Page 75. Tout en continuant à lire ce discours sur vos veines lactées, [2] je laisse de côté votre traité sur la circulation du sang, que j’examinerai plus loin, et passe sous silence vos expériences mécaniques sur le vide, [3] qui sont tout à fait hors de propos. [1] De votre page 75, de Wale [4] dit sagement : nous avons de même toujours estimé le brillant principe d’Érasistrate [5] énonçant que ce qui se passe dans notre corps a une explication mécanique, mais jugeons téméraire de porter un jugement sur ce que la divine sagesse a elle-même établi. Il faut poser en principe les mécanismes que nous font voir l’évidente raison et plus encore le bon sens. [2][Page 158 | LAT | IMG] J’en viens maintenant au mouvement du chyle, dont vous écrivez qu’il passe par les petits pores ouverts à travers la paroi intestinale, et se retire dans les veines lactées ; [6][7][8] la nature a tapissé sa couche profonde, dont la substance est très molle, d’un enduit vraiment admirable qui la rend ridée ou rugueuse. Tous les anatomistes admettent que la paroi des intestins est charnue, de manière à absorber la portion la plus ténue du chyle, et que si elle est rongée par l’acidité des humeurs qui s’écoulent à son contact, elle est capable de se réparer. On n’observe donc pas cet aspect ridé et spongieux dans les intestins, hormis sous la forme de quelque enduit ou incustation pituiteuse. [3][9]
Page 76. Vous ne prouvez point que le chyle n’est pas attiré quand vous dites que Si tu lies les veines lactées dans le mésentère ou dans la cavité thoracique, [10][11] leur turgescence, sous le blocage, du côté tourné vers les intestins, ruinera toute idée que le chyle y soit attiré. Cette expérience ne plaide pas en votre faveur, car vous ne dites pas que les veines lactées qui ont été ligaturées apparaissent vides du côté tourné vers le réservoir, [12] mais seulement gonflées du côté tourné vers les intestins. Il n’est pas vraisemblable que le réservoir membraneux attire le chyle et que le chyle soit ainsi propulsé dans les veines lactées, comme vous l’avez affirmé. [4][13] Vous en tirez argument pour éluder la comparaison avec les sangsues qui sucent le sang : [14] c’est ainsi, dit Galien, que les veines mésaraïques [15] attachées aux intestins en font à elle sortir le chyle ; [Page 159 | LAT | IMG] et ailleurs, il écrit qu’en utilisant ses branches comme des mains, la veine porte [16] attire le chyle. [5][17][18] Vous plaisantez en disant que les sangsues gonflent en élargissant leur poumon et envoient le sang dans leur estomac. [6] Les sangsues auraient donc des poumons ! et cela peut-il se faire sans succion ?
Non missura cutem nisi plena cruoris hirudo. [7][19]Quand on les applique, les sangsues sont vides, mais se gonflent aussitôt en suçant. J’ai trouvé dans le livre des insectes d’Ulisse Aldrovandi, [20] que chez les sangsues, un canal unique et continu va de la bouche à la queue ; et l’Anglais Moffett, [21] dans son Théâtre des insectes, ne parle pas de leurs poumons. Vous avez eu la vue plus perçante qu’eux en leur trouvant un estomac. [8]
Page 77. [9] La contraction est le propre des intestins et des autres corps membraneux, leur dilatation est d’origine extérieure : sachez, vous qui devez encore apprendre, qu’aucun corps membraneux ne se contracte s’il ne possède une seconde membrane charnue, dont les fibres la rendent capable de se resserrer après qu’elle a été dilatée par l’action d’un organe voisin qui lui est extérieur. C’est ainsi qu’après une dilatation, l’estomac, [22] en raison de sa membrane charnue, comme les intestins ou, plus encore, la vessie [23] et l’utérus se contractent quand ils se sont vidés, à condition que leur dilatation n’ait pas été excessive, car si leurs fibres se sont rompues ou extrêmement distendues, [Page 160 | LAT | IMG] ces organes ne peuvent plus se contracter, ce qui débilite profondément leur fonction.
Page 77. Je suis émerveillé par l’arrogante ignorance de ce jeune homme qui a examiné les entrailles de plus d’une centaine de chiens sans avoir jamais observé le mouvement péristaltique des intestins chez l’animal vivant. [24] Il est semblable à celui d’un très long ver qui rampe en s’enroulant sur lui-même, segment après segment, comme je l’ai écrit ailleurs et maintes fois démontré publiquement, chez les animaux vivants. Votre ignorance de ce fait rend suspectes les observations que vous avez recueillies sur eux. Écoutez pourtant le fort solide témoignage du très savant Harvey, qui a passé la plus belle partie de sa vie à méditer sur ses expériences anatomiques et à les rédiger, quand il écrit dans son Liber de generatione animalium, page 227 : En disséquant des animaux vivants, j’ai très souvent observé le mouvement des intestins, ils se tordent sur eux-mêmes en ondoyant, pour pousser le chyle et les excréments vers le bas, [25] comme vous feriez en les serrant dans un anneau très étroit ou en les comprimant à l’aide de vos doigts. Chez les femelles des animaux, il a très fréquemment observé que les cornes de la matrice se meuvent à la manière des vers de terre et, une fois l’utérus ouvert, il l’a vu onduler de lui-même à la manière d’une tortue, comme s’il s’agissait d’un animal dans l’animal, de manière semblable aux reptations du scrotum et des testicules qu’on voit chez les mâles. [Page 161 | LAT | IMG] J’ai connu des femmes qui ressentaient des palpitations utérines en dehors de tout espoir de grossesse. [10][26] Que répondrez-vous au témoignage d’un si éminent personnage, et oserez-vous le contredire ? Pecquet oublie avoir lui-même affirmé, page 73, que la bile très amère resserre et ride les parois des intestins, et qu’il a observé cela en incisant celle du duodénum [11][27][28] Pourquoi la bile qui s’écoule dans les intestins n’irritera-t-elle pas et ne mettra-t-elle pas en mouvement les parois des intestins pour propulser le chyle du haut vers le bas ? Ce jeune homme ignore pourtant la nécessité de ce mouvement dans les boyaux, dont les contorsions se transmettent à toutes les parties de l’abdomen et les incitent à accomplir leur devoir. [12] Il n’a donc jamais vu, quand une plaie de l’abdomen a ouvert le péritoine, avec quelle impétuosité les intestins se meuvent et en sortent, à tel point qu’il est très difficile de les en empêcher si vous n’y recourez pas à vos deux mains et à celles de l’assistant qui vous seconde. [13]
Page 78. Pour expliquer le mouvement du chyle dans les veines lactées, il lui assigne deux causes, la respiration, et la contraction des muscles de l’abdomen et du thorax, laquelle permet de satisfaire la nécessité de déféquer les excréments intestinaux, ou de vider la vessie et la vésicule biliaire. [14][29][30][31] Comment cela peut-il se faire chez les quadrupèdes, alors qu’ils ont la tête penchée vers le sol et que vos veines lactées s’étendent dessus les lombes et le dos, [Page 162 | LAT | IMG] fort éloignées de cette impulsion ? Sous l’effet de la contraction des muscles, les intestins pourraient-ils être arrachés de force vers le haut pour être capables de comprimer ces veines lactées ? Voilà qui est ridicule !
Page 79. Cherchant donc un autre moteur perpétuel de cette impulsion dans la respiration, il pense que le mouvement de gonflement et d’affaissement des poumons fait progresser le chyle dans les veines lactées, tout en disant que l’enveloppe des poumons est résistante et imperméable, comme il l’a constaté en soufflant de l’air dans les poumons, et que les chirurgiens se trompent affreusement quand ils pensent que l’air qui sort d’une plaie thoracique est capable d’éteindre une bougie. [15][32] Il ajoute le témoignage de Riolan, qui a pourtant écrit le contraire dans le chapitre sur le poumon de son Anthropographie, auquel je renvoie le lecteur pour ma réponse sur cet article. [16][33][34]
Je ferai remarquer en passant que Harvey, à la page 5 de son livre sur la reproduction des animaux, plaide en faveur de mon opinion, quand il écrit que la tunique externe des poumons est perforée, ce qui permet à l’air de s’écouler en tous sens hors des poumons dans la cavité thoracique et de pénétrer dans les parties sous-jacentes ; que chez les oiseaux, les terminaisons de la trachée-artère traversent les poumons pour descendre dans l’abdomen, et que chez le dindon et même chez le coq et la poule, il a trouvé qu’un stylet enfoncé dans la trachée passe des poumons dans les cavités de l’abdomen, comme il l’a clairement constaté quand il les a ouvertes ; [Page 163 | LAT | IMG] et que l’air qu’on injecte dans leurs poumons à l’aide d’un soufflet entre, non sans impétuosité, dans les cavités inférieures. [17]
Page 80. Dans la respiration, les poumons se dilatent en même temps qu’ils compriment le diaphragme et le foie vers le bas. Ce dernier, en agissant à la manière d’un pilon dont le poids s’ébranle à intervalles réguliers, pousse le chyle à traverser le pylore pour passer de l’estomac dans les intestins, tout en le poussant dans les lactifères. [18][35] Il ne précise pas dans quel temps de la respiration les poumons se distendent et le diaphragme s’abaisse. De plus, chez l’homme, le foie n’est en contact qu’avec le côlon, ou plutôt le surmonte, et ne comprime aucune autre partie des intestins ; [19][36] les veines lactées sont éparpillées dans toute la masse des intestins, mais le grêle occupe le bas-ventre, autour de son centre, encerclé par le côlon qui, repoussé et incurvé à la périphérie, lui forme comme une arche ou un enclos. La position des intestins étant inversée chez les bêtes, comment le poids du foie pourrait-il exercer son effet de piston sur leurs intestins ? [20]
Vous ajoutez que l’estomac et les intestins peuvent aussi aider ce mouvement compressif ; [21] mais je ne vois pas comment ils peuvent faire cela car, chez les bêtes dont la tête est tournée vers le sol, ces parties sont penchées vers le bas, et ce même si elles se couchent sur le flanc, position dans laquelle elles ne peuvent demeurer longtemps. Ensuite, auprès du canal et [Page 164 | LAT | IMG] du trajet des veines lactées, en profondeur, devant le dos et les lombes, il n’y a aucun muscle extenseur ou fléchisseur, et les piliers fibreux du diaphragme sont immobiles et ne s’allongent pas. Donc, le chyle des veines lactées soit s’écoule et monte spontanément au-dessus du cœur, puisque rien ne peut le pousser, soit est attiré par le cœur, ce qui est impossible, puis qu’il y est attaché par des canaux distincts (des dits lactifères). [22]
Page 81. Il met en avant des notions ridicules sur le mouvement du diaphragme, qu’il affirme avoir soigneusement observé chez les animaux vivants. Il divise le diaphragme en deux parties égales, dont l’une regarde le cartilage xiphoïde et l’autre, le rachis dorsal. Quand les parties postérieures du diaphragme s’abaissent au cours de l’inspiration, ses parties antérieures se soulèvent presque au même moment, sous l’effet d’une violente poussée. Au cours de l’expiration, l’avant du diaphragme s’abaisse en suivant le sternum, et son arrière s’élève en même temps que le foie et l’estomac qui sont au-dessous de lui. [23] Je me demande comment, au cours de l’inspiration, les poumons, qui sont alors en suspension avec, au-dessous d’eux, le foie et la saillie de l’estomac, compriment les parties inférieures, car si les parties antérieures du diaphragme montent, le foie en fait autant et ne peut plus exercer sa fonction de piston, liée à son poids et à son bondissement ; et plus encore, lors de l’expiration, [Page 165 | LAT | IMG] quand ces mêmes parties descendent, comment cette compression pourrait-elle propulser le chyle dans les veines lactées ? Ajoutez à cela que la partie médiane et basse du diaphragme ne peut s’élever lors de l’expiration, à cause des piliers charnus [24] immobiles qui l’empêchent de monter. En outre, si ce jeune homme savait que la conformation du diaphragme est différente chez l’homme et chez les bêtes, il n’aurait pas dit qu’il est transversalement divisé en deux parties, que son centre se meut différemment ; et ce qui est vrai chez les bêtes n’impose pas qu’il en aille de même chez l’homme : la circonférence du péricarde est chez lui attachée au centre fibreux du diaphragme et le médiastin repose sur toute sa surface, depuis le cartilage xiphoïde jusqu’au dos, ce qui empêche les divers mouvements qu’il prétend exister lors des deux temps de la respiration. J’ajoute que le muscle diaphragmatique constitue un tout uniforme : étant donné les parties charnues et fibreuses qui s’unissent pour le former depuis sa périphérie charnue jusqu’à son centre fibreux, ses mouvements ne peuvent être différents en divers endroits au même instant, que ce soit lors de l’expiration ou de l’inspiration.
Il nie encore que dans le thorax et l’abdomen, les muscles qu’on appelle respiratoires [Page 166 | LAT | IMG] contribuent en quelque manière à cette action, et ce d’après l’expérience qu’il a acquise sur les animaux vivants. Il écrit pourtant page 78 que la contraction des muscles dans le thorax et l’abdomen, et leur violente poussée compriment fortement les viscères, et chassent le chyle des intestins dans les veines lactées,
Quo teneam nodo, mutantem Protea vultus. [25][37][38]Pages 83 et 84, quant aux multiples absurdités qu’il énonce quand il explique les voies par lesquelles le chyle, pur comme impur, est transporté au cœur,
Spectatum admissi risum teneatis amici ? [26]Il n’est pas rare que des aliments sortent de l’estomac avant d’avoir été complètement digérés, puisqu’il s’en précipite jusqu’à l’anus ou à la vessie, lesquels ne peuvent migrer de l’estomac dans la vessie autrement qu’en passant par les veines lactées. Et ne m’objecte pas que ces surplus s’empressent de partir par derrière dans la rate en empruntant le vas breve, [39] pour ensuite se rassembler dans le foie, puis monter vers le cœur, être poussés dans les artères et se jeter enfin dans les reins par les artères émulgentes : [40] Il estime donc plutôt que ces liquides s’écoulent de l’estomac par le pylore, puis sortent des intestins en empruntant les lactifères pour être poussés dans le réservoir du chyle qu’il a découvert sous le mésentère. Une partie emprunte ensuite la voie thoracique du chyle pour gagner le cœur, qui est l’officine du sang, [41][42] une autre partie se sépare du chyle [Page 167 | LAT | IMG] et se rend dans les reins : soit en passant par le tronc des artères émulgentes qui adhère fermement au réservoir du chyle, lequel, à cet endroit et peut-être pour cette raison, est perméable de dehors en dedans, et convient à la filtration du sérum comme au travers d’une trémie ; [43][44] soit, si tu préfères, en passant par les capsules atrabilaires, qui sont là tout près, ou par le péritoine qui, en raison de la proximité avec les parties, n’a pas pour moindre fonction de débarrasser ses replis des liquides qui s’y accumulent. [27] À mes yeux, il ne se présente certainement aucune voie plus commode pour tamiser les substances qui s’écoulent très souvent de l’estomac sans y avoir été digérées, ni même s’être imprégnées de sa chaleur. Ce jeune homme nous a débité autant de mots que d’erreurs, tout aussi intolérables qu’indignes d’un débutant en anatomie. Je m’en vais brièvement les faire voir, et montrer les autres voies qui s’offrent à l’évidence pour éliminer le vin et les eaux minérales. [45] Ainsi donc, un chyle impur, non cuit et qui n’a pas même absorbé de chaleur, c’est-à-dire cru et non digéré, monterait vers le cœur par les veines lactées, traverserait les poumons avant d’être emporté dans l’aorte ; mais cela pourrait-il se faire sans corrompre le cœur, ni nuire gravement aux poumons et au sang artériel ? Si, selon vous, les déchets des chairs modifiées, en tombant dans les veines, peuvent corrompre la masse du sang, [28] que ne provoquerait pas de telles immondices chyleuses dans ces viscères ? La voie qu’il s’imagine est absurde : Peut-être ce chyle [Page 168 | LAT | IMG] impur est-il transféré dans les artères émulgentes et de là dans la vessie. Comment se fait-il donc que vous n’ayez pas débusqué cette anastomose au cours de vos expériences sur les animaux vivants ? Il conçoit une autre voie encore plus absurde : Les capsules atrabilaires adjacentes peuvent recueillir cette humeur impure puis l’envoyer dans les reins et de là dans la vessie. J’ai démontré ailleurs, dans mon Anthropographie, la fausseté des idées qu’on se fait de ces capsules atrabilaires. [29][46] Sa troisième voie est parfaitement absurde : Le chyle impur peut passer dans le péritoine qui, en raison de sa proximité avec les parties, n’a pas pour moindre fonction de débarrasser ses replis des liquides qui s’y accumulent ; mais comment entrera-t-il dans la vessie, à moins qu’elle ne soit érodée ou que ne s’y loge un abcès, ou qu’il n’y pénètre en traversant sa paroi, à la manière dont Asclépiade et Lactance on jadis cru que l’urine y parvenait ? [30][47][48][49] Ce savant anatomiste ne pense pas que d’autres voies plus convenables puissent être mises en évidence. Si vous voulez connaître les voies capables d’éliminer les eaux minérales et le vin qui ont été bus en trop grande abondance, je citerai Aristote, que vous imaginez être l’auteur de votre ridicule opinion, mais que vous n’avez même jamais lu : la rate est placée à côté de l’estomac pour en puiser les humidités superflues ; les animaux qui n’ont pas de rate ne boivent que très peu ou pas du tout, et n’ont pas non plus de vessie. Convenez qu’existe alors une intelligence entre les poumons, la rate et la vessie ; [31][50] et c’est ainsi que la rate suce les eaux minérales et [Page 169 | LAT | IMG] le vin à l’aide des veines qui sont éparpillées sur le bord gauche de l’estomac, puis qu’ils sont emportés dans les artères émulgentes, en passant par l’artère splénique qui est particulière à la rate. Cette voie est authentique et très courte, Sylvius l’a désignée comme étant celle qui permet à l’urine de purger la rate. [32][51]
Ridicule aussi est la voie que vous décrivez en disant que ces liquides s’écoulent de l’estomac par le pylore, puis sortent des intestins en empruntant les lactifères pour être poussés dans le réservoir du chyle que vous avez découvert sous le mésentère. Une partie emprunte ensuite la voie thoracique du chyle pour gagner le cœur, qui est l’officine du sang, et se rendre dans les reins. Ainsi le vin et les eaux minérales, emportés par vos veines lactées, passeront-ils à travers le cœur et les poumons ; mais comment ces organes seront-ils à l’abri des méfaits que peuvent provoquer le vin bu sans retenue ou vingt verres d’eau minérale ? Conring a montré l’existence de cette voie, mais maladroitement, [33][52] et vos veines lactées la démontrent plus maladroitement encore.
Si vous n’aviez pas résolument nié que des veines lactées quittent le réservoir pour gagner le tronc de la veine cave [53] aux alentours des reins, l’évacuation du chyle corrompu eût été aisément assurée par les reins, provoquant l’apparition d’un sédiment lacté dans les urines pendant quelques jours ou mois. Vous auriez alors justement déclaré qu’il ne s’agissait ni de pus, ni de pituite [Page 170 | LAT | IMG] corrompue ou puriforme (dans la mesure où il n’y aurait pas ni jamais eu de douleur dans les reins, ni d’émission préalable d’urines sanglantes), mais qu’il s’agissait de la fraction du chyle qui s’était écoulé dans la veine cave en passant par les veines lactées, comme l’ont observé plusieurs anatomistes plus méticuleux et clairvoyants que vous ; ou alors de cet épais surnageant blanchâtre qu’on voit à la surface du sang recueilli dans un récipient et que certains tiennent pour être une humeur pituiteuse corrompue (qu’Aristote appelle la fraction crue et non digérée du sang), dont vous auriez dit et montré que c’était du chyle impur passé dans la veine cave. [34][54][55]
Page 85. Voici qui est admirable : Une fois l’animal mort, aucun lactifère ne subsiste dans le mésentère et le thorax, et on ne voit plus aucune trace du réservoir, devant les vertèbres lombaires. Cela plaide pour l’ineptie de vos veines lactées, car d’autres persistent pendant un ou deux jours après la mort, comme on l’observe chez les pendus. [35]
Page 86. Finalement, il se glorifie d’avoir arraché au foie la gloire de l’hématose, qu’il a injustement usurpée pendant tant de siècles, et de lui avoir attribué une autre fonction : outre celle, qui lui est transmise par le mouvement respiratoire, d’écraser, à la manière d’un pilon, les parties de l’abdomen qui sont placées au-dessous de lui, le foie procure sa chaleur à l’énorme afflux de sang, qu’il reçoit par la veine porte, provenant de l’élixation [56] des aliments par l’estomac ; [Page 171 | LAT | IMG] il filtre ce sang grâce à son parenchyme particulier et, de la même manière que les reins le purgent de son sérum et que la rate corrige son acidité, le foie le libère de la bile qui y est mélangée. [36] Au livre iv des Maladies, Hippocrate note que les enfants donnent au foie le nom de cœur : [37][57] à en juger sur la fonction du foie que vous lui inventez, c’est donc fort puérilement que vous appelez cœur le foie. J’ai démontré plus haut la fausseté du pilon hépatique, qui ne peut en aucune façon comprimer les intestins pour les aider à chasser le chyle dans les veines lactées. [18][19][20] Si le foie refoule le sang vers l’estomac, c’est du sang veineux qui se répandra par la veine porte, contre la doctrine de la circulation harvéenne qui énonce doctement que seules les artères distribuent le sang alimentaire, les veines ne servant qu’à le faire revenir au cœur. [38] Si le foie ne fait que procurer sa propre chaleur à l’élixation des aliments dans l’estomac, elle sera refroidie dans le flanc gauche en raison de la proximité de la rate qui extrait l’acidité du sang. Si le parenchyme hépatique filtre la bile, ce sera uniquement celle du sang que la veine porte reçoit de l’artère cœliaque, parce que tout le sang à filtrer ne passe pas par elle. [39][58] Il est selon vous déraisonnable de penser que la bile est un excrément de la seconde coction et qu’aucun autre organe que le foie n’est capable de l’en séparer : [40][59] ceux qui pensent ainsi sont donc à votre avis des insensés.
Page 87. Il affirme que Cette bile qui se sépare [Page 172 | LAT | IMG] dans le foie n’est pas un excrément de la seconde coction, mais est engendrée dans le sang, par la perpétuelle ardeur qu’entretient le cœur et qui réchauffe le sang, lequel se transformerait entièrement en bile si elle n’était par purgée par cet émonctoire du foie. Pour prouver cela, je produis l’exemple du sang maternel qui se débarrasse de sa bile en se rendant au foie, laquelle est recueillie dans la vésicule placée sous le foie. [41][60] Ce jeune homme ignore toutefois que rien n’est digéré et purifié jusqu’à ne plus contenir aucune souillure, qu’une nouvelle coction éliminera : ainsi le sang de la mère est-il très souvent impur, parce qu’elle se nourrit mal, et pour qu’il convienne au fœtus, son foie doit-il le modifier une nouvelle fois et le purger de sa bile. Si le sang se forme dans le cœur à partir du chyle, c’est là qu’aura lieu sa seconde coction qui devra intéresser la bile, en tant qu’excrément de la sanguification : vous extravaguez donc quand vous niez que la bile est un excrément de la seconde coction. Peut-être direz-vous que la bile est engendrée par cette perpétuelle ardeur qu’entretient le cœur et qui réchauffe le sang, lequel se transformerait entièrement en bile si elle n’était par purgée par cet émonctoire du foie ; mais vous tenez ainsi la chaleur du cœur pour brûlante, [61] comme naturellement dotée d’une qualité incendiaire, alors que tout le monde la considère comme douce et bienveillante, hormis quand elle s’embrase sous l’effet des fièvres [62] et d’autres causes externes. Que répondrez-vous à Aristote, livre i, chapitre xvii de l’Histoire [Page 173 | LAT | IMG] des animaux, disant qu’« ordinairement et dans presque tous les animaux, le foie est sans fiel », et donc que le foie n’est pas destiné à purger la bile du sang, puisqu’alors cette fonction devrait se rencontrer dans le foie de tous les animaux ? [42][63][64]
Page 88. Quand il ajoute que la sagacité de la nature fait que, dans le mouvement circulaire du sang, sa masse tout entière finit par avoir pénétré dans les mêmes refuges à divers moments de son parcours, il semble prévoir mon objection sur le sang artériel cœliaque [39] qui est envoyé dans la veine porte, ce qui fait que tout le sang n’est pas filtré par le foie. Néanmoins, avoue-t-il ingénument, je ne vois pas comment cela est possible sans que la totalité du sang ne passe par l’artère cœliaque [43] S’il en était ainsi, le sang n’irait pas jusqu’au bout des pieds, mais serait entièrement dérivé dans la cœliaque, qui naît obliquement de l’aorte avant l’émergence des rénales, les iliaques seraient exsangues et aucun sang ne refluerait des parties inférieures vers les supérieures : quel anatomiste a jamais conçu telle monstruosité contre le bon sens ? [44]
Page 88. Il se demande Pourquoi la bile n’est pas emportée avec le sérum qui est puisé par les reins. [65] J’avoue, dit-il, que la cause d’une si grande merveille m’échappe ; puis il se réfugie aussitôt dans le fait que le sérum, la bile et le sang ont une configuration différente, ce qui module leur pouvoir de pénétration, et fait que la forme de la bile [Page 174 | LAT | IMG] ne correspond pas à celle des méats rénaux et ne peut donc pas les traverser. La sèche échappe aux mains des pêcheurs en répandant son encre, mais il est ridicule de chercher des formes aux solutions liquides, comme de leur en attribuer ou imaginer. [45][66]
Page 91. Il établit qu’il y a trois sortes de bile dans le sang : celle qui est diluée dans le sérum est éliminée par les urines ; les deux autres se voient dans le foie, dont l’une, plus subtile, se répand dans la vésicule, et l’autre, plus épaisse, s’écoule par le méat hépatique ; ces deux dernières passent dans les intestins, dont elles excitent la membrane interne, en agissant à la manière d’un clystère naturel, [67] puis sont éliminées, mêlées aux excréments. [46] La bile produite et recueillie dans le foie s’écoule ainsi dans les intestins, et peut donc imprégner et corrompre le chyle qui est incapable de s’en débarrasser une fois entré dans les veines lactées. Nous voyons très souvent les matières fécales et les urines présenter la couleur du safran : ne s’agit-il pas de chyle fort authentique ? La bile peut de cette façon corrompre le chyle qui, transmis au cœur même et aux poumons, gâtera remarquablement l’ensemble du sang, mais aussi le cerveau, puisque le cœur lui envoie son sang et ses esprits par les carotides. [68][69] Comment la rate peut-elle se nourrir d’acidité ou de suc cru ? [47] Il en irait donc pareillement du sang artériel comme de la bile, et le sang du cœur serait rempli et [Page 175 | LAT | IMG] sali par de multiples impuretés qui s’éparpilleraient dans tout le corps avant qu’il n’arrive dans l’artère cœliaque afin qu’il en soit purgé par le foie.
Dans le traité de ce jeune homme, je découvre assurément des rêveries qui font éclater son ignorance de la médecine et de l’anatomie.
En disant qu’elles n’ont nihil faciunt ad rhombum, « rien à voir avec un turbot » (dans une traduction plus littérale,v. note Patin 7/514), Jean ii Riolan marquait son complet désintérêt pour les ingénieuses expériences de physique rapportées dans les chapitre viii‑ix de la Dissertatio anatomica.
Riolan a brièvement abordé ici, mais développé dans une section séparée, son analyse des chapitres i‑v de la Dissertatio anatomica qui traitent des opinions de Jean Pecquet sur la circulation sanguine.
Pour répondre à Jean Pecquet sur « la triple incitation [mécanique qui] engendre le mouvement circulaire du sang », {a} Jean ii Riolan citait la première lettre de Jan de Wale à Thomas Bartholin de motu chyli et sanguinis [sur le mouvement du chyle et du sang] (Leyde, 1641), réimprimée à la fin de l’Anatomia de Bartholin, (Leyde, 1651), {b} paragraphe intitulé Nec alius sanguinis motus est quo occluduntur cordis valvulæ [Aucun sang ne passe quand les valvules cardiaques sont fermées] (pages 562‑564) : {c}
Sunt quoque qui arbitrantur sanguinem è corde delatum retrorsum cedere et per arterias denuo ad cor redire. Quod illis ideo videtur statuendum, ut causa dari mechanica possit, qua cordis valvulæ in orificio arteriarum decidant et occludantur. Nos equidem præclarum semper Erasistrati institutum æstimavimus, omnia quæ in corpore nostro contingunt Mechanicè explicare, sed divinam sapientiam sua metiri temerarium judicamus. Eas verò machinas esse statuendas quas evidens ratio et potissimum sensus ostendant.[Certains pensent que le sang qui est sorti du cœur par les artères fait marche arrière et revient vers le cœur. Ils semblent dire cela pour être capables de donner une cause mécanique à la manière dont se rejoignent et ferment les valvules de l’orifice artériel du cœur. {d} Nous avons de même toujours estimé le brillant principe d’Érasistrate {e} énonçant que tout ce qui se passe dans notre corps a une explication mécanique, mais jugeons téméraire de porter un jugement sur ce que la divine sagesse a elle-même établi. Il faut poser en principe les mécanismes que nous font voir l’évidente raison et plus encore le bon sens].
- Dernier paragraphe de la page 75, chapitre x de la Dissertatio anatomica (réédition de 1654).
- V. note [6], Experimenta nova anatomica, chapitre i.
- Par les hasards de la mise en page, la Tabula iii (page 547) est un dessin très soigneux des lactifères mésentériques, conforme à la description de Gaspare Aselli.
- À la fin de la systole ventriculaire, le reflux du sang (dans l’aorte et dans l’artère pulmonaire) contribue à la fermeture de la colonne d’éjection (par les valves sigmoïdes aortique et pulmonaire). L’insuffisance aortique ou pulmonaire, avec fuite rétrograde conséquente de sang vers le ventricule, est toujours pathologique.
- V. notule {c}, note [9], Historia anatomica de Thomas Bartholin, chapitre iii.
V. note Patin 15/260 pour la pituite.
Jean ii Riolan a réuni et remanié deux fragments extraits des pages 76‑77, chapitre xi, Dissertatio anatomica de Jean Pecquet (1654), pour leur opposer un argument humoral (et macroscopique) dont je ne suis pas parvenu à pénétrer toute la subtilité.
Pecquet et Riolan ignorant pareillement la structure intime des villosités intestinales, leurs supputations sur le passage du chyle dans les lactifères étaient aussi hypothétiques les unes que les autres.
Après avoir fidèlement cité un argument expérimental (peu convaincant) que Jean Pecquet a présenté à la page 77, chapitre xi, de sa Dissertation anatomica (1654), pour réfuter l’attraction du chyle dans les veines lactées, Jean ii Riolan le contrait en citant ce qu’il a écrit au bas de la même page, Ergo propellitur Chylus in lacteas venas, « Le chyle est donc propulsé dans les lactifères », c’est-à-dire sans, semble-t-il, admettre la différence entre trahere ou prolectare, « attirer » (sous l’effet d’une force agissant en aval), et propellere, « propulser » (sous l’effet d’une force agissant en amont).
Jean ii Riolan se référait brièvement à deux passages de Galien qu’il convient néanmoins de citer plus largement, en vue de bien comprendre ce qui avait imprégné la science des médecins pendant 14 siècles.
« Après que le foie a reçu l’aliment déjà préparé d’avance par ses serviteurs, et offrant, pour ainsi dire, une certaine ébauche et une image obscure du sang, il lui donne la dernière préparation nécessaire pour qu’il devienne sang parfait. L’estomac ayant éliminé les parties qui dans l’aliment nuisent au même titre que nuisent dans le blé les particules terreuses, les pierres, les graviers et les plantes sauvages, il reste encore des parties grossières analogues à la glume {b} et au son du blé, lesquelles ont besoin d’une autre élimination ; c’est le foie qui se charge de cette seconde opération.Il vaudrait mieux, pour rendre l’image plus vive, comparer le suc {c} conduit par les veines de l’estomac dans le foie, non pas à des aliments secs, mais à une humeur liquide, {d} ayant déjà subi une coction et une élaboration préalables, et réclamant une coction plus complète. C’est un vin récemment exprimé des grappes, versé dans un tonneau, mais travaillant, déposant, bouillonnant et fermentant encore par sa chaleur naturelle : la partie lourde et terreuse de son résidu, cette partie qu’on appelle, je pense, lie, est tombée au fond du vase, la partie légère et volatile surnage : cette partie s’appelle fleur, elle se montre particulièrement sur les vins ténus, de même que le dépôt est surtout considérable dans les vins plus épais. Pour suivre la comparaison que j’ai choisie, imaginez que le suc versé de l’estomac dans le foie, par la suite de la chaleur du viscère, fermente et bouillonne comme le vin doux, et se transforme en un sang pur. Dans cette fermentation les éléments terreux et épais du résidu se déposent, tandis que les éléments ténus et légers surnagent comme une écume à la surface du sang. »
« C’est donc avec raison que la nature a préparé, en vue de ces résidus, des organes creux pour qu’ils puissent recevoir aisément, et pourvus aux deux côtés de la cavité de cols allongés en forme de canal, {e} et propres, l’un à attirer le résidu, l’autre à l’expulser. Mais il fallait encore donner [à ces cols] une position convenable eu égard à la route que suit le résidu, et trouver pour les canaux un lieu d’insertion sur le foie en rapport avec cette position. C’est donc de cette façon que les choses paraissent en effet disposées ; car la nature a attaché au foie la vessie {f} qui devait recevoir le résidu léger et jaune.Quant à la rate qui tire à elle les matériaux épais et terreux, la nature eût bien voulu aussi la fixer vers ces portes, {g} où le résidu atrabilaire devait être entraîné par son propre poids ; mais il n’y avait pas de place vacante, l’estomac s’étant hâté de l’occuper tout entière. Un large espace restant libre au côté gauche, elle y a logé la rate, et des parties concaves de ce viscère, tirant une espèce de conduit, qui est un vaisseau veineux, elle l’a étendu jusqu’aux portes, {h} de façon que le foie ne fût pas moins purifié que si la rate eût été placée près de lui, et qu’au lieu d’entraîner le résidu à travers un long canal, elle l’attirât par un canal très court. L’humeur {c} préparée dans le foie pour la nourriture de l’animal, quand elle a déposé les deux résidus mentionnés {i} et subi une coction complète par la chaleur naturelle, remonte déjà rouge et pure par la partie convexe du foie, {j} montrant par sa couleur qu’elle a reçu et qu’elle a assimilé à sa partie liquide une portion du feu divin, comme a dit Platon. » {k}
- V. notule {a}, note [29], lettre de Jacques Mentel ; versions grecque et latine dans Kühn vol. 3 pages 269‑272.
- Balle.
- Chylon, χυλον.
- Chymos urgos, χυμος υργος.
- Oïon stomachous, οιον στομαχους.
- Vésicule biliaire.
- Près du hile hépatique.
- Sans doute la veine splénique, qui va du hile de la rate à la veine porte.
- Bile jaune éliminée par la vésicule et bile noire (atrabile) éliminée par la rate.
- Veines sus-hépatiques rejoignant la veine cave inférieure.
- Note de Daremberg :
« Voici le passage de Platon dont j’emprunte la traduction à M. H. Martin (Études sur le Timée, p. 215 ; {i} cf. les notes correspondantes) ; “ Le feu divise les aliments, s’élève dans l’intérieur du corps en suivant le mouvement de l’expiration, et remplit les veines en s’élevant hors du ventre, dans lequel il puise les aliments divisés en petites parties : c’est ainsi que dans le corps entier de chaque animal se sont formés ces courants de la nourriture qui viennent l’arroser. Mais ces parties nutritives, nouvellement retranchées de substances qui tiennent, les unes, de la nature des fruits, les autres, de celle de l’herbe, et que Dieu a produites à notre intention précisément pour cet usage, c’est-à-dire pour nous nourrir, ont toutes sortes de couleurs à cause de leur mélange ; cependant la couleur qui s’y répand en plus grande abondance, c’est la couleur rouge, formée par l’action incisive du feu, qui s’imprime dans le liquide : c’est pourquoi la couleur du liquide qui parcourt le corps offre cet aspect que nous avons décrit ; et ce liquide, c’est ce que nous nommons le sang ; {j} c’est lui qui nourrit les chairs et le corps entier, c’est en lui que tous les membres puisent de quoi remplir le vide formé par la fuite des parties qui sortent. Ces pertes et la nutrition qui les répare, ont lieu de la même manière que le mouvement de toutes choses dans l’univers, d’après lequel le semblable se porte toujours vers son semblable. ” »
- Paris, 1841, volume 1, page 215.
- La distinction entre les aliments, fruits et herbe, dont le sang tire sa substance est troublante si on ose y voir les glucides et les protides (sans les lipides).
« Ainsi pour le foie, puisque nous nous sommes proposé de parler de cet organe, si la faculté attractive est affectée en quelque chose, il délaissera l’aliment transformé en chyle dans l’estomac ; en sorte que cet aliment sera expulsé par le fondement, cuit, il est vrai, mais liquide et non pas desséché. {b} Ce sera pour vous le signe que la faculté est affectée ; car tous les résultats qui dérivent de certains faits comme de leur source, sont les signes de ces faits. Il en est qui attribuent cette affection au mésarée, et qui appellent mésaraïques les individus ainsi affectés, parce qu’ils trouvent pervertie la distribution qui a lieu par les veines de l’organe appelé mésarée et mésentère ; ils tombent dans la même erreur que ceux qui réputent affectés les bras des gens saisis par des syncopes provenant de l’orifice de l’estomac ou du cœur, parce qu’ils ne peuvent plus se servir de ces bras comme auparavant ; {c} en effet, les veines du mésentère servent de mains au foie en lui amenant sa nourriture de l’estomac. {d} Ils agissent d’une manière analogue, ceux qui, dans le cas où les jambes sont paralysées par une affection de la moelle à la région lombaire, appliquent leurs remèdes sur les jambes elles-mêmes, en négligeant la moelle. Si donc le mésentère est atteint d’une inflammation ou de quelque autre affection semblable, on regardera à bon droit cette affection comme lui étant propre ; si c’est, au contraire, le foie qui, trop débile, ne peut attirer sa nourriture par les veines du mésentère, ce n’est pas le mésentère, mais le foie qui réclame les moyens curatifs, comme ce ne sont ni les bras ni les jambes paralysés par une affection de la moelle qui ont besoin d’être soignés. »
- Texte grec et latin dans Kühn, volume 8, pages 367‑369.
- C’est-à-dire : dont la partie liquide s’est évaporée (note de Daremberg).
La présence d’aliments non digérés dans les fèces est un signe d’insuffisance pancréatique externe (et non d’insuffisance hépatique).
- Douteuse évocation de l’angine de poitrine (ischémie myocardique) qui irradie dans les bras.
- Passage cité par Riolan : nam jecur mesaræi venis veluti manibus e ventriculo ei cibum afferentibus utitur.
V. note [5], Dissertatio anatomica, chapitre xi, pour la correction que Jean Pecquet a apportée à ce passage sur l’action des sangsues.
Horace (v. note Patin 3/22), L’Art poétique, vers 476 : « La sangsue ne se détache de la peau qu’une fois gorgée de sang. »
V. note Patin 13/09 pour Ulisse Aldrovandi, naturaliste de Bologne mort en 1605, auteur parmi maints autres ouvrages des De Animalibus insectis Libri septem [Sept livres sur les Insectes] ; dans l’édition de Francfort (Ioannes Hofer, 1623, in‑fo), le chapitre xi, livre vii, traite De Huridinibus [Des Sangsues] (pages 288‑293), mollusques qu’on rangeait alors parmi les insectes. Jean ii Riolan faisait probablement allusion à ce passage (pages 288‑289) :
Obseruaui in genere maiora, quod aptius medicis est, os non ita rotundum, ut in minoribus, sed acutius, quod facillime cutim penetrat, et per lintea etiam tenuiora euadit. In minore os planius et rotundius, instar Sphincteris, aut musculi rotundi. In omnibus foramen in medio exile est : ab ore ad aluum unus continuus meatus.[Chez celles de la plus grande espèce, qui est la plus adaptée aux usages médicaux, la bouche n’est pas aussi ronde, mais plus pointue que chez les plus petites, elle pénètre donc très facilement la peau et traverse même des linges très fins. Chez les plus petites, la bouche est plus plate et plus ronde, ressemblant à un sphincter ou à un muscle circulaire. Dans toutes les espèces, elle possède un mince orifice médian, qui se prolonge en un canal continu jusqu’au ventre]. {a}
- Aldrovandi ne mentionne pas la queue (cauda) dont parle Jean ii Riolan, et le mot qu’il utilise, venter [ventre], est très proche, sinon synonyme de ventriculum [estomac].
V. note Patin 7/8205 pour Thomas Moffett (Mouffetus) et son Insectorum sive Minimorum Animalium Theatrum [Théâtre des Insectes ou des plus petits animaux] (Londres, 1634, pour l’une de nombreuses éditions), dont le chapitre xli, livre ii, pages 323‑325, est intitulé De Huridine [La Sangsue]. Je n’y ai en effet rien lu sur les poumons (dont elles ne sont pas pourvues), mais il parle de leur ventre (alvus) dans son introduction :
Sunt autem vermes aquatici, sanguinis animalium sitientissimi, eoque sese affatim etiam ad animæ expirationem nonnunquam replentes. Harum aliæ alvo sunt imperforatâ ; aliæ perviâ.[Ce sont des vers aquatiques extrêmement assoiffés du sang des animaux, dont ils se gavent même jusqu’à les tuer. Chez certaines d’entre elles le ventre n’a pas d’orifice, mais en a un chez d’autres].
Il semble donc que Jean ii Riolan ait lu ces deux auteurs sans mettre ses lunettes, et sans craindre d’accuser ensuite Jean Pecquet de ne pas voir bien clair.
Page 78 dans la Dissertatio anatomica de 1654. Jean ii Riolan allait donner une leçon exacte sur la contraction des muscles qu’on n’appelait pas encore lisses.
Jean ii Riolan blâmait sévèrement Jean Pecquet pour son ignorance du péristaltisme intestinal, qu’il a corrigée en 1654 : v. note [9], Experimenta nova anatomica, chapitre xi.
V. note Patin 22/252 pour les Exercitationes [Essais] de William Harvey « sur la Reproduction des animaux » (Amsterdam, 1651). Jean ii Riolan ne se référait pas à la page 227, mais y picorait et soudait (en mêlant, comme à son habitude, la première et la troisième personne de conjugaison) trois passages de l’Exercitatio 64 (page 285), De Cervarum et Damarum utero [Sur l’utérus des cerfs et des daims], et de l’Exercitatio 67 (page 292), Quid iis eveniat mense Octobri [Qu’en advient-il au mois d’octobre (suivant la fécondation qui a eu lieu au printemps)]. En cherchant à m’y retrouver dans ce pot-pourri, j’ai déniché ce paragraphe de la susdite page 285, sur l’utérus des cervidés, que Riolan s’est bien gardé de transcrire :
Venæ uterinæ omnes (ut in muliere) originem è vena cava, prope emulgentes, ducunt : arteriæ verò (quod illis etiam cum muliere, commune est) è ramis arteriæ magnæ descendentis cruralibus oriuntur : et quemadmodum in muliere gravidâ, vasa uterina sanguinea plura et majora sunt pro proportione quàm in reliquo ejus corpore ; ità quoque cervis et damis prægnantibus usu venit. Arteriæ autem, (contrà, quàm in cæteris partibus) multò, quàm venæ, numerosiores sunt ; eadémque inflatæ, vicinas venas pariter distendunt ; quod illis, ab inflatis venis, vicissim non contingit. Hoc ipsum quoque à D. Riolano observatum video ; éstque validum argumentum pro circuitu sanguinis, à me invento ; dari enim transitum ab arteriis in venas, non autem retro è venis in arterias, luculenter probat : súntque plures arteriæ, quàm venæ ; quòd copioso alimento ad nutriendum fœtum opus sit, cujus reliquias pauciores venæ regerant.[Toutes leurs veines utérines (comme chez la femme) tirent leur origine de la veine cave, {a} près des rénales ; mais les artères (de la même façon que chez la femme) naissent des branches crurales de la grande artère descendante. {b} De même aussi que chez la femme enceinte, où ils assurent des fonctions identiques chez les biches et les daines, les vaisseaux sanguins utérins sont proportionnellement plus nombreux et volumineux que dans le reste du corps. Néanmoins, les artères (contrairement à ce qui existe dans les autres parties du corps) sont beaucoup plus nombreuses que les veines du voisinage, et pourtant aussi volumineuses qu’elles, ce qui n’est pas une conséquence de la distension veineuse. Je vois que M. Riolan lui-même a observé cela, et il s’agit un solide argument en faveur de la circulation du sang, que j’ai découverte, car ce fait prouve très clairement qu’il passe des artères dans les veines, mais non à l’inverse, des veines dans les artères ; et s’il y a plus d’artères que de veines, c’est qu’il y a besoin de beaucoup de sang pour nourrir le fœtus, mais de moins de veines pour évacuer ce qui en reste]. {c}
- On aurait attendu du père de la circulation sanguine qu’il écrivît « se terminent dans la veine cave ».
- Des artères hypogastriques (iliaques internes), branches de l’aorte abdominale.
- La démonstration est plus distrayante que convaincante.
Jean ii Riolan rappelait à Jean Pecquet ce qu’il avait écrit pages 74‑75, chapitre x de la Dissertatio anatomica (1654), sur « la contraction impétueuse des vaisseaux » (à l’identique dans l’édition de 1651) :
Hanc autem excitant, vel humoris acrioris asperitas, sic intestinorum membranas bilis acrior in rugas coangustat ; vel punctio continuíve quâlibet ex causâ solutio ; sic, cùm aliquando duodenum aperuissem prælongo vulnere, fluentem è pancreatico Virsungi, quod hoc intestinum intrat, vasculo liquorem observaturus, ita sese intestinum corrugavit, ut, et ad medias contraxerit vulnus, et restricto Virsungici canalis ostiolo, aquei, qui scaturiebat inde, humoris effluxum prorsus compescuerit. Atque idem esto, ut de intestinis, etiam de reliquis vasis, membranosisque corporibus judicium.« Cette contraction est provoquée soit par l’âpreté d’une humeur fort âcre, à la manière dont la bile très amère resserre et ride les parois des intestins ; soit par une piqûre ou par une solution de continuité, de quelque cause que ce soit. Ainsi parfois, quand j’ai ouvert le duodénum en l’incisant sur une grande longueur pour observer le liquide qui s’y écoule par le canal de Wirsung qui s’abouche à cet endroit dans l’intestin, l’ai-je vu se rider, tandis que les bords de plaie se contractaient vers son milieu, que l’ostium de ce canal se resserrait et que l’humeur aqueuse qui s’en écoulait avait entièrement cessé de sourdre. Je pense qu’il en va de même pour les intestins que pour les autres vaisseaux et viscères membraneux. »
V. infra note [19] pour ce qu’en a plus explicitement dit Jean ii Riolan dans son Manuel anatomique et pathologique (à propos du diaphragme).
La longue et véhémente semonce de Jean ii Riolan a visé juste, comme on le voit en comparant les deux versions de la Dissertatio anatomica (chapitre xi) de Jean Pecquet.
Ita Peristalticus, si quis admiiti debeat, neque enim uspiam à nobis in Animantibus vivis deprehensus est, Intestinorum motus […].[Ainsi le mouvement péristaltique des intestins, si on doit en admettre l’existence, car nous ne l’avons jamais vu chez des animaux vivants (…)].
Ita Peristalticus (quem in vivorum sectionibus deprehendimus sæpe) Intestinorum motus […].[Le mouvement péristaltique des intestins (que nous avons si souvent observé en disséquant des animaux vivants) (…)].
Page 79, chapitre xi de la Dissertatio anatomica (1654), premier paragraphe sur « la compression des intestins ».
Jean ii Riolan résumait laconiquement les quatre premiers paragraphes de la section De Respiratione qui figure dans le chapitre xi de la Dissertatio anatomica, édition de 1651, pages 79‑80 ; mais il inversait le sens du dernier, où Jean Pecquet recommandait au contraire aux chirurgiens de procéder à l’épreuve de la bougie pour savoir si une plaie thoracique a atteint le poumon. Pecquet a donc essayé de clarifier son discours en ajoutant un cinquième paragraphe dans l’édition de 1654 (pages 80‑81) : v. note [12] du dit chapitre.
V. note [13], Dissertatio anatomica, 1654, chapitre xi, pour la référence de Jean Pecquet à l’Encheiridium anatomicum et pathologicum [Manuel anatomique et pathologique] (1649), où Jean ii Riolan décrivait les adhérences inflammatoires du poumon à la plèvre et les épanchements pleuraux qui peuvent en résulter.
Riolan, qui avait comprenait le contraire de ce que Pecquet avait voulu dire (v. supra note [15]), avait également traité la question, de manière aujourd’hui aussi obscure que sidérante, dans la dernière édition de son Anthropographia (Paris, 1649), {a} livre iii, dernier paragraphe du chapitre xi, De pulmonibus, page 231 :
Pulmones moueri sui dilatatione et contractione certum est et indubitandum : Sed an motus ille sit insitus, vel adventitius, id est, ab alio impellente factus, controuertitur. Galenus libro de Thoracis motu, et variis in locis, ad motum Thoracis cieri Pulmones prodidit, quod recentiores Anatomici probant duabus rationibus. Natura pulmones costis adnecti voluit, ut Thoracis motum necessariò sequantur, per vulnus aperto Thorace immobiles manent pulmones. Fateor in violenta respiratione Pulmonem Thoracis motum sequi, et secundum eius amplitudinem amplificari fugâ vacui, sed in libera repiratione, immoto Thorace mouetur Pulmo : Respiratio autem perficitur dilatatione et contractione Pulmonum. Sæpius observaui Pulmones nullibi subcostali tunicæ cohærentes, ne quidem Diaphragmati affixos. At dices, in morte adhæsiones illæ effringuntur, concidentibus in sese Pulmonibus. Nam Galenus cap. 10. lib. 8. Admin. Anat. fatetur seiunctum esse Pulmonem à Costis in mortuis, sed in viuentibus semper Costis aliquatenus adhærere : Deinde falsum est in vulnere Thoracem penetrante Pulmones esse immobiles. Nam in dissectione viuorum animalium eleuato Sterno Pulmonem dilatari et constringi videmus : ergo dilatatur Pulmo inspirato aëre, constringitur exclusis fuliginibus, quod accidit impellente Corde ad sui refrigerium et vitæ conseruationem : ideoque Cor, et motus Pulmonum, et Diaphragmatis præcipua causa est. Aristotelis variis in locis, sed potissimum libro de respiratione, Pulmonis motum naturalem esse sustinet, et à Corde pendere, follis instar, non utris modo contrahi et distendi : existimare, inquit, oportet instrumenti constitutionem similem esse follibus, qui in officinis ferrariis habentur, geminum autem existit quod tale est, scilicet Cor, quod nutriendi facultate præditum est, et in medio consistit, quod quidem medium cùm amplificatur eleuari solet, cùm attollitur eam quoque partem, quæ illud ambit eleuari necessum est, quod in respirantibus fieri cernitur, quando pectus attollitur, propterea quod eiusmodi partes à Corde agitatæ promouentur. Pulmo, ut alibi scribit Philosophus, spirandi officio destinatus, originem sui motus accipit à Corde, sed sua tum amplitudine, tum inanitate aditum spiritui patefacit, cùm enim attollitur influit spiritus, cùm contrahitur effluit. Itaque Pulmo sequitur motum Cordis, si non passibus æquis, Thorax verò Pulmonis motum.[Il est certain et hors de doute que les poumons sont mus par leur propre dilatation et contraction, mais on débat sur la question de savoir si ce mouvement leur est propre ou adventice, c’est-à-dire provoqué par une poussée venue d’ailleurs. Dans son livre sur le mouvement du thorax et en d’autres endroits, Galien énonce que les poumons provoquent le mouvement du thorax, à quoi les anatomistes modernes avancent deux preuves. {b} La nature a voulu que les poumons soient attachés aux côtes, pour qu’elles suivent obligatoirement le mouvement du thorax : quand une blessure a ouvert le thorax, les poumons restent immobiles. Je conviens que quand la respiration est violente, le poumon suit le mouvement du thorax, que la crainte du vide amplifie proportionnellement à la profondeur de la respiration ; pourtant, quand elle est paisible, le poumon bouge mais le thorax est immobile, la respiration s’accomplissant par la dilatation et la contraction des poumons. J’ai très souvent observé que les poumons ne sont nulle part attachés à la tunique sous-costale, {c} et ne sont pas même fixés au diaphragme ; mais vous pourrez me dire que la mort a rompu ces adhérences quand les poumons se sont affaissés sur eux-mêmes ; car au chapitre x, livre viii des Administrations anatomiques, Galien convient que chez les morts les poumons sont distants des côtes, mais que chez les vivants, ils y adhèrent toujours plus ou moins : il est donc faux de dire que les poumons sont immobiles dans une plaie pénétrante du thorax ; en disséquant des animaux vivants, une fois le sternum enlevé, on voit le poumon se dilater et se rétracter, ce qui prouve que l’air inspiré dilate le poumon et que les vapeurs exhalées le rétractent. Le cœur entraîne cette alternance pour se rafraîchir et conserver la vie : le cœur est donc la principale cause des mouvements des poumons et du diaphragme. En divers endroits, mais surtout dans son livre sur la respiration, Aristote soutient que le mouvement du poumon est naturel et dépend du cœur, il se contracte et dilate comme un soufflet et non comme une outre : il faut penser, dit-il, que l’instrument a une structure semblable à celle des soufflets dont se servent les forgerons. {d} Il en existe pourtant deux, pour la bonne raison que le cœur, qui est destiné à la faculté de nourrir, siège en leur milieu, parce que ce qui est au milieu s’élève ordinairement lors de la dilatation, tout comme se soulève nécessairement la partie qui entoure ledit milieu : c’est ce qu’on distingue bien chez les animaux qui respirent quand la poitrine se soulève, parce que le cœur met alors en mouvement lesdites parties. Le poumon, comme écrit ailleurs le susdit philosophe, a pour fonction de respirer, le cœur est à l’origine de son mouvement de gonflement et d’affaissement qui permet le passage de l’esprit, lequel entre quand le poumon se dilate et sort quand il se contracte. Le poumon suit donc le mouvement du cœur, même si leurs cadences ne sont pas égales, {e} et le thorax suit celui du poumon]. {f}
- Opera anatomica vetera et nova, v. Bibliographie.
- Dans la suite, je n’ai pas su situer ce qui revient à chacune de ces deux explications annoncées.
- Plèvre pariétale attachée à la paroi thoracique, sur laquelle glisse la plèvre viscérale, attachée aux poumons.
- Dans le chapitre vii de ce traité, Aristote réfute la théorie d’Empédocle {i} qui comparait la respiration à l’entrée et à la sortie de l’eau dans une clepsydre (ou de l’air dans une outre) qui se fait par le même orifice unique : {ii}
« Voilà l’explication d’Empédocle sur la respiration; mais, ainsi que nous le disions, les animaux qui respirent évidemment par l’artère, {iii} respirent à la fois et par la bouche, et par le nez. Et par suite, puisqu’Empédocle ne parle que de cette dernière respiration, il faut rechercher jusqu’à quel point la cause qu’il lui assigne sera bien en harmonie avec les faits. Mais il paraît que c’est tout le contraire qui se passe. En effet, c’est en soulevant le corps, comme se soulèvent les soufflets dans les forges, que les animaux respirent ; et la raison peut bien admettre que l’action de la chaleur soit de soulever, et que le sang remplisse ici la fonction de la chaleur. Mais c’est en se comprimant et en se resserrant que les animaux expirent, par un mouvement pareil encore à celui des soufflets. La seule différence, c’est que les soufflets ne reçoivent pas l’air et ne le chassent pas par un même trou, {iv} tandis que quand nous respirons, c’est par la même ouverture que nous recevons et rejetons l’air tour à tour. Mais en ne parlant que de la respiration qui se fait par le nez, Empédocle a commis une grande erreur, car la respiration n’appartient pas, en propre, aux narines. » {v}
- V. note [18], seconde Responsio, première partie.
- Traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, 1847.
- La trachée-artère.
- Cela vaut pour les soufflets de forge ou d’instruments de musique, munis d’une valve, mais non pour les soufflets domestiques.
- Aristote établit le lien avec le cœur dans le chapitre x : « Parmi ceux [les animaux] qui ont du sang et un cœur, tous ceux qui ont un poumon reçoivent l’air et se procurent le refroidissement nécessaire, par l’inspiration et l’expiration. »
On peine à croire aujourd’hui que tout cela avait encore valeur de référence scientifique au temps de Riolan, soit 21 siècles après Aristote.
- Environ 16 cycles par minute pour la respiration au repos, mais autour de cinq fois plus pour la fréquence cardiaque : insondable paradoxe que Riolan ne se donne pas la peine de résoudre.
- On comprend que Riolan ait jugé préférable de ne pas développer son scabreux (mais instructif) argumentaire dans sa première Responsio à Jean Pecquet, dont les idées sur la respiration étaient incontestablement plus exactes.
La note [19] infra donne un extrait du « Manuel anatomique et pathologique » où Riolan explique le mouvement du diaphragme.
Pour conclure sur ce quiproquo, Riolan et Pecquet étaient de même avis sur les perforations pleurales, traumatiques comme spontanées (infectieuses).
La page 6 de cet ouvrage {a} appartient à l’Exercitatio 3, De Gallinæ uteri parte superiore, sive ovario [Sur la partie supérieur de l’utérus de la poule, ou ovaire], qui contient une digression de William Harvey sur la communication entre les cavités thoracique et abdominale chez les oiseaux : {b}
Perforatio pulmonum, à me inventa (cujus modo memini) haud obscura, et cæca est ; sed in pennatis præsertim, patula admodum ; adeò ut in Struthiocamelo meatus plurimos repererim, qui digitorum meorum apices facilè exciperent. In gallo indico, et gallinaceo ipso, omnibúsque ferè pennatis, immisso in tracheam stylo, transitus è pulmonibus in cavitates abdominis apertos et patentes invenias. Aër in eorum pulmones follium operâ inspiratus, non sine impetu ad inferiora pertransit.Imò verò dubitare liceat, an non in homine etiam, dum vivit, aër per dictos meatus, in thoracis cavitatem penetret. Quomodo enim aliter, empyicorum pus, et pleureticorum extravenatus sanguis, illac effluant ? in vulneribus pectoris (illæsis etiam pulmonibus) aër per vulnus foras erumpat ? aut liquores in cavitatem pectoris injecti, cum sputo reddantur ?
[La perforation des poumons, que j’ai découverte n’est (à ma connaissance) ni obscure ni cachée, mais parfaitement patente, surtout chez les animaux à plumes : à tel point que, chez l’autruche, j’ai trouvé de nombreuses communications, dans lesquelles j’ai facilement pu faire pénétrer le bout de mes doigts. Chez le dindon, comme chez le coq ou la poule et chez presque tous les animaux à plumes, si vous enfoncez un stylet dans la trachée puis ouvrez les cavités de l’abdomen, vous verrez qu’il y a pénétré. L’air qu’on injecte dans leurs poumons à l’aide d’un soufflet entre, non sans impétuosité, dans les cavités inférieures.
Il est même permis de se demander si, chez l’homme vivant, l’air ne pénètre pas aussi, par les susdites communications, dans la cavité du thorax. {c} Comment le pus des empyèmes et le sang issu des pleurésies pourraient-ils en effet s’y épancher autrement ? et de l’air fuir par les plaies dans les blessures du thorax (même quand elles ne touchent pas les poumons), ou des liquides injectés dans la cavité de la poitrine, être renvoyés dans les crachats ?] {d}
- Amsterdam, 1651, v. supra note [10].
- V. note Patin 10/9082 pour une citation de Georges Cuvier sur la question.
- En dehors des poumons, dans la plèvre.
- Je me suis contenté de traduire ce second paragraphe sans trop chercher à comprendre où Harvey voulait exactement en venir. Il y a de grandes différences entre les orifices pleuraux naturels des oiseaux et les perforations pathologiques, traumatiques ou infectieuses, de la plèvre humaine.
La citation de Jean Pecquet (page 82, chapitre xi, Dissertatio anatomica, 1654, correspondant aux pages 80‑81 de 1651) est abrégée mais fidèle, sinon que Jean ii Riolan y a à tort remplacé « chyme » (chymum) par « chyle » (chylum).
Jean ii Riolan a donné son point de vue sur la fonction du diaphragme dans son Manuel anatomique et pathologique, livre second, chapitre xvii, Nouvelle dissection du ventre inférieur, et ce qu’il faut remarquer en icelle dans le bas-ventre et le thorax (livre second, chapitre xvii, page 150) : {a}
« Dans le bas-ventre, vous considérerez comment le diaphragme est retiré en bas par la pesanteur des autres viscères, afin qu’en sa contraction et dilatation il se puisse élever et abaisser pour éventer tous les deux ventres. {b} Car il est naturellement retiré en haut, à cause de sa connexion avec le médiastin : de sorte que le diaphragme étant ainsi agité, il réveille et donne par son mouvement le branle à celui des poumons dans la poitrine ; et dans le bas-ventre, il excite le foie, la vésicule du fiel, le ventricule, {c} la rate, les boyaux, {d} le pancréas, le mésentère et chacune des parties à son office particulier, veillant à la santé de chaque individu, au service duquel la nature les a destinés. Or les boyaux étant ainsi poussés du diaphragme, agitent ensuite, par leur propre mouvement péristaltique, les reins, la vessie et la matrice aux femmes, pour les émouvoir aussi à leurs fonctions. »
- Encheiridium anatomicum et pathologicum (1649) traduit en français (Paris, 1661), v. supra notes [12] et [16].
- Thorax (ventre supérieur du tronc) et abdomen (ventre inférieur ou bas-ventre).
- La vésicule biliaire et l’estomac.
- C’est-à-dire l’ensemble des intestins, et pas seulement le côlon droit sous-jacent au foie (comme disait Riolan dans cette partie de sa première Responsio).
Chez les quadrupèdes, le côlon occupe plutôt la partie supérieure (lombaire) de la cavité abdominale, le grêle étant principalement situé au-dessous, entre le côlon et la paroi ventrale. Cela n’empêche pourtant pas l’abaissement inspiratoire du diaphragme de réduire, comme chez l’homme, le volume global de la cavité abdominale, en exerçant une pression sur tous les viscères qu’il contient.
Je n’ai vu cette assertion que Jean ii Riolan attribuait à Jean Pecquet dans aucune des deux versions de sa Dissertatio anatomica (1651 et 1654).
À savoir par les veines axillaires (subclavières quand existent des clavicules) et la veine cave supérieure : Jean ii Riolan n’admettait pas que la pression exercée par les muscles respiratoires dans l’abdomen et dans le thorax puisse y faire mouvoir le chyle, et allait recourir à toute la mauvaise foi dont il était capable pour prouver que c’était impossible.
Jean ii Riolan simplifiait, mais résumait fidèlement le premier paragraphe De motu diaphragmatis [Le mouvement du diaphragme], page 83, chapitre xi de la Dissertatio anatomica (1654) : v. sa note [14] pour les vifs débats qui avaient alors cours sur ce sujet.
Ma traduction a respecté la répétition de l’adjectif « ridicule » dont Riolan accablait Jean Pecquet à cinq reprises dans cette partie de sa première Responsio.
Sic : carnosas, me semble-t-il, pour nervosas, « fibreux ».
Horace, Épîtres, livre i, i, vers 90 : {a}
« Par quel nœud retiendrai-je ce Protée {b} changeant de visage ? » {c}
- Contre les caprices des riches Romains.
- V. note Patin 8/9042 pour Protée.
- Par ce vers, Jean ii Riolan tournait en dérision les contradictions de Jean Pecquet entre les pages 79‑80 et 83 de sa Dissertatio anatomica, chapitre xi (1654), sur l’action des muscles respiratoires.
Horace, L’Art poétique, vers 5, à propos d’un peintre qui, dans ses portraits, aurait l’idée de mélanger les traits d’un homme à ceux d’animaux :
« À ce spectacle, pourriez-vous, mes amis, ne pas éclater de rire ? »
Cette autre saillie poétique de Jean ii Riolan ouvre sa critique sur les pages 84‑86 de la Dissertatio anatomica, chapitre xi (1654), sur les voies, en effet fantaisistes, dont Jean Pecquet supposait l’existence pour expliquer l’évacuation très rapide de certains aliments et médicaments, solides ou liquides, après leur absorption.
Ce passage, depuis « soit, si tu préfères » ne figure pas dans la Dissertatio anatomica de 1654, mais se lisait bel et bien dans celle de 1651 : v. note [21] de son chapitre xi pour ce que Jean Pecquet a supprimé de ce qu’il y avait dit du péritoine et des capsules atrabilaires (v. infra note [29] pour l’opinion que Jean ii Riolan s’en faisait).
Le débat qu’abordait Riolan se fondait sur le postulat que le chyle devait être purifié et réchauffé avant de se transformer en sang, ou même de se mêler à lui. Pecquet avait estimé que l’estomac, en lien avec la rate, ne pouvait débarrasser le chyle de ses impuretés, mais avait imaginé trois voies partant de son réservoir, tout aussi fantaisistes les unes que les autres : passage direct dans les artères rénales, dans les glandes surrénales ou dans le péritoine. Tout ce débat est sans objet car il est désormais établi que la traversée de la muqueuse intestinale assure une première purification du chyle, qui suffit à le rendre inoffensif pour les organes chargés de le transformer, dont le principal reste le foie.
Jean ii Riolan abrégeait ici un propos tenu par Jean Pecquet en bas de la page 41 de sa Dissertatio anatomica (chapitre v).
Il faut reconnaître à Jean ii Riolan d’avoir mis en doute l’existence de l’atrabile, qu’il tenait pour de la bile jaune épaisse et chargée d’impuretés, éliminée par le foie et la vésicule. Pour lui, la mélancolie était une maladie et non une quatrième humeur corporelle (v. note [33], première Responsio, 6e partie). Je n’ai rien trouvé sur les capsules atrabilaires dans son Anthropographia publié dans ses Opera anatomica vetera et nova de 1649, {a} mais elles contiennent des Animadversiones in Casp. Bartholini Anatomia, {b} dont une section est intitulée De Capsulis Atrabilariis [Des capsules atrabilaires (c’est-à-dire surrénales)] (pages 770‑771). Sans nier catégoriquement leur existence, il ne les juge pas indispensables à la vie et conclut ainsi sa diatribe :
Gloriatur Bartholinus se verum inuenisse vsum, aliis Anatomicis incognitum, recipiunt capsulæ humorem biliarum (debebat dicere atrabiliarium ex titulo) crassum, et excrementitium, qui à sanguine in Hepate vel Liene, vel utroque confecto, nondum expurgatus fuit, ubique seruari, et vinci, quia per angustos renum meatus penetrare non potuit, ergo patentiores et liberiores viæ ad capsulas. Quot verba, tit errores, si Lien destinatus sanguini crasso, fæculento, seu atrabilario asseruando, inutiles capsulæ illæ imaginariæ, vel sunt subsidiariæ Lieni. Deberet igitur à Liene ad capsuslas, viam et vasa demonstrare : nam ab emulgentibus interdum à rene ad ipsas atrabilarius humor refluit in venam superiorem, ut deriuetur in capsulas, quale deliramentum. Si ibi cunctatur et effluit quotidie, tingere deberet vrinas nigro colore : non solet natura excrementa maligna tandiu seruare, nisi excernantur, ergo refluit in venas, aut recurrit ad Lienem per circulationem sanguinis ex Harueo et Valæo : atque si sequeris opinionem Valæi, de usu lienis, inutiles erunt tuæ capsulæ atrabilariæ. Ego verò vsum eiusmodi glandularum perquirendum esse reor in Fœtu : sunt enim glandulæ rotundæ, figurâ reni consimilies, succenturiati renuli dicuntur, qui adstant renibus nondum exactè formatis, et cum ipsis exactè communicant. Miror, cur Bartholinus filius Iconem eiusmodi capsularum non expressit.[Bartholin se glorifie d’avoir découvert leur véritable utilité, jusqu’alors ignorée des anatomistes : les capsules reçoivent l’humeur biliaire (étant donné son titre, il aurait dû dire atrabilaire) épaisse et excrémentielle qui, après avoir été élaborée à partir du sang, dans le foie, la rate ou les deux à la fois, n’a pas encore été purgée ; elle est conservée et retenue dans ces capsules parce qu’elle y a trouvé des méats plus libres et perméables que ceux des reins, qui sont fort étroits. Il y a là autant de mots que d’erreurs : si la rate est vouée à garder le sang épais, bourbeux ou atrabilaire, ces capsules imaginaires sont inutiles ou sont des annexes de la rate ; il faut donc mettre en évidence une voie ou des vaisseaux allant de la rate aux capsules, ce qu’il fait de manière extravagante en disant que l’humeur atrabilaire reflue depuis les veines rénales et parfois depuis le rein dans une veine supérieure, vers lesdites capsules pour y être détournée ; mais si elle y séjourne et s’en écoule quotidiennement, elle devrait donner une teinte noire aux urines. La nature n’a pas pour habitude de conserver très longtemps les excréments nuisibles sans les évacuer ; l’atrabile reflue donc dans les veines ou, selon Harvey et de Wale, retourne dans la rate grâce à la circulation du sang. Si vous suivez l’opinion de de Wale sur la fonction de la rate, vos capsules atrabilaires ne seront d’aucune utilité. Pour ma part, je pense que leur action est à chercher dans le fœtus, chez qui existent de petites glandes arrondies, de forme semblable à celle du rein, qu’on appelle les petits reins annexes ; elles jouxtent les reins qui ne sont pas encore entièrement formés et communiquent étroitement avec eux. {c} Je m’étonne que le fils Bartholin n’ait pas procuré un dessin de ces capsules]. {d}
- V. supra note [16].
- V. notes [38]‑[40], Responsio ad Pecquetianos, 1re partie, pour d’autres avis de Riolan sur les Bartholin.
- Cette piste ne vaut guère mieux que celle imaginée par les Bartholin. Jan Baptist Van Helmont avait nié l’existence de l’atrabile dès 1644 (v. notule {a}, note Patin 17/1120), mais elle n’est sortie de l’imaginaire médical qu’au xviiie s.
- Pour dire que Thomas Bartholin n’a pas dû vraiment voir les capsules dont lui et son père, Caspar, ont parlé.
Jean ii Riolan se moquait ouvertement de Jean Pecquet en citant deux auteurs antiques qui ont prétendu que l’urine ne venait pas des reins.
Ad excrementorum vero expurgationem quum nihil prorsus, quod afferre posset, haberet, non dubitavit iis, quæ sensui apparent, contradicere : in urinæ quidem separatione tum renes tum ureteres functione sua privans, ac incertos quosdam invisibilesque meatus ad vesicam statuens.[Quant à l’élimination des excréments, bien qu’il n’eût aucun argument pour le prouver, il ne doutait pas de contredire ce qui tombe sous le sens : privant les reins et les uretères de leur fonction dans la production de l’urine, il disait qu’elle arrive dans la vessie en passant par des méats douteux et invisibles].
Vesica, cuius usum volucres non habent, quum sit ab intestinis separata, nec ullam habeat fistulam, qua ex illis urinam trahat, completur tamen, et humore distenditur. Id quomodo fiat, non est difficile pervidere. Intestinorum enim partes, quæ ab alvo cibum potumque suscipiunt, patentiores sunt, quam cæteræ spiræ, et multo tenuiores. Hæ vesicam circumplectuntur et continent. Ad quas partes quum potus et cibus mista pervenerint, fimum quidem crassius sit, et transmeat, humor autem omnis per illam teneritudinem percolatur ; eumque vesica, cuius æque tenuis subtilisque membrana est, absorbet et colligit, ut foras, qua natura exitum patefecit, emittat.[La vessie, qui est absente chez les oiseaux, bien qu’elle soit séparée des intestins et ne possède aucune fistule par où en tirer l’urine, se remplit pourtant d’humeur et se distend. Il n’est pas difficile de comprendre comment cela se fait : les parties des intestins qui reçoivent le manger et le boire mêlés sont plus perméables et beaucoup plus fines que leurs autres circonvolutions ; elles s’enroulent autour de la vessie et l’embrassent. Quand le boire et le manger parviennent mélangés dans ces parties, ce fumier, bien que fort épais, traverse leur paroi et toute son humeur est filtrée en raison de sa tendreté ; la vessie, dont la membrane est également fine et subtile, l’absorbe et la recueille alors, pour la chasser au-dehors par l’orifice dont la nature l’a pourvue].
- V. note Patin 16/9027.
- Opera omnia, page 245, seconde colonne, édition de Rome, 1650, in‑4o.
Aristote, Des Parties des animaux, livre iii, chapitre vii : {a}
« Quant à la rate, ce n’est qu’indirectement qu’elle est nécessaire aux animaux qui en ont une, de même que les sécrétions, tant celle du ventre que celle de la vessie. Aussi, la rate est-elle de très petite dimension dans quelques animaux, par exemple dans quelques volatiles, qui ont le ventre très chaud, comme le pigeon, l’épervier, le milan. D’ailleurs, on remarque une disposition toute semblable dans les quadrupèdes ovipares, qui l’ont excessivement petite, et dans bon nombre d’animaux à écailles, qui n’ont pas non plus de vessie, parce que la sécrétion liquide, passant par des chairs peu serrées, se convertit ici en plumes, et là en écailles. {b} La rate tire de l’estomac les humeurs surabondantes; et comme elle est pleine de sang, elle peut leur donner une coction complète. Mais si cette sécrétion est trop considérable, ou si la rate n’est pas assez chaude, ces parties engorgées de nourriture deviennent malades ; et par le refoulement des liquides qui y affluent, le ventre se durcit chez beaucoup d’animaux, qui ont alors mal à la rate, de même qu’il se durcit quand les urines sont trop abondantes, parce qu’alors les liquides sont violemment entraînés. Ceux des animaux qui ont cette sécrétion très faible, comme les oiseaux et les poissons, n’ont pas la rate développée, ou ne l’ont même qu’à l’état d’indice. Chez les quadrupèdes ovipares, la rate est petite, racornie, et semblable à des reins, parce que le poumon est spongieux, que l’animal boit très peu, et que la sécrétion superflue qui se produit tourne au profit du corps et en écailles, comme elle tourne en plumes chez les oiseaux. Au contraire, dans les animaux qui ont une vessie et le poumon plein de sang, {c} la rate est humide, par le motif qu’on vient de rapporter, et aussi parce que les parties de gauche sont naturellement plus humides et plus froides. »
- Traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, 1885.
- Dans son Histoire des animaux, livre ii, chapitre xii, Aristote déclare que :
« Tous les quadrupèdes vivipares ont des reins et une vessie. Quant aux ovipares, il n’en est pas un qui ait ces organes, oiseau ou poisson. La tortue de mer est la seule, parmi les quadrupèdes ovipares, à les avoir dans la proportion des autres parties de son corps. »- Dans le chapitre viii du même livre iii Des parties des animaux, Aristote dit que « tous les animaux qui ont un poumon ainsi organisé [plein de sang] ont une vessie ». Cela explique le point de vue de Jean ii Riolan sur l’intelligence (consensus) fonctionnelle existant entre les poumons, la rate et la vessie, mais comment ne pas être sidéré, une fois de plus, par sa foi dans les préceptes de l’antique histoire naturelle ?
Silvius {a} a exposé ses idées sur les fonctions spléniques, sans référence aristotélicienne et avec une louable brièveté, dans le chapitre viii, De la rate, livre iii de son Introduction sur l’Anatomique partie de la Physiologie d’Hippocrate et Galien : {b}
« La chair de la rate est entretissue tant de veines issues de la porte que d’artères issues de la grande lombaire, {c} plus grandes et en plus grand nombre qu’il n’est requis à la magnitude de la rate. Elle est revêtue d’une membrane issue du péritoine, laquelle reçoit un petit nerf du costal gauche ; < elle > tire comme la lie du sang engendré au foie, par un vaisseau veineux qui est le rameau supérieur et plus petit de la veine porte ; se nourrit de la partie de cette lie qui lui est plus propre et familière, affinée principalement par la chaleur et mouvement des artères ; vide le reste maintenant {d} en la porte et intestins par ce même vaisseau veineux, maintenant {d} au gauche côté du ventricule {e} par un notable vaisseau sortant du plus haut au prochain rameau qui soit en la partie enfoncée de la rate ; {f} quelquefois au siège par les veines hémorroïdes issues de la sénestre épiploïque ; {g} quelquefois aux reins par les artères issues de l’aorte au-dessus des reins, plutôt que par la porte du foie et veine creuse. {h} La rate est située sous l’hypocondre gauche. »
- Jacques Dubois, mort en 1555, v. note [9], lettre de Jacques Mentel.
- « Mise en français par Jan Guillemin, Champenois », Paris, Jean Hulpeau, 1555, in‑8o, page 123 vo.
- L’aorte abdominale.
- Tantôt.
- De l’estomac.
- Le hile splénique.
- Branche de la veine splénique, l’épiploïque gauche (sénestre) ou postérieure était censée irriguer (ou drainer) le côlon gauche, et donc alimenter les veines hémorroïdaires (tenues pour cruciales dans l’évacuation de l’atrabile, v. note [11], Experimenta nova anatomica, chapitre v).
- La veine cave inférieure ; ces anastomoses vasculaires entre la rate et les reins sont fictives, mais Jean ii Riolan en admettait l’existence et supposait qu’elles permettaient à la rate de drainer sa mauvaise bile dans les urines.
Hermann Conring a consacré à la sanguification les 22 premiers des 44 chapitres de son De Sanguinis generatione et motu naturali Opus novum [Ouvrage nouveau sur la formation du sang et son mouvement naturel] (Helmstedt, Ieremias Rixnerus, 1643, in‑4o de 366 pages). Sur des arguments plus tirés du raisonnement que de l’observation anatomique, il y énonce que tout le chyle ne transite pas par le foie, et que le pancréas et la rate contribuent à son élaboration (mais sans bien sûr envisager son ascension dans le thorax).
Ce paragraphe amène à citer trois sources, assorties d’un commentaire.
« Celle qui est vraiment trouble est le plus souvent rendue telle par l’affection des reins ou de la vessie, auxquelles parties se rencontre abondance d’humeur que l’urine emporte avec soi, ou bien quelque ulcère simple, qui rend du sang, ou un ulcère sordide qui rend du du pus, de la sanie ou de la morve, par l’écoulement desquelles choses l’urine devient épaisse et trouble. C’est pourquoi ceux qui sont sujets à de grandes douleurs néphrétiques ne rendent presque jamais des urines claires. L’urine qui est trouble sans {a} ces accidents marque une abondance et écoulement d’humeurs grossières contenues dans les urines, que la chaleur naturelle a de la peine à cuire ; d’où viennent des maladies longues et opiniâtres et des douleurs de tête, sur quoi Hippocrate a prononcé. »
« Et cette plus grossière portion de l’urine, ainsi séparée par la chaleur naturelle, est l’hypostase. Ce n’est donc pas (comme pensait Actuarius) {b} un excrément de la seule digestion qui se fait aux veines plus éloignées, ou même des parties solides. Ce n’est pas aussi (comme il a semblé à plusieurs autres) la portion plus crue des viandes, laquelle passe quelquefois de l’estomac dans les veines, parmi les sérosités ; mais cette hypostase a la même origine et se fait de même que l’urine. C’est pourquoi l’hypostase est indice non seulement de l’estomac et des parties solides, mais principalement des grands vaisseaux. Or, comme elle a le même principe que l’urine, aussi est-elle de substance fort semblable. Car l’urine abondante, fort subtile et du tout {c} aqueuse, n’a point d’hypostase ; celle qui est simplement subtile a une hypostase subtile, comme en ceux qui ont des crudités et qui ne digèrent guère bien ; celle qui est médiocre {d} a une hypostase médiocre, et la grossière en a une qui est grossière, comme aux enfants et aux gourmands qui mangent beaucoup et qui digèrent bien. {e} Quant à l’urine qui s’épaissit et se trouble par le mélange de quelque chose externe, qui vient ou des reins ou de la vessie, elle dépose un certain sédiment grossier qui n’est pas proprement une hypostase, mais c’est la lie de l’urine. »
« La lymphe {h} est la partie aqueuse du sang, soit que cette partie ne soit pas encore bien digérée et bien cuite, soit qu’elle soit corrompue ; et par conséquent, dans le premier cas, c’est nécessairement de la lymphe ; dans le second, elle appartient au sang. »
- En dehors de.
- V. note Patin 3/9003.
- Entièrement.
- Modérée.
- Avec quelque complaisance, cela pourrait correspondre au passage du chyle grossier dans l’urine, mais sans rapport avec la véritable chylurie (v. notule {h}, note [55], Brevis Destructio d’Hyginus Thalassius, chapitre iv).
- Je n’ai pas trouvé dans Fernel la description de ce phénomène, pourtant banal et normal.
- V. supra note [31].
- Ιχωρ, Ikhor, liquide clair, supposé être le sang des dieux olympiens, qui correspond à la pituite (v. supra note [2]), dont la lymphe est une des formes.
Jean ii Riolan revenait pour la troisième fois sur le même point (v. note [4] de la précédente section de sa première Responsio) en citant presque mot pour mot le pénultième paragraphe, page 85, chapitre xi de la Dissertatio anatomica parue en 1651. Jean Pecquet a supprimé cette phrase dans l’édition de 1654 (antépénultième paragraphe, pages 86‑87, du même chapitre xi).
Si la remarque de Riolan sur la persistance de lactifères encore visibles après la mort des bêtes et des pendus était exacte, on se demande alors bien pourquoi il n’a parlé de ces veines que dans son Anthropographie de 1649 (v. note [5], citation 2 de la susdite précédente section).
Jean ii Riolan résumait les deux premiers paragraphes du chapitre xii de la Dissertatio anatomica (identiques dans les deux éditions de 1651 et 1654).
V. note [5], Historia anatomica, chapitre xvi, pour cette amusante et juste référence à Hippocrate.
L’argument est obscur et malvenu car la circulation harvéenne n’a jamais nié que la veine porte conduit le sang vers le foie, ce qui lui vaut son nom et est, il est vrai, une exception de taille à la règle établissant que les veines mènent au cœur.
Première grosse branche de l’aorte abdominale, le tronc cœliaque irrigue le foie, l’estomac, la rate, le pancréas et le duodénum (mais non le reste des intestins qui dépendent des artères mésentériques supérieure et inférieure).
L’argumentaire de Jean ii Riolan piétinait dans l’opacité.
V. note [3], Dissertatio anatomica, chapitre xii, pour la modification que Jean Pecquet a apportée en 1654 à ce propos qu’il avait tenu dans l’édition de 1651.
Il va sans dire que le sang de la mère est ici celui qui irrigue son fœtus. En résumant l’avant-dernier paragraphe de la page 88 et le premier de la page 89 (chapitre xii, Dissertatio anatomica, 1654), Jean ii Riolan a rendu l’argument de Jean Pecquet encore moins intelligible qu’il ne l’était déjà.
Dans les éditions grecques, ce livre d’Aristote ne contient que 14 chapitres, mais il en compte 19 dans les éditions latines, comme celle de Paris, Simo Colinæus, 1524, in‑8o. Ce propos s’y trouve au début du chapitre xviii, fo 9 ro :
Iecur magna ex parte, maximoque animalium numero felle caret. Verum in nonnullis id habere sibi adnexum videtur. Rotundum iecur hominis est, ac simile bubulo. Fellis privationem, vel in victimis nonnusquam percipi certum est.« Ordinairement et dans presque tous les animaux, le foie est sans bile, sans fiel ; dans quelques-uns, il y en a, le foie de l’homme étant d’ailleurs arrondi et pareil à celui du bœuf. Cette absence de fiel peut se remarquer sur les victimes [des sacrifices]. » {a}
- Livre i, chapitre xiv, traduit du grec par Jules Barthélemy-Saint-Hilaire (1883).
Ce passage prouve incidemment que les aruspices examinaient soigneusement les entrailles des animaux qu’ils sacrifiaient, ce qui ramène à la certitude que les lactifères mésentériques n’ont pas pu leur échapper (v. note [19], Responsio ad Pecquetianos, 4e partie).
L’argumentaire décousu de Jean ii Riolan sur la bile est parfaitement étranger aux notions physiologiques modernes (tout comme l’était celui de Jean Pecquet), en dépit de toute la bonne volonté qu’on peut appliquer à le traduire et à l’examiner.
Jean ii Riolan citait le premier paragraphe de la Réfutation des objections (page 89, chapitre xii de la Dissertatio anatomica, 1654), mais sa seconde assertion (sur tout le sang qui devrait passer par le tronc cœliaque) ne se lit dans aucune des deux éditions (1651 et 1654).
La mauvaise foi de Jean ii Riolan et sa déplorable intelligence de la circulation harvéenne (v. notes Patin 18/192 et [4], lettre de Riolan à la Compagnie des docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris) atteignaient ici un sommet d’absurdité.
J’ai traduit avec quelque indulgence le résumé que donnait Jean ii Riolan des deux derniers paragraphes de la page 89, dans le chapitre xii de la Dissertatio anatomica de 1654 (qui figurent à l’identique dans l’édition de 1651).
Riolan tenait pour une inutile digression ce que Jean Pecquet a ensuite expliqué sur la perméabilité des membranes aux solutions aqueuses (pages 90‑92). Il le comparait au jet d’encre de la sèche, ou seiche (Furetière) :
« Poisson de mer long d’environ deux coudées, {a} qu’on dit n’avoir point de sang, qui n’est pas trop bon à manger, mais dont les os sont excellents pour faire de petits moules ou creusets qui servent aux orfèvres et aux chimistes. La sèche est semblable au poulpe, excepté que les poulpes ont une infinité de pieds. Elle a un os sur le dos, dur et lisse, et au-dessous il y a une moelle ou matière spongieuse qui est rude à manier, et est rayée et compartie {b} par veines. La sèche amasse dans une vessie une liqueur noire qui lui sert à se cacher et à se sauver des mains des pêcheurs ou de la gueule des grands poissons qui la poursuivent. Elle est tellement noire, qu’une goutte suffit pour noircir un seau d’eau, et la rendre opaque. Elle se mêle et se dissout en un instant ; et si on la met dans une lampe, elle fera paraître noirs tous ceux de la compagnie. Les sèches n’ont point de dents, mais ont un bec tout à fait semblable à celui du perroquet. {c} On l’appelle en latin sepia et, dans la basse latinité, sicca. »
- Environ un mètre.
- Compartimentée.
- L’encre qui empêche les pêcheurs d’attraper la sèche et toute le reste figure, parmi bien d’autres considérations, dans le chapitre iv, De Sepia, livre i, pages 17‑24, des quatre livres d’Ulisse Aldrovandi (v. supra note [8]) de reliquis animalibus exanguibus [sur les animaux dépourvus de sang] (Francfort, Paulus Jacobus, 1618, in‑4o illustré de 192 pages).
Tout cela est fidèle à ce qu’a écrit Jean Pecquet : v. note [4] de la Dissertatio anatomica, chapitre xii.
Dans le dernier paragraphe de sa Dissertatio anatomica, chapitre xii, Jean Pecquet dit de la bile que « son acidité sert à nourrir la rate ».
Page 157, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
Pag. 75. Vt continuato cursu persequar
istum discursum de tuis venis lacteis, re-
linquo tuum tractatum de Sanguinis Cir-
culatione, quem postea examinabo, et
ista mechanica artificia de vacuo præter-
mitto, quæ nihil faciunt ad rhombum.
Sapienter Vallæus pag. 75 dixit, nos equi-
dem præclarum semper Erasistrati institu-
tum æstimavimus, omnia quæ in corpore no-
stro contingunt mechanice explicare, sed diui-
nam Sapientiam sua metiri temerarium
iudicamus : eas verè machinase esse statuen-
das, quas euidens ratio, et potissimum sen-
sus ostendunt.
Page 158, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
Nunc ad chyli motum accedo, Quem
scribis exprimi per apertos porulos trans in-
testinorum tunicas, in lactearum canalicu-
los secedere ; Naturam vero mirabili illitu,
introrsum quod rugosum, aut spongiosum,
mollissimæ substantiæ peristroma aggluti-
nasse. Omnes Anatomici agnoscunt tuni-
cam intestinorum esse carnosam, ut exsu-
gat chyli tenuiorem portionem, et si acri-
monia præterlabentium humorum ero-
datur, reparari queat : Propterea istud ru-
gosum, et spongiosum non reperitur in
intestinis, nisi loricatio quædam, vel in-
crustatio pituitosa.Pag. 76. Chylum non trahi sic probas,
Sive liges in mesenterio lacteas, sive intra
thoracis caueam easdem innodaueris, trans
vinculum, hoc est versus intestina, tume-
scentes attractoriam sententiam suffocabunt.
Istud experimentum tibi non militat ; nam
non dicis infra vinculum, versus recepta-
culum vacuas esse lacteas innodatas, sed
tantum tumescentes versus intestina ap-
parere. Non est verisimile receptaculum
membraneum, chylum prolectare, ideo-
que propelli chylum in lacteas venas, ut
asseueras. Ac proinde eludis comparatio-
nem illam de hirudinibus, quæ sugunt
Sanguinem : sic venæ mesaraicæ, inquit
Galenus, intestinis affixæ eliciunt chylum,
Page 159, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
et alibi venam Portam suis ramis tan-
quam manibus attrahere chylum scribit.
Nugaris dum follicantis pulmonis opera tur-
gescunt hirudines, sanguinem in earum
ventriculum immitti. Ergo pulmones ha-
bent hirudines, potestne id fieri sine
suctu.Non missura cutem nisi plena cruoris
hirudo.Dum applicantur hirudines, sunt vacuæ,
sensim turgescunt sugendo. Inueni apud
Vlissem Aldrouandum, lib. de insectis, in hi-
rudinibus unum, continuumque ductum
adesse ab ore usque ad caudam. Nec Mouf-
fetus Anglus, lib. de insectis, de pulmonibus
hirudinum loquitur. Istis perspicacior fui-
sti, ventriculum obseruasti.Pag. 77. Intestinis et cæteris corporibus
membranosis contractio propria, dilatatio
extranea. Disce docendus adhuc, nulla cor-
pora membranosa, contrahi, nisi habeant
aliam membranam carneam, quæ ratio-
ne fibrarum capax est contractionis, quan-
do dilatatur à corpore extraneo aduenien-
te ; sic ventriculus ratione membranæ car-
nosæ, intestina pariter ratione istius car-
nosæ substantiæ, quin etiam vesica, et v-
terus post dilatationem, ubi vacuantur con-
trahantur, modo dilatatio non fuerit ma-
xima ; Nam ruptis, vel nimium laxatis, fi-
Page 160, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
bris, non possunt partes illæ contrahi ; in-
de redduntur imbecilliores.Pag. 77. Miror istius iuuenis supinam
ignorantiam, Qui extispicium in canibus
plusquam centenis exercuit, nec unquam in
animalibus vivuis motum intestinorum peri-
stalticum obseruauit. Instar longioris lum-
brici, sese per partes successiue reuoluti
vel motitantis, quod alibi scripsi, et sæ-
pius publicè demonstraui, aperto abdo-
mine viuentis animalis. Istius rei ignora-
tio reddit suspectas tuas in viuis animali-
bus observationes. Sed audi Doctissimum
Harvevm, testem fidelissimum, qui me-
ditando, et scribendo Anatomica, melio-
rem vitæ partem inter experimenta con-
sumpsit. Lib. de generatione animalium,
pag. 227. Intestinorum motum, in viuorum
animalium dissectione sæpius conspicatus
sum, intestina sese undoso motu contor-
quent, qui tanquam circumdato annulo
strictiore et depresso, aut digitorum opera
constricto fieret, chylum et excrementa ad
inferiora promouent. In brutis femellis vul-
uæ cornua, instar lumbricorum terrrestrium
sese mouentia sæpius conspexit, et aperto
uteri sinu undosum ac testudineum motum,
quasi uterus esset animal in animali, mo-
tumque proprium exerceret, similem quo-
que motum in marium testiculis, et scroto
Page 161, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
obseruauit. Noui mulieres, quibus palpita-
tiones in utero præ spe gravidationis impo-
suerint Tanti viri testimonio quid respon-
debis ? ausisne contradicere ? Ipsemet Pec-
quetus sui immemor, pag. 73, affirmat, bi-
lem acriorem, intestinorum membranas in
rugas coangustare, idque observasse discissa
duodeni membrana. Cur bilis defluens per
intestina non irritabit, vel motitabit inte-
stinorum membranas ad chyli depulsio-
nem, è partibus supernis ad inferas ? Sed
iuuenis iste ignorat necessitatem istius
motus in intestinis, nam cum per suas re-
uolutiones tangant omnes partes abdo-
minis, eas excitant ad suum officium, nec
unquam vidit in vulnere abdominis re-
scisso peritoneo, cum impetu egredientia
intestina sese mouentia, et difficillime
compelli, nisi vtramque manum admo-
ueas cum alterius ministri subsidio.Pag. 78. Ut motum chyli in venas la-
teas demonstret, Duplicem assignat cau-
sam, Respirationem, et in abdomine, tho-
raceque musculorum contractionem, qua-
lem excitat, excernendorum ex intestinis re-
trimentorum, vel exonerandæ vesicæ, for-
sitan, et felleæ cystidis vacuandæ necessi-
tas. Quomodo id fieri potest in brutis ani-
malibus, quæ prona terram spectant, et tuæ
venæ lacteæ supra lumbos et dorsum sunt
Page 162, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
instratæ, longissime distantes ab ista im-
pulsione. Possuntne intestina superne
adeo reuelli per contractionem muscu-
lorum, ut comprimere valeant istas ve-
nas lacteas ? Hoc ridiculum est.Pag. 79. Propterea aliam perpetuam cau-
sam istius impulsionis quæris in respiratio-
ne, Cuius motu dilatatis ; et contractis pul-
monibus impulsionem chyli in venas lacteas
fieri putat. Attamen tunicam Pulmonum
solidam, et imperuiam esse satuit, quod in-
sufflatis pulmonibus deprehendit falli turpi-
ter Chirurgos qui expirantem è vulnere tho-
racis aërem, candelam extinguere putant.
Testimonium adducit Riolani, qui ta-
men contrarium scripsit in Anthropogra-
phia, cap. de pulmone, quò remitto Lecto-
rem pro responsione ad hunc articulum.Interim monebo Harvævm, lib. de
generatione animalium, pag. 5. meæ opi-
nioni fauere, scilicet membranam exte-
riorem pulmonum esse foraminulentam,
aërem quoquouersum extra pulmones in
alueum thoracis effundi, et ad inferiores
partes penetrare ; atque auibus asperæ ar-
teriæ fines trans pulmones descendere in
abdomen, atque in gallo indico, et galli-
naceo ipso immisso in tracheam arteriam
stylo, transitus è pulmonibus in cauitates
abdominis apertos et patentes inueni.
Page 163, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
Aër eorum pulmones follium opera in-
spiratus, non sine impetu ad inferiora
pertransit.Page 80. In respiratione dum pulmones
dilatantur, deorsum premunt diaphragma,
iecurque, quod tum pistillum agens succu-
tientis per unterualla molis grauamine adi-
git chylum, non tantum è ventriculo, et
intestinis secedere, sed etiam in lacteas im-
pellit. Non explicat in qua parte respira-
tionis pulmones dilatantur, et diaphra-
gam deprimitur. Dein Hepar tangit dum-
taxat colum intestinum in homine, vel
potius illi suppositum est, nulla alia in-
testina comprimit ; Per omnia volumina
intestinorum sunt dispersæ venæ lacteæ,
at intestina gracilia in lateribus medio,
et imo ventre collocata, et disposita ia-
cent : Crassa superne reducta et reuoluta
sunt instar arcus, vel sepimenti tenuia
circumdant. In brutis contrarius est in-
testinorum situs. Quomodo in his iecur
pistilli vicem obire potest suo pondere ?Addis hunc etiam motum compressiuum
iuuare possunt ventriculus, et intestina.
Non video quomodo id præstare queant,
nam deorsum vergunt in brutis, quæ
prona terram spectant, etiamsi bruta in
latera iaceant, in quo situ diu stare ne-
queunt. Deinde, secundum ductum et
Page 164, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
progressum venarum lactearum intus su-
pra dorsum, et lumbos, nulli sunt mu-
sculi extensi, vel accumbentes. Atque
apophyses neruosæ diaphragmatis sunt
immobiles, nec distenduntur. Ergo chy-
lus venarum lactearum vel sponte labitur
supra Cor ascendens, cum nullo modo
propelli queat, vel attrahitur a Corde,
quod est impossibile ratione canalium
dissimilium (a venis istis lacteis) quibus
adnectitur.Pag. 81. Ridicula proponit de motu dia-
phragmatis, Quæ curiose affirmat obser-
vasse in animalibus viuis. Divuidit dia-
phragma in duas partes æquales, ac trans-
uersas, quarum una respicit cartilaginem
xiphoidem : altera dorsum, dum diaphra- {a}
matis partes posteriores deprimuntur in aspi-
ratione, eodem ferè momento vehementi con-
tentione attolluntur anteriores : In expira-
tione diaphragmatis anteriora simul cum
sterno decidunt, et ascendunt unà cum ie-
cinore ventriculoque suspensis, posteriora.
Quæro nunc, quomodo in aspiratione
pulmones penduli, subtus cum hepate
ventriculi subsultu comprimunt inferio-
ra ? nam si attolluntur anteriores partes
diaphragmatis, eleuatur iecur, nec am-
plius pistilli officio fungi potest, molis
grauamine et subsultu ; imò potius in ex-
- Sic pour : diaphrag-.
Page 165, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
piratione, dum anteriora deprimuntur, fie-
ret isthæc compressio, et propulsio chyli
in venas lacteas. Adde quod inferior me-
dietas diaphragmatis in expiratione non
potest ascendere, propter carnosas illius
appendices immobiles, quæ impediunt
eleuationem diaphragmatis. Præterea, si
Iuuenis iste sciret diuersam esse confor-
mationem diaphragmatis in homine, et
brutis, non dixisset diaphragma in duas
partes transversas sectum ; et secundum
diuersam medietatem diuersimode mo-
ueri, quod etsi verum esset in brutis, non
sequitur idem in homine reperiri ; Quia
in homine, centro nerueo diaphragmatis
est adnexum orbiculatim pericardium,
atque mediastinum secundum longitudi-
nem diaphragmatis, à cartilagine xiphoi-
de vsque ad dorsum adhærens, impedit
istas diuersas motiones diaphragmatis, in
vtraque parte respirationis. Insuper, cum
diaphragma sit musculus simplex, vni-
formis, ratione carnis, et fibrarum, quæ
à circumferentia carnosa ad centrum ner-
ueum concurrunt, non potest habere dif-
ferentes motiones, in diuersis partibus,
eodem instanti, puta in expiratione, vel
inspiratione.Præterea negat, In pectore et abdomine
musculos, quos nuncupat respiratorios, quid-
Page 166, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
quam conferre ad eam actionem, per suam
experientiam in viuo animali. Attamen
scripsit pag. 78. Musculorum in abdomine
et thorace contractionem vehementem to-
rorum enixum non parum viscera compri-
mere, et ex intestinis chylum in venas la-
cteas protrudere,Quo teneam nodo, mutantem Protea
vultus.Pag. 83. et 84. quoniam in explicatio-
ne viarum, per quas chylus purus et im-
purus traducitur ad Cor, absurda multa
proposuit.Spectatum admissi risum teneatis
amici.E {a} ventriculo non pauca sæpe, ut {b} ad anum
vel ad vesicam proruunt ante requisitæ {c} co-
ctionis complementum : Nec à ventriculo alia
patet via, præterquam lactearum ad vesi-
cam via extat. Nec mihi tu vas breve ob-
ieceris, ut ab eo ad lienem, indeque per
iecur effusa colligantur ; iterum ut in Cor
ascendant, at in arterias deinde contrusa,
tandem per emulgentes præcipitent : Existi-
mat ergo potius per pylorum eos è ventriculo
liquores effluere, et ex intestinis per lacteas
in detectum ab ipso sub mesenterio chyli re-
ceptaculum trudi, atque illinc partim per
chylosam thoracis semitam, in Cor Sangui-
nis officinam confluere, partim à chylo sepa-
- Sic pour : Quoniam è.
- Sic pour : vel.
- Sic pour : exquisitæ.
Page 167, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
ratos in adjacentes hinc inde renes, vel per
emulgentium arteriarum adhærescentium {a} fir-
miter chyli receptaculo truncorum, {b} qui ob
id fortassis illac secus {c} intus peruius est, et
instar incerniculi transcolando sero ido-
neus, vel si mavis atrabiliariarum quæ ad-
jacent Capsularum vel peritonæi, cuius ob
partium viciniam non parum deuehendis
obnoxia duplicatura liquoribus ministerio
diuertere. Certè nulla commodior mihi qui-
dem ostenditur via, rebus, quæ sæpius abs-
que coctione non solum, sed non conce-
pto calore ventriculo defluunt, excernendis.
Quot verba, tot errores intolerabiles iste
Iuuenis effutiit, Tyrone anatomico indi-
gnos, quos breuiter patefaciam, atque
vias alias apertas et manifestas ad vinum et
aquas minerales excernendas declarabo.
Itaque si chylus impurus absque coctione,
sed ne quidem concepto calore, id est cru-
dus ac indigestus per venas lacteas ascen-
dit ad Cor, transeundo per pulmones de-
uoluitur in Aortam ; si hoc ita sit, nonne
potest inquinare Cor, et pulmones labefa-
cere, et arteriosum Sanguinem. Si ex te
fæx mutatarum carnium cæspitans intra ve-
nas, potest massam Sanguinis corrumpere,
quid non faciet in istis principalibus vi-
sceribus chyli inquinamentum ? Absurda
est via, quam fingit ille, Forsan chylum
- Sic pour : ahærescentem.
- Sic pour : truncum.
- Sic pour : foris intus.
Page 168, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
hunc impurum traduci in emulgentes arte-
rias, inde in vesicam. Quare non indaga-
sti istam anastomosim per tua experimen-
ta in viuis animalibus. Aliam adhuc viam
comminiscitur absurdiorem, Capsulæ atra-
bilariæ adiacentes, possunt istum humorem
impurum excipere, et in renes transmittere,
hinc in vesicam. Falsitatem istarum Capsu-
larum atrabilariarum alibi demonstraui in
mea Anthropographia : absurdissima est hæc
tertia via. Deuehendis liquoribus obnoxia
est duplicatura peritonei ob partium vici-
niam, potest eo diuertere chylus impurus.
Sed quomodo intrabit vesicam, nisi ero-
dat, vel ibi pariat abscessum, vel per dia-
pedesim ingrediatur vesicam, ut olim A-
sclepiades et Lactantius vrinam intrare ve-
sicam crediderunt. Doctus iste Anatomi-
cus non putat vllas vias commodiores
ostendi posse. Vis scire vias potum immo-
dicum aquarum mineralium, et vini lar-
gioris hausti excernendi nosse, indicabo
ex Aristotele, quem tuæ ridiculæ opinionis
authorem fingis, nec unquam legisti. Lien
appositus est ventriculo, ut ex eo attrahat
superfluas humiditates. Animalia quæ ca-
rent aut parce, aut nullo modo bi-
bunt, nec vesicam habent. Inde agnosce
pulmonum consensum cum liene et vesi-
ca ; ideoque aquæ illæ minerales, et vi-
Page 169, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
num exsuguntur à liene per venas, in latus
sinistrum ventriculi dispersas, dein per ar-
teriam splenicam peculiarem lieni, celeri-
ter traducuntur in arterias emulgentes :
hæc via et vera et brevissima est, designa-
ta à Sylvio ad expurgationem lienis per
vrinas.Ridicula est via, quam designas per Py-
lorum eos è ventriculo liquores effluere, et
ex intestinis per lacteas in detectum à te
sub mesenterio chyli receptaculum trudi,
atque illinc partim per chylosam thoracis
semitam in Cor Sanguinis officinam conflue-
re, inde per arterias ad renes. Itaque vinum
et aquæ minerales deducuntur per tuas
venas lacteas, et transibunt per Cor, et
pulmones. Quomodo partes istæ noxam
euitabunt, quam inferre possunt vinum
liberaliter epotum, et aquæ minerales ad
viginti cotylas haustæ. Istam viam de-
monstrauit Conringius per Circulationem
Sanguinis, sed imperitè ; Tu per tuas ve-
nas lacteas imperitius.Nisi confidenter negasses extra recepta-
culum nullas venas lacteas ferri in trun-
cum Cavæ circa renes, facilis erat chyli in-
quinati euacuatio per renes, et dum in v-
rinis sedimentum apparet lacteum per ali-
quot dies, et menses, merito pronuntias-
ses, non esse verum pus, neque pituitam
Page 170, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
putefactam, aut puriformem : (modo
dolor nullus adsit in renibus, nec fuerit vn-
quam, neque cruentæ vrinæ præcesserint)
sed esse portionem chyli per venas lacteas
effusi in cauam, ut obseruarunt alij Ana-
tomici te accuratiores, et oculatiores, vel
illam superficiem albicantem in superfi-
cie Sanguinis vasculo excepti concretam,
quam quidam accipiunt pro pituitoso
humore corrupto : (Aristoteles Sanguinis
portionem crudam et incoctam appellat)
proferres, et ostenderes pro chylo corru-
pto intra venam Cauam.Pag. 85. Sed hoc admirabile, Quod nec
in mesenterio, nec in thorace lactearum post
mortem animalis ulla supersint, nec recepta-
culi supra lumborum vertebras vestigia co-
spiciantur. Quod arguit vanitatem tuarum
venarum lactearum. Aliæ venæ lacteæ
mortuo animali remanent per vnum aut
alterum diem, vt in hominibus suspensis
obseruatum.Pag. 86. Tandem gloriatur, Se post tot
sæcula usurpatum hæmatoseos gloriam he-
pati eripuisse, et aliud ei officium asignasse
præter eam, qua fungitur, vicem postilli, sub-
iectas in infimo ventre partes respirationis
motu percutientis ; Hepar ingenti profluuio
Sanguinis quod accipit à porta, calorem in
ciborum elixationem ventriculo submini-
Page 171, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
strat, et Sanguinem proprio parenchymate
transcolat. Vtque renes eundem Sanguinem
sero repurgans, lien aciditate vindicat, sic
Hepar admixtæ bilis expedit consortio. No-
tat Hippocrates, lib. 4. de morbis, pueros
Hepar Cor vocare, sic tu pueriliter admo-
dum, Cor iecur appellas, si hepatis officio
ex te fungitur. Demonstraui supra falsita-
tem pistilli hepatici, nec quidquam opi-
tulari compressioni intestinorum ad ex-
pellendum chylum in venas lacteas. Si
Hepar Sanguinem refundit ventriculo, il-
le erit venosus à porta manans, contra do-
ctrinam Circulationis Harveianæ, quæ
docte Sanguinem alimentarium distribui
tantum per arterias, venas esse dumtaxat
remeabiles ad Cor. Si Hepar solo calore
confert elixationi ciborum in ventricu-
lo, refrigerabitur in latere sinistro, pro-
pter viciniam lienis, aciditatem sanguinis
elicientis. Si parenchyma hepatis transcolat
bilem, eam dumtaxat sanguinis, quem ac-
cepit porta ex cœliaca arteria, quia non
totus Sanguis eò vergit ut percoletur.
Non ex te, Sapiens est, qui putat bilem esse
excrementum secundæ coctionis, nec alijs
instrumentis, quam hepate separabilem. Er-
go qui aliter sentiunt, sunt ex te insi-
pientes.Pag. 87. Affirmat, Bilem illam, qua se-
Page 172, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
paratur in iecore, non esse secundæ coctionis
excrementum, sed in Sanguine generari, ex
iugi illo, qui fouet Cor, ardore, et calefa-
cit Sanguinem, qui totus bilesceret, nisi isto
emunctorio hepatis expurgaretur. Vt hoc pro-
bet, adducit exemplum sanguinis materni,
qui appellens ad iecur, sua bile, expurga-
tur, et recipitur in cysti supposita hepati.
Sed ille Iuuenis ignorat, quod nihil adeo exco-
ctum esse atque defæcatum, quod non
habeat aliquid dissimile, quod in noua co-
ctione secernitur : sic Sanguis maternus
sæpissime impurus, ex prauo victu quo
mater vsa fuerat, ut fiat fœtui consocialis,
iterum breuiter alteratur in hepate fœtus,
et reprugatur sua bile : si Sanguis ex chylo
elaboratur in Corde, ibi secunda erit co-
ctio collocanda, et sanguificationis excre-
mentum, bilis, referenda erut ad secun-
dam coctionem. Ergo desipis, quando ne-
gas bilem esse excrementum secundæ co-
ctionis. Forsan dices, Generari bilem à
iugi illo, qui fouet Cor, ardore, et calefa-
cit Sanguinem, qui totus bilesceret, nisi isto
emunctorio hepatis expurgaretur. Tu facis
Cordis calorem igneum, in suo statu na-
turali incendiarium, quem omnes blan-
dum, et benignum agnoscunt, nisi per fe-
bres et alias causas externas accendatur.
Quid respondebis Aristoteli, lib. 1 de histo-
Page 173, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
ria animalium, cap. 17. iecur magna ex
parte, maximoque animalium numero
felle caret, ergo non est destinatum iecur
expurgandæ bili Sanguinis, cum istud
officium omnibus iecinoribus conuenire
debeat ?Pag. 88. Ipse dum præuideret obiectio-
nem illam de Sanguine arterioso cœliacæ
arteriæ, qui in portam transmittitur, ac
proinde non totum Sanguinem transco-
lari per Hepar, Adducit sagacitatem na-
turæ in Circulari motu Sanguinis, qui per
varias periodos, siue circuitus uniuersum
Sanguinem tandem in eadem hospitia suc-
cedere facit. Attamen fatetur ingenuè, quo-
modo id faciat non video, nisi totus dedu-
catur per cœliacam arteriam. Quod si fiat,
non excurret ad imos pedes, sed oblique
ante exortum emulgentium arteriarum
deriuabitur totus in cœliacam arteriam, at-
que exangues erunt iliacæ arteriæ, nec re-
fluet Sanguis ab infernis partibus ad supe-
riores, quis vnquam hoc somniauit Ana-
tomicus, ingenij portentum ?Pag. 88. Quærit, Quare cum sero San-
guinis quod emulgetur à renibus, bilis etiam
non eò feratur. Tanti me, inquit, fateor, la-
tet causa miraculi. Mox confugit ad varie-
tatem figurarum seri et bilis, quibus pene-
trantiones redduntur, bilem propterea renum
Page 174, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
imparem meatibus, eò non posse diuertere.
Sic sepia effuso atramento piscatorum
manus effugit, et ridiculum est in liquori-
bus fluidis figuras inuestigare, et adduce-
re, vel fingere.Pag. 91. Triplicem bilem statuit ex San-
guine, quæ cum sero diluta secedit per uri-
nas, duplicem, alteram in iecore demon-
strat, subtilior in cystidem influit, altera
crassior fluit per hepaticum meatum, am-
barum effluxus interiorem intestinorum tu-
nicam mobilitant, et clysteris naturalis vi-
ces obeunt, et mixtim cum recremento ex-
cernuntur ; aciditas abit in nutritionem lie-
nis. Ergo bilis in hepate secreta et colle-
cta, effunditur in intestina. Ergo potest in-
ficere, et corrumpere chylum, qui non
poterit intra venas lacteas istud fel exuere.
Videmus sæpissime fæces croceas excerni,
vrinas simili tinctura præditas, an ideo
chylus sincerior ? Itaque bilis chylum in-
quinare potest, et ita transmissus, ipsum
Cor, et pulmones, massamque sangui-
neam insigniter fœdabit, ipsumque cere-
brum, quum à Corde per carotidas suum
Sanguinem, et spiritum depromat. Lien
quomodo aciditate, siue succo crudo nu-
triri potest ? Ergo talis inerat Sanguini
arterioso simul cum bile, ideoque San-
guis ille Cordis multis impuritatibus sca-
Page 175, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.
tet et sordet, quæ in vniverum corpus
deferuntur, priusquam transeat per cœlia-
cam arteriam, ut in hepate repurgetur.Profecto in hoc tratatu Iuuenis som-
nia animaduerto, quæ ipsius inscitiam in
rebus Medicis et Anatomicis manifeste
declarant.