Annexe
Sylloge d’Alcide Musnier (1654)
sur les veines du chyle et de la lymphe  >

Parvenu à la fin de ma recherche et relisant en juillet 2023 la biographie d’Alcide Musnier dans la Correspondance et autres écrits de Guy Patin, j’ai eu la bonne idée de feuilleter plus attentivement le seul livre qu’il a publié : De Venis tam lacteis quam Lymphaticis novissime repertis Sylloge anatomica… [Recueil anatomique sur les veines lactées et lymphatiques qui ont été tout récemment découvertes…]. [1] Cet ouvrage paru en 1654 [1] préfigurait indéniablement notre Tempête du chyle, car les Experimenta nova anatomica (1651) de Jean Pecquet, et l’Historia anatomica de Lacteis thoracicis (1652) et les Vasa Lymphatica (1653) de Thomas Bartholin y sont intégralement transcrites. Sans avoir encore lu la seconde édition des Experimenta nova anatomica (1654) et les ricochets qui l’ont suivie, Musnier a assorti ces trois réimpressions d’une introduction et d’une conclusion, dont l’intérêt n’échappera pas aux médecins curieux de l’histoire du chyle et de la lymphe.

Introduction

[Page A5 vo | LAT | IMG]

Court prélude de
Jean-Alcide Musnier, philosophe et médecin,
à l’intention du lecteur.

Mon dessein initial était un ouvrage qui, tel un flambeau, te montrerait, cher lecteur, toutes les opinions sur le mouvement du chyle, telles qu’elles ont évolué au fil des siècles. La matière nouvelle s’accumulant pourtant d’un jour à l’autre, mon embryon grandissait peu à peu et le volume de mon livre allait bientôt devenir trop gros. Sur l’exhortation de l’imprimeur et de mes amis, j’ai donc été contraint de reporter ce projet [Page A6 ro | LAT | IMG] pour en faire une publication séparée. [2]

Qui croirait en effet qu’en ces presque 20 siècles qui nous séparent des débuts de notre art, plus de cent insignes et copieuses hérésies aient vu le jour sur la voie du chyle (question présumée si facile et si claire) ? J’étais assurément surpris (et pourquoi n’en rirais-je pas aussi ?) que l’esprit humain pût errer à ce point, et je n’étais pas loin de me consacrer à dresser un album pyrrhonien en implorant qu’on me soulageât de cette science du doute. [3][2]

En introduction sur le chyle, je dirai que la genèse et l’élaboration de ce suc primordial ont de tout temps été si controversées qu’elles ont plus obscurci les esprits que contribué à éclairer la vérité (comme a dit Aristote des pythagoriciens). [4][3][4]

Ainsi Hippocrate [5] a-t-il pensé que le chyle se forme dans l’estomac [6] par coction ; Aristote, par une sorte d’élixation ; [5][7][8] [Page A6 vo | LAT | IMG] Galien, par altération ; [6][9] Empédocle [10] et Plistonicus, disciple de Praxagore, [11][12] par putréfaction ; Érasistrate [13] et Platon, [14] quelque part, par attrition ; Gassendi, [15] avec les chimistes, [16] par fermentation ; [7] et d’autres enfin, comme Hofmann, [17] par cette séparation que les Grecs appellent αναςτοιχειωσιν, c’est-à-dire par délitement complet[8] Par-dessus le marché, Asclépiade [18] et ses disciples prétendaient (d’après Celse) que Vana illa omnia, atque superflua, ajoutant sed puram putam materiem, qualis assumpta est, in corpus omne deferri, crudamque distribui[9][19]

À vrai dire, ces considérations sur la formation du chyle sont encore tolérables et de bien moindre conséquence que celles des voies qu’il emprunte pour se mouvoir : les opinions en ont été si diverses et changeantes que j’oserais presque dire du mouvement du chyle ce qu’a dit Fracastor de celui du cœur, à savoir qu’il n’est connu [Page [A7] ro | LAT | IMG] que de Dieu seul et de la nature ; [10][20] ou dire, comme Fernel, qu’il est plus accessible à la raison qu’aux sens. [11][21]

Costeo[22] Aselli[23] Gassendi et désormais aussi Thomas Bartholin, en son remarquable ouvrage sur les Lactifères thoraciques[24] ont les premiers parlé de ces conduits du chyle, [12] et tu pourras les consulter à l’occasion, en attendant que mon traité plus détaillé et volumineux sur le sujet voie le jour.

Je me contenterai d’indiquer ici ces voies, en passant et comme à la dérobée, pour dire qu’elles sont soit immédiates (c’est-à-dire de l’estomac au foie, sans aucun passage par les intestins), soit médiates, par l’intermédiaire de conduits, qu’ils soient visibles et manifestes (pylore, [25] cholédoque, [26] canal de Wirsung, [27] etc.) ou invisibles (pores), [28] ou de vaisseaux, artères ou veines, provenant de l’estomac (gastriques), [29] de la rate [30] ou des intestins et du mésentère), [31] transportant seulement du chyle ou du sang, ou les deux à la fois.

[Page [A7] vo | LAT | IMG] Plongé dans la perplexité par ces méandres du chyle, le monde savant a erré fort longtemps et serait encore dans le doute si la très bienveillante influence d’astres favorables n’avait fini par inciter des esprits créatifs à explorer de nouvelles voies originales de recherche. Parmi eux, Gaspare Aselli, anatomiste de Pavie, n’est pas à tenir pour le dernier, même s’il a œuvré durant le présent siècle : pour explorer les erreurs des précédents sur la navigation du chyle, sans savoir s’il était affligé de se rendre compte qu’il n’y a pas d’autre clef que l’expérience pour pénétrer dans la citadelle d’Apollon [32] (qui est la médecine), il a entrepris (sur l’exemple d’Hérophile [33] et d’Érasistrate) de se consacrer entièrement à leur observation directe chez des animaux vivants ; [34] ainsi a-t-il mis au jour, en 1622, une quatrième sorte de vaisseaux dans le mésentère, qu’il a immédiatement distingués des autres, dont les innombrables rameaux puisent un liquide laiteux dans les parois des intestins pour le transporter au pancréas, [35] et ensuite à la porte du foie. [36]

[Page [A8] ro | LAT | IMG] Cela n’a cependant été découvert ni par conjecture ni par pure autorité, mais bel et bien par la perception des sens, si on la tient pour le plus fidèle interprète de la vérité, et le fait est depuis lors demeuré incontesté, presque comme un don du ciel à la république médicale.

N’étant pourtant jamais en repos, le cœur de l’homme brûle toujours avidement d’en apprendre plus sæpeque Dominus Iuniori reuelat, quod melius est : [13][37] il advint tout récemment (en 1650) que Jean Pecquet, jeune médecin natif de Dieppe, [14][38] tandis qu’il disséquait un chien avec grande ardeur à Paris, eut le bonheur de tomber sur des lactifères inconnus, et différents de ceux d’Aselli ; il a très distinctement vu ces vaisseaux chylifères partir des intestins (surtout du grêle, [39] d’où ils semblent naître) pour ne gagner ni ce très fameux pancréas situé au milieu du mésentère, ni le tronc de la veine cave < inférieure >, [40] mais un réservoir, semblable à un bassin, placé devant les lombes ; [41] et de là et sans discontinuité, [Page [A8] vo | LAT | IMG] lesdits vaisseaux lactés ramper vers le haut en longeant le rachis dorsal jusqu’aux veines axillaires, [42][43] et s’y insérer et greffer si complètement qu’ils déversent le chyle dans le cœur, pour y assurer l’élaboration du sang. [44]

Ce prodige si nouveau et inouï en anatomie, qu’il a entrepris de raffermir par des éviscérations un peu plus itératives qu’il ne fallait, a été parfaitement admis pas certains, parmi lesquels on compte en tout premier ceux qui, comme Aristote[45][46] n’attribuent pas la sanguification au foie, mais au cœur, ou qui, comme Prospero Marziano [47] et Paolo Zacchias[48] jugent que le lait des mamelles ne dérive pas du sang, mais du chyle. [15][49][50] Ces avis et leurs semblables s’appuient néanmoins bien plus sur le raisonnement que sur l’expérience anatomique de première main ; mais ces tout nouveaux canaux les valident désormais entièrement sans laisser la moindre place au doute. D’autres se sont rangés à la découverte pecquétienne et la recommandent en outre honorablement dans leurs éloges et leurs ouvrages : ce sont trois Parisiens [Page [A9] ro | LAT | IMG] qui ne manquent pas de renom médical, Jacques Mentel[51] Pierre De Mercenne[52] et Adrien Auzout[53] dont les élégantes lettres sont transcrites dans mon livre. [16]

Très peu après avoir reçu l’annonce tant attendue des nouveaux lactifères, Th. Bartholin, docteur en médecine et professeur royal, qui est le brillant fils de Caspar, [54], pour ne pas la prendre au mot et témérairement (comme eût fait un imprudent), voulut la soumettre à sa propre expérience et en palper la vérité de ses propres mains. Il ouvrit non seulement de nombreux animaux (ce que Pecquet s’était contenté de faire avant lui), mais aussi des hommes qui avaient été copieusement nourris avant d’être suppliciés ; [55] et dans les deux cas, il parvint à ses fins en ayant la bonne fortune de trouver les voies du chyle dans le thorax, ainsi que l’immense bonheur de découvrir les lymphatiques [56] dans l’abdomen, comme il l’a soigneusement présenté dans deux livres distincts.

Telle est aujourd’hui, pour ceux qui y sont étrangers, cette masse malléable des vaisseaux [Page [A10] ro | LAT | IMG] récemment découverts. Le défaut d’assistants ne m’a pas encore permis de les voir et examiner, mais grâce à l’aide bienveillante de Guy Patin[62] doyen des médecins de Paris, je suis (à ma connaissance) le premier en Italie à être capable de témoigner sur cette affaire, et je n’ai pas voulu, cher lecteur, hésiter plus longtemps à t’en faire attendre mon jugement. [20]

Prends donc en bonne part les expériences que je te présente volontiers, et t’offre sans autre intention que de t’y voir appliquer ta confiante affection pour la vérité.

Conclusion

[Page 211 | LAT | IMG]

Court appendice
de Jean-Alcide Musnier
,
philosophe et médecin lorrain, et citoyen de Gênes,
qui recense les jugements de quelques très célèbres auteurs
sur le lait et les lactifères du thorax.

Tandis que je me consacrais à l’édition et à la correction de cet ouvrage et que des amis m’envoyaient de temps en temps des lettres et des livres semblant approuver, c’est-à-dire affermir la vérité des lactifères thoraciques, je me suis donné la peine d’en tisser ici comme un supplément, qui y ajoute volontiers quelques autres réflexions.

[Page 212 | LAT | IMG] Pour commencer par le lait, il me faut examiner les deux opinions qui ont cours sur son origine, dont l’une le fait provenir du sang et l’autre du chyle.

Les partisans du sang qui irrigue les mamelles s’appuient sur l’existence d’une voie unique, représentée par de très fines veines venant de l’épigastre, qu’on appelle mammaires internes. [63][21]

Les partisans du chyle, tels que Prospero Marziano, Paolo Zacchias, Johann Vesling[64] Hippolytus Guarinonius[65] Cecilio Folli ou Pierre Gassendi estiment, comme a fait Hippocrate bien longtemps avant eux (livre sur la Nature de l’enfant), [22][66] qu’il parvient aux mamelles en passant par des pores cachés ; mais pour d’autres, il emprunte des vaisseaux bien visibles, comme Pecquet l’a tout récemment défendu, en provoquant un très vif débat.

Paolo Zacchias, l’Esculape [67] des Romains, déplore que le cheminement du chyle vers le thorax nous soit encore inconnu et espère que les recherches anatomiques le dévoileront un jour. Voici ses mots que je traduis de l’italien en latin : [23] « Hippocrate a fort peu expliqué comment exactement et par quelles voies le lait monte aux mamelles, mais peut-être que les anatomistes auraient déjà découvert quelque fait nouveau et encore inconnu s’ils l’avaient recherché plus soigneusement ; et si Aselli lui-même (puisqu’il était l’un [Page 213 | LAT | IMG] des plus savants et des plus diligents) s’était pareillement intéressé aux bêtes allaitantes quand il explorait les veines lactées des animaux vivants, il aurait sans doute trouvé les voies par lesquelles le lait gagne la poitrine depuis l’estomac ou ailleurs. »

Mon très grand ami Fortunio Liceti[68] qui est une merveille de notre monde et une splendeur de ce siècle, expose et exprime ainsi son sentiment sur le lait de la poitrine dans une lettre qu’il m’a adressée : [24][69] « J’ai personnellement connu une nourrice dont les mamelles s’étaient asséchées à la suite d’un jeûne prolongé, et qui déplorait que son enfant ne pût en tirer de lait ; néanmoins, aussitôt après qu’elle eut mangé et bu, elle vit ses seins s’en remplir, ce qui lui permit d’apaiser la faim et les pleurs du nourrisson, et ce sans délai, avant que du chyle ait pu descendre dans le foie pour y être transformé en sang, par hématose, puis gagner les mamelles par les branches de la veine cave. Qui plus est, j’ai lu cela dans Hippocrate : dans l’utérus, [70] par les vaisseaux ombilicaux, [71] l’enfant puise en effet ce qu’il y a de plus doux dans le sang, en même temps qu’il jouit aussi dans une moindre mesure du lait qui s’écoule des mamelles dans l’utérus par les vaisseaux puis qu’il suce à l’aide de sa bouche. [72] Le maître de Cos [73] dit aussi ailleurs que “ L’enfant, dans le ventre maternel, ayant les lèvres continuellement rapprochées, suce la matrice, et tire l’aliment et l’air dans le dedans du cœur, car cet air est très chaud chez l’enfant, autant du moins que respire la mère, etc. ” [25][74] Nous avons plus amplement expliqué cela dans le livre i, chapitre xliv de Ortu animæ humanæ[26] Des mamelles, le lait [Page 214 | LAT | IMG] s’écoule dans l’utérus, et le sang passe de l’utérus aux mamelles, pour nourrir l’enfant, tant avant qu’après l’accouchement, comme l’observe Hippocrate, quand il dit (à la fin du livre des Glandes) : “ D’une part, les seins changent en lait la nourriture qu’ils attirent à eux ; d’autre part, l’aliment qui doit parvenir à l’enfant après l’accouchement se rend de l’utérus aux mamelles ; c’est de la matrice que se fait le transport aux mamelles pour nourrir l’enfant après l’accouchement ; l’épiploon, comprimé par le fœtus, fait monter l’aliment en direction de la bouche et des parties supérieures. ” Il ajoute bientôt après : “ En effet, le lait s’écoule en abondance de l’utérus, qui l’envoyait ordinairement vers les parties supérieures ; mais comme le défaut des mamelles le prive de vaisseaux propres, il ne peut plus gagner les susdites parties et il se rend dans les parties essentielles du corps, à savoir le cœur et les poumons, qui s’en trouvent suffoquées. ” [27][75] Le lait s’écoule d’abord assurément des mamelles dans l’utérus pour nourrir le fœtus ; chez les parturientes, il se met d’un coup à refluer de l’utérus dans les mamelles pour qu’elles allaitent le nouveau-né. Ce mouvement du lait est comparable à celui de l’Euripe. [76] Du Laurens [77] l’a observé quand il atteste “ avoir vu chez maintes femmes en couches du lait s’écouler en grande abondance par l’utérus et la vessie ”. Il a en outre “ entendu parler de certaines femmes, dont les règles étaient supprimées, chez qui, à périodes fixes et bien rythmées, du sang s’écoulait par les mamelons. Chez les femmes allaitantes (ajoute-t-il) les règles sont supprimées car le sang reflue de l’utérus aux seins. ” [28] Cela nous montre fort bien que des vaisseaux ouvrent une voie conduisant le lait des mamelles à l’utérus, et inversement, le sang de l’utérus aux mamelles ; et que, pareillement, des veines transportent de l’estomac et des intestins [Page 215 | LAT | IMG] aux mamelles la partie la plus pure du chyle, pour qu’elle s’y transforme en lait. » [78] Voilà ce que m’a écrit M. Liceti.

Cecilio Folli, professeur d’anatomie parfaitement aguerri, qui est la gloire des Vénitiens, m’a quant à lui envoyé une lettre, [29][79] où il me dit que « La structure du corps humain contient des humeurs dont les mouvements incessants imitent ceux des eaux du macrocosme : toutes s’écoulent comme de lacs et de marais pour s’assembler en fleuves, du centre vers la périphérie ; d’où ensuite, quand l’occasion leur en est donnée et partout où elles remplissent un besoin, elles accourent en force et répandent la vie là où il convient à la nature ; mais leurs turbulentes agitations apportent la destruction à ce qui lui est étranger. Ces humeurs sont principalement celles qui diffèrent par leur couleur, leur saveur et leur qualité, et qui aussi, selon la diversité de leur substance, distribuent un principe distinct, bien que toutes émanent de la même source, d’où elles tirent leur origine, et s’accordent à remplir une seule et même fin (qui est la nutrition de chacune des parties du corps). Parmi elles, le lait ne revendique pas un rang subalterne étant donné qu’il se fait voir ouvertement, surtout dans l’estomac et les intestins, d’où il s’écoule par de très visibles ruisseaux vers le pancréas, le foie, la rate, l’utérus, qu’il traverse chez les femmes enceintes, tout comme les mamelons chez les femmes allaitantes, et enfin vers le cœur et peut-être toutes les parties, pourvu qu’on l’y recherche obstinément. Le raisonnement tout comme l’expérience (avec l’aide de Dieu) font connaître tout cela. Il nous suffit ici qu’Hippocrate ait déclaré [Page 216 | LAT | IMG] que le lait est à prendre pour du sang blanc, tout comme le sperme et la pituite, qu’existent des fibres blanches [80] et que les chairs blanchissent quand on les lave. Puisque la couleur est contingente (selon l’avis de nombreux sages), j’ignore entièrement pourquoi tant de disputes et tant d’opinions diverses ont vu le jour sur le sang, dont nous avons plus profondément débattu dans notre traité sur la graisse[30][81] Il convient d’éclaircir le reste dès que possible, pour le profit et la complaisance de la république savante et de mes amis, entre lesquels je vous vénère particulièrement, ainsi que Riolan, [82] Patin et tous les autres, auxquels j’avouerai être soumis, pour l’immortalité de leur renom. » Voilà ce que dit C. Folli.

J’en viens maintenant à Pecquet qui, le premier de tous et avec très grande chance, a glorieusement mis au jour les vaisseaux thoraciques du chyle qu’on a attendus pendant tant de siècles ; il les a décrits avec grand soin, mais dans un style trop flamboyant (me semble-t-il), [83] et les a dessinés dans le livre in‑4o qu’il a publié à Paris en 1651 chez Sébastien Cramoisy. [31][84]

Quelques-uns se sont ensuite promptement efforcés de bien accueillir et approuver cette découverte. Ce furent d’abord trois médecins parisiens dont les Lettres sont transcrites dans le présent ouvrage. [16] Ensuite Pierre Guiffart, médecin de Rouen, a vigoureusement défendu le nouveau passage du chyle dans un petit livre, paru séparément, de Cordis officio novo[32][85] [Page 217 | LAT | IMG] Enfin Thomas Bartholin, anatomiste danois fort zélé, a non seulement corrigé et amplifié l’observation pecquétienne en disséquant de sa propre main, mais y a ajouté la mise au jour des voies lymphatiques, et il a publié tout cela dans trois brillants livres qui ont paru sur une courte période :

La connaissance de ces vaisseaux thoraciques du chyle a vu le jour et été un peu amplifié à l’étranger, mais je leur permets aujourd’hui de se montrer publiquement en Italie. Érasme Bartholin[87] remarquable philosophe et mathématicien qui est le frère de Thomas, et qui est maintenant médecin de Padoue, [88] [Page 218 | LAT | IMG] m’est extrêmement cher, tant par sa particulière amitié (que je ne puis oublier de mentionner ici) que par la fréquence de ses lettres. Il m’a assez souvent écrit qu’avec le célèbre Jo. Rhodius[89] perle des savants médecins, et d’autres très nobles disciples de l’École padouane, il a constaté de visu la vérité des lactifères pectoraux. Sa dernière lettre m’a en outre appris que l’excellentissime M. Ant. Molinettus[90] professeur de Padoue et incomparable promoteur de l’anatomie, y a trouvé et publiquement démontré, chez un chien vivant, ces vaisseaux thoraciques, tant lactés que lymphatiques. [36]

J’ajoute que quand des amis l’eurent dûment avisé que mon livre allait paraître, Franciscus Maria Florentinus[91] gentilhomme lucquois et remarquable médecin, a immédiatement publié à Lucques un très élégant ouvrage en deux parties, qu’il a eu l’amabilité de me dédier. La première traite du lait naturel des enfants. Dans la seconde, sur l’utilité des mamelons et leur structure chez un homme qui produisait du lait[92] il expose si savamment, et il explore, pénètre et examine si bien toutes choses qu’il semble avoir parfaitement vu les voies mêmes du chyle dans le thorax, écrivant en effet : [37] « Quand, près du thymus, [93] sous la confluence de la veine cave supérieure et au-dessus de la base du cœur, nous avons essayé de poser un lien pour observer le mouvement [Page 219 | LAT | IMG] du sang et du cœur, nous avons incidemment mis au jour un remarquable canal laiteux placé entre la grande veine et l’aorte, et quand nous l’avons incisé, une quantité non négligeable de lait s’en est écoulée ; mais la petite chienne mourante se refroidissant alors, ce canal a disparu (comme ont fait les autres lactifères) et il ne nous fut pas permis de le disséquer plus avant. » Voilà ce qu’a écrit M. Florentinus.

Pour que rien ne manque à mon livre, je le conclurai en le couronnant d’une remarque qu’il n’est pas inutile de connaître. Comme je m’inquiétais en effet de la nouveauté de ce phénomène et m’étonnais qu’il pût ruiner l’ancienne médecine sans personne pour le protéger, le célèbre M. Guy Patin qui a été deux fois élu doyen des médecins de Paris, et qui est vraiment pour moi un bienveillant et amical Apollon, m’a transmis de nombreux ouvrages, entre lesquels j’ai eu le très grand bonheur de trouver toutes les œuvres de M. Jean Riolan, doyen d’âge de ladite Faculté de médecine, [94] qui fut jadis mon précepteur et le demeurera à tout jamais. Elles sont parfaitement dignes de la considération universelle, et tout particulièrement :

  1. sa nouvelle Anthropographie (Paris, 1649, in‑fo), [95] dont je dirai, comme la Souda[96] Ανθρωπειον συνεσιν υπερβαινειν, qu’elle dépasse de très loin les capacités de l’esprit humain ;

  2. sa récente Réponse à William Harvey, [97] Highmore, Gassendi, Schlegel [98] et d’autres sur la Circulation sanguine (Paris, 1652, in‑12) ; [99] [Page 220 | LAT | IMG]

  3. son autre et toute dernière Réponse (Paris, 1653, in‑8o) à Jean Pecquet, Pierre Guiffart et Thomas Bartholin, tant sur les vaisseaux lactés et lymphatiques du thorax que sur ses Doutes anatomiques[38][100]

Je n’ignorais certes point que Riolan était assez seul contra omnem Etruriam[39] et lui avais déjà décerné la victoire sur Pecquet, mais il a plus tard fait savoir qu’il ne contestait pas les nouveaux lactifères, mais refusait seulement la fonction qui leur était attribuée à tort et (selon lui) à la légère. Je le cite ici textuellement.

On voit bien là que Riolan reconnaît l’existence des voies thoraciques du chyle, mais n’admet guère la fonction que Pecquet leur attribue.

Il se plaint pourtant des lymphatiques et des funérailles du foie (que Bartholin a naguère refusées mais célèbre désormais) avec une âpreté telle qu’il implore les médecins parisiens de mettre toutes leurs forces à le soutenir.

Parmi bien d’autres que je garde par devers moi, j’ai voulu présenter ce petit nombre de faits, sous la forme d’une addition, afin que tous ceux qui l’auront lue, poussés par l’exemple de si éminents auteurs, soient eux-mêmes emportés par le désir de chercher la vérité.

Fin [44]

1.
Gênes, Benedictus Guaschus, 1654, in‑8o de 224 pages, dédié à D. Io. Baptistæ Baliano Patritio Genuensi Dominoque meo Colendissimo [M. Giovanni Battista Baliani, gentilhomme génois et mon très vénéré maître] : Baliani (Gênes 1582-ibid. 1666) est un mathématicien, physicien et homme politique génois, auteur d’un traité sur le mouvement naturel des solides et des liquides (1646) et d’un autre sur la peste (1653), dont Benedetto Guaschi loue les éminentes qualités.

2.

Peut-être découragé par l’abondance de la matière, ou consterné par la virulence qui empoisonnait le débat, Alcide Musnier n’a jamais publié le fruit de son projet originel. Il mourut de la peste en 1657.

3.

Un « album pyrrhonien » est à tenir pour une collection de propos sceptiques : v. note [21], lettre Brevis Destructio, chapitre iv. Le latin d’Alcide Musnier est recherché, voire précieux, mais grammaticalement correct.

4.

Une note marginale d’Alcide Musnier renvoie au livre xiii (chapitre ix) de la Métaphysique, où Aristote brocarde les arguties contradictoires des pythagoriciens. Jean ii Riolan allait aussi s’y référer deux fois dans ses Responsiones duæ : v. notes [5] de leur Préface au lecteur, et [8] de la Responsio ad Pecquetianos, 5e partie.

5.

Une note marginale d’Alcide Musnier renvoie au chapitre iii, livre iv de la Météorologie d’Aristote. Il y expose ses idées sur la digestion des aliments en insistant sur le rôle de la chaleur humide, qui les fait passer de l’état de crudité à celui de coction, mais sans parler de l’estomac ni employer le terme d’élixation (v. note [2], Dissertatio anatomica, chapitre xii). V. infra notule {d}, note [9], pour l’énigmatique référence à Hippocrate sur le chyle.

Dans tout ce paragraphe, Musnier n’établissait pas de distinction nette entre la chymose gastrique et la chylose intestinale (v. note [17], Nova Dissertatio, expérience i).

6.

Une note marginale d’Alcide Musnier renvoie, et alibi [entre autres], au chapitre i, livre iii de Galien sur les Causes des Symptômes, avec ce propos (Kühn, volume 7, page 206, traduit du grec) :

Si enim conterendo concoqueret cibos ventriculus, is in conterendo impeditus, concoctionis symptomata efficiet, si prorsus non conterat, prave etiam concoquet. Eadem ratione si putrefaciendo concoqueret, quod non putrefceret, non concoqeret.

[Si l’estomac digère les aliments en les broyant, il engendrera des symptômes digestifs quand il broie insuffisamment, et il digérera mal quand il ne broie pas du tout. De même, s’il digère les aliments en les pourrissant, il ne digérera pas ce qu’il n’a pas pourri].

7.

Une note marginale d’Alcide Musnier renvoie à l’appendice de Gassendi dans le tome ii sur la philosophie d’Épicure (Paris, 1649, v. note [7], Responsio ad Pecquetianos, 2e partie) : les divers mécanismes de la digestion des aliments y sont longuement discutés pages xxxviii‑xlij.

V. infra notes :

8.

Institutiones medicæ de Caspar Hofmann, {a} chapitre intitulé Quid fiat de Chylo ? quo eat ? per quas vias ? [Qu’en est-il du chyle ? où va-t-il ? par quelles voies ?], § 1, page 233 :

Chylus, hoc modo αναστοιχειωθεις, paulatim incipit è dextro ventriculi orificio, quod πυλωρον vocauimus suprà, elabi in intestina, quæ substantiæ ratione nihil aliud sunt, quàm ventriculus in longum productus, et in spiras contortus. Ad hæc, vt supra comprehensum, hiant innumeræ, tam Venæ, quàm Arteriæ Mesaraicæ dictæ, quæ chyli partem meliorem ατμοειδω, sub vaporis specie attrahunt ad officinas sanguificas. Hinc Plato in Timæo, Arist. 2. Part. 3.4. Part. 4. Gal. 4. vs. p. 1. ventriculum comparant vel præsepi, è quo animalia bruta pabulum capiunt, vel terræ, è qua plantæ succum suum hauriunt.

[Le chyle, par ce type de dissolution, {b} entreprend de s’écouler peu à peu depuis l’orifice droit de l’estomac, que nous avons plus haut appelé pylore, dans les intestins, dont la constitution ne fait rien d’autre qu’un prolongement de l’estomac, entortillé en spires. Comme on l’a compris plus haut, s’y épanouissent d’innombrables veines et artères, appelées mésaraïques, qui attirent la meilleure partie du chyle, qui a l’aspect d’une vapeur, vers les parties qui produisent le sang. Ainsi Platon dans le Timée, {c} Aristote dans le livre iii, chapitre iv, {d} et le livre iv des Parties des animaux, Galien, dans le livre iv de l’Utilité des parties, chapitre i, {e} comparent-ils l’estomac soit à la mangeoire d’où le bétail tire sa nourriture, soit à la terre où les plantes puisent leur sève].


  1. Lyon, 1645, vnote Patin 12/92.

  2. Tel est le sens du mot αναστοιχειωσις, que Hofmann a déformé en αναστοιχειωθεις, mais la suite lui donne plutôt le sens de « délitement » (exsolutio de Musnier) que de « régénération » (donné par Bailly).

  3. V. notule {k}, note [5], première Responsio, 4e partie.

  4. V. notes [31], première Responsio de Jean ii Riolan, 4e partie, et [42], lettre de Thomas Bartholin à Johann Daniel Horst, pour deux extraits des Parties des animaux dont les références ne correspondent pas exactement à celles données par Hofmann.

  5. V. note [1], Historia anatomica, chapitre ii.

9.

Une note marginale d’Alcide Musnier renvoie au début de la Medicina de Celse, livre i (Introduction), page 26, sur les opinions des médecins grecs antiques : {a}

Ex quibus quia maxime pertinere ad rem concoctio videtur, huic potissimum insistunt ; et, duce alii Erasistrato, teri cibul in ventre contendunt ; alii, Plistonico Praxagoræ discipulo, putrescere ; alii credunt Hippocrati, per calorem cibos concoqui : acceduntque Asclepiadis æmuli, qui, omnia ista vana et supervacua esse, proponunt : nihil enim concoqui, sed crudam materiam, sicut assumata est, in corpus omne diduci.

« Comme, de toutes ces fonctions, la digestion leur paraît la plus importante, ils s’y arrêtent particulièrement, et soutiennent, les uns, suivant l’avis d’Érasistrate, que les aliments se digèrent dans l’estomac par trituration ; {b} les autres, avec Plistonicus, disciple de Praxagore, {c} par putréfation ; d’autres, conformément au sentiment d’Hippocrate, par l’action de la chaleur ; {d} puis viennent les sectateurs d’Asclépiade, {e} qui déclarent toutes ces hypothèses vaines et futiles : suivant eux, il n’y a pas de digestion, mais la matière se distribue dans tout le corps à l’état de crudité, telle qu’on l’a prise. » {f}


  1. Édition bilingue d’A. Védrènes, Paris, 1876.

  2. V. note [9], Historia anatomica de Thomas Bartholin, chapitre iii, pour l’opinion d’Érasistrate sur la formation du chyle, que Galien a formellement niée et condamnée.

  3. Plistonicus, médecin grec du iveiiie s. av. J.‑C., a rédigé une Anatomie, dont ont parlé plusieurs auteurs qui l’ont suivi. V. note [18], Responsio ad Pecquetianos, 2e partie, pour Praxagore.

  4. Je ne sais pas référencer cette opinion d’Hippocrate sur la formation du chyle (v. note [1] de la Brève histoire du chyle pour le sens qu’il donnait aux mots chyle et chyme, fort éloigné de celui qu’on leur a donné depuis).

  5. V. note [30], première Responsio, 4e partie, pour Asclépiade de Pruse, dont les opinions étaient généralement contraires à celles d’Hippocrate.

  6. Mise en exergue du passage que Musnier a paraphrasé : « Tout cela est vain et superflu, […] mais c’est la matière toute pure, telle qu’elle a été avalée, qui se répand dans tout le corps et y est distribuée à l’état cru. »

10.

Une note marginale d’Alcide Musnier renvoie au chapitre 15 du Hieronymi Fracastorii Veronensis. De sympathia et antipathia rerum liber vnus… [Livre de Girolamo Fracastoro sur la sympathie et l’antipathie des choses…], {a} intitulé De primis effectibus qui fiunt ex consensu et dissensu sensuum [Des effets premiers que provoquent l’accord et le désaccord des sens], page 18 ro, sur les battements du cœur :

Porro facta dilatatione rursus constrictio fit, qui motus est naturalis, membro redeunte ad situm proprium. utrique autem motus sua consequuntur beneficia, naturæ cognita, nam ad priorem dilatationem sequitur expulsio eiusdem aeris calefacti, et simul fuliginum multarum circa existentium. quæ quidem beneficia cognita Deo et naturæ sunt, non autem ipsi cordi

[Une fois la dilatation entièrement accomplie, survient la contraction, {b} qui est un mouvement naturel de retour de toute partie à sa position originelle. Ces deux mouvements ont cependant des conséquences bénéfiques, qui sont connues de la nature, car la dilatation première de l’air réchauffé est suivie de son expulsion, en même temps que celle des abondantes suies épaisses qui l’entourent. {c} Ces bienfaits sont connus de Dieu et de la nature, sans pourtant l’être du cœur lui-même].


  1. Ce livre de Fracastor (Hieronymus Fracastorius) a paru à Venise en 1546 : vnote Patin 2/6. V. note [31], première Responsio de Jean ii Riolan, 5e partie, pour la notion médicale de sympathie et d’antipathie.

  2. La systole suit la diastole sans repos intercalaire.

  3. Image de l’âtre dont la chaleur et la fumée chargée de suie montent dans la cheminée.

11.

Une note marginale d’Alcide Musnier renvoie au chapitre ii, livre vii de la Physiologie de Jean Fernel, {a} intitulé Que la matière de la semence est engendrée dans les parties solides, et comme elle est séparée d’icelles par la vertu des testicules (pages 681‑689), mais je n’y ai pas lu de quoi étayer un tel propos. Musnier me semblait plutôt vouloir renvoyer au livre v, Des facultés de l’âme, début du chapitre xv, La réfutation des raisons proposées par les adversaires (pages 482‑483) :

« Mais maintenant je vois une troupe plus véritablement de sophistes que d’aristotéliques, qui criaillent contre ces raisons, lesquels, encore qu’ils voient bien entièrement que les fonctions naturelles se font dedans le foie, les animales dedans le cerveau, tout ainsi que la chylification dedans le ventricule ou l’estomac, et la vision dedans l’œil, néanmoins ils ne veulent point avouer qu’ils soient le siège de leurs facultés, comme aussi pareillement que les nerfs procèdent du cerveau, et les veines du foie. Quelle est donc la cause et la raison qui les fait être d’une telle opinion ? Et pour ce d’autant, disent-ils, que nous ne jugeons pas de ces choses par l’estimation des sens, comme les médecins, mais seulement par la seule raison démonstrative. Comment ? parce que leur prince Avicenne a laissé par écrit que les philosophes qui mettent et placent toutes les facultés dedans le cœur, ont considéré toutes choses plus profondément, et ont examiné les raisons les plus importantes et nécessaires ; et les médecins qui ont suivi seulement ce qui meut les sens, ont séparé et divisé de lieux et de places des facultés. Ô la folie incroyable ! car c’est le propre de l’arrogance sotte et folle de préférer la nécessité de la raison à l’autorité des sens. »


  1. Paris, 1542, traduction française, ibid. 1655, v. seconde notule {a}, note [3], Dissertatio anatomica, chapitre xii.

12.

En présumant que tout lecteur connaissait le livre de Gaspare Aselli De Lactibus seu Lacteis Venis, {a} Alcide Musnier assortissait d’une note marginale les quatre autres auteurs cités.

  1. Professeur de médecine et botanique à Bologne, Giovanni Costeo ou Costa (Iohannes Costæus, Lodi 1528-Bologne 1603) a publié de nombreux ouvrages, dont une édition latine d’Avicenne {b} et un opuscule intitulé :

    Ioannis Costeæ Medici Laudensis, de Venarvm mesaræi vsv veteris opinionis Confirmatio. Aduersus eos qui chyli in iecur distributionem fieri negant per mesaraicas venas

    [Confirmation par Iohannes Costæus, natif de Lodi, de l’ancienne opinion sur l’utilité des veines du mésentère. Contre ceux qui nient que la distribution du chyle dans le foie se fait par le mésentère]. {c}

    Aselli l’a cité trois fois dans son livre.

    • Chapitre 9, page 19, dans la relation de sa découverte en 1622 : {d}

      Quare rei nouitate perculsus, hæsi aliquandiù tacitus, cum menti variè occurrerent, quæ inter anatomicos versantur, de venis mesaraicis et eorum officio plenæ, non litium minùs, quàm verborum, controuersiæ. Et fortè fortuna congruerat, vt paucis ante diebus, quendam de hoc argumento propriè scriptum, à Ioanne Costæo libellum euoluerem. Vt me collegi experiundi causa adacto acutissimo scalpello, vnum ex illis, et maiorem funiculum pertundo. Vix benè ferieram et confestim liquorem album lactis, aut cremoris instar prosilire video.

      [Profondément ébranlé par la nouveauté du fait, {e} je demeurai quelque temps silencieux, tandis que me venaient à l’esprit les diverses controverses qui agitaient les anatomistes, tout aussi chargées de disputes que de mots, sur les veines mésaraïques et leur fonction ; et il se trouvait que, par un heureux hasard, j’eusse lu quelques jours auparavant l’opuscule que Giovanni Costeo a consacré à cette question. M’étant ressaisi, dans l’idée de poursuivre l’expérience, je pris un scalpel très acéré et incisai l’un des plus gros de ces cordons : aussitôt après l’avoir à peine percé, je vis jaillir un liquide blanc, semblable à du lait ou à de la crème]. {f}


      1. Milan, 1627, v. note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre i.

      2. Vnote Patin 11/11.

      3. Venise, sans nom, 1565, in‑4o de 16 pages : Costeo y répond à un mémoire ou à une lettre (dont je n’ai pas trouvé de trace imprimée) de Callistus Villanus, médecin de Lodi, pour le convaincre que les veines mésentériques transportent les aliments au foie (et non à la rate), pour y être transformés en sang.

        Je suis profondément reconnaissant à Marie-France Claerebout d’avoir déniché ce livre rare dans Google Livres

      4. V. note [6], Brève histoire du chyle.

      5. La multitude de conduits blancs qui parcouraient le mésentère d’un chien ouvert quelques heures après avoir été copieusement nourri.

      6. Le livre de Costeo fut donc le premier qui vint à l’esprit d’Aselli, à l’instant crucial où il allait prouver l’existence des lactifères mésentériques et lancer cinq lignes plus bas son ευρηκα (eurêka).

    • Chapitre 13, page 30, Aselli cite Costeo parmi les auteurs qui ont supposé le passage du chyle intestinal dans le foie par les veines sanguines mésaraïques, mais sans avoir discerné les lactifères, faute d’avoir eu la bonne idée de disséquer un animal qui avait été préalablement nourri.
    • Chapitre 23, page 54, sur les arguments qu’on peut objecter à la réalité des lactifères mésentériques :

      Ea duo sunt, quibus quidem momenti aliquid insit, aut ponderis. Nam quibus alijs Costæus, et Laurentius in eos pugnant qui diuersas in Mesaræo venas chylo, diuersas sanguini ducendo tribuunt (quod nos quoque facimus, dicimus, licet longè, ac illi, aliter) ea sponte, et ipsa sui vanitate, ex iam dictis ruunt ; nec dicta fuissent ab ipsis unquam, si, vt ille ait, aut sensu cum labore aliquo uti voluissent, aut temperare potuissent, sine fide sensuum, incassum rationes aceruare. Nam vel exploratò falsa sumunt, cuiusmodi ista sunt, sensum nullum inter Mesaraicas discrimen facere. omnes similes, exortu, colore, contentis : vel ea, quæ ipsa in quæstione, et controuersia versantur, quale istud est, omnes eadem lege, ac conditione teneri, ijsdem operibus perfungi].

      [Seuls deux arguments ont quelque importance et quelque poids. {a} Quant au reste, Costeo {b} et Du Laurens {c} ont combattu ceux qui attribuent le transport du chyle et du sang à des veines distinctes (comme nous le faisons et le disons, mais de manière bien différente de la leur), et ces deux auteurs pensent que cette idée ne tient pas debout tant elle est vide de sens. Ils n’auraient pourtant jamais prononcé un tel avis ou auraient pu le modérer si, comme écrit Du Laurens, ils n’avaient pas mis tant de réflexion et d’ardeur à accumuler de vains raisonnements, sans se fier à ce que perçoivent les sens. {c} Ceux qu’ils avancent sont en effet parfaitement fallacieux, comme de dire qu’aucun constat n’établit de distinction entre les veines du mésentère, que toutes ont une origine, une couleur et un contenu identiques ; ou alors invitent au questionnement et à la controverse, comme de dire que tout ce qui obéit à la même loi et possède la même qualité remplit des fonctions identiques]. {d}


      1. Aselli les résumait par deux questions : 1. le chyle est-il plus épais que le sang ? 2. pourquoi de si nombreuses veines rouges parviennent-elles aux intestins ?

      2. Une note marginale d’Aselli renvoie libello de vsu venarum Mesaræi [à l’opuscule sur l’utilité des veines du mésentère], en pensant sans doute notamment à ce passage où Costeo écrit à Villanus (haut de la page 7 ro) :

        Subjungis “ Galenum et Herophilum duo vasorum genera, hoc est mirum figmentum, excogitasse literisque mandasse, quorum alterum adducendo pro alitione sanguini, alterum adducendo ad iecur chylo destinarunt, quæ vasa nondum à magnis dissectoribus inuenta sunt aut monstrata : id quod quidem eius dogmatis vanitatem facilè ostendat. ” Esto autem, ut Herophilus et Galenus id memoriæ commendarint, quod nostri vident, fieri autem potest vt magni illi viri in corporibus aliquibus animadverterint ; nunquam tamen error aliorum, quod verum est, obscurat ; neque etsi errare eos contigerit (quod nos de tantis medicis non tam facilè dixemus) id tamen probat, venarum mesaræi vsum eum non esse, quem medici omnes tuentur. Aggrederis noua rursus ratione ; atque “ si (ais) daretur occursatio chyli cum sanguine in venis illis, succus ex ea mistione consurgens colore et substantia à reliquarum partium sanguine differret : quod, quum neque in cadauerum neque in viuorum animalium dissectionibus quantumuis diligentissime administratis appareat, reliquum est vt confiteamur vanam atque ineptam esse occursationem. ” Hic ad peritos, et eos qui multum ac diligenter sese in dissecando exercuerint, quod scribis libenter refero ; mihi verò ipse conscius sum, non album certe chylum, at dilutiorem quàm alibi sanguinem animadvertisse, quod alijs etiam conspectum puto. Sed fac, vt hoc ipsum quoque perpetuum sit quod tu asseris ; non video tamen quid jure hoc dogma vanitatis insimulet. Quemadmodum enim ex intestinis in mesaræi venas perfertur chylus ; ita ex iecore in has venas sanguinem regurgitare dixerim, ex quo, commisto vtroque, qui albus erat, rubrum effici ab exiguo etiam sanguine multum chylum oportet.

        [Tu ajoutes que « Galien et Hérophile ont pensé et écrit une pure sornette en disant que deux sortes de vaisseaux sont destinés à mener séparément au foie, pour les uns, le sang qui le nourrit et pour les autres, le chyle. Cependant, les grands anatomistes n’ont encore ni trouvé ni montré ces vaisseaux, ce qui prouve aisément la vanité de ce dogme ». Soit, mais puisque Hérophile et Galien en ont parlé, il se peut que ces grands hommes aient observé dans certains corps ce que les nôtres ne voient pas : jamais l’erreur des autres n’obscurcit pourtant la vérité ; et bien qu’il soit arrivé à de si éminents médecins de se tromper (ce que nous avons du mal à dire d’eux), cela ne prouve pas que la fonction des veines mésaraïques n’est pas celle que tous les médecins respectent. Tu recours à un nouvel argument pour riposter : « Si on admettait que le sang et le chyle se déplacent ensemble dans ces veines, le suc résultant de ce mélange aurait une couleur et une consistance distinctes de celles du sang qu’on trouve dans le reste du corps ; or, puisque cela ne se voit pas en disséquant, le plus soigneusement possible, les cadavres ou les animaux vivants, nous n’avons plus qu’à admettre la futilité et à l’ineptie d’une telle mixtion. » Je relate bien volontiers ce que tu écris là à l’intention des initiés et de ceux qui se sont appliqués à beaucoup et attentivement disséquer ; mais quant à moi, je sais bien que le chyle n’est sûrement pas blanc, mais plus clair que le sang qu’on voit ailleurs dans le corps, comme, je pense, d’autres l’ont aussi constaté. Pourtant, quand bien même tu parviendrais à montrer que ce que tu affirmes est immuable, je ne vois pas de quel droit tu dénoncerais la vanité du dogme que je défends : je dirais en effet que tout comme le chyle passe des intestins dans les veines du mésentère, le sang reflue du foie dans lesdites veines, et le mélange des deux doit faire que le sang, même en faible quantité, rougit le chyle qui était blanc].

      3. Une autre note marginale renvoie au 4. Hist. Anatom. quæst. 5. [livre iv de l’Historia anatomica, question v], An eædem Venæ Mesenterii simul et semel chylum vehant, et revehant sanguinem ? [Les mêmes veines du mésentère transportent-elles ensemble et en même temps le chyle dans un sens et le sang dans l’autre ?] {i} ; sans citer Costeo (qu’il n’avait peut-être pas lu), Du Laurens y répond affirmativement {ii} avec, entre autres, cet argument de pure autorité (page 187) :

        Verùm cùm in Anatome soli autopsiæ sit adhibenda fides, qua arte Venarum hæc discrimina obseruarint, non video. Intuere quæso tu quisquis es, etiam oculis plusquam lynceis Mesaraicarum riuulos omnes, eorum insertionem, exortum, structuram, colorem, contenta similia omnino vbique obseruabis : quod si Venæ quædam vehendo soli chylo essent dicatæ, aliæ sanguini deducendo ; illæ aliquando candidæ apparerent, aut saltem non ita coloratæ, harum verò insertio esse dissimilis. At quis vnquam Venas Mesenterii cremore et lacteo succo confertas vidit ? Lacteam fateor et albam Venam appellarunt veteres Portam, non ea ratione quod succo candido esse conferta, sed quod album succum cremori persimilem traheret.

        [Puisqu’en anatomie, il ne faut avoir foi qu’en ce que constatent les yeux, je ne vois pas quel artifice a permis d’observer de telles différences. Qui que tu sois et même si tu as des yeux plus perçants que ceux du lynx, je te prie de scruter tous les ruisseaux qui parcourent le mésentère, et tu constateras que leurs origines et leurs terminaisons, leur structure, leur couleur, leur contenu sont partout parfaitement semblables. Pourtant si certaines veines étaient destinées à ne transporter que du chyle, et d’autres que du sang, les premières apparaîtraient de temps en temps blanches, ou du moins pas aussi rouges que les secondes, et leurs insertions ne seraient pas identiques. Et qui donc a jamais vu des veines du mésentère remplies d’un liquide laiteux et crémeux ? {iii} Je conviens que les anciens auteurs ont qualifié la veine porte de blanche et lactée, mais non parce qu’elle est remplie d’un suc blanc, mais parce qu’elle attire à elle un suc blanc tout à fait semblable à de la crème]. {iv}

        1. Pages 186‑189 des Opera omnia (Paris, 1628, v. note [5], Historia anatomica, chapitre x).

        2. Ce qui correspond exactement à l’idée défendue par ceux qui tiraient argument du montevin : v. note [20], première Responsio de Jean ii Riolan, 5e partie.

        3. Dans son Historia anatomica (parue pour la première fois en 1593, vnote Patin 13/3) Du Laurens ne pouvait pas dire plus clairement le contraire de ce qu’Aselli a publié en 1627.

        4. Le chyle contenu dans l’intestin.

      4. Je n’ai trouvé ni dans Costeo ni dans Du Laurens les deux passages mis en exergue par Aselli.

  2. V. note [4], Experimenta nova anatomica, chapitre v, pour Gassendi sur les voies du chyle dans sa « Vie de Peyresc » (1641). Il a aussi repris et développé ses idées dans l’annexe de sa Vie d’Épicure (1649, v. supra note [7]), pages lvj‑lx.

  3. Pour Jean ii Riolan, Musnier renvoyait au livre ii, chapitre xvii, de l’Anthropographie nouvelle (Paris, 1649), De Vena Portæ [Sur la veine porte] (pages 111‑115). Les lactifères d’Aselli y sont mentionnés, mais sans démordre de l’idée que le chyle monte au foie par les veines mésentériques. Riolan en a écrit bien plus dans le livre vii (v. note [5‑2] de sa première Responsio, 3e partie).

  4. L’ouvrage de Thomas Bartholin sur les lactifères thoraciques est son Historia anatomica (1652) qui figure intégralement dans notre édition.

13.

« et souvent le Seigneur révèle au plus jeune ce qui est le mieux » ; une note marginale d’Alcide Musnier renvoie au chapitre iii, page 12 De adhibendis ad consilium fratris [La manière d’appeler les frères au conseil] :

Qvoties aliqua præcipua agenda sunt in monasterio, conuocet Abbas omnem congregationem : et dicat ipse vndè agitur. Et audiens consilium fratrum, tracter apud se : et quòd vtilius iudicauerit, faciat. Ideò autem omnes ad consilium vocati diximus : quia sæpé iuniori Dominus reuelat quòd melius est.

« Toutes et quantes fois qu’il se présentera au monastère des affaires de grande importance, l’abbé assemblera tout le couvent et proposera lui-même ce qui est à faire ; et entendant sur cela l’avis des frères, il y pensera mûrement à part soi, et fera par après ce qu’il jugera plus expédient. Or la cause pour laquelle nous voulons que tous les frères soient appelés au Conseil est pour autant que Dieu révèle souventefois au plus jeune ce qui est plus utile et profitable. » {b}


  1. Regula sancti Patris Benedicti… [Règle du saint Père Benoît…] (Paris, Hyeronimus Drouart, 1610, in‑8o) ; v. notule {a}, note Patin 19‑2/8194, pour saint Benoît de Nurcie, fondateur de l’Ordre des bénédictins au vie s.

  2. La Règle du B.P. Benoît (Paris, veuve de Ch. Chastelain, in‑8o), pages 16‑17.

14.

Alcide Musnier supposait que Jean Pecquet avait fait sa découverte en 1650, en se fiant à la date de parution des Experimenta nova anatomica (1651), ouvrage qui ne permet de connaître ni la date (vers 1647) ni le lieu (Paris) exacts de ses dissections.

15.

Trois notes marginales d’Alcide Musnier mêlaient la formation du chyle à celle du lait (qui l’intéressait plus).

  1. Pour Aristote, il renvoyait au chapitre viii, livre iv de la Génération des animaux, consacré principalement à la lactogenèse, où il est non seulement dit que « l’origine du sang et des veines, c’est le cœur, qui se trouve de même dans les parties supérieures du corps », {a} mais aussi :

    « Que le lait soit de la même nature que l’excrétion d’où il vient, c'est ce qui est de toute évidence ; et nous l’avons déjà dit ; car c’est d’une seule et même matière que l’embryon est nourri, et que la nature produit la génération. Dans les animaux qui ont du sang, cette matière est le liquide sanguin. Le lait est donc du sang qui a reçu toute sa coction, et non pas du sang corrompu. Aussi, Empédocle {b} a-t-il émis une idée qui n’est pas juste, ou tout au moins a-t-il fait, dans ses vers, une métaphore assez fausse, quand il dit que “ Le lait devient du pus de couleur blanche, au dixième jour du huitième mois ”. La putréfaction et la coction sont choses toutes contraires : le pus est une putréfaction, tandis que le lait est une matière dont la coction est parfaite. » {c}


    1. Musnier ajoute et alibi [et ailleurs], c’est-à-dire notamment dans les Parties des animaux : v. note [10], Experimenta nova anatomica, chapitre i.

    2. V. note [18], seconde Responsio de Jean ii Riolan, 3e partie.

    3. Traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire (1887).

  2. Pour Prospero Marziano, Musnier renvoyait à la section Vers. 250 (pages 40‑44) de ses Notationes sur Hippocrate, {a} qui commente son avis sur la formation du lait dans le traité sur la Nature de l’enfant. {b} Je me contente des quatre inscriptions marginales de Marziano :

    • Alio modo lac generatur in grauidis, quam in enixis [Le lait est produit de manière différente avant et après l’accouchement] ;

    • Coitus in nutricibus vtilis [Le coït est utile aux femmes allaitantes] ;

    • Materia lactis duplex [La matière du lait est double] ; {c}

    • Lac non ex solo sanguine, sed etiam ex cibis, probatur [Preuve que le lait ne provient pas seulement du sang mais aussi des aliments].


    1. Rome, 1626, v. note [2], Historia anatomica, chapitre v.

    2. Le gras serait la source du lait que produit l’utérus et qui monte dans les mamelles : v. note [7], lettre de Thomas Bartholin à Johann Daniel Horst.

    3. Une partie du lait dérive directement des aliments non encore digérés qui sont contenus dans l’estomac, et l’autre est tirée du sang.

  3. Le chapitre vii, Di qual materia si generi il latte [Sur la matière qui engendre le lait] (pages 484‑491) du dernier des De Mali hipochondriaci Libri Tre del Sig. Paolo Zacchia Medico Romano Terza Impressione ricirretta, et raccreciuta [Trois livres du sieur Paolo Zacchia {a} sur l’hypocondrie, {b} troisième édition revue et augmentée], {c} cite Marziano et défend les mêmes idées que lui.


    1. Paolo Zacchias, vnote Patin 18/279.

    2. Vnote Patin 6/673.

    3. Rome, Vitale Mascardi, 1651, in‑8o de 543 pages.

16.

Avec une note d’Alcide Musnier renvoyant aux pages 55, 67 et 70 de son Sylloge.

17.

Ovide, Métamorphoses, livre xv (note marginale d’Alcide Musnier), vers 146‑147 : « Il chante de grandes choses, trop longtemps ignorées, que l’esprit de ses prédécesseurs n’a pas explorées » (avec canit, « Il chante », pour canam, « Je vais chanter »).

18.

Une note marginale d’Alcide Musnier renvoie au livre i, 2e partie de la Corporis humani disquisitio Anatomica [Exploration anatomique du corps humain] de Nathaniel Highmore, dont les figures sont citées dans la note [22], préface de la première Responsio de Jean ii Riolan.

19.

En 1652, dans le chapitre xv de son Historia anatomica, Thomas Bartholin n’avait pas suivi Jean Pecquet, en défendant encore l’idée qu’une partie du chyle gagnait le foie, qui devait donc partager la sanguification avec le cœur. En 1653, dans ses Vasa Lymphatica, après avoir découvert que les vaisseaux qu’il croyait être des lactifères pénétrant dans le foie étaient des lymphatiques, il avait rejoint Pecquet en plaidant pour la sanguification cardiaque exclusive et en célébrant les Funérailles du foie ; mais il a ensuite surpris en tournant casaque contre Pecquet dans les Dubia anatomia de Lacteis thoracicis parus la même année : v. note [52], Responsio ad Pecquetianos, 2e partie.

20.

Leur correspondance est aujourd’hui presque entièrement perdue, mais Guy Patin avait apparemment permis à Alcide Musnier d’être en 1654 le premier Italien à avoir lu les Experimenta nova anatomica de Jean Pecquet (1651) et les deux livres de Thomas Bartholin (1652, 1653). L’Auctariolus de Musnier (qui suit) montre que s’y ajoutait bien sûr la première Responsio de Jean ii Riolan (1652), mais il a préféré ne pas en résumer les arguments dans sa Prolusiuncula, sans toutefois prendre clairement parti dans le débat.

21.

La note [9] de l’Historia anatomica, chapitre xviii, présente les opinions de quelques anatomistes sur la jonction entre les veines épigastriques et mammaires, en relation confuse avec la production du lait et avec une communication entre l’utérus et les mamelles.

Le sang dont dérive le lait est véhiculé par des artères et non par des veines : les deux paires d’artères mammaires (ou thoraciques), internes et externes, naissent des subclavières et des axillaires.

22.

Six notes marginales d’Alcide Musnier renvoient aux sources de ses mentions.

23.

V. supra note [15‑2] pour le livre iii (chapitre vii) de Paolo Zacchias sur l’hypocondrie (1651), dont Alcide Musnier traduisait ici un passage, page 486 : Almeno poiche da Hippocrate non è stato… per lequali il latte dal ventricolo ò d’altronde si conferisce al petto.

Le propos de Zacchias surprend par la précision de sa prémonition. Toutefois, je n’ai pas compris pourquoi la note que Musnier lui attachait renvoyait au livre iii des Maladies d’Hippocrate, chapitre xvii, car il est intitulé « Énumération de diverses préparations rafraîchissantes à donner dans les fièvres » (Littré Hip, volume 7, pages 157‑161).

24.

Une note marginale d’Alcide Musnier date cette lettre de Padoue, le 18 octobre 1653. Elle n’a pas été publiée dans les recueils épistolaires de Fortunio Liceti, dont le dernier a paru en 1650 (vnote Patin 9/276).

25.

Deux notes marginales d’Alcide Musnier renvoient à Hippocrate :

26.

De Ortu Animæ Humanæ Libri tres Fortuni Liceti Genuensis, Philosophi et Medici, in Pisana Academia Professoris [Trois livres de Fortunio Liceti, philosophe et médecin natif de Gênes, professeur en l’Université de Pise, sur la Naissance de l’âme humaine], {a} pages 224‑231, chapitre intitulé :

Portij argumenta diluuntur, ostendo fætum in vtero tum alimentum suscipere non solùm per vmbilicum, verùm etiam per os….

[Les arguments de Portius {b} sont résolus en montrant que, dans l’utérus, le fœtus reçoit l’aliment non seulement par l’ombilic, mais aussi par la bouche…]


  1. Gênes, Josephus Pavonius, 1602, in‑4o de 429 pages.

  2. Simo Portius (Simone Porzio, 1496-1554), philosophe et médecin napolitain.

27.

Le latin de Fortunio Liceti est celui des Opera omnia d’Hippocrate traduites par Janus Cornarius (Venise, 1546, page 77). Littré Hip donne une version légèrement différente de ces deux derniers paragraphes du livre des Glandes, qui restent néanmoins difficilement intelligibles aujourd’hui.

28.

V. note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre iii, pour l’inversion du courant dans l’Euripe, comparée au mouvement imaginaire du sang dans les veines, mais appliquée ici à celui du lait entre l’utérus et les mamelles.

Une note marginale d’Alcide Musnier renvoie aux Opera omnia d’André Du Laurens, {a} livre ix, question iii, De lactis generatione soluuntur Problemata [Résolution des problèmes tenant à la formation du lait], pages 456‑457 ; mais Fortunio Liceti avait tiré son propos de deux autres endroits :

Tout cela préoccupait fort les médecins du xviie s., mais l’interprétation de leurs observations a aujourd’hui perdu toute pertinence.

29.

Une note marginale d’Alcide Musnier date la lettre de Cecilio Folli (v. note [3‑2], Experimenta nova anatomica, chapitre vi) « de Venise, le 19 décembre 1653 ».

30.

Dans son Discorso anatomico sur la graisse (Venise, 1644), Cecilio Folli établissait une nette distinction entre le sang et le lait ; {a} j’y ai relevé deux passages qui aident à interpréter ce qu’il écrivait ici à Alcide Musnier.

31.

Une note marginale d’Alcide Musnier donnait la référence du livre de jean Pecquet (dont il blâmait discrètement le mauvais latin) ; je l’ai insérée dans la traduction. Vnote Patin 21/77 pour le libraire parisien Sébastien Cramoisy.

32.

« sur la nouvelle fonction du cœur » : v. note [10], Brevis Destructio, chapitre i, pour le Cor vindicatum de Pierre Guiffart (Rouen, 1652).

33.

Une note marginale d’Alcide Musnier complétait les références de l’Historia anatomica de Thomas Bartholin (et Michael Lyser) : « Copenhague [Melchior Marrzan], 1652, in‑4o, Londres [Octavianus Pulleyn], 1652, in‑12, Paris [veuve de Mathurin Du Puis], 1653, in‑8o [dans les Opuscula nova anatomica de Jean ii Riolan] ». Je n’ai pas trouvé d’édition de Gênes, mais il en existe une d’Utrecht, Gisbertus à Zyll et Theod. ab Ackersdijck, 1654, in‑12. Toutes, sauf celle de Paris, contiennent la planche de trois figures.

34.

V. note [25], Nova Dissertatio, expérience i, pour les deux éditions des Vasa lymphatica de Thomas Bartholin (Copenhague et Paris, 1653). Le Sylloge d’Alcide Musnier en contient une réimpression (pages 171‑209) ; mais contrairement à ce qu’il écrivait ici, sans leur unique figure, qui n’est imprimée que dans l’édition de Copenhague, 1653. Le Sylloge ne contient que les illustrations anatomiques des Experimenta anatomica nova de Jean Pecquet et de l’Historia anatomica de Bartholin.

35.

V. note [26], lettre de Thomas Bartholin à Johann Daniel Horst, pour ses Dubia anatomica (Copenhague et Paris, 1653). Le projet qu’avait Alcide Musnier de les réimprimer n’a pas abouti.

36.

Une note marginale d’Alcide Musnier précise que la dernière lettre qu’Érasme Bartholin (v. note [4], Historia anatomica, chapitre v) lui avait écrite était datée de Padoue, le 7 février 1654. V. notes :

37.

Francisci Mariæ Florentinii Nobilis Lucensis, ac Iatrophysici de genuino puerorum Lacte, mamillarum usu, et in Viro Lactifero structura. Cum noua assertione Disquisitio

[Recherche de Franciscus Maria Florentinus, {a} médecin et gentilhomme de Lucques sur le lait naturel {b} des enfants, sur l’utilité des mamelons et leur structure chez un homme qui produisait du lait]. {c}


  1. Le médecin lucquois Francesco Maria Fiorentini (1603-1673) était aussi historien.

  2. Ce livre traite de la galactorrhée (v. note [12], Brevis Destructio, chapitre v). J’ai corrigé la coquille d’Alcide Musnier : geminus [double] pour genuinus [naturel].

  3. Lucques, Bernardinus Pietius et Hiacynthus Pacius, 1653, in‑8o de 80 pages, avec courte épître dédicatoire Eruditissimo Viro Ioanni Alcidio Genuensium Polyalthi [au très savant Jean-Alcide, thérapeute universel des Génois], datée du 24 décembre 1653 (jour que Musnier a indiqué dans une note marginale).

La seconde partie, De Mamillarum in lactifero viro Structura Observatio (pages 33‑77) relate l’autopsie d’un homme de 20 ans, tué d’un coup d’épée, qui présentait un écoulement laiteux des mamelons. Elle est suivie de vivisections animales. Une note marginale de Musnier indique la page 76 comme source de l’extrait qu’il cite.

38.

Alcide Musnier complimentait son ami Guy Patin pour avoir été élu doyen de la Faculté de médecine de Paris, {a} et le remerciait de lui avoir adressé les ouvrages de Jean ii Riolan où il avait jusqu’alors traité des vaisseaux lactés et lymphatiques. J’ai ajouté entre parenthèses leurs lieux, dates et formats de parution que Musnier a indiqués en note marginale. Ce sont :

  1. l’ultime édition de l’Anthropographie (1649), {b} flatteusement comparée au monumental lexique grec de Suidas ; {c}

  2. les Opuscula anatomica varia et nova (1652), contenant notamment la première Responsio à Jean Pecquet et la critique du livre de Pierre Guiffart (que Musnier plaçait toutes deux, par erreur, dans les Opuscula de 1653) ;

  3. les Opuscula nova anatomica (1653), exclusivement dirigés contre Thomas Bartholin. {d}


    1. Pour une année en novembre 1650, puis reconduit un an après, comme voulait l’immuable coutume.

    2. V. supra note [12‑3].

    3. Hypothétique auteur byzantin de la Souda (xe s., vnote Patin 47/8201), avec une citation grecque dont je n’ai pas trouvé la source, ni su dire si elle venait de cet ouvrage ou s’y appliquait.

    4. V. note [2], épître dédicatoire de la Nova dissertatio.

39.

« contre l’Étrurie tout entière » : Alcide Musnier semblait emprunter à Tite-Livre (livre v de l’Histoire de Rome) son allusion à la coalition des Étrusques contre les Romains, au ive s. av. J.‑C., pour illustrer les attaques solitaires de Jean ii Riolan contre les découvertes de tous les autres anatomistes.

40.

Ce passage de la Première Responsio de Jean ii Riolan appartient à son Discours contre la nouvelle doctrine des veines lactées, dont j’ai emprunté la traduction au Manuel anatomique et pathologique (Paris, 1661), en n’y répétant ici que mes annotations indispensables à la compréhension de son propos.

41.

« En toutes choses il est des secrets profondément cachés, c’est à l’intelligence de chacun de les pénétrer » : v. note [22], première Responsio, 5e partie.

42.

V. note [23], première Responsio, 5e partie, pour le « sentiment des humbles » blâmé par Longin.

43.

Une note marginale d’Alcide Musnier renvoie au Iudicium novum de Venis lacteis, page 32, ligne 21, des Opuscula nova anatomica (Paris, 1653, v. supra note [38], notule {d}), qui est traduit et commenté dans la note [32‑1], Responsio ad Pecquetianos, 4e partie.

44.

Musnier a rédigé son Sylloge au plus fort de la Tempête du chyle, avant la seconde édition des Experimenta nova anatomica et la parution des commentaires qui l’ont suivie. Il s’agit d’une curiosité qu’il m’était impossible de passer sous silence, même si Musnier déçoit en s’y intéressant trop au débat sur l’origine, sanguine ou chyleuse, du lait, et en évitant prudemment de prendre clairement parti sur le dilemme de la sanguification, hépatique ou cardiaque, dont la découverte des lactifères thoraciques avait fait un enjeu primordial. Ses trois copieuses citations finales de Jean ii Riolan laissent seulement deviner que Musnier se rangeait à ses idées.

a.

Page [A5] vo, io. alcidii munieri sylloge.

io. alcidii mvnieri
philosophi et medici.
prolvsivncvla
ad lectorem :

Adornaveram (ô Lector)
liminarem hinc Operis ve-
lutì Facem, quæ Tibi singu-
las De Chyli Transitu Opi-
niones, eo, quo natæ sunt, Seculorum
ordine, præmonstraret. Sed Embryo
ille, cùm, nouâ in dies gliscente mate-
riâ, plusculum adolesceret, fieretque
iam hoc toto Libro ferè grandior ; fui
tandèm, et hortatu Typographi, et
Amicorum coactus, alteri hunc labo-

b.

Page A6 ro, io. alcidii munieri sylloge.

rem editioni seorsim destinare.

Quis enim credat, à penè XX. Se-
culis, quibus Artis initia repetimus, in
re tàm facili, tamque peruiâ, (qualis
esse Via Chyli præsumitur,) vltrà cen-
tum insignes atque decumanas Hære-
ses prodijsse ? Mirabar equidèm, (et
quidni etiàm ridebam ?) tot crepera
sensa humanæ mentis ; parumque abe-
rat, quìn me aliquandò Pyrrhonium in
album reciperem, et ab illâ dubitandi
Scientiâ solatium implorarem.

Vt enim à Chylo exordiar, Ità succus
ille primordialis, eiusque Genesis, et ela-
boratio controuersa fuit ab omni æuo,
vt (quod ait Aristoteles, de Pytha-
goræis,) {a} obscuritatem animis, et con-
fusionem potiùs pepererit, quàm lumen
aliquod Veritatis.

Hippocrates enim arbitratus est,
Chylum in Ventriculo confici per Co-
ctionem
.

Aristoteles, per quandam speciem Eli-
xationis
. {b}


  1. Note marginale : « l. 3. Metaph. » (sic pour « l. 13 » ).

  2. Note marginale : « l. 4. Meteor. c.4. » (sic pour : « c.3 »).

c.

Page A6 vo, io. alcidii munieri sylloge.

Galenus, {a} per alterationem.

Empedocles, et Phistonicus {b} Pra-
xagoræ auditor, per putrefactionem.

Erasistratus, et alicubi Plato, {c} per
Attritionem
.

Gassendus, {d} cùm Chymicis, per
fermentationem
.

Alij deniquè, cùm Hofmanno, {e} per
eam separationem, quam Græci
αναςτοιχε ’ωσιν,
h. e. vltimam exsolutionem vocant.

Addo, et Asclepiadem, qui, cùm æm-
ulis, (apud Cornelium {f} Celsum) Va-
na illa omnia, atque superflua
professus,
nihil omninò concoqui afferebat, sed pu-
ram putam materiem, qualis assumpta est,
in corpus omne deferri, crudamque di-
stribui
.

Verùm ista, de Chyli Generatione, to-
lerabilia sund adhùc, ijsque multò le-
uiora, quæ de Vijs eiusdem ac progres-
sione tam variè, tamque inconstantèr
opinata sunt, ut penè cùm Fracastorio {g}
dicere ausim, Chyli motum, et Cordis
esse similem, h. e. Soli Deo, Naruræ-


  1. Note marginale : « lib. 3. de Sympt. causis, c. 1. et alibi. »

  2. Sic pour : Plistonicus ; note marginale : « Cornel. Celsus. init. operis. »

  3. Note marginale : « in Timæo. »

  4. Note marginale : « tom. 2. Phil. Epic. in App. »

  5. Note marginale : « l. 2. Instit. c. 120. »

  6. Note marginale : « loc. citato. »

  7. Note marginale : « l. de sympathia. c. 15. »

d.

Page [A7] ro, io. alcidii munieri sylloge.

que cognitum ; aut cùm Fernelio, {a} Ra-
tione magis, quàm Sensu
percipi posse.

Horum autem Chyli Ductuûm in-
primis meminére {b} Costæus, Asellius, {c}
Gassendus
, {d} Riolanus, et nunc etiam
Thomas {e} Bartholinus, in hoc suo de
Lacteis Thoracicis
insigni Opere, quod
interdùm adire poteris, donèc mea
longè prolixior, auctiorque Paratura in
Lucem prodeat.

Sat enim fuerit, obitèr hìc, et velutì
per cancellos, indigitare Vias illas, quæ
quidèm aut sunt Immeditæ, (scilicèt
à Ventriculo ad hepar, absque vllo per
Intestina traiectu,) aut Meditæ ; et
Vtræque aut Meatus, aut Vasa ; et Mea-
tus
, aut Sensiles, et Manifesti, vt Pylo-
rus, Cholidochus, Virsungianus, etc.
aut Insensiles, vt Pori. Per Vasa autèm
accipio Venas, et Arterias ; Venas, in-
quam, aut Ventriculi, (nempe Gastri-
cas,) aut Lienis, aut intestinorum, et
Mesaræi ; easque vel Sanguini tantùm,
vel Chylo tantùm, vel simùl vtrique
delegatas :


  1.  Note marginale : « l. 7. physiol. c. 2. »

  2. Note marginale : « l. de vsu Venarum Mesaræi. »

  3. Note marginale : « loc. cit. »

  4. Note marginale : « l. 2. Athrop. nouæ. cap. 17. »

  5. Note marginale : « cap. 1. 2. 3. »

e.

Page [A7] vo, io. alcidii munieri sylloge.

In his igitùr, alijsque Chyli Mæan-
dris diutissimè perplexus Orbis, hæreret
adhùc ambiguus, et erraret, nisì propi-
tia quædam Astra benigniùs influendo,
per noua tandèm expertáque Ingenia,
nouas et inusitatas indagines excitas-
sent. Inter quæ non vltimus habetur, licèt
vltimis temporibus, Gaspar Asellivs
Anatomicus Ticinensis, qui cùm ante-
acti æui errores, de Tranatione Chyli,
exploraret nescio, an deploraret, aduer-
teretque non alitèr in Apollinis arcem,
(quæ Medicina est,) ingredi oportere,
quàm Experientiæ claue ; cæpit ipse tùm
demùm (Herophili, et Erasistrati exem-
plo) totum Autopsiæ se tradere, viuasque
consulere Animantes : vndè factum est,
vt Anno huius seculi XXII. Quartum
in Mesenterio Vasorum genus, putà
Lacteum, ei derepente aliudque mo-
lienti obtigerit, quod ab Intestinorum
Tunicis ad Pancreas, et ab hoc, ad Por-
tas hepatis numerosâ propagine fere-
batur.

f.

Page [A8] ro, io. alcidii munieri sylloge.

Hoc autem Inuentum non auctori-
tate, vel coniecturâ, sed ipso sensu, si fidis-
simo Veritatis internuntio compara-
tum, stetit hùc vsquè suis immobile
fundamentis, Medicâque Ciuitate iam
ferè donatum est.

Quià tamèn inquietum Cor homi-
nis ardet sempèr vlteriùs auiditate di-
scendi, sæpèque Dominus Iuniori reue-
lat, quod melius est
 ; {a} nouissimè contigit,
(anno scil. 1650.) vt Io. Pecquetvs
Iuuenis Medicus Diepæus, cùm Lu-
tetiæ viui Canis Anatomen impensiùs
exerceret, in Lacteos quidèm sed ab
Asellio diuersos, ignotosque Canalicu-
los felicitèr impingeret. Ab Intestinis
enim et maximè Tenuibus, (undè pri-
mùm oriri Vasa illa Chylifera viden-
tur,) non ad celeberrimum illud Pan-
creas in medio Mesenterij positum, non
ad Hepar, non ad Cauæ Truncum, sed
ad quoddam suprà Lumbos Receptacu-
lum
velutì stagnum, apertissimè progre-
di deprehendit : Hinc eadem Vasa per-


  1. Note marginale : « Regulæ S. Ben. c. 3. »

g.

Page [A8] vo, io. alcidii munieri sylloge.

petuò Lactea repere sursùm, ireque per
Dorsi longitudinem ad Axillares, qui-
bus ita penitùs inseruntur, inoculantur-
que, vt Chylum intra Cor subindè re-
fundant, ad sanguinis elaborationem.

Hoc verò tam nouum tamque inaudi-
tum in Anatome Portentum, per itera-
tas Enteropsias roborari plusculùm cæ-
pit, haberique nonnullis acceptissi-
mum : inter quos Primò referendi
sunt qui, cùm Aristotele, {a} non Hepati,
sed Cordi, Sanguinis officinam attri-
buunt ; aut qui, cùm Prospero {b} Mar-
tiano, et 
{c} Paulo Zacchiâ, non è San-
guine Lac Mammarum, sed è Chylo
fieri arbitrantur. Eæ quippè similesque
sententiæ, ratione magìs, quàm Anato-
micâ δοκιμασια priùs innixæ ; nùnc, per
istos nouissimos Ductus, ratissimæ fiunt,
et ab omni procùl aleâ dubitationis.
Alij prætereà Pecquetiano Inuento
adstipulati, suis illud encomijs, atque
monumentis honorificè commenda-
runt ; ac præcipuè Tres Viri Parisien-


  1. Note marginale : « l. 4. de gener. an. c. 8. et alibi. »

  2. Note marginale : « com. in lib. Hip. de nat. pueri, vers. 250. »

  3. Note marginale : « l. 3. de malis hypochon. cap. 7.  »

h.

Page [A9] ro, io. alcidii munieri sylloge.

ses, in Arte Medicâ non incelebres,
Iacobus Menthelius, Petrus Mersen-
nus, et Hadrianus Auzotius
, quorum
elegantes Epistolæ referuntur in hoc
Opere. {a}

Nec multò post Th. Bartholinus
Gasparis filius, Danus, Doctor Medi-
cus, Professorque Regius, et egregius,
accepto Nouellarum Lactium optatis-
simo nuntio, ne (quod imprudentis ho-
minis est,) facilè nudæ voci temeréque
crederet, experiri et ipse voluit, pro-
prijsque manibus palpare veritatem :
Apertis igitùr haud semèl, non modò
viuis Animantibus, (quod solùm anteà
Pecquetus,) verùm etiàm Hominibus
antè supplicium optimè pastis ; ità pros-
per vtrobiquè cessit euentus, vt, præter il-
los Chyli Tramites in Thorace, Lympha-
ticos
etiàm in Abdomine felicissimè re-
pertos, duplici distincto Libro diligen-
ter exposuerit.

In Primo enim, qui De Lacteis Thora-
cicis
inscribitur, etiamsì Vasa illa Pec-


  1. Note marginale : « pag. 55. 67. 70. »

i.

Page [A9] vo, io. alcidii munieri sylloge.

queti sarta tecta sustineat, ea tamèn ità
corrigit, ampliatque, vt ferè alter In-
uentor audire mereatur.

In Secundo verò, qui De Vasis Lym-
pahticis est
.
Magna, nec Ingenijs inuestigata Priorum,
Quæque diù latüere, canit
, {a}

Meatulos nempè, Venulasque per-
tenues, nulli adhùc, ne Highmoro
quidèm Anatomiæ Lynci, hoc titulo
natas, et notas : {b} Eas autèm ità dici Lym-
phaticas
voluit Bartholinus, quòd aquam
intrà se, nitidamque Lympham excipe-
rent ; adeoque, quod iam ipse contrà
Pecquetum in priore Libro, sustinue-
rat, nùnc obiectis Lymphaticis exertè
reuocat, asseritque, nil omninò Chyli
vadere ad hepar, sed hoc viscus ocio-
sum esse, vietum, et in eo cassam, irri-
tam, ac planè mortuam Hæmatosim ;
vndè non illepidè iustas ei solemnesque
pandit exequias :

Et hoc modo se iam habet, sistitque
apus Exteros hæc tenera moles Vaso-


  1. Note marginale : « Ouid. 15. met. »

  2. Note marginale : « Disquisit. Anat. l. 1. part. 2. »

j.

Page [A10] ro, io. alcidii munieri sylloge.

rum Recentium, quæ tametsì nondùm ha-
ctenùs obseuare videreque potuerim,
inopiâ Ministrorum ; quia tamèn ope,
ac familiari mecùm benificentiâ D.
Gvidonis Patini Medicorum Parisien-
sium Decani
, primus ego (quod sciam)
in Italiâ, compos huius rei factus sum,
nolui (ò Lector) hærere diutiùs, tuum-
que à me iudicium ampliùs desiderari.

Hoc igitùr habe, quod affero li-
bens, offeróque non alio fine, quàm vt
mihi Tuum affectum, fidemque Verita-
ti, per experimentum adhibeas.

k.

Page 211, io. alcidii munieri sylloge.

io. alcidii mvnieri
Phil. et Medici Lotharingi,
Ciuisque Genuensis.
avctariolvm
in qvo

Celeberrimorum aliquot Virorum
Sententiæ

De Lacte,
Et Lacteis In Thorace,

recensentur.

Cùm huius Operis editioni, corre-
ctionìque me traderem, haberem-
que interdùm ab Amicis et Libros,
et Epistolas, quæ Thoracicarum
Lactium veritatem, siue innuere, siue astruere
videntur ; operæpretium duxi, nonnullas
hìc attexere quasì laciniam, alijsque libentèr
impertire.

l.

Page 212, io. alcidii munieri sylloge.

Vt igitùr à Lacte exordiar ; Supponendum
est, Duas hactenùs esse, De Genesi eius, Opinio-
nes ; Vnam Antiquiorem, quæ vult ipsum oriri
ex Sanguine ; Alteram Recentiorem, quæ ex Chylo.

Qui Priorem tenent, ituro Sanguini ad mam-
mas, viam vnicam assigant, putà quasdam
exilissimas venas Epigastricæ occurrentes, ob
idque Mammarias interiores dictas.

Qui posteriorem, Alij per inconspicuos
Poros, eò Chylum exprimi, tranarique existi-
mant, vt {a} Props. Martianus, {b} P. Zacchius, {c}  Io.
Veslingius
, {d} Hippol. Quarinonius, {e} Cæcilius
Folius
, {f} Pet. Gassendus, et longe antè alios Hip-
pocrates ipse (lib. de nat. pueri). Alij verò per Ma-
nifesta Vasa, vt nouissimè Pecquetus. De his
autèm Vasis potissima lis est.

Paulus Zacchias Romanorum Aesculapius,
ea Chyli ad Thoracem Lactisque itinera, do-
let adhùc nobis esse incognita, speratque, per
Anatomicas indagines, aliquandò ad lucem
peruentura. Verba eius ex Italico referam in
latinum, {g} Quoniam hoc (inquit) ab Hippoc. mi-
nimè explicatum est, quomodò scilicet, et per quas
vias lac ad Mammas ascendat, si saltem Anatomici
huic sese idagationi maiore studio tradidissent, iam
eis fortasse nouum aliquid occurrisset, atque hactenùs
inauditum : sique ipse Asellius, (vt erat inter alios


  1. Note marginale : « Comm. in l. Hippoc de Nat. pueri. »

  2. Sic pour : Zacchias ; note marginale : « l. 3. de morbis Hippoch. [sic pour : Hippocr.] c. 17. »

  3. Note marginale : « Syntag. Anat. c. 9. »

  4. Sic pour : Guarinianus ; note marginale : « In Chylosophia. »

  5. Note marginale : « lib. de Pingu. »

  6. Note marginale : « to. 2. Philos. Epicuri, in Append. »

  7. Note marginale : « loc. cit. »

m.

Page 213, io. alcidii munieri sylloge.

doctissimus, ac diligentissimus) pari se cura lac-
tentibus applicasset animantibus, qua iam vsus fue-
rat in Venis Lacteis explorandis, absque dubio
nouas ille vias inuenisset, per quas, à Ventriculo,
vel aliunde lac vehitur ad Pectus
.

Fortvnivs Licetvs, nostri Orbis miraculum,
et seculi splendor, mihique (de quo maxime glo-
rior) amicissimus, In Epistolâ quâdam ad me per-
latâ, sic suum, de Lacte Pectoris, expromit
animum, exprimitque. {a} Non solùm (ait) ex-
perimento cognoui, nutricem à diuturno ieiunio
mammas aridas habentem, et exsuccas absque lacte,
plorantem puerum lactare nequiuisse ; mox tamen ab
ingesto cibo, potuque sensisse protinùs vbera sibi lacte
repleri, quo pueri famem, et eiulatum sedare valuit,
nimirum ante tempus, quo fieri potuerit Chyli descen-
sus ad hepar, et ibì, per hæmatosim, naturam san-
guinis induere ; posteáque per venæ Cauæ ramos, ad
vbera perferri : Verum etíam quia legeram, apud
Hippoc. 
{b} Trahit enim puer in vtero quod dulcissimum
est in sanguine ad se se, per Vasa nimirum Vmbili-
calia, simulque etiam Lacte modice fruitur, à Mam-
mis ad vterum per Venas influxo, quem ore sugit, Vt
idem Coüs asserit. 
{c} Cæterum puer in Vtero compri-
mens labra ex Vtero Matris surgit, et tum alimen-
tum, tum spiritum cordi intrò trahit, vbì sane Mater
respirarit etc. Quæ latius explicauimus, l. i de ort.
An. Hum. cap. 44. Id autem fit, quòd à Mammis lac


  1. Note marginale : « Patauij. 18. Octob. 1653. »

  2. Note marginale : « Lib. de nat. pueri. »

  3. Note marginale : « l. de Carnibus. »

n.

Page 214, io. alcidii munieri sylloge.

influit in Vterum, vt ex Vtero sanguis ad vbera, pro
fœtus, et ante partum, et post partum, alimonia.
quod et (in Calce lib. de Gland.) obseruat Hipp. in-
quiens : et alimentum, quod in se trahunt mammæ
muliebres, in lac permutant. Et ab Vtero accedit
ad mammas, quod post partum puero cessurum est ali-
mentum, quod ipsum tunc exprimit, ore sursùm mit-
tit Omentum ad supernas partes, ab ipso fœtu coär-
ctatum. et Mox ; Lac enim proficiscens, ac influens
ab Vtero, quem admodùm etiam quod in superna vasa
transibat, quúm propria Vasa non habeat, nec repe-
riat ; vtpote ipsis, per mammarum ademptionem pri-
uatim, in principales Corporis partes incurrit, Cor
videlicet, ac pulmones ; et sic suffocantur. Nimi-
rum à Mammis primùm influit lac in Vterum, ad
alendum fœtum ; refluit mox in Puerperis ab vtero
ad mammas, pro lactando partu iam edito. Quem
Lactis Euripum obseruauit Laurentius, 
{a} qui vidisse
testatur puerperas quamplurimas, per Vterum, et ve-
sicam, maximam lactis copiam excreuisse : quin et
audiuisse mulieres quasdam suppressis mensibus, san-
guinem in statis periodis, certisque circuitibus, per
mammarum papillas profudisse. Nutricibus (addit)
refluente ab vtero ad mammas Sanguine, supprimun-
tur Menses. Quæ igitur aperta est Via Vasorum à
Mammis ad Vterum lac inferentium, et ab vtero
vicissìm ad mammas sanguinem ducentium, apte no-
bis ostendit, et a Ventriculo pariter, et intestinis esse


  1. Note marginale : « l. 9. q. 3. »

o.

Page 215, io. alcidii munieri sylloge.

tramitem per Venas ad vbera ducentes puriorem Chyli
partem in lac transmutandam
.

Hæc ad me D. Licetus.

Cæcilivs verò Folivs, Venetorum decus, ac
Professor Anatomes experientissimus, in quâdam
etiàm ad me missâ Epistolâ, {a} Quos (inquit)
Corporis humani structura continet humores, Aequo-
ra Macrocosmi assiduis motuum generibus imitantes ;
quique a lacubus atque paludibus effluentes in flumi-
na crescunt, velut e centro ad circumferentiam ; et
hinc inde, vt data opportunitate, quocumque opus sit,
accurrere valeant, et vitam inde conuenientibus in
Natura largiantur ; extraneis vero turbulentis
exagitationibus excidium afferant. Ij sunt præci-
pue, qui colore, sapore, conditioneque dissidentes, se-
cundum etiam substantiam variam, diuersum sor-
tiuntur principium, etsì omnes ex eodem fonte sca-
turiant, originemque ducant, ad vnum tamen finem,
(nutritionis videlicet singularum corporis partium)
conspirent. Non Lac secundum inter hos sibi ven-
dicat locum, dúm præcipue in stomacho, atque inte-
stinis, palam se se conspiciendum præbeat, riuulis ad-
modùm clare diffusum ad Pancreas, hepar, lienem,
Vterumque transiens in prægnantibus ; item et ad
Mammilas in Lactantibus, et ad Cor, et forte ad
quamcunque partem, prout pluries deprehendi. Quare
etiam rationibus, experimentisque (Deo fauente)
notum fiet. Hactenus sufficiat pronunciasse Hippo-


  1. Note marginale : « Venetijs. 19. Decemb. 1653. »

p.

Page 216, io. alcidii munieri sylloge.

cratem dari sanguinem album, Semen itidem, pitui-
tam, fibras albas existere, Carnes præterea ablutio-
tione 
{a} dealbari. Quapropter cum sit color accidens,
(ex plurimorum Sapientium Sententia) ad quid Tot
de sanguine altercationes in medium prodeant, peni-
tus ignoro, Totque Opiniones, de quibus, in nostro
de pingvenide Tractatu, altiùs disputaui-
mus. Reliquum scitu opportunum, quamprimum
(Deo ipso Volente) in Reip. Litterariæ, Amicorum
commodum, atque obsequium, inter quos carissimos
præcipue colo Te, (
Alcidi suauissime,) huiusque
seculi micantia sydera
Riolanum, Patinum, cæ-
terosque omnes, quibus, pro eorum nominum immor-
talitate, me deuinctum fatebor
. Hæc C. Folius.

Nùnc autèm venio ad Pecquetum ; is enim
et primus omnium et felicissimus, ea Chyli
Thoracica vasa, tot antè seculis expetita, glo-
riosè aperuit, Librumque de ijs Lutetiæ {b} pan-
xit, imò pinxit, accurato nimìs (vt videre
est,) ac vernanti eloquio.

Nonnulli posteà nouum hocce Inuentum
ocyùs excipere probareque conati sunt.

Ac Primò, Clarissimi Tres Medici Parisienses,
quorum Epistolæ sunt insertæ huic Operi. {c}

Secundò, Petrvs Gviffartvs medicus Ro-
thomagensis, Libello, De Cordis officio nouo, seor-
sim edito, nouos istos Chyli Traduces animosè
tutatus est.


  1. Sic pour : ne.

  2. Note marginale : « Ap. Seb. Cramoisy. 1651 in 4. »

  3. Note marginale : « Pag. 55. 67. 70. »

q.

Page 217, io. alcidii munieri sylloge.

Postremò Thomas Bartholinus Danus,
Anatomiæ cultor assiduus, Pecquetianam Obser-
uationem non suo solùm αυτοχειρισμω pluri-
mùm auxit, emendauitque, sed et Vias ultrò
Lymphaticas adiecit, omniaque breui tempo-
re Tribus egregijs Libris euulgauit.

Primus De Lacteis Thoracicis, ad Regem Da-
niæ, iam intrà biennium quatèr impressus est,
nempè Hafniæ, Londini, Parisijs, {a} ac tan-
dèm Genuæ cùm Figuris, omnium emenda-
tissimè.

Secundus De Vasis Lymphaticis, ad Io. Rio
lanum, Hafniæ quoqué primùm editus est, mox
Lutetiæ, {b} iamque Tertiam manum, et Ico-
nas exhibemus.

Tertius De Dubijs Anatomicis ad Guid. Pati-
num, in quo telis, contrà Lactes Thoracicas
euibratis, animosè occurrit, probatque per Funus
Hepatis haud quaquàm euerti Medendi Methodum
.
Nos verò hunc Librum libentèr omissimus, et
in aliam aptè commodèque distulimus Occa-
sionem.

Et quamuis apud Exteros, ista Chyli Tho-
racica Vasa suum ortum habuerint, ac tantillum
incrementum ; ea tamèn accipio iam in Italiâ pro-
palari, ac prodere se se : nam Erasmvs Bartho-
linvs
Thomæ frater, Phil. et Mathematicus
insignis, nùncque Patauij Medicus eximius, et


  1. Note marginale : « Hafn. 1652. in 4. Londini, 1652. in 12. »

  2. Note marginale : « Parisijs 1653. in 8. »

r.

Page 218, io. alcidii munieri sylloge.

(quod obliuisci hìc nequeo) tam amicitiâ sin-
gulari, quàm Epistolarum frequentiâ mihi ca-
rissimus ; ad me sæpiculè scripsit, vnà se, cùm
inclyto Io. Rhodio, Medicorum Eruditorum
ocello, alijsque Patauinæ Scholæ nobilissimis
Alumnis, Pectoralium Lactearum veritatem
αυτοψια comprobasse. Quin etiàm ex ultimâ
eius Epistolâ {a} intellexi, Vasa illa tùm Lactea
Thoracica, tùm Lymphatica, fuisse comperta
in uiuo Cane, publicèque Patauij demonstrata
ab Excellentiss. D. Ant. Molinetto, profes-
sore ibidèm, atquè etiam prouectore Anatomes
incomparabili.

Addo prætereà Fraciscvm Mariam Flo-
rentinvm
, Nobilem Lucensem, atque Iatro-
physicum eximium, qui de hâc ab Amicis Edi-
tione permonitus, ad lucem illicò Lucæ de-
dit elegantissimum opus, meo Nomini (quæ
est eius humanitas) inscriptum ac bipartitum. {b}
In Primâ enim parte, De Gemino {c} Puerorum Lacte.
In Secundâ. De vsu Mamillarum, et in Viro
Lactifero structura
, sic aptè scienterque edisserit,
Imò sic omnia vestigat, penetrat, examinat, vt
vel ipsas Chyli Vias in Thorace pertigisse vi-
deatur. Ità enim ille ad calcem. {d} Propè Thy-
micam glandulam, sub ipsa ascendentis Cauæ
diuaricatione, et supra Cordis basim, 
{e} dum La-
queum, ad Sanguinis, et Cordis motum observan-


  1. Note marginale : « Patauij 7. Febr. 1654. »

  2. Note marginale : « Lucæ 24. Decemb. 1653. in 8. »

  3. Sic pour : genuino (source citée).

  4. Note marginale : « Pag. 76. »

  5. Correction par Alcide Musnier du basin fautif qui est imprimé dans la source.

s.

Page 219, io. alcidii munieri sylloge.

dum, inijcere tentaremus, casu in Lacteum ibi insi-
gnem Ductum incidimus, inter maximam Venam, et
Aörtam {a} repositum, quo inciso, non minimum lactis
effluxit, sed moriente interìm et refrigescente Catella,
(vt in reliquis Lacteis accidit) euanuit Vasculum,
nec vlteriorem processum consequi licuit
. Hæc D.
Florentinus.

At ne quid excidat ad huius Operis integri-
tatem, Addam hìc etiàm, pro coronâ, et coro-
nide, rem scitu minimè inutilem. Cùm enim
anxius essem, de nouo hoc Medicinæ Phœ-
nomeno, mirarérque pessum ire Veterem
Artem, absque vllo Tutelari, aut Hyperas-
piste, multa mihi tradita sunt, ab Inclyto D. Gvi-
fone Patino
, Medicorum Parisiensium bìs De-
cano, meóque Apolline verè propitio, et ami-
co ; inter quæ D. Io Riolani, Scholæ Medicæ
antiquioris Decani, meíque vt olìm, ità et
nùnc exìmij Præceptoris, Vniuersa, hoc est
Vniuerso dignissima Opera felicissimè reperi,
putà

  1. Nouam Anthropographiam, {c} de quâ illud Suidæ,
    Ανθρωπειον συνεσιν υπερβαινειν, hoc est,
    Humanæ penitùs vires excedere mentis.

  2. Nouissima Responsa, {b} ad Guil. Haruè-
    ium, Highmorum, Gassendum, Slegelium
    ,
    et alios, de sanguinea Circulatione.


  1. Sic pour : magnam venam, et arteriam (source citée).

  2. Note marginale : « edit. Paris. 1649. in fol. »

  3. Note marginale : « edit. Paris. 1652. in 12. »

t.

Page 220, io. alcidii munieri sylloge.

  1. Alia Nouissima Responsa {a} ad Io. Pecque-
    tum, Petr. Guiffartum
    , ac Th. Bartholinum,
    tàm De Lacteis in Thorace, Vasisque Lym-
    phaticis
    , quàm De Dubijs Anatomicis.

Haud equidém ignorabam, sàt vnicum esse Rio-
lanum, contra omnem Etruriam, Triumphúmque
de Pecqueto iam ei decreueram, nisi posteà notum
esset, haud nouas ipsum Lacteas inficiari, Vsum-
que
duntaxàt malè ijs ac temerè (quod ait) im-
putatum explodere. Verba eius ista sunt.

Primò, in Resp. ad Pecquetum, pag. 144.
lin. 20. fateor (inquit) istum Iuuenem (Pec-
quetum) non indoctum, istos duos Tubulos Lacteos
ad superna repentes inuenisse, sed Vsum verum pror-
sus ignorare, atque imperite Sanguificationem hepati
eripuisse, vt inepte tribueret Cordi. Qua de re in isto
Tracttau cum eo disputabo
de Vsu istarum Venarum
Lactearum, non de
υπαρξει, et Ecistentia. Laudo
tamen eius scrutinium Anatomicum, et diligentiam
in ista perquisitione Venarum Lactearum ; si tantum
το ο’τι declarasset, non το διοτι, maiore laude di-
gnus fuisset. Quæ in Cane
Gayanus Chirurgus, et
Anatomicus peritus mihi demonstrauìt ; ideoque istos
Canales Lacteos iure vocabo
Pecquetianos, vt in
Pancreate Canalis
Virsungianus nuncupatur, ne
putet me illi iniuriam facere, et istud Inuentum ob-
scurare velle, vel mihi arrogare. Duntaxat impro-
bo istarum Venarum Lactearum
Vsum ab eo assi-


  1. Note marginale : « Edit. Paris. 1653. in 8. »

u.

Page 221, io. alcidii munieri sylloge.

gnatum, et insolentiam, qua vsus est aduersus præ-
cedentes Anatomicos, tanquàm ignaros rei Ana-
tomicæ
.

Pag. verò 186. lin. 23. post hepati vindica-
tam hæmatosim, Vsúsque Pecquetianos peni-
tùs euersos atquè dirutos, alios ipse, tametsì
trepidè recenset, his planè Verbis. Si quis à me
quærat, quid sentiam de istis Venis Lacteis duabus
nouiter inuentis, quales describuntur à Pecqueto ;
Respondebo, cum Plinio
, {a} omnium rerum sunt quæ-
dam in alto secreta, et suo cuíque Corde per-
uidenda. Ideoque tepide ac trepide mean Senten-
tiam, more Aruspicum 
{b} coniecturis diuinando, pro-
ponam. Quia didici ex philosopho, Doctrinam esse
φρονημα ταπεινον, et doctam esse aliquam Igno-
rantiam, nec leuem scientiæ partem, scire te mul-
ta nescire
.

Sunt igitur istæ Venæ duæ Lacteæ ità conditæ, et
dispositæ, forsan vt Sanguini violenter fluenti, intra
Arterias per Circulationem, in venis, crassities ad-
datur, circa diremptus trunci Vauæ, versùs Axil-
lares ramos, et iucta Iliacos : nam in istis duo-
bus locis, truncus Cauæ venas Lacteas admittit :
partìm etiam ad nutritionem diuersarum partium cor-
poris, quos diuerso gaudent alimento, vt Ossa, et Me-
dulla ; partìm ad generationem, et reparationem
ad ipsis per Vniuersum Corpus extensi ; partim etiam
ad fibrosæ materiæ productionem in sanguine, quæ


  1. Note marginale : « l. 17. c. 24. »

  2. Sic pour : Aruspicium (source citée).

v.

Page 222, io. alcidii munieri sylloge.

remoram addit Sanguini, quod est verisimius.
Forsàn etiam iste Chylus trunco Venæ Cauæ iuxtà
axillares infunditur, et sanguinis portio ex permix-
tione Chyli crassior facta hæreat Cordi, et instar
fermenti calidioris, et acidioris inseruiat ad elabo-
rationem noui Sanguinis Arteriosi ; atque talis San-
guis crassior intrusus Cordis foueolis, et Scrobiculis,
et sub columnis carneis, siue musculosis, aliquantis-
per remanere potest : Siquidem non totus sanguis in
Systole euacuatur, sed restitat exigua portio in istis
locis latitans, à me commemoratis. Ac sane opor-
tuit Sanguinem ex diuersis substantijs conflari, ad
nutritionem diuersarum partium corporis, vt haberent
aliquid sibi familiare, quod ex Sanguine Vniuersum
corpus peragrante eligerent, ac elicerent, et in suam
substantiam verterent : Inde Crassities, et fibrosa
substantia Massæ Sanguineæ addita, atque pituito-
sus humor inde natus, et concretus, Sanguini permix-
tus. Videntur potius Sanguinis fibræ ex illa portio-
ne Chyli tenuioris superne, et inferne trunco Cauæ
infusi, formari, quàm in hepate, cum ibi procreetur
sanguis vniformis, nec fibræ Sanguinis in Ventriculo
fingi, formarique queunt, quamuìs id proditum fue-
rit
à Fernelio, quià Ventriculus, licet neruosus de
sua substantia quotidie bis terúe fibræ detraherentur, vet
eraderentur, breui consumeretur. Itaque verissimi-
lius est, ex crassa, et pituitosa materia, qualis est

w.

Page 223, io. alcidii munieri sylloge.

Chyli portio tenuior, per illas Venas lacteas supernè,
et infernè trunco Cauæ intrusa fibras effingi. At-
que dùm in Sanguine educto per phlebotomiam, et
Vasulis excepto, Superficies digiti minimi crassitie
albicans apparet, non tam à putredine Sanguinis na-
scitur, quàm ab ista Chyli portione profluente cum
Sanguine, quæ supernata. Quòd si corrupta fuerit,
exesis et putrefactis fibris, in Serum vertitur, inep-
tum alendo ; Indè Attrophia, et Tabes. Ideoque
Medici, post detractum Sanguinem è pede aquæ ca-
lidæ immerso, diligenter explorant lato baculo fi-
bras Sanguinis, quæ si appareant, laudabilem iudi-
cant sanguinem : Si defuerint, valdè corruptum
pronunciant
.

In alterâ verò Responsione, quæ Iudicium
inscribitur ad Bartholinum, {a} satagit Riolanus
Venæ Portæ Cavæque συναναστομωσιν resarci-
re, dùm ait. {b} Vbi Pecqueti Surculus, soboles Me-
senterici rami, ex suo Receptaculo enatus, et ascen-
dens ad subclauias Venas
(alibì mauult Axilla-
res) mihi innotuit, tunc non amplius dubitaui de
Vnione et Synanastomosi Venæ Cauæ cum Porta ;
et occasionem dedit huic nouo Iudicio, quod nunc au-
dacter pronuncio. Cum animaduerteram istud My-
sterium Naturæ detectum fuisse à Vesalio, quem nunc
intelligo, olim à me repudiatum ; Scilicet in centro
Mesenterij appositam esse magnam Glandulam, et
sitam inter duos Renes, vbi prima fit Vasorum distri-


  1. Note marginale : « Paris. 1653. in 8. »

  2. Note marginale : « Pag. 32. lin. 21. »

x.

Page 224, io. alcidii munieri sylloge.

butio. Et, cap. de Intest. Vasa Mesenterica,
quemadmodúm in Duodeno, secundum Ieiuni, et Ilei
longitudinem non deducuntur, sed velùt ex Mesen-
terij centro, ex alto sursum tendunt, rectaque an-
trorsum in intestina pertingunt, in quæ, numerosa so-
bole, arboris radicum modo implantantur, osculis suis
in internam Intestinorum sedem hiantia. Nonne hic
Vesalius depingit in ista magna Glandula, quam
Asellius Nouam Pancreas vocat, Receptaculum
Chyli Asellij, et Pecqueti
 ?

Vndè iam patet Riolanum admittere qui-
dèm vias Chyli Thoracicas, at minimè Vsum
à Pecqueto descriptum.

De Lymphaticis autèm, Hepatisque Exe-
quijs, anteà reiectis à Bartholino, tùm recep-
tis, ità quæritur acerbissimè, vt vel in subsidium
vires omnes imploret Parisiensium Medicorum.

Paucula hæc, è multis alijs apud me ser-
uatis, inserere volui per Mantissam, vt quicun-
que perlegerint, exemplo tot eximiorum Ho-
minum adducti, rapiantur et ipsi ad vlteriorem
Veritatis indagationem.

                    FINIS


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Annexe. Sylloge d’Alcide Musnier (1654) sur les veines du chyle et de la lymphe

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(Consulté le 11/12/2025)

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