conring sur la sanguification (Helmstedt, 1643), où je n’ai pas cherché à vérifier ce qu’en disait ici Riolan sur les anastomoses porto-caves extra-hépatiques.
- Fabrica (Bâle, 1555), livre v, chapitre vi, De Mesenterio, page 617 ; v. note [21], seconde Responsio, première partie, pour la même référence dans l’édition de 1543.
- Ibid. supra, chapitre v, page 609.
- V. notes [7] et [12], Historia anatomica, chapitre xv, pour la description, par Nathaniel Highmore dans sa Disquisitio Anatomica (La Haye, 1651), de petits vaisseaux (fibrillæ) entourant le tronc porte, dont Thomas Bartholin a montré qu’il s’agissait de vaisseaux lymphatiques (Vasa Lymphatica, Copenhague, 1653).
- Figures x, page 564 et xi, page 565.
[…] vbera tota ita fungosa sunt, vt si in poculo forte pilum hauserit mulier, dolor moueatur in mammis, quod malum pilare appellant, nec sedatur donec pilus vel pressus exeat sponte, vel cun lacte exugatur. Ego verò malum ex pilo hausto fieri nullomodo posse contendo, etenim planè repugnat anatome, nam pilus haustus per ventriculum in intestina delabitur, et inde per anum cum excrementis reliquis egeritur. Quî enim pilus per venas mesaraicas, et ex his per tot hepatis exiguos ductus et meandros in cauam venam, à caua vena ad axillares venas, ab iis ad mammas penetrare possit ? Vel si illuc permearit, cur non per venas in papillam desinentes potiùs delabitur, vel sucti extrahitur, cùm hæ multò latiores sint mediis, idque non ex pilo hausto oriri puto, sed ex vermiculo paruo capilli specie,[(…) toute la substance des mamelles est si spongieuse que si par accident une femme avale un poil en buvant, une douleur s’y porte, qu’on appelle la maladie du poil ; elle subsiste tant que le poil n’est pas sorti en pressant le sein ou en étant tété avec le lait. Je conteste, quant à moi, qu’un poil avalé puisse jamais provoquer cette maladie, qui est tout à fait contraire à l’anatomie car, ainsi dégluti, un poil passera de l’estomac dans les intestins, pour être éliminé par l’anus avec les autres excréments. Comment pourrait-il pénétrer dans les veines mésaraïques, puis dans la veine cave, en passant par les nombreux canaux exigus et sinueux du foie, puis de la veine cave dans les veines axillaires pour arriver dans les mamelles ?] {d}
- Veine impaire du thorax qui chemine sur le flanc droit du rachis dorsal, v. note [2], Historia anatomica, chapitre xi.
- V. notule {g}, note [5], Historia anatomica, chapitre xviii
- Lyon, 1554, v. note [16], appendice de la lettre de Riolan à Charles Le Noble ; je n’ai rien vu dans ce livre sur la veine azygos.
- Rondelet raisonnait très sainement, mais il y a très loin de là à dire qu’il a décrit les canaux thoraciques du chyle. La suite de son texte attribue la maladie du poil à la pénétration d’un petit vermisseau qui gagnait les seins.
Comme Pecquet, Riolan a ignoré Bartolomeo Eustachi, le seul à avoir clairement décrit le canal thoracique chez le cheval en 1563, mais sans en avoir tiré de conclusion : v. note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre vi.
Ce périple du chyle cardiaque qui termine sa course dans le foie est compatible avec la circulation harvéenne, mais contredit la circulation hippocratico-riolanique : le système porte y forme un compartiment clos, où ne pénètre guère le sang qui circule dans l’aorte et les veines caves ; en voulant jouer au plus fin, Jean ii Riolan s’était pris à son propre piège.
Souvent évoquée dans le débat comme un écueil incontournable, la toxicité des deux biles pour les parties corporelles faisait partie des lubies héritées de l’antique théorie humorale. Entre maints autres endroits, Galien a illustré cela dans une de ses attaques contre Asclépiade de Pruse (Des Facultés naturelles, livre i, chapitre xiii, pages 232‑233) : {a}
« Certes, il y avait de la grandeur et de la noblesse à rejeter les faits évidents pour ajouter foi à des choses obscures ! Au sujet de la bile jaune, il pousse plus loin encore son audacieuse et juvénile témérité. Il prétend qu’elle est engendrée et non pas sécrétée dans les conduits cholédoques. Comment donc alors voit-on chez les ictériques coïncider ces deux circonstances : des déjections absolument exemptes de bile, et un corps tout entier rempli de bile ? Ici encore il est contraint de recourir à des subtilités semblables à celles qu’il débitait à propos de l’urine. {b} Il n’est pas moins plaisant au sujet de la bile noire et de la rate, ne saisissant pas ce qu’Hippocrate a pu dire et s’efforçant, de sa bouche insensée et en délire, {c} de nier ce qu’il ignore. Quel profit a-t-il tiré de semblables dogmes pour le traitement des maladies ? Incapable de guérir un néphrétique, un ictérique ou un mélancolique, il n’accorde même pas un point reconnu, je ne dis pas seulement par Hippocrate, mais encore par tout le monde : c’est que certains médicaments purgent la bile jaune, d’autres la bile noire, ceux-ci le phlegme, ceux-là l’humeur ténue et aqueuse ; il va même jusqu’à prétendre que ces médicaments engendrent chacune de ces matières expulsées, comme la bile est produite par les canaux cholédoques. »
- Traduit par Charles Daremberg, volume 2.
- V. note [3], première Responsio, 4e partie, pour Asclépiade de Pruse et un aperçu de ses idées sur la formation de l’urine.
- dementi insanoque ore dans Kühn (volume 2, page 40), ce qui n’est pas sans rappeler l’anagramme de Ioannes Riolanus, lanius ore insano [boucher à la bouche folle] : v. note [1] de l’Anagramma.
On s’acharnait alors à résoudre des difficultés qui se sont depuis avérées ne pas en être : l’atrabile n’existe pas ; la bile jaune est un composant naturel du sérum (bilirubine) et n’est vraiment toxique que lors de l’ictère hémolytique du nouveau-né.
V. supra note [29] pour la fausse jubilation de Jean ii Riolan quand il disait que Jean Pecquet, dans l’expérience iii de sa Nova Dissertatio (1654), s’était rétracté sur le jaillissement du chyle dans la veine cave supérieure. Riolan en déduisait que Pecquet avait écrit sa Nova Dissertatio bien avant de la publier, ce qui aurait permis à Hyginus Thalassius d’en moduler les arguments, mais je peine à comprendre en quoi cela modifiait le débat. Il est en revanche permis de croire que Pecquet avait publié la Brevis Destructio pour montrer qu’il admettait des points de vue différents du sien sur la sanguification cardiaque exclusive.
Ce passage est commenté dans le chapitre iv de la Brevis Destructio, v. ses notes :
En l’abrégeant (detexit Asellius Lacteas), Jean ii Riolan rendait incompréhensible le propos de Jean Pecquet (page 2 de son Introduction) : « Aselli a ouvert la voie, un point c’est tout. Ce n’est pas un fait à dédaigner, bien qu’il ne soit pas d’une importance considérable » (Aperuit Asellius, sufficit. Non est spernendum indicium, utut sit exiguum).
V. note [38], Brevis Destructio, chapitre iv, pour cette comparaison bel et bien tirée du livre de Gaspare Aselli.
Jean ii Riolan abrégeait ce propos d’Hyginus Thalassius :
« Si [comme veut Riolan] le sang choisit de pénétrer dans le cœur, alors l’accès doit en être refusé à celui qui est fort impur, qui stagnera autour du cœur et s’y déposera sous la forme d’un limon fort épais, d’où s’engendrera une grande quantité d’ordures provoquant des incommodités plus graves que ne feraient les imaginaires impuretés du chyle dont Riolan se tourmente tant. »
« Rien n’est plus sot qu’un homme sans expérience, qui ne trouve bien que ce qu’il fait », Térence, Les Adelphes, vers 99-100 :
Homine inperito numquam quicquam iniustius est,
qui nisi quod ipse fecit nil rectum putat.[Rien n’est plus injuste qu’un homme sans expérience, qui ne trouve bien que ce qu’il fait].
Jean ii Riolan renvoyait aux fonctions des lactifères thoraciques qu’il avait exposées à la fin de son Discours contre la nouvelle doctrine des veines lactées (première Responsio, 1652, pages 187‑189), v. ses notes [24]‑[30].
Jean ii Riolan voulait répondre à la gênante contradiction qu’Hyginus Thalassius avait relevée entre deux passages de sa première Responsio :
« Il est vrai que les lactifères existent chez l’homme, comme je l’ai jadis publiquement démontré, avec admiration de l’auditoire, avant même la publication d’Aselli » ;
« Bien qu’elles existent dans les animaux bien repus, en leur ouvrant le ventre quatre heures après, il ne s’ensuit pas qu’il s’en puisse trouver d’identiques chez les hommes ; et s’il s’y en rencontre, je crois que ce sont de petites branches du rameau mésaraïque de la veine porte. »
Riolan revenait sur la sensationnelle observation qu’il aurait faite à Paris en 1625, avec son élève Gilbert Puilon, {a} soit deux ans avant la parution du livre posthume de Gaspare Aselli, {b} dont je n’ai pas trouvé de preuve imprimée. Reçu bachelier de la Faculté de médecine de Paris en 1628, Puilon ne pouvait alors être que tout jeune philiatre. Reçu docteur en 1631, il n’a disputé ou présidé aucune thèse sur le chyle et n’a publié aucun livre. Il a été toute sa vie fidèle au parti « orthodoxe » de la Faculté. Riolan l’a cité deux fois dans les Raræ Observationes Anatomicæ [Rares Observations anatomiques], à la fin de ses Opera Anatomica vetera et nova (Paris, 1649), {c} pages 870‑871 pour ses dissections d’un enfant atteint de situs inversus viscerum et d’un fœtus à deux corps conjoints.
Riolan a admis les lactifères mésentériques d’Aselli dans la conclusion de son Anthropographie, livre vii, chapitre ii, page 416. {d} Dans la note [5‑3] de sa première Responsio, 2e partie, il a dit avoir souvent disséqué les cadavres de pendus bien nourris avant leur exécution et les avoir mis en évidence, mais sans parler de Puilon.
Il est très difficile d’admettre qu’un anatomiste à la plume aussi féconde ait vu les lactifères humains dès 1625 sans en avoir rien écrit avant 1649. Contrairement à nous, tout docteur parisien pouvait en avoir le cœur net en interrogeant Puilon (mort en 1673) : son collègue Pierre De Mercenne (alias Hyginus Thalassius) aurait-il tant insisté sur la découverte anatomique de Riolan s’il ne l’avait pas sue fictive ?
- V. note [32], Responsio ad Pecquetianos, première partie.
- V. note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre i.
- V. supra note [17].
- V. note [5‑2], première Responsio, 2e partie.
Dans le chapitre iv de sa Brevis Destructio (page 228), Hyginus Thalassius avait reproché à Jean ii Riolan ses spéculations sur le passage de chyle dans la veine cave inférieure, lequel avait pourtant depuis lu, sans la contester, la première expérience relatée par Jean Pecquet dans sa Nova Dissertatio de 1654.
Page 108, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
Pecquetianus alter exprobrat Riolano, quod
præcipuum suæ reprehensionis argumentum de sor-
dibus spiritus vitales inquinantibus ex eius secun-
da Epistola deprompserit, quod ipse præuidit, et
per antecessum soluit. Multum tibi debeo, quod
mihi suppeditaris arma potentissima, ad euer-
tendam istam sanguificationem in Corde fa-
ctam. Sed meæ rationes sunt valde dissimiles
tuo ratiocinio.Page 203. Riolano familiarissimum est, sol-
uere inexpugnabile argumentum ab experientia
depromptum, sine operum Naturæ inspectione.
Exempli gratiâ, vt evertat demonstrationem Cir-
culationis sanguinis in Porta, quæ manifesta est, li-
gato viui canis Mesenterio, et maximè constricto
eiusdem Portæ trunco iuxta Hepar, inter quod et
vinculum subsidens statim exsanguis Portæ trun-
cus obseruatur, qui laxato vinculo, sanguine tur-
gidus apparet. Nescis inter ista duo vincula ra-
mum Splenicum et Mesentericum contineri,
Page 109, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
in quos sanguis decurrit, et laxatis vinculis re-
pletur sanguine truncus portæ.Pag. 204. Conquirit vndique ex libris Rio-
lani, quod arrodat, sed non sine corruptione et
mutilatione locorum, essentialia verba detra-
hendo. Reprehendit Riolanum, quod experi-
menta improbet, pag. 149. Quisnam Medicus
in praxi occupatus, tempus, operam et quæ-
stum suum disperdere voluerit, in earum rerum
exploratione, quæ nihil conferunt, ad melius me-
dendum : omisit ista verba. Manebit potiùs in
antiqua doctrina versisimili, ab omni seculo, et ab
omnibus nationibus approbata, quam in dubia et
incerta ridiculus esse, si faueat istis paradoxis
opinionibus Haruei, quæ non possunt sustineri
rationibus, nisi visu et tactu demonstrentur.
Quare in hac ætate prouecta lubens et volens, {a} ab-
stineo ab istis experimentis difficillimis, laborio-
sis, quæ aliis curiosis iuuenibus et diuitibus reli-
quo. Hæc sunt mea verba, quæ truncavuit alter
Pecquetianus more suo. Causas istorum experi-
mentorum quæ improbo, aperui pag. 148. et
149. {b} disputans contra Harueum. Addo quod
scripsit Orus Apollo, cap. 38. {c} Innuunt Ægyptij
cuicunque victus suppetit, eum literarum stu-
diis, aliis artibus vacaturum. Vnde apud eos eru-
dito Sbo vocatur, quod nomen si interpreteris,
plenum alimentum sonat.Pag. 205. Reprehendit Riolanum, quod ac-
cusarit duos Medicos Parisienses, fautores et fi-
deiussores doctrinæ Pecquetianæ : Quod postea
confirmat : si Cor est primum hæmartoseωs orga-
- Addition marginale : Omisit ista,
- Addition marginale : Ista deleuit (sic pour Istas deleuit).
- Sic pour : 36 (source citée).
Page 110, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
num, ergo aliud est secundum, non inde sequitur,
quod si nullum præter hepar excogitare potest censor,
quomodo probabit esse secundarium Iecur ? Ni-
hilominus Authori Epistolæ tam perspicuè lo-
quuto, istud facinoris consilium affingere non
erubescit ? et tu erubescere deberes te scripsisse
in Epistola, docuit te quod Principij vnitas Ari-
stoteli suaserat, Cor esse primum hæmatoseωs orga-
num, Ergo incipit à Corde sanguificatio. Rio-
lanus meritò conqueritur, quod Medici Pari-
sienses, vt Iuuenis doctor fatetur, diuisi sint in duas
factiones, stibifugas, et stibiales, qui coniuratione
inita, per Syngrapham, inter se conspirant, ad Re-
gnum stibiale introducendum. At Hepar in sua
querimonia apud Medicos Parisienses, dum po-
stulat redintegrari, et in suam dignitatem resti-
tui, Notat, si hoc non possit obtinere, obstabunt
stibiales inter se coniurati, qui vbi de re aliqua
in Scholis agitur, stibifugis obloquuntur et
obsistunt.Pag. 206. Quia Collegæ Pecquetiani venas
Lacteas Thoracicas inuentas à Pecqueto cum
Riolano viderunt, ac laudarunt, eos discerpere
cum Pecqueto tentauit Riolanus, cùm tamen de
earum hyparxi tantùm loquantur. Imò de vsu
cum Pecqueto loquuntur, pag. 186. quia Riola-
nus ignorauit verum vsum Lactearum ; ideo
asperiùs Pecquetum castigauit Senex, pag. 187.
Nihil argumentis quibus nouas Chyli semitas
exagitat infirmius, nil inconstantius, eadem pag.
Veritatis lumen quantum in me est, suffocari
non patiar. Si vera sunt, quæ scripsit Pecquetus,
frustra Riolanus aduersatur.
Page 111, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
Si verum sit istud diuortium Medicorum Pa-
risiensium, valde metuo (et hoc vatem fatidi-
cum prædixisse memineris) ne tandem Scho-
lam nostram funditus euertat, introductâ aliâ
Scholâ Monspeliensi in hanc Vrbem, vt vitentur
circa ægros miseræ sententiarum concertationes, nul-
lo idem censente, ne videatur accessio alterius. Ita-
que prospicite Medici, dum non vultis vobis in-
uicem cedere, ne inuenta vestra videamini dissipa-
re, inquiebat Cassiodorus : Tandémque hîc acci-
det, quod olim Romæ factum, referente Plinio :
Per quæ effectum est, vt nihil magis prodesse vi-
deatur, quàm multitudo grassantium in tanta Me-
dicorum discordia : Et tunc perditio tua ex te
Israël, erit. A condita et erecta Academia Pa-
risiensi, nullus Doctor Parisiensis adeo absurdum
et perniciosum vitæ humanæ et nostræ Medi-
cinæ Paradoxum pronunciauit, et scripto con-
firmauit, sanguificationem fieri in Corde solo,
Iecoris officium esse bilis colatorium et recon-
ditorium : hoc nunquam tulissent impunè Ma-
iores nostri, vel è Doctorum catalogo istum ex-
pungerunt, nisi tam falsum et perniciosum do-
gma e iuraret, vel ei renunciaret. Rides, et in
ludibrium vertis Riolani pietatem, qui post de-
cursum huius vitæ spatium, Cælicolis se adscri-
ptum putat. Mutilasti hunc locum more tuo,
qui extat ad finem Præfationis ad Spigelium, et
Riolano minaris seueras pœnas, in vindictam
Pecqueti, eiúsque asseclarum, quas non meruit ;
Dicicit à iuuentute illud Regis Prophetæ fir-
miter eius animo inscriptum : Initium sapientiæ
timor Domini : Atque id diligentiùs obseruat in
Page 112, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
ætate senili, et recordatur illud Sapientis Sira-
cidæ : Gloria Senum est timor Domini.Pag. 205. Alter verò Pecquetianus vt stibia-
lissimus appareat, et sibi fauentem habeat factio-
nem stibialem (vt loquar cum ipso) impuden-
ter affirmat ab omnibus Academiis, et potissimum
Parisiensi, vinum emeticum croco stibij metallici
medicatum approbatum fuisse, quod, vt pariter in-
uentum canalium Pecquetianorum, vsu innoxio,
Medicinæ scientiam locupletat.Falsissimum est, Riolanum Collegas, stibiales
et stygiales et pestes vocare, quod dictum de male-
ficio stibij, quo atteritur et laceratur substan-
tia Hepatis. Hoc prohibere nefas, et à vestra Scho-
la talem auertire pestem. Sic loquitur Riolanus de
stibio, Non de Doctoribus Parisiensibus, quos
omnes veneratur, et eorum laudes libro edito
prædicauit, quod nemo ab octo sæculis, à qui-
bus erecta est Paris. Schola Medica, susceperat,
et in Anthropographiæ lib. 1. cap. de exstructione
Theatri Anatomici. Quid tam diu nugaris de la-
na caprina ? Dic de tribus capellis. Rationes
Riolani excute et refuta, quod magno hiatu
promisisti : vel te dicam quod olim Horatius.Parturient montes, nascetur ridiculus mus.Incerta hæc si tu postulas ratione certa facere, ni-
hil plus ages quàm si des operam, vt cum ratione
insanias. Hoc tentauit Bartholinus in Dubiis
Anatomicis, quæ fuere resoluta à Riolano, et
tu eandem crambem insulsè recoquis.Occidit miseros crambe repetita magistros.
Page 113, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
Responsio ad Caput quartum.Hisce tribus præcedentibus capitibus enixi
sunt Pecquetiani asseclæ, conuitiis, calum-
niis, mendaciis, et imposturis suis Riolanum
infamare, vt maior laus accedat Pecqueto, in con-
temptum, et ludibrium Riolani. Nunc sequenti
capite meditantur serio et strenuè cum ipso age-
re, et probare vsum Venarum Lactearum Tho-
racicarum : Sed ineptè admodum vt manifestè
ostendam.Turpe est difficiles habere nugas,
Et stultus labor est ineptiarum.Pag. 207. 208. Si Doctores illi Parisienses fideli-
ter cum Riolano agerent, debebant eius opi-
nionem postremam, in Iudicio nouo de Venis La-
cteis Thoracicis expressam examinare. Ibi no-
tauit Riolanus ex Vesalio, Ramum Mesenteri-
cum deferri subtus Mesenterium ad magnam
glandulam, in quam vndique corriuatur Chy-
lus, per Venas Mesentericas. Venas illas eas esse,
quas Herophilus ab Hepate non oriri statuit, re-
ferente Galeno, sub finem lib. 4. de vsu partium :
vt enim Herophilus dicebat, in glandulosa quæ-
dam corpora desinunt hæ venæ, cùm cæteræ omnes
sursum ad Portas referantur. Ideóque duplex ge-
nus Venarum Mesentericarum contribuebat He-
rophilus, quasdam deducentes ad Glandulas :
alias referentes Chylum ad Hepar. Lacteas Ve-
nas cùm viderent antiqui Medici et Aruspices,
qui pecudes pro Hostiis in sacrificiis, vel pro
diuinatione, viuas aperiebant, vt earum exta ri-
Page 114, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
marentur, si quod insolitum in illis extaret, vt
inde sua omina captarent, et ex his futura addi-
uinarent. Inde Mesenterium Romani Lactes
appellârunt apud Plautum in Curculione præ
vacuitate laxis lactibus accedo. Gaza, in
versione Aristotelis de Animal. et alibi, Mesen-
terio reddit Latinè Lactes. Asellius cùm inue-
nisset in extispicio canis, Lacteum Mesente-
rium, credidit Venas illas fuisse designatas ab
Herophilo ; Exinde captauit occasionem scriben-
di librum, de Venis Lacteis. At ego cùm certò
scirem Venas Mesenterij excipere, et deferre
Chylum, non examinaui in brutis animantibus
bene pastis istum candorem Venarum Mesaraï-
carum ; cùm hoc nihil ad artem medicam meliùs
exercendam conduceret, et à Philiatris id tan-
quam verum obseruatum fuisset. Pecquetus vi-
dit Lacteas et examinauit, et Receptaculum in-
uenit, in quod recipitur Chylus vndiquaque
corriuatus. Attamen Cœcalis Ramus et Me-
sentericus inferior, qui in intestina inferiora di-
stribuuntur, non habent suum Receptaculum :
Nec vnquam obseruauit Pecquetus, nec eius Di-
scipuli Doctores Parisienses tales ramos obser-
uarunt : Inde diuisus Chylus ad Cor et Hepar,
per diuersos ramos constituendus foret ; Nam si
trunci Mesenterici Venæ pertingant ad Rece-
ptaculum, sintque occlusæ Valuulis, vel refe-
runt Chylum, vel sanguinem arteriosum, ex
circulationis legibus, coniunctæ Arteriis Me-
sentericis diuisis in tot ramos, quot sunt Me-
sentericæ Venæ, quæ reuehunt cum sanguine
Chylum.
Page 115, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
Pag. 207. Argumentum primum. Venæ La-
cteæ innumeræ non possunt reduci ad duas venulas
Thoracicas, ad deferendum totum Chylum ad
Cor, vt vertatur in sanguinem, ad nutritionem
corporis. Addunt, me alibi dixisse, quatuor La-
cteos tubulos deferre Chylum ad Hepar. Cùm
dixi quatuor tubulos deferre Chylum ad He-
par, loquutus sum cum Asellio, et admirabile
mihi visum, duos tubulos referre posse Chylum
ad superiores partes, et Cor, ex Pecqueto, cùm
sæpissime vnicus reperiatur tubulus, isque exi-
guus, et sinister. Propterea Pecquetus eiúsque
Minister Gayanus, Chirurgus, demonstrant so-
lum sinistrum.Breuior et commodior fuisset via, si iste tubulus
fuisset insertus in Cauam ascendentem infra He-
par : quod Natura fecisset, si eius consilium fuisset
Chylum cum sanguine traducere in Cor ; Et quia
id Natura non fecit, respondet Pecquetianus as-
secla ; ista via non erat conueniens.Page 208. Impostor et malignus vitiligator fin-
git Riolanum rationes attulisse, cur commodior
non esset via in Cauam descendentem ; Cùm agno-
sceret Riolanus tubulum Pecqueti ascendere ad
axillarem Venam, vsus excogitauit, cur portio
Chyli exigua deferatur : At ille pro toto Chylo
assumit. Et cùm agnosceret Pecquetianus Doctor
disparem esse capacitatem vasorum, diuidit Chy-
lum in duas partes, vt tenuior per Venas Lacteas
Thoracicas ad Cor deferatur : crassior verò in vasis
Mesaraicis admixtus sanguini, cum eo asporte-
tur in Hepar, vt mutetur in sanguinem, atque ex-
purgetur, tandémque in Cordis sinubus perficia-
Page 116, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
tur. Ergo Hepaticus Chylus expurgatur in He-
pate, et perficitur in Corde. Addit : hæc Chyli
anadosis, per Venas Mesaraicas et Lacteas partita,
optimè subsistit cum inuento Pecquetiano, imò pe-
nitus discrepat. Ergo duplex sanguis, diuisus et
diuersus confluet in Cor, Vnus Hepaticus per
Hepar ; alter Cardiacus, per Lacteas Thoracicas
ad Cor ascendens in corpore reperietur. Nam qui
labitur in Receptaculum, per easdem Venas
transiuit ad Hepar, vt ille qui vehitur ad Cor,
per consimiles Venas Mesentericas traducetur.
At ista Vascula sunt æquè perforata, per eorum
oscilla fluit Chylus instar roris exsudans qui
fertur per Lacteas Thoracicas : eodem modo de-
puratur in intestinorum tunicis vt alter Hepa-
ticus : ac propterea, si Chylus, qui fluit per La-
cteas Thoracicas, non indiget depuratione, nec
ille, qui in Iecur progreditur. At ex te Chylus
Hepaticus in Hepate defæcatur, ergo alter Chy-
lus Cardiacus indiget eadem præparatione ; At
nullam recipit in toto suo progressus ad Axilla-
res Venas, nec recipit in Corde : ergo fluit ad
Cor impurus : Ideóque tua doctrina falsa de
Chylo tenuiore purissimo, scilicet Cardiaco :
altero crasso et impuro, nempe Hepatico.Si ex te Chylus traducitur in Venas Mesen-
tericas ad Heapr, cur non totus ? Adestne in in-
testinis diribitorium quod secernat duplicem il-
lum Chylum, vnum tenuiorem : alterum cras-
siorem ? Vel ab eodem fonte Cor et Iecur suum
Chylum hauriunt.Nunc recedis à doctrina Præceptoris tui Pec-
queti, qui Cor solum sanguificare : Iecur bilem
Page 117, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
attrahere et conseruare mordicus sustinet : et
tuus Collega id confirmauit in sua Epistola gra-
tulatoria aucta et recentata Tua Experimenta
pag. 210. iam notata sunt à Riolano : et demon-
strauit in Anthropographia, et in secundis Anim-
adversionibus ad Anatomem reformatam Bartho-
lini, Iecur famelicum attrahere è Ventriculo
Chylum tenuiorem, per Venas trunci Portæ
Ventriculo affixas.Pag. 211. Displicet Riolano sanguinis in Porta
Circulatio, sed euertat amabo manifestum exepri-
mentum ex Harueo productum. Quandoquidem me
cogis ad manifestandam tuam ignorantiam in re
Anatomica, nunc declarabo Circulatio sanguinis in
Porta manifesta est, ligato viui canis Mesenterio,
et maximè constricto eiusdem Portæ trunco iuxta
Hepar : Inter quod et vinculum, subsidens statim
et exanguis Portæ ramus obseruatur, qui laxato
vinculo, sanguine turgidus apparet. Quid mirum
in hac experientia, inter Portam iuxta Hepar
ligatam et Mesenterium constrictum ? nonne
sunt Venæ innumeræ, quæ rapiunt et exsugunt
Chylum trunci Portæ, quales sunt tres rami
Mesenterici et Splenicus ramus : Laxato vin-
culo Mesenterij, in Portam depletam recurrit
alius sanguis, in locum rapti et attracti à parti-
bus vicinis. Agnosce nunc tuam ignorantiam.Maior est necessitas Circulationis in Porta, in
qua faculentus {a} et impurus sanguis ignauo situ tor-
pens, faciliùs putresceret. Nescis Diaphragma
motu suo, instar flabelli, ventilare et mouere
viscera, quæ illi sunt appensa, vel proxima.
Nescis motum Intestinorum Peristalticum for-
- Sic pour : fæculentus.
Page 118, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
tem esse ? vt cognoscitur ex intestinis, extra vul-
nus abdominis erumpentibus. In morientibus
animalibus aperto ventre motus iste est debilis.
Nescis singulis momentis, per Arteriam Cœlia-
cam et Splenicam, nouum sanguinem Arterio-
sum affluere ? et istas Arterias motu manifesto
ad contactum cieri : Et si quando regurgitat san-
guis intra vasa aluinæ regionis, refluere in trun-
cum descendentem Aortæ ?Pag. 211. Inter validas rationes, quibus re-
futaui Circulationem sanguinis in Porta, et re-
uersionem ad Cor, elegisti debiliorem historicam
relatam ad comparationem Microcosmi cum
Macrocosmo, in qua non insisto, ut tuam scien-
tiam demonstrares, de motu maris putà fluxu et
reflu disputas, de quo non conuenit inter Phy-
sicos et Mathematicos, quod capita tot sensus,
et adhuc sub Iudice lis est : super ea quæstione
valde ardua et difficili meum Iudicium non in-
terpono.Pag. 212. {b} Secundi Argumenti solutio pri-
mi refutatione pendet, (inquit ille) Nullam pro-
portionem iueniet inter Mesenterij Venas cum po-
ris Hepatis : Neque innumeræ Mesenterij Venæ
ad illos Hepatis poros reduci queunt. Tuis ratio-
nibus ineptis ita respondeo, vno verbo. Nulla
proportio esse potest inter Venas Mesenterij et
ramusculos Portæ, quia non dinumeraui, nec
est necessaria illa proportio Venarum Mesente-
rij ad Hepatis poros, vt vocas, quia interiecta
est Vena Porta, cuius truncus quadruplo est ca-
pacior quatuor {a} tubulis Lacteis Pecquetianis (si
reperiantur, cùm sæpissime vnicus adsit) pro-
- Sic pour : 213.
- Sic pour : duobus.
Page 119, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
portio esse deberet inter tubulos illos Chylife-
ros Thoracicos cum sanguine ubertim et affa-
tim à Corde prosiliente, quia maxima pars ho-
minum ex ingluuie plurimum sanguinis im-
pendit et absumit in nutritionem corporis, et
euaporationem, ex Statica Sanctorij, quæ repara-
ri debet copioso alimento, quod transferri de-
bet ad Cor, ad resarciendum dispendium sangui-
nis, quod est impossibile per Venas Lacteas Tho-
racicas : At in hæmatosi facta in Hepate id fieri
potest : non in Corde, propter amplitudinem
Hepatis, et celerem attractionem Cordis, He-
pati proximi.Addo ex te, pag. 240. Iecur alter fons est na-
tiui caloris, quia vasti et lati parenchymatis, di-
ues fundus plurimum possidet spiritus insiti : innu-
meræ quoque Venæ per illud dispersa multum quo-
que sanguinis possident. Propterea ridiculus es,
cùm vis æquiparari Venas Mesenterij Venis
Portæ, et Hepatis, et inter se coire.Pag. 214. Tertium Argumentum. Experientia
et visus probant, manu compressis Lacteis Thora-
cicis, Chylum in Cauam secundum longitudinem
sectam, salientis aquæ instar ad Cor vsque effundi.
Hoc non affirmat tuus Præceptor Pecquetus, et si
posses id præstare et mihi demonstrare, in vi-
uente animali, Te superiorem Magistro prædi-
cabo, et admittam tuam partitionem Chyli in
Hepate et Cor. Attamen alibi pag. 238. {a} scripsisti
Chylum per oscilla exilia Venularum Lactearum
stillare in axillarem Venam, et confestim sanguini
permisceri, vt candoris nullum supersit vestigium.
Te hac de re interpello, nec amplius disputabo
contra Pecquetianos.
- Sic pour : 218.
Page 120, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
Pag. 215. IV. Argumentum. In aliis partibus
non reperitur tanta copia adipis, quantum in Me-
senterio et renibus, præsertim in obesis corporibus :
Ideóque possunt obrui et suffocari Receptacu-
lum et exortus Venarum Lactearum Thoraci-
carum. Respondes, si adeps non obruit Venas
renis, cur nostras ? At nescis ex Aristotele, in
agro Agrigentino Siciliæ, adeo pinguescere re-
nes ouium, vt suffocatione renum pereant, quod
in hominibus accidere potest, et morbum hunc
περινεφρια appellauit Aristoteles : quod accidit ra-
tione receptaculi obruti, pereunte consensu et
commeatu Venarum Lactearum Thoracicarum
cum istis inferioribus glandulis, vel receptacu-
lo Pecqueti.Pag. 215. Quinto Argumento agit de impul-
su Chyli in Lacteas Thoracicas, atque Gaya-
num mihi demonstrasse Chylum in istis Cana-
libus. Bonâ fide et Christianâ testor, Gayanum
Chirurgum mihi demonstrasse tubulum sini-
strum intra Thoracem, et in eo liuidum humo-
rem, forsan ex permixtione sanguinis, nec quid-
quam vlterius vidi ; nec enim perquisiuit Rece-
ptaculum, neque dextrum tubulum Chyli, ne-
que insertionem sinistri ad axillares Venas : sed
cautus fuit admodum in ea demonstratione, ne
Receptaculum et dexter ramis deficerent, ab-
stinuit.Si fideliter mecum ageret Discipulus Pecque-
ti, in nouo Iudicio, quod vidit et legit, obseruas-
set Venæ Portæ illos tubulos Lacteos turgere
Chylo, dum Chylus colligitur in Receptacu-
lum : Depleri autem cùm Anadosis Chyli ad
Page 121, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
Hepar facta fuit. Atque tubulum illum sini-
strum à Vesalio obseruatum fuisse, et à Ronde-
letio. Pro dextro accipiunt azygον ramum des-
cendentem versus renes, qui inseritur in Cauam.Septimo eius argumento sic respondeo. Bilis
incertis temporibus, è cysti, vel ab Hepatico ra-
mo Cholidocho fluit in intestina, Chylo non-
dum vacuato, eáque permiscetur æquè, tam in
eam portionem Chyli, quæ fertur ad Cor, quàm
in illam quæ ad Hepar meat : at in illo Chylo,
qui ad hepar traducitur per Mesentericas, bi-
lis secernitur in Porta, et humor melancholi-
cus in splenem secedit, serum in Renes et Venas
emulgentes abit, sic sanguis defæcatus Cordi {a}
traditur ; In Chylo, qui ad Cor per Thoracicas
Lacteas reuehitur, nulla facta fuit separatio
excrementorum, antequam Cor subeat, sicque
Cor et pulmones inficientur, nec excrementa
illa commixta separari possunt, nisi post multas
Circulationes, vt censes. Interea impurus tra-
detur sanguis alendis partibus, qui per membra
distribuitur partibus nutriendis, et post nutri-
tionem redeundo ad Hepar per Venas, expur-
gabitur in Hepatis porta. Quàm longa et diffi-
cilis hæ transmigratio Chyli in sanguinem
mutati, vt depuretur !Octauo Argumento scribis. Non defertur
Chylus ad Cor ; sed sanguis Chyli portione perfusus,
et hac permixtione paucus Chylus tum guttatim
stillat in subclauias. Ergo non vbertim et affa-
tim ascendit ad axillares dimidia Chyli portio.
Attamen, pag. 214. scripsisti Chylum in Cauam
secundum longitudinem sectam salientis aquæ
- Sic pour : Hepati (pour la cohérence du propos).
Page 122, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
instar ad Cor vsque manifestissimè effundi, quod
tuus Pecquetus, in prima parte sui libri scripsit :
sed in responsione ad Riolanum se retractauit.
Vnde cognosco iamdudum confectam et para-
tam fuisse istam Responsionem ad Riolanum.Pag. 220. {a} Nono Argumento, gloriatur Disci-
pulus Pecqueti Riolanum ab eo deprompsisse, et
tela mihi suppeditasse ad oppugnandum Chyli as-
censum ad Cor, sed responsum ibidem apposuisse,
naturam facere quod melius est, atque depurandi
Chylo manifestas vias inuenisse, sordities in aluina
regione expurgatur, quam non solùm in intestinis
relinquit, cum per eorum tunicas transcolatur : sed
etiam in Pancreatis bibuli substantia, in quam mi-
ris anfractibus, ac quibusdam capreolis ac circulis
Lacteæ implicantur, ex Asellio. Ex hoc loco ma-
nifestè colligitur te ignorare structuram Rece-
ptaculi, vel leuiter inspexisse, nec intelligere
quid scribat ; {b} nam contradicis tuo Magistro, qui
Pancreas Aselli ridet, et explodit. Et tu pro ista
Mesenterij glandula, quam vocat Asellius, Pan-
creas, accipis verum Pancreas suppositum He-
pati et ventriculo. Fluitare vult Pecquetus suum
Chylum intra cauitatem Receptaculi, et tu mo-
ram ibi trahere scribis, et repurgari in bibula
substantia Pancreatis, in qua miris anfractibus,
ac veluti quibusdam capreolis et reticulis, Lacteæ
implicantur : Non meministi, quid dixerit tuus
Præceptor : detexit Asellius Lacteas ; leue eius
iudicium sufficit, sic eludit istum peritissimum
Anatomicum, et tu illius opinionem sectaris.Pergis demonstrare in isto loco perfectè de-
fæcari Chylum, et reddi purissimum : Pancrea-
- Sic pour : 220 et 221.
- Sic pour : quod scripsit.
Page 123, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
tis candor insignis, ac substantiæ modus, inquit
idem, arguunt cœnosiorem et crudiorem Chyli par-
tem in se combibere, vt placenta vteri, quod in ma-
terno sanguine fæculentum est, absorbes : tot philtra
artifex Natura ita formasse credi debet, vt de-
fæcatissimum et purgatissimum Chylum Cordi ap-
pararet.Notabit Lector supinam ignorantiam ; Com-
parat Pancreas Asellij, cum placenta vteri. Via-
rum {a} longitudinem et moram in Pancreate ad
traducendum Chylum (qui celeriter ascendere
debet ad Cor) cum sanguinis miscella adhuc ex-
coquatur, antequam Cordis ventriculos subeat.
Quibus attentè perspectis, conspicuum fit Chylum
Cordi nocere non posse. Si enim is Iecori non nocet,
ad quod crudus, impurus, ex Riolano, appellit, vbi
calor quàm in Corde remissior est, et exiliora vasa,
ac proinde minor sanguinis copia : Cur sanguis ali-
quâ purissimâ et elaboratissimâ Chyli portione an-
tequam Cor subeat perfusus, spiritus vitales inqui-
nabit ? Longè dispar est ratio, quia in dimidia
Chyli portione quæ constituit sanguinem Car-
diacum, remeabit semper bilis, sed mitificata :
vt credis, Chylus affusus Hepati, statim altera-
tur et coquitur, et eius partes crassiores secer-
nuntur, et ad suum quæque locum ablegantur :
In Corde nulla fit separatio, neque in partibus
alendis, et sic impurus vertitur in alimoniam
partium. Memineris eorum quæ dixisti de He-
pate, pag. 240. In eo alter fons natiui caloris,
quia vasti et lati parenchymatis diues fundus
plurimum possidet spiritus insiti, innumeræ quo-
que Venæ per illud dispersæ multum sanguinis
- Sic pour : Propter viarum (cohérence grammaticale de la phrase).
Page 124, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
continent, cuius in tot angustis ac poris adden-
satæ ac compressæ partes multiplicationem ad-
ferunt caloris.Chylus Cardiacus in se bilem continet paucam,
victámque aliarum partium temperatione. Partes
(quæ istam temperationem adferunt) nominare
debueras, nam per nullas transit, à quibus pos-
sit temperari : Necdum mixtionis vinculis solu-
tam (ergo deterior, nam bilem nondum sepa-
ratam retinet) hac biblis suos habet vsus, quibus
sanguis animosior, et viuidior redditur, quibus
cùm defuncta est, post multos circuitus, tum in He-
pate, tum in renibus secernitur. Quàm absurdæ et
ridiculæ sunt istæ rationes et sibi repugnantes !
Si bilis vsus habet suos, non debet tanquam excre-
mentum expurgari et secerni.Si bilis ista Chyli Cardiaci post multos cir-
cuitus secernitur in Hepate, ad ipsum recurrit,
ideóque duplex sanguis in Hepate continebitur,
et circulabitur, Vnus Hepaticus, alter Cardia-
cus. Nescis sanguinem Cardiacum effusum per
extremitates corporis non refluere ad Hepar,
qui desunt viæ.Pag. 224. Sic instat Pecquetianus. Dixit
Riolanus indignum esse, Solem et Regem micro-
cosmi in animæ conclaui culinam corporis exercere.
Respondet non dedecere Principis Maiestatem
subditis alimoniam præbere. Ergo Princeps cu-
linam in suo cubiculo faciet. Instat : etsi perfi-
ciendi sanguinis munus, atque alimenti coquendi
et distribuendi sedes ad culinam spectat, vita no-
stra tota erit culinaria. Apparatum alimentum
partes repetunt ab Hepate, et in suam substan-
Page 125, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
tiam conuertunt, nec aliter impenditur sanguis,
quàm ad nutritionem, et conseruationem cor-
poris destinatus.Pag. 226. Si sanguis cum delectu Cor ingredi-
tur, etc. Satius est credere ex Hippocrate et Ga-
leno, Cor habere delectum sanguinis, et purum
prolectare, nec patenti hiatu deuorare, sed quan-
tum indiget, quia semper paratum habet ad por-
tas sanguinem, qui respuitur impurus, refluit in
truncum Cauæ, et expurgatur in intestina,
transeundo per Venas Mesentericas, vel per re-
nes. Ergo non restagnabit circa Cor.Pag. 226. Homine imperito nihil ineptius,
qui nihil rectum putat nisi quod ipse facit. Cre-
dit Iuuenis Pecquetianus, Riolanum suis laqueis
irretitum, non posse se expedire. Attende et
considera meas Responsiones. Argumenta no-
uem proposuisti, quæ ex Riolani Opusculis de-
cepsisti, quibus sufficienter respondi, nec repe-
to. At ille Pecquetianus suas refutationes iudi-
cat inuictas. Inde colligit, quatuor illos vsus
Lactearum Thoracicarum, quos assignauit Rio-
lanus, inanes fore, si Chylus ad Cor non ascen-
dat, per Lacteas Thoracicas. Istos vsus, quos
excogitaui, separatim proposui, vt ex iis Lector
aliquem seligat, vel alium adinueniat. Impostor
ille me istos admittere supponit ; Nam vbi mi-
hi demonstratus fuit ramus sinister lacteus, non
dubitaui amplius de existentia, et eius ascensu
ad axillarem sinistram, vt Chylum eò deferat.
Sed cùm ramus iste non sit capax totum Chy-
lum deferendi, aliquos excogitaui vsus, et reli-
qui Lectori iudicium et delectum.
Page 126, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
Pag. 227. Verum est, D. Puylon, nostrum
Collegam doctissimum, iam à triginta annis de-
monstrasse in cadauere publicè in Scholis à me
dissecto, Lacteas Venas Mesenterij ; et hoc fuis-
se neglectum : At dixi, si reperiantur in homine,
esse surculos rami mesenterici Venæ Portæ,
et adhuc sustineo, Venas Lacteas tam Mesen-
tericas, quàm Thoracicas, esse propagines Ve-
næ Portæ, et cum ea habere communionem li-
quoris, et communicationem substantiæ.Pag. 228. Si extant in brutis, non sequitur re-
periri in homine, nisi hominem viuum secueris, nun-
quam inuenies istas Venas Lacteas, cum recepta-
culo Chyli. Diminutè recitas hunc articulum,
adde quod detruncasti, quia in brutis statim ab
internecione euanescunt, et abolentur, vt Pecque-
tus asseuerat, vt ne quidem earum vestigia conspi-
ciantur. Hac in re erroris causa fuit Pecquetus.
De existentia in homine non amplius dubito,
post obseruationem factam ab eruditissimo et
peritissimo Medico et Anatomico D. Carolo le
Noble. Credidi ex relatione aliorum, effundi
in Cauam Chylum : Sed hoc pertinaciter negat
Pecquetus, in suo primo Experimento : Ideóque
excogitaueram vsus quosdam istius Chyli la-
bentis per Venam Cauam inferiorem. Quid in-
de ? hoc non pertinet ad Chyli ascensum ad
Cor. Vbique quæris vitiligia.Pag. 227. Si Discipulus Pecqueti mecum
candidè ageret, relictis coniecturis, quas pro-
posui de tubulo sinistro ad axillarem Venam
pertingente, meæ coniecturæ veriori insisteret,
et postremæ, quam descripsi in Iudicio nouo de
Page 127, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
2. Ad Pecquetianos.
Venis Lacteis, vbi solidè demonstraui Venas
Lacteas esse propagines Venæ Portæ, et ascen-
dere ad axillares, vt communionem habeant in-
ter se Vena Caua et Porta, quod iamdudum
quærunt Anatomici, scilicet anastomosim Venæ
Cauæ cum Porta. Sed cùm meum iudicium non
posset mordere et carpere, propterea deseruit,
et totus occupatur in aliis coniecturis repre-
hendendis. Ideóque asseuero istas coniecturas,
quas protuli, de vsu istorum tubulorum Thora-
cicorum, non omnino certas esse : reliqui vni-
cuique suum liberum iudicium, et seligere quam
voluerit coniecturam, vel eas repudiare, dum
asseuero, quod si Chylus ad Cor defertur, non
ad sanguificationem, sed ad vsus commemora-
tos, et exiguâ quantitate : Inde probare nititur
discipulus Pecqueti, me admittere fluxum Chyli
ad Cor, ac proinde ex mea confessione sangui-
ficationem fieri in Corde. Impostura manifesta.Quod spectat ad vsus Lactearum cum Vena
Porta et Caua, postremam meam coniecturam
assignatam in Iudicio nouo tuus præceptor de-
struxit, in primo suo Experimento, in quo pu-
tat se manifestè demonstrasse Receptaculum
nullomodo communicare cum Vena Caua et
Porta in ventre inferiore, quamuis id scriptum
et demonstratum fuerit ab aliis peritissimis Ana-
tomicis et Professoribus, Asellio, Valæo, Con-
ringio, et aliis.
"Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la
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