Pour Galien, l’expérience, fondée sur la perception des sens, et le raisonnement cherchent à distinguer le vrai du faux, et quand l’une et l’autre contribuent à démontrer la réalité d’un fait, il n’y a plus à le mettre en doute. Ainsi raconte-t-il, dans son livre à Épigénès sur le Pronostic, [2] avoir voulu, en présence du consul Boéthos, [3] convaincre Alexandre de Damas [4] qui le contredisait sur les organes de la voix, mais le philosophe récusa le médecin en disant « s’il nous est d’abord permis de croire ce qu’éprouvent nos sens ». [2] Le même Galien, dans ce qu’on suppose être son second Commentaire sur Hippocrate, de la Nature de l’homme, montre que l’anatomie et l’observation directe n’ont pas prouvé l’existence de quatre paires de veines descendant [Page 14 | LAT | IMG] de la tête. Il loue ce genre de démonstration, qu’il préfère au raisonnement ; néanmoins, sur les questions difficiles qui échappent à la perception de nos sens, il admet qu’on se fonde sur ce dont sont convenus les auteurs anciens, pourvu qu’ils aient été fins connaisseurs de l’art sur lequel on cherche à en savoir plus ; [3][5][6] et il appelle cela l’histoire anatomique. Aristote en a traité, [7] et bien qu’il ait donné plus d’importance à l’expérience qu’au raisonnement dans ses ouvrages de physique et d’anatomie, il a pensé et en a jugé autrement dans le livre i, chapitre i, de sa Métaphysique : Scire, et cognoscere magis artis, quàm experientiæ arbitramur inesse ; Ac eos qui artem tenent, non eos qui experientiam habent, sapientiores esse putamus : eo quod sapientia propter scientiam magis omnes sequitur ; hoc autem quoniam illi quidem sciunt, causam hi vero minimè, experti enim sciunt quod est ; propter quod autem nesciunt : illi verò propter quod et causas cognoscunt. [4][8]Cette sentence d’Aristote peut trancher et régler notre controverse. En explorant les lactifères d’Aselli, [9] Pecquet, qui est novice en anatomie, a fortuitement découvert les lactifères thoraciques. [10] Il est compétent pour parler du comment ; mais n’étant pas solidement aguerri en anatomie, il ne peut connaître le pourquoi, c’est-à-dire les causes de ce qu’il a trouvé. Il devait laisser cette spéculation à ceux qui connaissent l’art en profondeur ou, du moins, certainement recueillir leur opinion.
Ainsi est-il hardi et insolent quand il propose que le cœur est le seul organe de l’hématose, et le foie n’est que le filtre et le dépôt de la bile. [5][11][12] Comment prouve-t-il cela ? En disséquant, ses yeux ont vu que les lactifères thoraciques qu’il a trouvés se dirigent du réservoir du chyle [13] vers les [Page 15 | LAT | IMG] veines axillaires. [14] Cette origine et cette terminaison [15] ne suffisent pas, il faut décrire les forces qui, d’en bas, propulsent le chyle vers les axillaires et qui, d’en haut, l’y attirent. La propulsion que décrit Pecquet est imaginaire et impossible à démontrer, car ni la veine axillaire ni le cœur ne la peuvent exercer. On trouve rarement deux canaux thoraciques, le plus souvent, il n’en existe qu’un, qui est grêle et situé du côté gauche. Pecquet et d’autres reconnaissent que ses rameaux d’insertion sont extrêmement fins.
Comment la totalité du chyle peut-elle monter jusqu’au cœur en empruntant une voie aussi étroite ? Il est pourtant certain qu’on trouve du chyle dans ce fin conduit lactifère thoracique. Où en sort-il, où est-il détourné ? Un élan pousse-t-il le chyle à se frayer un chemin pour pénétrer dans l’axillaire ? Selon Pecquet, on ne voit aucun chyle dans les veines mésaraïques, [16] et je dis qu’on n’en voit pas non plus dans les axillaires, à part celui qu’on y fait sortir en appuyant avec les doigts après la mort de l’animal, [17] comme on fait en comprimant les lactifères qui accompagnent les veines mésaraïques.
Toute la difficulté tient donc à rechercher la fonction des lactifères thoraciques. J’ai soumis quatre conjectures dans ma première Réponse à Pecquet et en ai ajouté une autre dans mon Jugement nouveau, [18] que je pense être plus vraie, et à laquelle je croirai et me tiendrai tant que je n’aurai pas trouvé mieux. Le savant anatomiste Charles Le Noble, médecin de Rouen, a avancé sa propre conjecture, que je ne rejette point, mais le procès est toujours sur le bureau. [6][19] Le sage Ecclésiaste dit, chapitres 1 et 3 : Cunctæ res difficiles, non potest eas homo explicare sermone : Deus afflictionem dedit filiis hominum, vt distendantur in eis : cuncta fecit bona in tempore suo, et mundum tradidit disputationi [Page 16 | LAT | IMG] eorum, vt non inueniat homo opus, quod operatus est Deus ab initio vsque ad finem. [20] Multa sunt in corpore, quorum vim rationemque perspicere nemo, nisi qui fecit, potest, dit Lactance. [21] Hæc est utilitas occultorum operum Dei, ne propterea vilescant, ne comprehensa mira esse desinant. Itaque nullus unquam obliviscatur se esse hominem, neque Deo det insipientiam, si non plenè capiat eius sapientiam, dit saint Augustin. [7][22]
Après s’être contenté de montrer l’existence de son réservoir et de ses lactifères qui en montent vers les veines axillaires, Pecquet en déduit que le cœur est le seul organe de l’hématose, et le foie est inutile n’agissant que comme le filtre et le dépôt de la bile, et comme un piston qui secoue le réservoir du chyle et les veines lactées. [5] Deux docteurs de Paris, disciples de Pecquet, [23][24] fondent cela sur la pensée d’Aristote, qui a établi le cœur comme le siège commun de l’âme agissante et pensante, [25] et de la formation du sang ; et ce sans produire d’autre raison ou autorité que celle de leur très ingénieux et fortuné Pecquet qui, animé, comme par métempsycose, par le génie et le talent d’Aristote, a découvert le chemin qui mène le chyle au cœur. Je reconnais que cela vient de ce qu’a dit Aristote en divers endroits, tout particulièrement dans le livre ii sur les Parties des animaux, chapitre iv, [8] mais ils l’ont compris de travers car il a lui-même établi que le cœur commence à se former à partir d’une goutte de sang, comme on le voit dans l’œuf, puis qu’ensuite naît le foie, à partir d’une autre goutte s’écoulant vers le cœur, en sorte que le foie dépend du cœur. Harvey prouve cela dans l’essai l de son livre sur la Reproduction des animaux. [9][26][27] Ce [Page 17 | LAT | IMG] sang contient la chaleur native du cœur, [28] qui est la source de toutes les actions vitales et naturelles. Le sang ne peut donc alimenter le corps ni s’y distribuer s’il n’est d’abord parvenu au cœur. Les autres arguments qu’Aristote a mis en avant ne prouvent que la noblesse et la primauté du cœur.
Il est vrai que le sang, produit et purifié dans le foie, gagne le cœur avant de se distribuer dans tout le corps, comme le démontre la proximité des deux viscères, que la veine cave [29] relie l’un à l’autre : tous les philosophes péripatéticiens [30] en attestent, mais jamais Aristote ni l’un de ses commentateurs n’ont pensé que l’aliment que l’estomac [31] a brassé et modifié passe directement dans le cœur. Le chapitre iii du livre sur les Insomnies contient pourtant ce passage remarquable : « Le sang est conçu dans les veines, le cœur est l’origine des veines ; en tout cas, la nourriture qu’on ingère régulièrement par la bouche est reçue dans ses lieux propres et s’évapore dans les veines, où elle est convertie en sang, et il est constant qu’il se dirige aussitôt vers le principe » ; [10][32][33] l’aliment ne se convertit donc pas en sang dans le cœur. Un autre passage mémorable se trouve dans le chapitre xx du traité sur la Respiration : « Le gonflement de l’humeur émanant de la nourriture, qui accède en permanence dans le cœur, élève sa membrane extérieure ; cela provoque le pouls, qui ne connaît aucune interruption car la matière qui engendre le sang ne cesse jamais de s’écouler » ; mais alors, si l’arrivée de l’aliment s’arrêtait, le cœur cesserait de battre ; la véritable cause du pouls n’est donc pas celle qu’Aristote a établie. Il faut remarquer qu’on ne trouve les mots chyle et chylose [34] ni dans Aristote ni dans Hippocrate, [35] [Page 18 | LAT | IMG] ils ont été introduits en médecine par Galien [36] ou par un autre auteur qui l’a précédé. [11]
Examinons maintenant l’opinion d’Aristote sur le foie et le fiel, au chapitre xv de l’Histoire des animaux : « Ceux chez qui la constitution du foie est saine, et la partie du sang qui, par la sécrétion, se rend dans le foie, est naturellement douce, n’ont pas du tout de bile dans le foie, ou n’en ont que dans quelques petites veines ; ou bien les uns en ont, tandis que les autres n’en ont pas. Aussi, les foies de ceux qui n’ont pas de bile sont-ils doux et d’une belle couleur. Les animaux qui n’ont pas de fiel sont plus vigoureux et vivent plus longtemps, comme le cheval, la mule, l’âne, le cerf, le daim. À l’exception du foie, aucun de tous les viscères n’est nécessaire aux animaux. Le fiel n’a pas été ajouté au foie pour exercer une fonction précise, il semble être un excrément, au même titre que le dépôt qui se forme dans le ventre et dans les intestins. » [12][37][38] Au livre iii des Parties des animaux, chapitre vii : « La nature a établi que des parties de notre corps soient doubles, comme le cerveau, les poumons, le cœur ; au foie, elle a opposé la rate, du côté gauche, qui est comme un foie bâtard. [39] Le cœur et le foie sont indispensables à tous les animaux : le cœur engendre la chaleur ; le foie lui a été adjoint pour digérer la nourriture qu’il lui procure ; et aucun animal doté de sang ne peut se passer de ces deux viscères. » [13] Voilà qui vous démontre leur nécessité.
Page 102, « Le combat qui m’oppose à Riolan est celui de la vérité et, si différente que la sienne soit de la mienne, l’enjeu est de porter un jugement neutre. Un arbitre qui connaît l’équité et prône ses mérites est donc exigé pour contenir les embrasements des litiges. Je n’en choisis bien sûr pas un qui m’aime, mais quiconque cherche la vérité, et ce dans la nudité où je l’expose aux yeux de qui veut la voir. » [14][40] J’accepte volontiers cette condition, et vois qu’il s’en est récemment [Page 19 | LAT | IMG] présenté un à Rouen, en la personne de Charles Le Noble, médecin et très habile anatomiste qui nous a soumis son jugement ; mais peut-être récuserez-vous son arbitrage car il a honoré celui de Riolan ; lequel peut néanmoins trancher très équitablement entre Aristote et Galien car, sous la conduite et les auspices de son oncle et précepteur, le très éminent et incomparable médecin Simon Piètre, [41] qui a dirigé ses études médicales, il a entrepris, dès l’âge de dix-sept ans, de consacrer son zèle à l’anatomie, et a depuis disséqué publiquement des chiens et des cadavres humains, devant ses condisciples et en présence de son maître. [15][42] « Tous les Anciens ont fait voir que l’apprentissage des arts et des sciences tire sa force de l’enfance : ils ont appelé instruits ceux qui y ont ainsi excellé, mais ignorants ceux qui ne s’y sont honnêtement illustrés que durant une brève partie de leur existence », dit Galien au chapitre i, livre ii des Administrations anatomiques. [43] Il me semble avoir tiré cela d’Aristote, au début du livre i des Parties des animaux : « Il existe deux manières, l’une brillante et l’autre terne, d’exposer et d’enseigner : l’une est à proprement parler la science même de la chose ; l’autre n’exige qu’une sorte d’instruction générale. Un homme convenablement instruit se doit en effet de pouvoir porter un jugement pertinent sur la qualité, bonne ou mauvaise, de celui qui lui prodigue son enseignement. C’est à ce signe que nous reconnaissons qu’un homme a été bien éduqué, et estimons qu’il n’y a pas de compétence sans cette capacité à juger. » [16] Voilà pourquoi Riolan a la capacité légitime d’être juge en cette controverse. Un homme honnête, dit Hippocrate, n’est jaloux de personne, et j’affirme sincèrement et en toute bonne foi chrétienne avoir débattu sans fiel ni [Page 20 | LAT | IMG] envie contre Pecquet et les docteurs pecquétiens : Arrogantiæ non est quærere vel asserere veritatem, disait saint Augustin. [17]
Dans son argumentation contre Empédocle, au livre viii de la Physique, Aristote dit qu’on ne doit en rien admettre une proposition sans la moindre preuve, comme un axiome allant de soi. [18][44][45] Riolan a donc contredit Pecquet et les docteurs pecquétiens parce qu’ils n’ont pas suivi ce précepte d’Aristote.
Je poursuis en passant l’examen de vos expériences.
Le dessein de la première est inepte et ridicule. [46] Vous cherchez à démontrer qu’il n’y a pas une goutte de liquide lacté dans la veine porte [47] et dans la cave ; et voici comment vous vous y prenez : après avoir ouvert le thorax, lié maints canaux chylifères derrière l’aorte [48] et sectionné le diaphragme, vous tuez l’animal, et toute sa chaleur le quitte avec son sang ; puis ayant incisé le tronc de la veine cave depuis le cou [49] jusqu’au promontoire du sacrum, où se rejoignent les deux veines iliaques, [50] vous réséquez la veine porte et ses branches. Le corps tout entier s’étant alors vidé de son sang et refroidi, il faut être sot anatomiste pour vouloir que sourde du chyle refroidi dans les cavités de ces veines, puisqu’il est épais, semblable à de la bouillie ; il ne faut donc pas s’attendre à voir un écoulement laiteux. Je vous avertirai au passage que vous vous êtes trompé en écrivant qu’il vaudrait mieux parler de branche que de tronc de la veine cave, comme si la cave se divisait en deux branches, à l’instar de l’aorte, en pensant que ladite branche s’insère dans le dôme du foie, [51] puisqu’elle n’est attachée qu’à sa base, mais vous ignorez visiblement ce que j’ai décrit dans mon Anthropographie. [19][52]
Page 105, vous tirez de votre première expérience des conclusions stupides et ridicules, auxquelles [Page 21 | LAT | IMG] Riolan répond en désignant les endroits où se rendent les branches de votre réservoir, et en prenant pour témoins les anatomistes plus savants et habiles que vous, qu’il a cités dans sa première Réponse à votre opuscule. [20][53] Comme d’autres auteurs, il a appelé « glande » votre « réservoir ». Il est membraneux, mais Vésale [54] a remarqué l’enveloppe de cette grande glande vers laquelle se dirige le tronc mésentérique, et votre réservoir est sous le mésentère de la veine porte. Vous reconnaissez pourtant avoir trouvé des grumeaux dans ledit réservoir, que vous n’avez pas voulu appeler glande comme ont fait Bartholin et d’autres anatomistes, pour ne pas reconnaître l’existence de celle qu’ils ont observée au même endroit. [21][55][56][57]
Page 106, vous décrivez deux canaux lactifères thoraciques, alors que les autres anatomistes n’en ont trouvé qu’un seul, placé du côté gauche. Vous citez divers passages contradictoires sur les lactifères que vous avez extraits de mon livre. Vous en avez tronqué certains, mais pour les autres, je conviens avoir repris les propos d’Aselli, [58] tout en étant parfois en accord et parfois en désaccord avec lui, notamment après avoir trouvé que ces veines lactées étaient des branches de la veine porte, ou qu’elles communiquaient avec elle. Comme est sot ce conteur de sornettes qui cherche des difficultés là où il n’y en a pas, [22] et qui abuse de la patience du lecteur quand il devrait traiter de choses sérieuses !
Page 106, je vous avise néanmoins que vous m’avez filouté en me blâmant pour avoir dit « Encore que ces veines lactées se trouvent dedans les animaux bien repus, en leur ouvrant le ventre quatre heures après, il ne s’ensuit pas qu’il s’en puisse trouver d’identiques chez les hommes », parce que vous avez vous-même écrit qu’il ne subsiste aucun lactifère, ni dans le mésentère, [Page 22 | LAT | IMG] ni dans le thorax, après la mort de l’animal, et qu’on ne voit plus trace du réservoir qui siégeait devant les vertèbres lombaires ; et c’est Pecquet qui le dit.
Page 108, vous reconnaissez que le chyle qui s’écoule dans le cœur n’est ni pur ni franc, mais qu’il est mélangé au sang : vous prêtez donc à rire quand vous cherchez du chyle dans le foie que vous avez disséqué.
[Page 109.] Comme Riolan avait écrit que les maladies liées à l’insuffisance ou à la suppression de la sanguification, et que les auteurs attribuaient au foie, ne dépendront plus de lui, vous vous dites « loin d’être convaincu qu’elles ne dépendent en rien du foie » ; et décrivez une nouvelle pathologie, mais elle est si obscure qu’il faudrait un Œdipe [59] pour l’expliquer. [23] Si le foie est l’émonctoire [60] de la bile, les maladies qu’il engendre sont dues soit à une rétention de la bile dans le foie, [61] soit à une inflammation hépatique ; [62] les remèdes à prescrire seront ceux qui sont capables de purger la bile et d’éteindre l’échauffement du foie. Un médecin qui connaît son métier sait ainsi que Pecquet est profondément ignorant des règles de l’art, et son acolyte avec lui. Il n’y a pas à s’en étonner puisque Pecquet est lui-même intendant de la maison d’un évêque, [63] et son secrétaire, et l’autre est son aumônier ; ainsi conspirent-ils tous deux contre Riolan en s’épaulant l’un l’autre et travaillant ensemble. [24][64]
Page 114, « La rate extrait l’excrément de la masse tout entière du sang. » [65] Je soutiens qu’elle peut extraire et éliminer l’humeur mélancolique en à peine quatre jours, soit après une vingtaine de circulations du sang, [66] parce que peu de sang artériel s’écoule dans le tronc cœliaque [67] et son mouvement le répand [Page 23 | LAT | IMG] dans toutes les parties alvines, sans que l’atrabile soit recueillie et mise à part dans l’une d’entre elles, comme fait le chyle qui est transformé dans le foie. Pour montrer son savoir, ou plutôt son ignorance anatomique, Pecquet débat sur la fonction des parties abdominales, dont Riolan n’a rien dit, et après les avoir toutes examinées, il en vient au pancréas, [68] vers lequel, remarque-t-il, s’écoule la lymphe de Bartholin ; puis il profite de l’occasion pour décrire les vaisseaux lymphatiques [69] en couvrant cet auteur de caresses, étant donné qu’il lui est favorable ; et voilà comme il cherche des chiens pour aboyer avec lui après Riolan.
Page 115, « Ayant ouvert l’abdomen d’un chien vivant, je cherche les lymphatiques : embrassant le tronc de la veine porte comme du lierre, ils sautent immédiatement aux yeux très attentifs des amis qui assistent à ma démonstration ; et après avoir chanté les louanges de leur immortelle description par Bartholin, leur inventeur, etc. » : que cette relation donnée par Pecquet est distrayante et risible ! Qui ne s’amuserait de ces merveilleuses acclamations sur une affaire sans importance, puisqu’il ne s’agit que de lanières ou de filaments grâce auxquels le tronc de la veine porte s’arrime au petit lobe du foie, [70] qui est mou chez l’homme ? Si Bartholin n’avait pas été luthérien, Pecquet et son aumônier de l’évêque d’Agde auraient sans doute chanté un Te Deum laudamus pour glorifier sa découverte des veines lymphatiques. Cette eau, qu’on trouve dans tout le corps, à la surface des chairs, est soit un excrément de la troisième coction, soit la rosée du sang qui sort des veines, par diapédèse, pour nourrir les parties. J’ai débattu contre Bartholin au sujet de sa lymphe : [25][71] [Page 24 | LAT | IMG] celle qui se répand dans tout le corps sert à humecter les articulations et les os, et dans les ulcères des membres, [72] son écoulement est si abondant qu’il est difficile de le tarir. C’est ce que Paracelse a appelé la synovie, [73][74] et Celse, le mélicéria ; [75][76] des chirurgiens allemands en ont traité, Felix Wurtzius dans sa Chirurgia, [77] et Fabrice de Hilden dans le petit livre qu’il en a écrit ; [78] Sebizius, médecin de Strasbourg, en a débattu dans une thèse sur l’Examen des plaies et des ulcères. [26][79] La lymphe ne peut être un aliment des nerfs car ils sont spongieux et, comme dans la totalité du corps, ils sont localisés entre une veine et une artère, ils sont nourris par la rosée qui sort de ces vaisseaux.
Page 116, « Je dirais être parvenu à lever mes doutes réitérés sur l’utilité que peuvent avoir les veines lactées et mon réservoir chez les animaux à jeun et chez le fœtus, [80] où tu ne peux voir la moindre trace de chyle : tu les aurais crus sans fonction, mais tu les découvres désormais très occupés à charrier les flots de lymphe qui y confluent. » Si on ne trouve pas de chyle chez le fœtus, ni dans les lactifères mésentériques ou thoraciques, ni dans le réservoir, ces eaux ne seront d’aucune utilité pour nettoyer les lactifères, non plus qu’aux autres fonctions que Pecquet s’imagine. Aussi longtemps que le fœtus est enfermé dans la prison utérine, son cœur n’assure pas la sanguification ; elle n’appartient qu’au foie, qui digère une nouvelle fois le sang maternel, pour le rendre familier et agréable à l’enfant. Si les canaux lactés du fœtus servent à évacuer les débordements d’eaux, telle sera leur principale utilité.
Au moment où j’allais confier l’édition de cet opuscule à l’imprimeur, [Page 25 | LAT | IMG] le très distingué M. René Moreau, [81] professeur royal et notre très savant collègue, m’a opportunément communiqué la réponse de Bartholin au petit livre d’Olaüs Rudbeckius, [82] publié à Arosia sous le nom de Martin Bogdan. [83] Ce Rudbeckius, professeur d’Uppsala, université de Suède, a écrit contre Bartholin sur les canaux aqueux hépatiques et les vaisseaux des glandes, et se glorifie de les avoir montrés à la sérénissime reine Christine, quand elle régnait sur la Suède. [84] Je fais erreur sur la controverse de Rudbeck, car c’est Bartholin qui, sous le nom de Martin Bogdan, a écrit contre Rudbeck, lequel est le premier à avoir trouvé les tubules aqueux et en fait reproche à Bartholin ; ce livre, imprimé à Leyde en 1654 chez Adrianus Wyngaerden, est intitulé Insidiæ structæ Olai Rudbeckij ductibus hepaticis aquosis et vasis glandularum serosis, Arrosiæ editis à Thoma Bartholino. [27] Ils se battent sur la laine de chèvre, soit une question sans intérêt pour mieux remédier ; [28][85] Galien s’est moqué de ces disputes anatomiques et les a jugées sottes et superflues. Pour apaiser celle qui oppose ces athlétiques inventeurs de nouveautés qui menacent de passer des mots aux coups, tant ils se délectent de leurs eaux ou lymphes, et tandis qu’ils se mordent farouchement et furieusement, je leur verserai à chacun un seau d’eau sur la tête, comme font ceux qui savent maîtriser et dompter les chevaux en furie quand ils se mordent et déchirent atrocement le cou ; ou alors ils boiront l’eau de Cleitor pour vivre dans l’abstinence :
Clitorio quicumque sitim de fonte leuârit,
Vina fugit, gaudetque meris abstemius undis. [29][86][87]Voici comme Rudbeckius conclut-il son livre contre Bartholin : Hæc sunt, Cl. Bartholine, folia ; vide ne in te cadant arbores. [88] Memineris te hominem. Et si ita lubet, congrediamur : ostendam tibi millia errorum in Anatomia tua Reformata, imo omnibus tuis scriptis Anatomicis commiseris, et quamvis in [Page 26 | LAT | IMG] his Tyro merearis audire, qui dictaturam in alios sumis. Vale et monitus sape. [30]
Je fais toutefois remarquer que cette controverse sur les veines lymphatiques ou aqueuses a précédemment été mise au jour par Vesling [89] dans la deuxième édition de son Syntagma, et son élève Dominicus de Marchetis, [90] bien qu’il soit ignorant, l’a exposée dans l’Anatomia qu’il a écrite ; mais elle est si stupide et remplie de solécismes qu’elle est indigne de notre commentaire, [31] propter er-ro-res :
R. Habet Ausonium liber hic, habet atque Pelasgum,
R. Habet Hebræum, prætereaque nihil. [32]Le canal que Wirsung a découvert ne possède pas pour seul orifice celui qui s’ouvre dans le duodénum, [91] car j’ai observé sur le cadavre que d’autres canaux en naissent : ils se dirigent vers le foie en formant hors du pancréas une anastomose ou un plexus, dont ils se séparent ensuite et parviennent au foie, dans lequel ils pénètrent au-dessus de la veine porte et de la branche hépatique du tronc cœliaque. Du susdit canal de Wirsung naissent en outre d’autres conduits très petits et très étroits qui s’éparpillent dans le mésentère et gagnent l’intestin grêle. On ne les voit qu’en disséquant les animaux vivants, et quand ils sont morts, ils prennent l’apparence de filaments. Ceux qui occupent la position la plus basse emportent le chyle de l’intestin grêle dans le pancréas, qui le purifie, puis ceux qui occupent la position la plus haute le mènent au foie ; et le sédiment qu’il en reste sort par le canal qui se termine dans le duodénum pour que cette matière s’en aille dans les intestins. Nous avons observé que ce canal est parfois double. Ce livre a été édité à Padoue le 29 janvier 1652. [33]
Page 119, la deuxième expérience n’aboutit à rien de concluant. [92] Elle cherche à démontrer que le réservoir contient du chyle, ainsi que les lactifères mésentériques quand ils sont remplis, mais j’observe ceci contre les déductions qu’en tire Pecquet : les valvules [93] qui sont placées à l’intérieur du réservoir font obstacle au reflux du chyle dans les lactifères mésentériques. Les rameaux de la branche veineuse mésentérique qui se dirigent vers le réservoir sont donc munis de valvules pour qu’elles n’arrachent pas violemment au foie du chyle qui n’a pas encore été pétri et dégrossi. [34][94]
Page 121, « J’aurais souhaité que Riolan eût tenté cette expérience essentielle, car il eût alors reconnu que, quand on rompt la cavité du réservoir, une grande abondance de chyle s’en écoule et que, confronté à l’étroitesse des lactifères thoraciques, le chyle stagne dans le réservoir. » Vous déclarez ainsi que les lactifères thoraciques sont fins et que le chyle stagne dans le réservoir, puisqu’il ne peut s’écouler dans ces vaisseaux étroits, en sorte que ses humeurs superflues se déposent dans les reins voisins par les émulgentes [95] qui adhèrent au réservoir ; [96] elles reçoivent donc le chyle et le déposent dans les reins, mais c’est ce que vous avez auparavant nié en disant que « le chyle n’est transmis à aucune partie par les veines ». [35]
Page 119, « Riolan, page 168, a tort de croire que “ La rate est placée à côté de l’estomac pour en puiser les humidités superflues ” » : je m’émerveille de la stupidité de Pecquet, dont deux docteurs de Paris font valoir l’intelligence, inspirée par le génie et le talent d’Aristote ; il n’a jamais lu le chapitre vii de son livre iii [Page 27 | LAT | IMG] sur les Parties des animaux, ni divers autres passages qu’il a tirés du livre iv d’Hippocrate sur les Maladies. Riolan, au livre ii de son Anthropographie, page 136, a très amplement disserté sur les fonctions de la rate, et je n’en dirai pas plus ici. [36][97]
Page 122, pour démontrer le mouvement du chyle vers les parties supérieures, Pecquet écrit que « le réservoir et les canaux thoraciques sont attachés à l’aorte, ce dont j’infère que le chyle issu du mésentère se déplace plus rapidement dans les canaux que dans le réservoir » ; il nous a pourtant enseigné plus haut « que le chyle stagne dans le réservoir, puisqu’il ne peut s’écouler dans ces vaisseaux étroits ». Il ajoute que les lactifères du thorax sont secoués par la compression de tous les viscères que contient le thorax, puisqu’ils subissent les battements de l’aorte ; mais il devait désigner ces viscères, car il n’en existe que deux, le cœur et les poumons. Dans un corps sain, le poumon bouge peu ; le cœur et l’aorte sont suspendus au milieu du thorax, et l’aorte n’est couchée sur la colonne vertébrale qu’à l’endroit où elle traverse le diaphragme. [98] Le réservoir se viderait sous l’impulsion des muscles psoas, mais leurs corps charnus sont solidement arrimés aux apophyses transverses ou petites côtes des vertèbres lombaires, et ils ne bougent pas, hormis à leur extrémité inférieure, lors de la flexion de la cuisse. [99] Il ajoute « voilà comment Riolan aurait pu venir à bout des doutes qu’il expose aux pages 167 et 168 », en s’efforçant ainsi d’excuser les erreurs que Riolan lui a fait remarquer. [37]
Page 123, dans sa troisième expérience, [100] il coupe le cœur transversalement au milieu du cône ventriculaire pour voir le sang s’écouler avec le chyle, mais il écrit le contraire dans ses conclusions, page 124 : « Dans [Page 28 | LAT | IMG] la veine cave supérieure, le chyle se mélange au sang comme l’eau au vin, et l’expérience ne manque pas de le confirmer : [101] si tu comprimes la racine du mésentère ou le réservoir quand la veine cave est encore pleine de sang, tu verras le chyle s’y confondre avec lui sans qu’il perde presque rien de sa couleur pourpre ; et il m’est arrivé d’ouvrir l’oreillette droite du cœur et le sang qui s’en est écoulé avait sa couleur ordinaire, car le chyle contenu dans la veine cave avait déjà perdu sa teinte lactée. »
Cette dissection a montré que du chyle s’écoule quand on sectionne ainsi le cœur, mais le lecteur y opposerait une sérieuse objection en se demandant si Pecquet n’a pas introduit dans le cœur une canule remplie de lait, dont il a obturé l’extrémité inférieure avec du suif, puis qu’il a réchauffée de manière que s’en écoule du liquide laiteux : ruse de madré Normand ! [38]
Page 124, « Si le chyle n’a pas été entièrement digéré après une circulation, il reviendra autant de fois que nécessaire dans l’officine cardiaque jusqu’à y avoir été transformé en sang parfait » : je pense que la divine providence a établi l’admirable circulation pour que de multiples passages aboutissent ainsi à ce qu’un seul n’avait pu accomplir ; Pecquet est donc grandement redevable à Harvey d’avoir découvert la circulation [102] car sans elle, le chyle de Pecquet n’aurait rien pour le pousser vers le cœur, et celui qui nierait ladite circulation et démontrerait qu’elle est fausse réduirait à néant la sanguification cardiaque de Pecquet. C’est pourquoi je maintiens ce que j’ai prouvé contre Harvey et Schlegel : [103][104] le sang ne circule ni dans la première ni dans la troisième région du corps ; le chyle de Pecquet n’est donc pas purgé de ses excréments.
[Page 29 | LAT | IMG] Page 126. « Je ne puis là-dessus qu’être surpris par la légèreté des objections riolaniques, quand il dit que “ Le chyle cru et non digéré, chargé de divers aliments, s’écoule jusqu’aux branches subclavières de la veine cave et atteint le cœur, etc. ”. » Ce n’est pas la même chose de dire que la totalité du chyle monte dans le cœur et de dire qu’une petite portion y pénètre pour y fermenter, ce dont Riolan convient pour le chyle cru et non digéré. Vous êtes bien sot de tenir cette partie du chyle qui monte dans le cœur pour sa totalité, qui y parviendrait pour être transformée en sang.
Même page, « Pourquoi, je vous le demande, mon cher Riolan, dites-vous que ce chyle déposera ses ordures dans les poumons en passant le ventricule droit, ou les entraînera avec lui dans le ventricule gauche du cœur ? » [105] Cette petite partie du chyle qui s’accroche dans le ventricule droit, entrelacée d’aspérités et de filaments, peut s’y attarder un peu et subir une élaboration, puis ensuite s’en écouler avec le reste du sang ; et si on la met à part, elle ne représente pas la totalité du chyle qui traverse rapidement le cœur. Riolan parle de cette portion particulière du chyle et non de sa totalité ; et c’est à elle qu’il attribue partout quatre fonctions, mais en les sachant incomplètes et en les proposant toujours avec circonspection. [6]
Page 127, vous écrivez que le chyle qui est parvenu au cœur ne peut qu’être expédié dans les émonctoires que sont les reins [106] pour le sérum, [107] le cerveau pour la pituite, [108] le foie pour la bile et les aigreurs, le pancréas pour la lymphe, [109] la rate pour les lies et l’excrément mélancolique. [5][8] Le cerveau sera donc l’émonctoire du chyle qui a été préparé dans le cœur ; quant à la lymphe, qui l’a été dans le pancréas et bien qu’elle soit un excrément du sang, [110] elle s’écoulera dans le cœur en passant par les canaux thoraciques. Comme [Page 30 | LAT | IMG] cette élimination des excréments est absurde, car les voilà contenus dans le sang qui nourrit le corps au cours de sa première circulation, et ils peuvent s’arrêter dans ses diverses parties !
Si la masse du sang que les veines répandent dans la totalité du corps renferme ces excréments, comment les susdites parties peuvent-elles les attirer de tous côtés, alors qu’elles ne disposent pas de vaisseaux qui les relient aux organes que vous avez nommés et qui sont destinés à l’élimination de ces déchets ? Ainsi les excréments du chyle, que le foie a transformé en sang, engendrent-ils la bile que recueillent des vaisseaux particuliers et que d’autres voies éliminent ; [111] ainsi le sang mélancolique est-il extrait de la rate par la veine splénique, [112] puis passe par une artère splénique particulière [113] pour être purgé dans les reins ; [39][114] ainsi, quand le chyle est filtré, la pituite qu’il contient s’accroche-t-elle aux membranes des intestins et les imprègne-t-elle ; et une mucosité pituiteuse s’incruste-t-elle dans les parois de l’estomac.
Page 128, Riolan a remarqué à plusieurs reprises qu’il est futile d’écrire, comme l’a pourtant fait Pecquet, que le chyle superflu se dépose dans les reins en passant par les branches des veines émulgentes.
Page 128, il me reproche deux fois mon obstination à repousser son dogme, alors que le chirurgien Gayan, [115] qui est habile anatomiste, m’en a montré la subtilité. Je reconnais de bonne foi qu’il ne m’a fait voir que les lactifères du mésentère et un canal thoracique unique, qui avait l’épaisseur du tuyau d’une plume de poule et contenait un liquide plombé, mais sans aller plus loin dans sa dissection. [Page 31 | LAT | IMG] Je me suis contenté de regarder ce conduit et n’ai pas douté de son existence. Notre différend ne porte que sur son rôle dans l’attribution de la sanguification au cœur. Il est faux de dire que votre adjoint m’a très souvent présenté votre proposition de me faire vous-même une plus ample démonstration des lactifères thoraciques. Je n’en ai plus entendu parler qu’après la parution de votre livre, que les deux docteurs parisiens qui sont vos disciples m’avaient cachée, et vous m’avez rencontré maintes fois sans jamais rien me dire de ces questions anatomiques pour en connaître mon opinion. Ou je n’étais pas digne de ces mystères sacrés d’Éleusis, [116] ou ils redoutaient mon jugement. Je n’ai pourtant jamais refusé d’apprendre quelque chose de nouveau, car aucun âge n’est trop avancé pour le faire, et pour parler comme Solon : [117] Addiscens semper plurima fio senex. [40]
Jean ii Riolan répondait à la seconde édition (Paris, 1654) des Experimenta nova anatomica. Jean Pecquet avait peu amendé la première (1651), que la première Responsio de Riolan (1652) avait rudement étrillée, mais y avait ajouté :
Galien, Livre à Épigénès (Postumus) sur le Pronostic, {a} chapitre v (Kühn, volume 14, pages 626‑629, traduit du grec) :
Flavius Boëthus, vir consularis, quam fuerit et honesti studiosus et doctrinæ cupidus, tu quoque nosti. Utebatur autem præceptore sectæ Peripateticæ Alexandro Damasceno ; qui quidem et Platonis scita noverat, sed Aristotelicis magis adhærens. Quum igitur rogasset me ut per sectiones docerem quomodo respiratio et vox fieret […]. Quum enim ostenturum me pollicerer nervulorum tenuissimorum, quasi capillarem conjugationem quandam gutturis lusculis inseri, allis ex sinistris partibus, aliis ex dextris, ob quod funiculo interceptos vel sectos animal mutum redditur, ita ut nec vita neque actio ipsius offendatur ; Alexander commodum respondens priusquam ostendatur, hoc primum, inquit, utique tibi concedetur, sed iis, quæ sensu apparent, credere nos oportet.[Le consul Falvius Boétius, homme que tu as connu, était fort soucieux de son renom et désireux de s’instruire. Il avait pour précepteur le philosophe péripatéticien Alexandre de Damas, qui certes connaissait Platon, mais adhérait surtout à l’aristotélisme. Il me demanda de lui enseigner par la dissection comment se font la respiration et la voix (…). {b} Je proposai de leur montrer qu’un réseau capillaire de petits nerfs extrêmement fins s’insère dans les muscles de la gorge, tant à droite qu’à gauche, {c} et que quand on les lie avec un fil ou on les coupe, l’animal devient muet, sans cesser de vivre ni de bouger. Alexandre me répondit alors, avant que je ne m’exécute : « Tu nous accorderas d’abord qu’il nous faut croire ce que perçoivent nos sens. »] {d}
- Dans son article intitulé Le médecin et le consulaire. Les relations entre Galien et Flavius Boéthos sous Marc-Aurèle (Histoire des sciences médicales, 2012, 46 : 55‑65), Danielle Gourevitch a bien situé le contexte de ce livre autobiographique de Galien (sans mettre en doute son authenticité) : en 162 ou 163, Galien arrive à Rome où il est accueilli par son ami Eudème, qui est atteint d’une fièvre quarte ; une consultation s’organise entre le médecin, le philosophe Alexandre de Damas et le consul Flavius Boéthos.
Le mystérieux Épigénês était probablement médecin et, comme Galien, natif de Pergame. Son nom, Επιγενης, « né après », pourrait indiquer, me semble-t-il, qu’il était le frère cadet de Galien, sous réserve, bien sûr, de sa réalité historique.
- Pour la démonstration qu’il va faire devant les amis d’Eudème, Galien dispose de chevreaux et de porcs, mais refuse d’opérer sur des singes.
- Branches des deux nerfs récurrents.
- « Galien furieux quitte alors la salle, en jurant qu’il croyait avoir affaire à des hommes de sens et non à des pyrrhoniens [sceptiques] imbéciles. Le lendemain, apaisé par le consul, il accepte de faire la dissection publique, qui se révèle une leçon remarquable d’anatomie » (Julie Giovacchini. “ L’expérience par les sens, question de philosophe ou question de médecin ? ” L’expérience par les sens dans la philosophie naturelle médiévale, Thomas Bénatouïl, Isabelle Draelants, février 2009, Pont-à-Mousson, France. hal science ouverte).
Galien, loc. cit., chapitre vi, dans un long passage sur les vertus de la dissection (Kühn, volume 15, pages 133‑135, traduit du grec) :
Ut enim si quis Cretam esse insulam negaverit, statim ab omnibus qui id audierint despicietur : quippe qui probe noverint eam esse insulam. Sic quis canibus quatuor esse ventres affirmaverit, unicum vero ruminantibus : hunc illi qui in ruminantibus quatuor et unum in canibus inspexere, facile deridebunt. Id ipsum quoque de venarum sectione dicas ; nam a sensu, non a demonstratione hujusce rei petendum est judicium. Porro quoadusque illi qui in hac re discordes sunt, in suis chartis quicquid illis visum sit descripserint : veritas eos qui sectionis imperiti sunt latebit. Sic itaque cum in hoc præsenti sermone in controversiam venerimus cum his qui ausi sunt affirmare quatuor venarum paria a capite in corpus descendere, dissectionis rudibus nullam possumus validam scriptis afferre demonstrationem, nempe quod demonstratione, sed sensu judice egeat : nisi quis forte velit ea proponens quæ de judicanda historia tum a multis tam philosophis quam medicis tum vel maxime ab empiricis tradita sunt, horum institutis usus judicium afferre. Et equidem antiquiorum judicia atque etiam consensum auctorum minime fugerim, dum illi qui scripsere, fuerint in re de qua scripsere consummati, quemadmodum in dissectatoria disciplina Eudemus et Herophilus, Crateuas et Dioscorides in metallicis medicamentis. Quod si quis hujuscemodi subterfugiat judicium, non modo non poterit octo venas a capite descendentes demonstrare, verum neque tres neque duas, quia una tantummodo vena est et ea maxima quæ cava appellatur, a gibbo jecinoris per totam animalis longitudinem protracta.[Si quelqu’un nie que la Crète est une île, tous ceux qui l’entendront le mépriseront, car ils savent parfaitement que la Crète est une île. De même, si quelqu’un affirme que les chiens ont quatre estomacs, tandis que les ruminants n’en ont qu’un, il sera la risée de ceux qui ont constaté la présence d’un estomac chez les chiens et de quatre chez les ruminants. Tu en diras autant sur la dissection des veines, où l’on ne doit fonder son jugement que sur la perception des sens et non sur le raisonnement ; et ce tant que ceux qui sont en désaccord sur la question n’auront pas publié et précisément décrit ce qu’ils ont vu, car la vérité échappe à ceux qui ne savent pas disséquer. Voilà pourquoi, dans le présent discours, nous engageons une controverse avec ceux qui ont osé affirmer que quatre paires de veines descendent dans le corps depuis la tête, parce que la dissection des bêtes n’a pu nous fournir aucune confirmation solide de ce qu’ils ont écrit, et que le juge a besoin d’une démonstration fondée sur les sens et non sur le raisonnement ; à moins peut-être de vouloir s’en référer aux autres manières de juger qu’ont proposées maints auteurs, tant philosophes que médecins, surtout empiriques. Je ne chercherai guère refuge dans les avis des Anciens, non plus que dans ce dont ils sont convenus, même s’ils ont été fins connaisseurs du sujet sur lequel ils ont écrit, comme furent Eudème et Hérophile pour la dissection anatomique, ou Cratevas et Dioscoride pour les médicaments métalliques. {a} Si quelqu’un veut contester ma sentence, il ne parviendra pas à démontrer qu’existent huit veines descendant de la tête, ni même trois, voire seulement deux, car il n’y en a qu’une : elle est de grande taille, on l’appelle la veine cave et elle parcourt toute la longueur de l’animal en partant de la convexité du foie]. {b}
- V. notes [15], lettre de Jacques Mentel pour Hérophile et [2] supra pour Eudème. Cratevas serait un médecin et botaniste du Pont au ier s. av. J.‑C. dont les écrits ont été perdus. La pharmacopée de Dioscoride (ier s. de notre ère, v. note Patin 7/103) était essentiellement végétale et animale, avec un petit nombre de remèdes proprement métalliques (chimiques), qui n’ont vraiment pris leur essor qu’au xvie s., avec Paracelse (v. infra note [26]).
- Il n’est pourtant pas incongru de dire que deux paires de veines descendent de la tête, les deux jugulaires internes en avant et les deux vertébrales en arrière.
Jean ii Riolan a repris presque mot pour mot la traduction latine d’Aristote (page 385, lignes 21‑22), dans l’édition de Bâle, 1548 : {a}
« Nous estimons que la science et la connaissance ressortissent plus à l’art qu’à l’expérience, et pensons que ceux qui maîtrisent l’art sont plus sages que ceux qui possèdent l’expérience. En toutes choses la sagesse précède en effet la science : le savant ne connaît que fort peu la cause, car il n’en sait que le comment ; tandis que le sage connaît les causes en en sachant le pourquoi. » {b}
- V. note [5], préface au lecteur des Responsiones duæ.
- Traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, 1879 :
« Cependant on croit que le savoir appartient plus à l’art qu’à l’expérience, et on tient pour plus sages les hommes d’art que les hommes d’expérience ; car la sagesse est toujours en raison du savoir. Et il en est ainsi parce que les premiers connaissent la cause, tandis que les seconds ne la connaissent pas ; les hommes d’expérience en effet, savent bien qu’une chose est, mais le pourquoi, ils l’ignorent ; les autres, au contraire, savent le pourquoi et la cause. »
Jean ii Riolan résumait fidèlement la pensée de Jean Pecquet mais ne le citait pas mot pour mot : j’ai donc préféré l’italique aux guillemets.
On disait d’un procès qui n’avait pas encore été jugé qu’il était « sur le bureau ».
Le « Jugement nouveau » de Jean ii Riolan est son Discours contre la nouvelle doctrine des veines lactées (traduit dans son Manuel anatomique et pathologique en 1661). Il y a exposé, pages 187‑188, ses cinq spéculations sur l’utilité du chyle qui parvient dans la veine cave supérieure. La dernière supposait « qu’une portion du sang, s’étant épaissie par le mélange de ce chyle, demeure et tarde plus longtemps dans le cœur, pour y servir, comme d’un levain plus chaud et plus acide, à la préparation du nouveau sang artériel ».
Charles Le Noble a donné son hypothèse dans la première partie de sa lettre à Riolan (dernier paragraphe, pages 15‑16) : « Je prétends que, par les voies indiquées plus haut, une autre partie du chyle, principalement celle qui est aqueuse et déliée, s’écoule finalement dans le cœur, non pas certes pour y être transformée en sang (car, comme nous l’avons dit, seul le foie assure cette sanguification), mais pour y recevoir, en même temps que le sang, le sceau de la faculté vitale, que communique le fécond et admirable rayonnement du cœur. »
Jean ii Riolan puisait dans trois sources chrétiennes pour blâmer l’immodestie de Jean Pecquet.
« Toutes choses sont difficiles, l’homme ne peut les expliquer par la parole. Dieu a infligé le labeur aux fils des hommes pour qu’ils s’y tourmentent. Il a fait toute chose bonne en son temps ; il a remis le monde aux supputations des hommes, bien qu’ils n’aient pas besoin de trouver ce qu’il a voulu faire, du commencement jusqu’à la fin. »
Lactance, De l’Ouvrage de Dieu, chapitre xiv, premier paragraphe De intestinorum quorumdam ignota ratione [Sur la raison inconnue de certains viscères] :
« Il est certain qu’il y a beaucoup de choses dans le corps humain dont personne ne peut voir la fonction et la raison, hormis celui qui l’a créé. »
« Dieu a enveloppé ses œuvres de mystère pour qu’elles ne perdent pas leur valeur et leur pouvoir de nous émerveiller : nul ainsi n’oubliera qu’il est un homme, et nul ne trouvera Dieu fou quand il ne comprendra pas pleinement sa sagesse. »
Ce chapitre d’Aristote touche à la relation inconstante entre l’épaisseur du sang (sa richesse en fibres) et l’intelligence des animaux. Jean ii Riolan devait plutôt penser au chapitre i du même livre : v. note [10], Experimenta nova anatomica, chapitre i.
William Harvey, loc. cit., pages 189‑194, essai intitulé De Generationis ordine : et primùm, de particula genitali primâ [L’ordre de la génération, et d’abord de la première particule génitale] : {a}
Ratum sanè est, et in ovo manifestè apparet, quod Aristoteles de perfectorúm animalium generatione enuntiat : nimirum, non omnes partes simul fieri, sed ordine aliam post aliam ; primùmque existere particulam genitalem, cujus virtute postea (tanquam ex principio quodam) reliquæ omnes partes prosiliant. […]Ideóque, ut Medicorum quorundam malè philosophanticum opinionem (quæ tres partes principales, ac primogenitas, cerebrum, cor, et jecur, ex tribus vesiculis, sive bullis, simul exoriri astruit) plurimis observationibus motus, rejiciendam arbitror ; ità neque Aristotelis ipsi assentiri possum, qui Cor esse particulam hanc genitalem et animatam statuit. Nam reverâ sanguini soli privilegium hoc deberi existimo : is enim est, qui primus in generatione conspicitur. Idque non solùm in ovo, sed in omni fœtu, animaliumque conceptu primo contingere, mox palàm fiet.
Apparet, inquam, ab initio punctum rubrum saliens, vesicula pulsans, fibræque indè deductæ, sanguinem in se complectentes. Et, quantùm ex accurata inspectione discerenere licuit, fit sanguis, antequam punctum saliens efformatur ; idémque calore vitali præditus est, priusquam per pulsum cietur : atque ut in illo, et ab illo pulsatio incipit ; itâ tandem, in ultimo mortis articulo, in eodem desinit. Quippe plurimis experimentis, tum in ovo, tum alibi factis, compertum habeo ; sanguinem id esse, in quo (quandiu calor vitalis non prorsus evanuit) potentia redeundi in vitam continuatur.
[…] statuo, (contra Aristotelem) sanguinem esse primam particulam genitalem : et cor esse ipsius organum, circumlationi ejus destinatum. Quippe functio cordis, est sanguinis propulsatio ; ut in animalibus omnibus sanguineis luculenter patet idémque (in generatione pulli) est officium pulsantis vesiculæ, quam in primis animalium conceptibus (non minùs, quàm in ovo) sæpenumero videndam exhibui scintillâ minorem, micantem, et in actione sua sese constringentem, sanguinemque in ea contentum unà exprimentem, eundemque relaxatione sui recipientem denuo. […]
Tantùm verò abest (quod tamen Aristoteles, et Medici omnes affitmant) ut jecur, aut cor, sit autor et opifex sanguinis ; ut contrarium planè, ex pulli frabricâ in ovo, apertè constet : nimirum, sanguinem ipsum potiùs esse autorem cordis et hepatis. Quod Medici quoque inopinatò videntur confiteri, dum parenchyma jecoris, quandam sanguinis affusionem esse statuunt : quasi nîl aliud esset, quàm sanguis inibi coagulatus. Existere itaque eum antequam vel affundatur, vel coaguletur, necesse est : rémque ità se habere, experientia ipsa luculenter demonstrat ; cùm sanguis in ovo aliquandiu appareat, priusquam corporis, aut visceris alicujus vel vestigium exstet. Ubi tamen nihil sanguinis à matre (quod in viviparis fieri, vulgò arbitrantur) ad fœtum pertingit.
[Sur la reproduction des animaux parfaits, on pense tout à fait, comme Aristote {b} l’a énoncé et comme on le voit manifestement dans l’œuf, que toutes les parties ne se forment pas en même temps, mais l’une après l’autre dans un ordre défini : il existe d’abord une particule germinale, dont toutes les parties puisent ensuite la vertu (comme de leur principe). (…)
Mû par de nombreuses observations, je pense qu’il faut rejeter l’opinion de certains médecins qui raisonnent mal (en imaginant que les trois parties principales et aînées que sont le cœur, le cerveau et le foie naîtraient en même temps de trois vésicules ou bulles). Je ne puis non plus être d’accord avec Aristote quand il déclare que le cœur est cette particule originelle et vitale, car j’estime que ce privilège ne doit véritablement appartenir qu’au sang : c’est en effet lui qui se voit le premier dans la formation, et ce non seulement dans l’œuf, mais chez les embryons de tous les animaux, comme je vais le montrer.
Le point rouge pulsatile apparaît en tout premier : c’est une vésicule battante, d’où naissent des fibres qui contiennent le sang ; en me fiant à ce que j’ai pu soigneusement observer, le sang se forme avant ledit point, et il est doté de la chaleur vitale avant qu’il ne batte, c’est-à-dire avant que la pulsation n’y apparaisse et n’en émane, pour ne plus cesser qu’à l’article de la mort. Les nombreuses expériences que j’ai menées sur l’œuf et ailleurs m’ont montré que dans le sang réside (tant que la chaleur vitale ne s’évanouit pas) le pouvoir ininterrompu de ramener à la vie.
(…) je déclare (contre Aristote) que le sang est la première particule germinale et que le cœur est son premier organe, destiné à lui imprimer un mouvement circulaire : la fonction du cœur est de propulser le sang ; on voit très clairement que, chez tous les animaux pourvus de sang (comme dans la formation du poulet), il possède la fonction d’une vésicule pulsatile ; et j’ai montré qu’aux premiers stades embryonnaires de tous les animaux (tout comme dans l’œuf) on la voit très souvent sous la forme d’un très petit point brillant, qui chasse le sang quand il se contracte et s’en remplit de nouveau quand il se relâche.
Éloignons l’idée que (comme l’affirment Aristote et tous les médecins) le foie ou le cœur soit l’auteur et l’ouvrier du sang, puisque le développement du poulet dans l’œuf montre clairement le contraire, à savoir que le sang est bien plutôt l’auteur du cœur et du foie. C’est ce dont les médecins semblent convenir malgré eux quand ils disent que le parenchyme hépatique a l’apparence d’une accumulation de sang, comme s’il y avait coagulé ; il faut donc qu’il ait existé avant de s’y être accumulé et solidifié, et l’expérience montre clairement que tel est bien le cas, puisque le sang apparaît dans l’œuf longtemps avant que n’existe la moindre trace de corps ou de quelque viscère que ce soit, et que celui de la mère ne peut parvenir au fœtus (comme on pense communément que cela se fait chez les vivipares).]. {c}
- Amsterdam, 1651, v. notule {f} note [17], première Responsio de Jean ii Riolan, 5e partie.
- Livre ii sur la Génération des animaux.
- Chez l’embryon la formation des premières cellules sanguines se produit en dehors de lui, dans le sac vitellin, et donc en effet bien avant l’apparition du moindre organe. Le foie, la rate, puis la moelle osseuse prennent ensuite le relais.
Aristote sur le Sommeil et la veille, {a} Jules Barthélemy-Saint-Hilaire (1847) :
« Le lieu du sang ce sont les veines ; {b} et le principe des veines, c’est le cœur. On peut bien s’en convaincre par l’anatomie. Dès que les aliments arrivent du dehors dans les lieux propres à les recevoir, il y a évaporation dans les veines ; là les aliments subissent un changement qui les convertit en sang, et ils se dirigent vers le principe [c’est-à-dire vers le cœur]. »
- Jean ii Riolan lui donnait le titre de traité sur les Insomnies.
- V. note [15], appendice de la lettre de Jean ii Riolan à Charles Le Noble, pour Jacobus Schegkius sur la formation du sang par les veines.
Ni Hippocrate ni Aristote n’ont en effet employé le mot chyle dans le sens que lui a donné Galien, au iiie s., de suc nutritif qui se transforme en sang : v. notes [1]‑[3] de la Brève histoire du chyle.
Jules Barthélemy-Saint-Hilaire (1847) a donné cette traduction du traité d’Aristote sur la Respiration, loc. cit., § 5 :
« Mais pour le cœur, le gonflement causé par la chaleur dans l’humeur qu’y apporte sans cesse la nourriture, produit le pouls, parce que ce gonflement soulève la membrane extérieure du cœur ; et ce mouvement se fait continuellement parce que l’humeur dont se forme la nature du sang y arrive aussi sans interruption. »
En s’y référant de travers, Jean ii Riolan puisait sans ordre dans quatre des huit paragraphes du chapitre ii, livre iv des Parties des animaux (Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, 1885) :
« [§ 6] Les animaux chez lesquels la constitution du foie est saine et chez lesquels la partie du sang qui, par la sécrétion, se rend dans le foie, est naturellement douce, ne retiennent pas du tout de bile dans le foie, ou n’en ont que dans quelques petites veines ; ou bien les uns en ont, tandis que les autres n’en ont pas. Aussi, les foies de ceux qui n’ont pas de bile sont d’une belle couleur et d’un goût agréable, du moins le plus ordinairement ; et dans ceux qui ont de la bile, la partie du foie la plus douce au goût est précisément celle qui est sous la bile. […][§ 8] La raison reconnaît donc que cette fonction du foie, qui est si utile et si nécessaire, se trouve dans tous les animaux qui ont du sang, et que, selon ce qu’elle est, elle devient la cause d’une vie plus ou moins longue. Il n’est pas moins conforme à la raison qu’une sécrétion de ce genre appartienne à ce viscère et n’appartienne à aucun autre. Car il n’est pas possible qu’aucun fluide du même genre approche du cœur, qui ne pourrait supporter aucune affection violente. Les autres viscères ne sont jamais absolument indispensables aux animaux ; et il n’y a que le foie qui soit dans cette condition. […]
[§ 2] Certains animaux n’ont pas du tout de fiel, le cheval, le mulet, l’âne, le cerf, le daim.
[§ 5] À notre avis, de même que la bile qui peut se trouver dans le reste du corps n’est qu’une excrétion et une pourriture de certaine espèce, de même celle qui est dans le foie n’est également qu’une excrétion d’un certain genre, et n’a pas de but ultérieur, non plus que le dépôt qui se forme dans le ventre et dans les intestins. »
En en donnant cette fois la référence exacte, Jean ii Riolan puisait dans le chapitre qu’il citait : {a}
« Tous les viscères sont doubles. La cause en est la disposition même du corps, qui est double, bien qu’elle se rattache à un principe unique. On y distingue en effet le haut et le bas, le devant et le derrière, la droite et la gauche. C’est encore ainsi que le cerveau tend à être composé de deux parties dans tous les animaux, ainsi que le sont les organes des sens ; c’est là aussi la raison des cavités du cœur. Dans les ovipares, le poumon est si profondément séparé qu’on pourrait croire que ces animaux ont deux poumons. Quant aux reins, tout le monde les connaît ; mais le foie et la rate donnent lieu à des doutes assez justifiés. Ce qui peut faire naître ces doutes à leur égard, c’est que, dans les animaux qui ont nécessairement une rate, elle paraît être une sorte de foie manqué ; et que dans ceux où elle n’est pas indispensable, et où elle est excessivement petite et à l’état de simple indice, le foie est évidemment formé de deux parties, dont l’une tend à être à droite, et dont l’autre, plus petite, tend à se placer à gauche. Cependant cette disposition n’est pas moins évidente chez les ovipares que dans ces animaux-là ; et chez quelques-uns d’entre eux, aussi bien que chez les vivipares, le foie est évidemment partagé en deux, comme, dans certaines contrées, les lièvres paraissent avoir deux foies, de même qu’en ont quelques poissons, et spécialement les sélaciens. {b} Comme le foie est placé plutôt à droite, la rate est devenue nécessaire en quelque mesure, sans être néanmoins absolument nécessaire dans tous les animaux. Ce qui fait que la nature a fait des viscères doubles, c’est qu’ainsi que nous venons de le dire, il y a deux côtés dans l’animal, la droite et la gauche. Chacun de ces côtés exige et cherche son semblable ; ils tendent à avoir une nature qui se rapproche, sans cesser néanmoins d’être double ; et de même que les animaux sont doubles, bien que ne formant qu’un seul et même tout, de même se forme aussi chacun des viscères. […] Le cœur et le foie sont donc indispensables à tous les animaux : d’une part, le cœur est nécessaire comme le principe de la chaleur, car il fait une sorte de foyer où soit déposée la flamme vitale de la nature, et ce foyer doit être bien gardé, comme si c’était la citadelle du corps ; d’autre part, le foie est destiné à aider la digestion. {c} Tous les animaux qui ont du sang ont besoin de l’un et de l’autre de ces viscères. Aussi, ces animaux sont-ils les seuls qui possèdent ces deux viscères à la fois. »
- Traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, 1885.
- Raies et requins.
- Ce qu’on peut interpréter comme voulant dire que le sang se forme dans le foie.
Citation partielle de la page citée de Jean Pecquet, dans le Préambule de sa Nova Dissertatio.
Tenu pour l’un des plus éminents représentants de l’école dogmatique au sein de la Faculté de médecine de Paris, bien qu’il n’ait laissé presque aucun ouvrage imprimé, Simon Piètre, second de ce nom, dit le Grand Piètre (mort en 1618, v. note Patin 5/15), était oncle maternel de Jean ii Riolan, qui a aussi dû sa brillante carrière anatomique à son père, Jean i Riolan.
Après avoir cité Galien (loc. cit., Kühn volume 2, page 281), Jean ii Riolan revenait à Aristote, chapitre i du livre cité (Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, 1885) :
« Toute étude intellectuelle, toute exposition méthodique, la plus humble aussi bien que la plus haute, peut être considérée sous deux faces différentes. L’une de ces faces peut s’appeler proprement la science même de la chose ; l’autre n’exige qu’une sorte d’instruction générale. En effet, quand on a reçu une éducation convenable, on doit être en état de juger pertinemment, quant à la forme, si celui qui parle d’un sujet l’expose bien, ou s’il l’expose mal. C’est même à ce signe que nous reconnaissons l’homme instruit ; et c’est là ce qui nous fait penser de quelqu’un qu’il a été généralement bien élevé, l’instruction consistant surtout à pouvoir faire une distinction de ce genre. »
« Chercher ou affirmer la vérité n’est pas faire preuve d’arrogance », Augustin d’Hippone, Contra Cresconium Donatistam [Contre le donatiste Cresconius], livre iv, § 83.
Dans le chapitre i du livre cité, Aristote contestait l’avis d’Empédocle (v. notule {c}, note Patin 32/8216) sur l’éternité du monde ; mais Jean ii Riolan exposait son argument sans le citer mot pour mot.
Dans l’exposé de l’expérience i de sa Nova Dissertatio, page 103, Jean Pecquet, parlant du tronc de la veine cave, a ajouté entre parenthèses meliùs ramum dixerim [ou pour mieux dire sa branche sus-hépatique], mais sans parler de l’aorte (dont je ne comprends pas bien ce qu’elle vient faire là).
En se fondant sur Aristote, Jean ii Riolan a décrit les rapports du foie avec la veine cave dans le livre ii, chapitre xxiv (page 141), De Vena cava, de son Anthropographia, 1649 : {a}
Magnæ venæ Iecur adnexum est, cum arteria nulla ei coniunctio intercedit : Transmeat ipsum vena à maiore illa producta, qua parte Iecoris Portæ appellantur, sed clariùs lib.3. de hist. animal. infra Cor maioris venæ pars suspensa transmeat septum transuersum, hæretque tum Aortæ, tum Spinæ. Hinc fertur ad Iecur vna breuis, sed lata à qua multæ minutæque in Iecur sparguntur. Truncus ille cauam Hepatis partem perreptans, dimidia sui parte parenchymati affixus est, et circa apicem parenchymatis è trunco insignis ramus exurgit, qui subintrans Hepatis substantiam in duos ramos sectus, mox quilibet tres vel quatuor diuisus, quoquouersum distribuitur.[Le foie est attaché à la grande veine, {b} sans interposition d’aucune artère ; il est traversé par une veine qui vient de sa plus grande face qu’on appelle les portes ; {c} mais il est très clairement dit, au livre iii de l’Histoire des animaux, que, sous le cœur, la partie de la grande veine qui est suspendue au foie traverse le diaphragme, et s’attache à l’aorte et au rachis. {d} Elle émet une veine courte mais large qui se porte vers le foie et s’y éparpille en de nombreuses branches minuscules. {e} Ce tronc se glisse jusqu’à la partie creuse du foie puis s’attache à la moelle du parenchyme hépatique ; en approchant de son sommet, ledit tronc émet une branche remarquable, qui pénètre dans la substance du foie et se divise en deux rameaux, puis aussitôt en trois ou quatre qui se distribuent dans toutes les directions]. {f}
- Opera Anatomica vetera et nova (Paris, 1649), dont la première et principale partie est la 3e édition de l’Anthropographie (v. Bibliographie).
- La veine cave inférieure.
- La veine porte : Riolan la supposait exclue de la circulation ; son sang était animé d’un mouvement de va-et-vient en vase clos, qui amenait le chyle alimentaire au foie deux ou trois fois par jour afin qu’il y soit transformé en sang nouveau, que la veine cave apportait au cœur.
- Référence au chapitre iv, § 1 de ce livre d’Aristote.
- Autrement dit, la veine porte naîtrait de la veine cave inférieure.
- Telle était, selon Riolan, l’origine des veines sus-hépatiques. On peut excuser Jean Pecquet de ne pas l’avoir parfaitement compris.
J’ai respecté la manière dont Jean ii Riolan parle de lui à la première (« je ») et à la troisième personne (« Riolan »), mais j’ai harmonisé ici à la deuxième (« vous ») celle dont il parle de Jean Pecquet.
Dans la première déduction de sa première expérience (v. sa note [4]), Pecquet a cité le nom de « grande glande du mésentère » (glandula magna mesenterii) que Riolan donnait au réservoir du chyle, et énuméré les endroits auxquels il destinait ses branches. Riolan en a aussi parlé dans la préface de sa première Responsio et dans son Discours des veines lactées (v. sa note [19]), mais sans les références anatomiques qu’il allait citer ici.
Dans un latin que j’ai simplifié et essayé de clarifier, Jean ii Riolan reprochait à Jean Pecquet de croire avoir découvert le réservoir du chyle, en niant que d’autres l’avaient identifié avant lui sous le nom de grande glande du mésentère (v. note [6], expérience i de sa Nova Dissertatio).
Habet interjectas glandulas ad spacia implenda et calorem fovendum : [sed majorem unam in exortu glandulam habet quam pancreas post Fallopium Asellius vocat, ab altero pancrate sub ventriculo et duodeno sito diversum. Ex hac Venarum lactearum originem idem verisimiliter deducit, quia ibi in unum omnes coëunt, indeque tum deorsum, tum sursum ad hepar porriguntur. Accedit quod colore illis venis non sit absimili, et venæ hæ ipsæ hic aliquid habet proprii, ut miris anfractibus, gyris flexibusque toto ejus corpore intextæ sunt].[Il {c} est parsemé de petites glandes pour en combler les espaces vides et conserver la chaleur. (À sa racine, il en existe une plus grande, qu’Aselli, après Fallope, appelle pancréas, mais qui est distincte de l’autre pancréas, placé sous l’estomac et le duodénum. {d} Le même Aselli en a déduit que c’est vraisemblablement l’origine des veines lactées, car toutes s’y réunissent en une seule, d’où elles se dirigent ensuite vers le foie, tant par le haut que par le bas. En outre, la couleur de ce pancréas n’est pas différente de celle des veines lactées, dont une particularité est qu’elles s’entremêlent en son sein, sous la forme d’admirables replis tortueux et sinueux).] {e}
V. note [3], Historia anatomica de Thomas Bartholin, chapitre xv pour l’observation de Gabriel Fallope sur ce second pancréas. Bartholin l’a représenté sur sa figure xiv (repères BB), avec cette légende : Glandula mesenterii major, ab Asellio Pancreas appellata, in quam omnes venæ lacteæ connectuntur [Grande glande du mésentère qu’Aselli a appelée pancréas, où se rejoignent tous les lactifères].
Cette structure correspond à ce que Bartholin a appelé les « glandes lactées lombaires » (glandulæ lacteæ lumbares), en 1652, dans le chapitre vi du même ouvrage, et qui correspondent, chez l’homme, au réservoir du chyle que Jean Pecquet avait observé chez le chien en 1651.
En somme, plusieurs anatomistes (dont aussi Jacques Mentel en 1629) avaient décrit la convergence des lactifères dans la racine du mésentère, en lui donnant des noms divers et en ne la voyant bien que chez les animaux disséqués après avoir été copieusement nourris. Elle a donc injustement immortalisé le nom de Pecquet ; mais il a été le premier à en faire le collecteur d’où le chyle monte vers le cou en empruntant le canal thoracique qui aurait, lui, certainement mérité de devenir le « canal de Pecquet » ou « pecquétien », comme l’a proposé Riolan (v. note [24], préface de sa première Responsio).
V. notes [40], lettre de Thomas Bartholin à Johann Daniel Horst (1655), pour ma traduction de qui nodum in scirpo quærit [qui cherche un nœud dans le jonc], et [7], expérience i de la Nova Dissertatio, pour les textes de Jean ii Riolan dont Jean Pecquet a blâmé l’incohérence.
V. note Patin 28/226 pour Œdipe qui résolut l’énigme de la Sphynge de Thèbes.
Jean ii Riolan a omis d’écrire qu’il critiquait la page 109 de l’expérience i, où Jean Pecquet évoquait la cachexie et l’hydropisie avant de se lancer dans une digression fumeuse sur les diarrhées chyleuse et hépatique (v. ma longue note [16]).
Jean Pecquet appartenait à la maison de François Fouquet, évêque d’Agde (v. note [1], épître dédicatoire des Experimenta nova anatomica), mais Jean ii Riolan laissait au lecteur le soin d’identifier l’« acolyte » (minister) de Pecquet. La note Patin 4/1074 désigne avec certitude Samuel Sorbière, alias Sebastianus Alethophilus : à la mort de son épouse, vers 1653, il se convertit au catholicisme, se fit prêtre et entra dans la maison de Fouquet avec la charge d’aumônier (eleemosinarius).
Les Opuscula nova anatomica de Jean ii Riolan (Paris, 1653, v. note [3], épître dédicatoire de la Nova dissertatio) contiennent ses Lymphatica Vasa Bartholini refutata [Les lymphatiques de Bartholin réfutés] (pages 34‑54) : il avait tort de mépriser ce sujet, mais sa relation entre le liquide interstitiel et la lymphe ne manquait pas de pertinence.
Sa plaisanterie sur la religion de Thomas Bartholin tombait à plat car, en 1529, Martin Luther avait lui-même adapté en allemand (Herr Gott, dich loben wir) et mis en musique le Te Deum laudamus, « Dieu, nous te louons », de la liturgie romaine.
Jean ii Riolan se référait ici à cinq auteurs, en tenant les Suisses pour des Allemands (alors que, contrairement à l’Alsace, leur confédération n’appartenait plus à l’empire germanique).
[…] quandoquidem omnia membra synophiam habent, et nihil aliud est, quàm membri locus, quo nutrimenta decoquuntur, et veluti stomachus illius partis et potius mucilago quædam, sanguinis rubea, cerebri alba, densior et tenacior albumine ovi, cum quâdam pinguenide, splenis nigra, fellis citrina, renum, cordis, epatis, pulmonis similis illis membris, matricis punicea, tenax, spissa, medullæ spiceus color, quæ reducta in unum cum membro suo una redditur pars, quod possibile non est, sed quæ subnascitur adunari potest. Synovia virtus retentiva continetur hinc, et aliæ subducuntur.[(…) toutes les parties du corps ont une synovie, qui n’est rien d’autre que l’endroit où sont digérés ses aliments, comme s’il s’agissait de son estomac ; c’est une sorte de morve, qui est rouge dans le sang, blanche dans le cerveau, plus dense et consistante que le blanc d’œuf, avec de la graisse, noire dans la rate, citrine dans la bile ; celle des reins, du cœur, du foie a la même couleur que chacun d’eux, celle de la matrice est pourpre, épaisse et consistante, celle de la moelle est jaune paille. Intimement associée à la partie, elle en assure la cohésion, ce qu’elle ne peut faire elle-même, mais elle donne naissance à ce qui peut le faire. La synovie renferme ainsi un pouvoir de rétention, et ses autres vertus en dérivent]. {e}
- V. note Patin 7/7.
- Opera omnia, Genève, 1658, v. note Patin 8/392.
- Ces variations me semblent défier toute explication étymologique allant au delà du préfixe « syn » qui marque la réunion d’un ensemble.
- « Quatorze livres de Paragraphes », au sens d’annotations recueillies par les auditeurs des leçons de Paracelse.
- La médecine moderne a réduit la synovie au liquide qui lubrifie les articulations, sécrété par la membrane qui les tapisse et qu’on appelle synoviale. La synovie de Paracelse avait une acception beaucoup plus large qui inclut probablement la pituite et la lymphe, comme pensait Riolan, mais aussi les protéines de structure que sont le collagène des tissus solides ou le fibrinogène des liquides corporels.
Est enim quædam sanies, quæ vel ιχωρ, vel melitera nominatur : est pus, quod ελαιωδες appellatur.[Il existe < en effet > {a} une sanie appelée ichor, une autre nommée mélitère, et une espèce de pus appelée élaïôdés]. {b}
- Cet enim de Celse voulait distinguer le mélitêra qu’il allait définir (et dont parlait Riolan) du mélicéria (μελικηριδες, souvent confondu avec le précédent terme) dont il a dit ailleurs que c’étaient des tubercules semblables aux écrouelles (Remarques critiques de Daremberg, note (g) sur ledit chapitre, page 713).
- Huileux.
« Piège que Thomas Bartholin a tendu aux Conduits aqueux hépatiques et aux Vaisseaux séreux des glandes que le Suédois Olaüs Rudbeckius {a} a publiés à Arosia. » {b}.
- Olaüs Rudbeckius, Ole Rudbeck : v. note Patin 4/337 qui résume sa querelle de priorité avec Bartholin dans la découverte des vaisseaux lymphatiques.
V. note [36], Responsio ad Pecquetianos, 5e partie, pour la prétention de Rudbeckius à avoir découvert la voie thoracique du chyle avant Jean Pecquet et sans connaître ses Experimenta nova anatomica.
- Arosia est l’ancien nom de la ville suédoise de Västerås, où avait été publié (1653, in‑4o) le deuxième ouvrage de la querelle :
Insidiæ structæ Cl. V. Thomæ Bartholini Vasis lymphaticis ab Olao Rudbekio Sueco in suis Ductibus hepaticis, et Vasis glandularum serosis Arosiæ editis, detectæ a Martino Bogdano Drisna Marchido.[Martin Bogdan, marquis de Drisna, dévoile le Piège que, dans ses Canaux aqueux hépatiques et vaisseaux séreux des glandes, publiés à Arosia, le Suédois Olaüs Rudbeckius a tendu aux Vaisseaux lymphatiques du très distingué M. Thomas Bartholin].
Son auteur, le médecin suisse Martinus Bogdan (v. notule {c}, note Patin 18/477), était un élève de Bartholin.
Le désordre de ce paragraphe est dû à une correction de Jean ii Riolan qui figure dans l’errata de son livre, où il a remplacé le premier ouvrage qu’il avait cité par le second.
La reine Christine de Suède avait abdiqué en 1654.
Horace, Épîtres, livre i, xviii, vers 15‑16 :
alter rixatur de lana sæpe caprina,
propugnat nugis armatus.[Cet autre cherche des querelles à propos de laine de chèvre {a} et combat armé de niaiseries].
- La question était de savoir si la toison des chèvres est à tenir pour de la laine ou pour du poil. Érasme en a fait son adage no 253.
Ovide, Métamorphoses, livre xv, vers 322‑323 :
« Quiconque se désaltère à la fontaine de Cleitor {a} fuit le vin et n’aime que l’eau pure. » {b}
- Cleitor est une ancienne ville d’Arcadie (Péloponnèse).
- Jean ii Riolan tenait-il le débat sur la lymphe pour une querelle d’ivrognes ?
Insidiæ structæ d’Ole Rudbeck (Leyde, 1654, v. supra note [27]), page 164 et dernière :
« Voilà pour vous les feuilles, très distingué M. Bartholin, évitez que les arbres ne vous tombent dessus. {a} Souvenez-vous que vous êtes un homme. Si ça vous fait plaisir, nous nous rencontrerons, et je vous montrerai mille erreurs que vous avez commises dans votre Anatomia reformata, {b} et même dans tous vos écrits anatomiques, bien que vous ne gagneriez guère à les entendre, car vous êtes un débutant qui exerce sa dictature sur les autres. Vale et méditez sur mon avertissement. »
- Post folia arbores cadere [Après les feuilles tombent les arbres], adage antique, tiré de Plaute (Les Ménechmes), qu’Érasme a commenté (no 1768) :
[…] arborum decidua folia negliguntur, verum aliquando fit, ut ipsæ arbores putres in caput subjecti decidant.[(…) on ne prête guère attention aux feuilles qui tombent, mais il arrive parfois que les arbres vermoulus chutent sur la tête de celui qui est au-dessous].
- V. supra note [21‑2].
Ce paragraphe est une addition qui est imprimée dans l’errata des Responsiones duæ.
Johann Vesling, dans le chapitre iv (pages 37‑44) de son Syntagma Anatomicum [Traité anatomique] (deuxième édition, Padoue, 1647, v. note [3‑1], Experimenta nova anatomica, chapitre vi) et Dominicus de Marchetis, dans le chapitre iv (pages 22‑29) de son Anatomia (Padoue, 1654, v. note Patin 8/9023) ont traité du chyle, du mésentère, du pancréas, du foie et de la rate, mais je n’y ai rien lu qui annonçait ou commentait la dispute de la lymphe. V. infra note [33] pour ce dont Jean ii Riolan voulait parler.
« à cause des er-reu-rs qu’il contient ». Jean ii Riolan empruntait à l’Examen du livre intitulé Remontrances et Conclusion des gens du roi et arrêt de la Cour de Parlement du vingt-sixième novembre m.d.c.x. attribué faussement à Monsieur Servin, {a} conseiller du roi en son Conseil et son avocat en la Cour de Parlement de Paris, comme ayant été faite en ladite Cour sur le livre du cardinal Bellarmin, {b} pour montrer les ignorances, impertinences, faussetés et prévarication qui se trouvent presque en toutes les pages (sans lieu ni nom, 1611, in‑8o), {c} pages 26‑27 :
« Nous commencerons à remarquer les passages de ce livre, duquel la première lettre est un R, qui est arrivé fort à propos, et triplant cette lettre nous l’appellerons justement un livre à trois R, pour lui mettre en front ce distique et éloge convenable à son mérite.R. Habet Ausonium liber hic, habet atque Pelasgum,
Post habet Hebræum, prætereaque nihil. {d}er. ro. res.
r. ρ. ר.
- Le haut magistrat parisien Louis Servin, v. note Patin 20/79.
- Le cardinal jésuite italien Roberto Bellarmino, v. note Patin 16/195.
- Libelle attribué à Michel de Marillac, v. note Patin 45/216.
- « R. ce livre contient Ausone, et aussi Pelasgus, puis après de l’hébreu, mais rien d’autre que des er.ro.res. »
Ausone est un poète latin du ive s. (v. note Patin 9/335), langue où la lettre R se prononce er ; Pelasgus est l’ancêtre mythique des Grecs, dont le R se dit ro, tandis les Hébreux en font res. Les trois syllabes forment le mot latin errores, « erreurs ». Une variante du distique le rend plus facile à comprendre :
R. Habet Ausonium liber hic, R. Habetque Pelasgum,
R. Habet Hebræum, prætereaque nihil.Ces vers, sans leur explication, semblent avoir été utilisés pour la première fois par un calviniste anonyme dans une dispute contre les luthériens. V. note [22], Responsio ad Pecquetianos, première partie, pour une autre occurrence médicale de ce vers, qui a pu inspirer Riolan.
L’Anatomia de Dominicus de Marchetis a paru à Padoue en 1654 (v. supra note [31]), mais son épître dédicatoire, adressée aux directeurs de l’Université de Padoue, est datée de cette ville le 29 janvier 1652.
La structure et les fonctions fictives du canal de Wirsung, sur lesquelles Jean ii Riolan ergotait pour corriger l’opinion de Marchetis, semblent difficiles à tenir pour une anticipation des lymphatiques hépatiques de Thomas Bartholin et Ole Rudbeck. Il me semble que cette addition ne servait qu’à étriller de Marchetis qui avait vigoureusement défendu son maître Vesling contre les attaques de Riolan. L’Anatomia de Marchetis est en effet sous-titrée : Cui responsiones ad Riolanum Anatomicum Parisiensem in ipsius Animadversionibus contra Veslingium additæ sunt [À laquelle ont été ajoutées les réponses à Riolan, anatomiste parisien, sur les remarques qu’il a publiées contre Vesling].
Je ne suis pas parvenu à donner plus de cohérence à la réfutation de Jean ii Riolan sur l’expérience ii de Jean Pecquet : les « rameaux de la branche veineuse mésentérique » (mesenterici rami venosi surculi) sont probablement les lactifères mésentériques (et non les veines sanguines mésaraïques), censés faire parvenir le chyle dans le foie, grâce à de fictives valvules qui l’empêchent de refluer vers le réservoir ; mais cela suppose que les lactifères mésentériques fassent communiquer le foie avec le réservoir lombaire, ce qui est purement imaginaire.
À la déduction iv de l’expérience ii, Jean ii Riolan objectait un propos de Jean Pecquet, que je n’ai pas trouvé dans ses textes ; et le contraire m’aurait surpris car sa découverte a prouvé que le chyle va du canal thoracique au cœur en passant par la veine cave supérieure.
Dans le long chapitre xxiii, De Liene, livre ii (pages 136‑137) de son Anthropographie, {a} Jean ii Riolan a commenté le passage d’Aristote qu’il citait à nouveau, {b} avec ce commentaire :
Sujungit, Animalibus quibus Pulmones magni sunt, et multùm potus desiderant, magnum inesse Lienem : iis verò quæ pulmonibus carent, nec multùm potus requirunt, exiguumn aut nullum Lienem datum fuisse. Qui octo vel decem libras aquarum medicatarum ebibunt, quas intra tres vel quatuor horas continenter meiendo excernunt, per quos ductus tam citò feruntur ad Renes ? An ab Intestinis per mesaraicas venas ad Hepar traducuntur, ab Hepate per venam Cauam ad Renes decurrunt ? Hæc via longa est, et nimis ambagiosa : Brevior est magisque recta, si aqua ex Ventriculo per Vas breve à Liene rapiatur, inde per arteriam Splenicam, mox à trunco Aortæ per Emulgentes arterias ad Renes deriuetur.[Il {c} ajoute que la rate est grande chez les animaux qui ont de grands poumons et ont besoin de boire beaucoup ; tandis que ceux qui n’ont pas de poumons et boivent peu ont une petite rate ou n’en ont pas. Ceux qui ingurgitent quatre ou cinq litres d’eaux minérales les pissent continuellement pendant trois ou quatre heures, mais par quels conduits gagnent-ils si rapidement les reins ? Sont-ils conduits des intestins dans le foie, par les veines mésaraïques, puis descendent-ils du foie dans les reins par la veine cave ? Cette voie est longue et fort sinueuse ; une plus brève et beaucoup plus directe va de l’estomac à la rate par le vas breve, {d} puis par l’artère splénique, immédiatement dans l’aorte, pour gagner les reins par les artères émulgentes].
- Paris, 1649, v. supra note [19].
- V. note [31] de sa première Responsio, 4e partie.
La référence hippocratique dont Aristote se serait inspiré est au § 37, livre iv des Maladies (Littré Hip, volume 7, pages 553‑555) :
« Je dis que quand on boit trop, l’eau est attirée du ventre et par le corps et par la rate, et que si elle pompe plus qu’il ne faut, le sujet souffre aussitôt ; ceux qui ont quelque affection de la rate s’en aperçoivent fort bien. La rate ayant pompé, le mieux est que la vieille eau qui est dans la rate soit filtrée dans la vessie ou dans le ventre, et expulsée par ces voies. En effet, l’eau de la rate ne se purge pas par les parties supérieures, si ce n’est le peu qui est dans les vaisseaux provenant de la rate ; et la seule purgation est par le ventre et la vessie ; mais si ces voies ne sont pas libres et qu’il n’y ait pas filtration, l’eau va de la rate dans les parties inférieures, et de là se mêle au reste de l’humeur ; si elle est en petite quantité, elle ne se fait pas sentir, mais elle est filtrée hors du corps, dans la vessie et dans le ventre, par les veines, car il y a beaucoup de veines, venant du corps, qui, devenues plus sèches qu’elles n’étaient auparavant, puisent dans les parties inférieures ; mais si une nouvelle eau est produite, et que le ventre et la vessie ne l’expulsent pas, la rate se gonfle et les parties inférieures du corps deviennent douloureuses. Voilà mon explication comment et pourquoi l’eau s’augmente dans le corps par la boisson, et comment la rate attire. »- Aristote.
- V. note [20], Dissertatio anatomica, chapitre xi, pour cette fiction anatomique.
V. note [4], Nova Dissertatio, expérience ii. Les arguments mécaniques de Jean ii Riolan contre le mouvement ascendant du chyle sont nettement moins convaincants que ceux que Jean Pecquet lui avait opposés.
À court d’arguments, Jean ii Riolan en venait à d’insultantes accusations de fraude expérimentale, assorties de mépris xénophobe.
Jean ii Riolan a exposé sa singulière conception de l’artère splénique {a} dans le chapitre de son Anthropographie consacré à la rate, pages 139‑140 : {b}
[…] Lienem esse emunctorium Hepatis, reconditorium crassioris sanguinis, ac proinde opitulari ipsi Hepati, dum talem humorem ad se rapit : Quinetiam chylosi inservire, dum ex Ventriculo superfluum humorem exsugit, vt melior fit chylosis et consistentiæ crassioris chylus. Superfluus hic humor per arteriam splenicam in Aortam deriuatus, ab emulgentibus arteriis rapitur, deductus in Renes, et Vesicam, sicque Hippocratis et Aristotelis conformis opinio conciliari potest cum Galeno, quia istud officium emulgendi liquorem superfluum ex Ventriculo, non impedit crassioris sanguinis conseruationem in eodem viscere. Cùm enim Vena Porta sit distincta à Vena Caua : et intra Hepar ex chylo sanguinis elaborati, tenuior portio transferatur in Cauam, impurior traditur per Venam Portam partibus aluinæ regionis alendis. Cùm autem sint quamplures, natura parauit reconditorium sanguinis, et emunctorium alterum Hepatis, Lienem ex quo tanquam Promocondo, si deficiat sanguis in Hepate, vel in trunco Venarum Mesaraicarum esca repetitur. Sanguis verò lienosus, quia limosus et crassus, alterius sanguinis arteriosi affluxu, et permistione attenuatus, et auctus, aptior sit nutriendis partibus aluinæ regionis, et refluus in Hepar, quandiu integer est, ipsum lædere non potest.[(…) la rate est l’émonctoire du foie, le dépôt du sang fort épais ; elle vient donc à l’aide du foie quand une telle humeur s’empare de lui ; qui plus est, elle est utile à la chylose quand elle puise dans l’estomac un excès d’humeur, de manière à produire un chyle de meilleure qualité et de consistance plus épaisse. Ce surplus d’humeur passe par l’artère splénique pour être dérivé dans l’aorte, puis capté par les artères émulgentes pour être conduit dans les reins et la vessie. L’opinion d’Hippocrate et d’Aristote peut ainsi être réconciliée avec celle de Galien, {c} parce que cette fonction qui consiste à extraire de l’estomac un excédent de liquide n’empêche pas de conserver un sang très épais dans ladite rate. La veine porte et la veine cave jouent un rôle distinct : la portion la plus ténue du sang qui est élaboré dans le foie à partir du chyle est transférée dans la veine cave et sa portion la plus impure, dans la veine porte pour nourrir les parties de l’abdomen. Comme elles sont fort nombreuses, la nature a établi la rate pour être un dépôt de sang et le second émonctoire du foie ; {d} elle intervient, comme fait un sommelier, si le sang manque au foie ou si la nourriture retourne dans le tronc des veines mésaraïques. Le sang splénique est rendu plus apte à nourrir les parties abdominales car il est limoneux et épais, et a été augmenté et atténué par l’afflux de l’autre sang, qui est artériel ; et aussi longtemps qu’il est sain, il ne peut léser le foie s’il y reflue].
- V. note [13], Nova Dissertatio, expérience i.
- Paris, 1649, v. supra note [19].
- V. note [2], 2e partie du Clypeus.
- Le premier est la vésicule biliaire.
« Je deviens vieux en apprenant toujours beaucoup » : v. note [44], lettre de Sebastianus Alethophilus, pour cet adage de Solon qui fut habité par la faim d’apprendre jusqu’à la dernière heure de sa vie.
Page 13, Ioannis Riolani Responsiones duæ.
ioannis
riolani
responsio altera
ad
ioannem pecqvetum.
Dvo sunt apud Galenum, verita-
tis indagandæ et confirmandæ
critiria Sensus siue Experientia,
et Ratio. Cùm vtrumque concur-
rit ad probationem alicuius rei,
non est amplius de ea dubitan-
dum. Sic Galenus, lib. de Præcognitione ad Post-
humum, Alexandrum Damascenum contradi-
centem in organis vocis, coram Boëto Consule
conuincere voluit. At ille recusauit (si priùs,
inquit, nobis concessum fuerit, sensibus nostris
credere.) Idem Galenus, in comment. ad lib. 2.
Hipp. spurium de natura Humana, {a} quatuor pa-
ria Venarum descendentium à capite non exta-
re per Anatomem et oculatam inspectionem
- Sic pour : in spurium comment. 2. ad lib. Hipp. de natura Humana.
Page 14, Ioannis Riolani Responsiones duæ.
demonstrauit. Quod genus demonstrationis lau-
dat, et præfert rationi. Attamen in rebus abstru-
sis, quæ sensus nostros effugiunt, permittit alio-
rum Authorum antiquorum consensum produ-
cere, modò sint consummati in ea arte, de qua
aliquid inquiritur. Et hoc appellat historiam
Anatomicam, de qua tractauit Aristoteles.
Quamuis Aristoteles in Physicis et Anatomi-
mis {a} prætulerit experientiam rationi, attamen
lib. 1. Metaphysicæ, cap. 1. aliter sentit et opi-
natur, scire, et cognoscere magis artis, quàm ex-
perientiæ arbitramur inesse ; Ac eos qui artem te-
nent, non eos qui experientiam habent, sapientiores
esse putamus : eo quod sapientia propter scientiam
magis omnes sequitur ; hoc autem quoniam illi qui-
dem sciunt, causam hi vero minimè, experti enim
sciunt quod est ; propter quod autem nesciunt : illi
verò propter quod et causas cognoscunt.Hæc sententia Aristotelis nostram controuer-
siam dirimere et iudicare potest. Pecquetus, No-
uitius Anatomicus, inuestigando lacteas Ve-
nas Asellij, fortuitò inuenit lacteas Thoracicas.
Expertus loquitur, ac demonstrat το οτι ; sed cùm
non sit peritus et consummatus in arte Anato-
mica, non potuit scire το διοτι, et causas huius
inuenti deprehendere. Peritis in arte relinquen-
da erat ista disquisitio, aut certè eorum iudicia
captanda.Itaque audax et insolens est hæc propositio :
Cor solùm hæmatoseos organum : jecur solius bilis
colatorium et reconditorium. Quomodo id proba-
tur ? sensu oculorum per Anatomem, detectis
lacteis thoracicis à receptaculo Chyli ad axil-
- Sic pour : Anatomicis.
Page 15, Ioannis Riolani Responsiones duæ.
lares protensis. Ista productio et insertio non
sufficiunt : declaranda sunt impellentia infernè
Chylum ad axillares, et attrahentia supernè ad
hunc locum. Impellentia Pecqueti sunt imagina-
ria, nec demonstrari possunt, attrahentia nulla
sunt, nec Vena axillaris, neque Cor id præsta-
re queunt. Tubuli Lactei Thoracici rarò duo
reperiuntur, sæpissimè vnicus, isque sinister,
exilis ; oscula {a} insertionis sunt etiam exilissima,
confessione Pecqueti, et aliorum.Quomodo potest totus Chylus ascendere per
istam viam adeo angustam ad Cor ? At certum
est reperiri Chylum in isto tubulo lacteo Tho-
racico. Quò abit, aut diuertitur ? an impetu quo-
dam viam sibi facit ad penetrandum in axilla-
rem ? Nullus Chylus deprehenditur intra Ve-
nas Mesentericas, ex Pecqueto : similiter dico
neque intra axillares, nisi digitis protrudatur
post mortem animalis. Id etiam fieri potest in
lacteis quæ iunctæ sunt Mesentericis.Idcirco tota difficultas versatur in perquisi-
tione vsus lactearum Thoracicarum. Meas con-
jecturas proposui quatuor, in Responsione prima
ad Pecquetum ; et in Iudicio nouo, aliam conie-
cturam adduxi, quam puto veriorem esse, et in-
qua consisto et hæreo, donec meliorem inuene-
rim. Doctus Anatomicus Carolus le Noble,
Medicus Rothomagensis, suam coniecturam pro-
babilem protulit, quam non repudio : et adhuc
sub iudice lis est. Cunctæ res difficiles, non potest eas
homo explicare sermone : Deus afflictionem dedit
filiis hominum, vt distendantur in eis : cuncta fecit
bona in tempore suo, et mundum tradidit disputa-
- Sic pour : oscilla.
Page 16, Ioannis Riolani Responsiones duæ.
tioni eorum, vt non inueniat homo opus, quod ope-
ratus est Deus ab initio vsque ad finem : inquit Sa-
piens Ecclesiast. cap. 1. et 3. Multa sunt in cor-
pore, quorum vim rationémque perspicere nemo,
nisi qui fecit, potest : ait Lactantius. Hæc est vtili-
tas occultorum operum Dei, ne propterea vilescant,
ne comprehensa mira esse desinant. Itaque nullus
vnquam obliuiscatur se esse hominem, neque Deo
det insipientiam, si non plenè capiat eius sapien-
tiam : ait D. Augustinus.Contentus fuit Pecquetus monstrasse suum
Receptaculum, Venas lacteas Thoracicas ad
axillares protensas. Inde concludit, Cor solum
hæmatoseωs organum, iecur inutile, bilis solius co-
latorium et reconditorium, atque pistillum succu-
tiens receptaculum Chyli et Venas lacteas. Docto-
res duo Parisienses, Pecqueti Discipuli, id pro-
bant authoritate Aristotelis, qui vegetantis et
sentientis animæ communem sedem statuit in
Corde, ibi sanguinem elaborari, et semitam tra-
ducendi Chylum ad Cor, Pecquetum ingenio-
sissimum et felicissimum, per Metempsychosim
genio et ingenio Aristotelis animatum, depre-
hendisse. Nec aliam rationem neque authorita-
tem producunt. Fateor hoc ab Aristotele, variis
in locis, et præsertim cap. 4. lib. 2. de partibus
animalium pronunciatum, sed perperam intel-
lectum ; Nam ipse constituit Cor primum gene-
rari, eius rudimentum repetit à sanguinis gutta,
vt in ouo conspicitur, ex qua formatur Cor :
Dein Iecur ex alia gutta affluente ad Cor, ita
vt Iecur ab ipso Corde dependeat. Id probat
Haruæus, lib. de generat. animal. cap. 50. In hoc
Page 17, Ioannis Riolani Responsiones duæ.
sanguine Cordis calidum innatum contineri, at-
que istud calidum omnium actionum vitalium
et naturalium esse opifex. Propter {a} sanguinem
non posse alere nec distribui, nisi primùm ad
Cor peruenerit. Reliquæ rationes, quas Ari-
stoteles adduxit, demonstrant tantùm Cordis no-
bilitatem et principatum.Verum est, sanguinem confectum in Hepate,
et defæcatum priusquam distribuatur toti cor-
pori, deferri ad Cor. Id demonstrant vtriusque
visceris propinquitas, et Venæ Cauæ origo à
Corde, separata à Iecore ; id attestantur omnes
Philosophi Peripatetici ; sed alimentum sub-
actum et alteratum in ventriculo {b} ad Cor de-
uehi nunquam excogitauit Aristoteles, nec vllus
Interpretum. Extat tamen, lib. de Insomniis, c. 3.
locus notabilis, Venæ conceptacula sanguinis sunt,
Venarum autem initium Cor, cibum vtique illum,
qui per os ingeri solet, in loca sua receptum euapo-
rari in Venas, ibique mutatum in sanguinem verti,
et mox principium ipsum adire constat. Ergo non
vertitur alimentum in sanguinem in Corde.
Alter locus memorabilis continetur lib. de re-
spiratione, cap. 20. In Corde tumefactio humoris,
qui semper è cibo accedit ad vltimam Cordis tuni-
cam eleuans, pulsum facit, atque hoc semper sine
vlla intermissione fit, nam semper humor, ex quo
materia sanguinis oritur, continuò influit. At si de-
ficeret appulsus alimenti, cessaret pulsatio Cor-
dis. Ergo non est illa vera causa pulsus in Cor-
de, assignata ab Aristotele. Notandum, quod
Chyli et Chyloseωs nomina non reperiuntur
apud Aristotelem, neque apud Hippocratem :
- Sic pour : Propterea (errata).
- Ajouter : immediatè (ibid.).
Page 18, Ioannis Riolani Responsiones duæ.
sunt in Medicinam introducta vel à Galeno, vel
ab alio, qui eum præcessit.Nunc expendamus opinionem Aristotelis de
Hepate et Felle, lib. de Historia {a} animalium, c. 15.
Quibus Iecoris constitutio salubris est et sanguinis
natura, quæ iecur subeat, dulcis accedit, hi aut
nullum fel in iecore habent, aut Venulis quibus-
dam inclusum continent, aut partim habent, par-
tim non habent. Quamobrem iecinora eorum quæ
felle vacant, dulcia sunt, probéque colorata. Ani-
malia quæ felle carent, sunt viuacioria et longioris
vitæ, vt equus, mulus, asinus, ceruus, dama, om-
nium viscerum nullum necessarium animalibus,
nisi iecur ; Fel iecori adiunctum non rei cuipiam de-
legatum : sed excrementum esse videtur, quomodo
alui intestinorúmque sedimen. Lib. 3. de partibus
Animal. cap. 7. Partes nostri corporis geminas
Natura condidit, in cerebro, pulmonibus, Corde ;
et hepati opposuit sinistra parte lienem, tanquam
iecur adulterinum, Cor et Iecur, omnibus ani-
mantibus necessaria sunt. Alterum propter caloris
originem ; alterum Iecur ad Cor cibi coquendi gra-
tia additum est, atque nullum animal sanguine
præditum his duobus carere potest. Videtis vtrius-
que visceris necessitatem.Pag. 102. De veritate mihi cum Riolano cer-
tamen est. Vtrius nostrum illa sit, neutrius est fer-
re iudicium ; hinc compescendis litigiorum æstibus pro-
ferat æquitatem. Hunc quidem eligo, non sanè, qui
me amet, sed quilibet veritatem quærit, qualem
expono nudam oculis volentium. Accipio lu-
bens istam conditionem, quam video sese nuper
- Sic pour : Partibus.
Page 19, Ioannis Riolani Responsiones duæ.
obtulisse, in vrbe Rothomagensi, dum Carolus
le Noble, Medicus et peritissimus Anatomicus
suum iudicium interposuit. Forsan recusabis
istum Arbitrum et Iudicem, quia laudauit Rio-
lanum, qui tamen iudicio Aristotelis et Galeni
potest esse æquissimus arbiter, quia ab anno æ-
tatis decimoseptimo incœpit monitis et auspi-
tiis sui Præceptoris et auunculi, Simonis Pietrei,
viri maximi et Medici Incomparabilis, qui eius
studia Medica direxit, sedulam dare operam re-
bus Anatomicis, et publicè demonstrabat suis
condiscipulis Anatomica in canibus et corpore
humano, præsente suo Præceptore. Quantum
valeat in artibus et scientiis exercitatio à pueritia,
indicârunt omnes prisci, qui vocarunt eos, qui in
artibus excellunt πεπαιδευμενους : sed breuiter uni-
uersos qui tota vita probitatis titulis inclaruerunt,
et his contrarios απαιδευτους, ex Gal. cap. 1 lib. 2.
Administ. Anatomic. quod videtur depromptu
ex Aristotele, initio lib. 1. de partibus anima-
lium. In omni contemplandi genere, omníque tum
nobiliori, tum ignobiliore docendi via et ratione,
duos esse habitus constat, quorum alterum scien-
tiam rei appellarunt, alterum quasi peritiam quan-
dam : hominis enim probe periti officium est, iudi-
care perspicienter posse, quidnam rectè, aut non re-
ctè ab eo, qui docet exponitur ; quippe eum et ho-
minem omnino peritum, talem esse existimemus,
et peritiam ipsam non nisi facultatem huius officij
esse statuamus. Quapropter Riolanus meritò hu-
ius controversiæ iudex esse potest. Vir probus,
inquit Hippocrates, nemini inuidet ; sincerè et
Christiana fide affirmo me, absque liuore et fel-
Page 20, Ioannis Riolani Responsiones duæ.
le contra Pecquetum, et Pecquetianos Doctores
disputasse : Arrogantiæ non est quærere vel as-
serere veritatem : inquiebat D. Augustinus.Aristoteles, 8. Physic. disputans contra Em-
pedoclem, ait, nullam propositionem quasi axio-
ma et tanquam per se notam, sine aliqua proba-
tione admittit debere. Ideóque Riolanus Pecque-
to et Pecquetianis Doctoribus contradixit, quod
non sequuti fuerint consilium Aristotelis.Pergo ad examen tuorum Experimentorum.
Primi tui experimenti Encheiresis est inepta
et ridicula. Intendis inquirere ac demonstrare,
nullum effluuium alicuius liquoris lactei in Ve-
nam Cauam et Portam ; quod sic demonstras.
Aperto Thorace, innodatis multis canalibus sub
aorta, discisso Diaphragmate, jugulatur animal,
et cum sanguine omnis calor euanescit. Trunco
Venæ Cauæ discisso ab jugulo ad apicem Ossis
sacri, vbi finditur in duos iliacos ramos, resectâ
Portâ eiúsque ramis, vniuersum corpus refri-
geratur, exhausto sanguine ; At ineptus iste
Anatomicus vult videre fluentem Chylum re-
frigeratum in cauitates istorum vasorum, cùm
sit crassus, pulti similis, ac proinde non est ex-
pectandus fluor lacteus. Interea monebo, Te
imperitè scripsisse, Truncum Venæ Cauæ me-
liùs appellari ramum, ac si Caua in duos ramos
finderetur, vt Aorta, eúmque ramum Iecoris
gibbo inseri putat, cùm sit dumtaxat affixus basi
Iecoris, quod ignorauit Pecquetus. Id demon-
straui in mea Anthropographia.Pag. 105. Ex isto primo Experimento, istas
consequentias sumit inanes ac ridiculas, quibus
Page 21, Ioannis Riolani Responsiones duæ.
Riolanus respondet in assignandis locis, ad quos
pertingunt rami tui receptaculi : testes habuit
peritissimos Anatomicos te peritiores et doctio-
res, quos produxit, in prima Responsione ad tuum
Opusculum. Glandulam vocauit tuum recepta-
culum cum aliis Anatomicis, Tuum receptacu-
lum membranosum est, sed inuolucrum istius
magnæ Glandulæ notatæ à Vesalio, ad quam di-
rigitur Truncus Mesentericus, Venæ Portæ
subtus Mesenterium est tuum Receptaculum :
Fateris tamen Te inuenisse grumos quosdam
intra Receptaculum, quos noluisti appellare
Glandulas cum Bartholino, et aliis Anatomicis,
ne agnosceres ibi Glandulas ab illis obseruatas.Pag. 106. Tu duplicem ramum Venarum
Thoracicarum lactearum describis, cùm alij
Anatomici vnicum, illúmque sinistrum repere-
rint. Varios locos de lacteis sibi contrarios ex
libro Riolani depromptos producis, quorum
quosdam detruncasti ; In aliis fateor me loquu-
tum fuisse cum Asellio, et eius opinioni inter-
dum fauisse ; interdum repugnasse, dum compe-
ri istas Venas lacteas esse propagines Venæ
Portæ, vel cum ea communionem habere. Quàm
fatuus est iste nugiuendulus, qui nodum in scir-
po quærit, et abutitur patientia Lectoris, cùm
de rebus solidis tractare deberet.Pag. 106. Interea monebo, me à te decep-
tum fuisse, quando dixi, quamuis extent et repe-
riantur lacteæ Thoracicæ in animalibus bene pastis,
et post quatur {a} horas aperto abdomine, non sequitur
in homine consimiles reperiri ; quia scripsisti nec in
Mesenterio, nec in Thorace lactearum post
- Sic pour : quatuor.
Page 22, Ioannis Riolani Responsiones duæ.
mortem animalis vlla supersunt, nec Recepta-
culi supra Lumborum Vertebras vestigia con-
spiciuntur, ait Pecquetus.Pag. 108. Fatetur nullum Chylum purum
et sincerum ad Cor fluere, sed permixtum san-
guini. Idcirco ridiculus Pecquetus, dum quærit
in dissecto Hepate Chylum.Quia dixerat Riolanus morbos qui assignan-
tur Hepati ab Authoribus, ex læsa vel frustrata
vel abolitâ sanguificatione, non ampliùs depen-
dere ab Hepate ; Absit, inquit ille, vt prorsus ab
Hepate morbos eiusmodi nullatenus censeam de-
pendere : atque nouam Pathologiam describit,
adeo obscuram, vt ad eius explicationem opus sit
Oedipo. Si jecur est emunctorium bilis, morbi,
qui ex eo oriuntur, causam habebunt vel sup-
pressionem bilis in Hepate, vel eiusdem excan-
descentiam : Ideóque remedia præscribenda
erunt, quæ valeant expurgare bilem, et ardorem
Hepatis extinguere. Vnde Medicus peritus in
arte sua, cognoscit Pecquetum ignarissimum,
cum suo Ministro, in operibus artis Medicæ :
Nec mirum, cùm Pecquetus sit Oeconomus do-
mus cuiusdam Episcopi, et idem à Secretis ; Al-
ter verò minister Eleemosynarius : sicque mutuis
auxiliis et studiis, conspirant aduersus Riola-
num.Pag. 114. Splen ex tota sanguinis massa exci-
pit excrementum. Sustineo vix intra quatuor
dies, post viginti vel vltra Circulationes san-
guinis, posse exsurgere et secernere humorem
melancholicum, quia paucus sanguis arteriosus
in Cœliacam effunditur, et momento spargitur
Page 23, Ioannis Riolani Responsiones duæ.
in omnes partes aluinæ regionis, non colligitur
et separatur in parte aliqua, vt Chylus qui ela-
boratur in Hepate. Vt ostendat suam peritiam
Anatomicam, vel potiùs imperitiam, disputat de
officio partium aluinæ regionis, de quibus ni-
hil dixit Riolanus, vt omnibus examinatis ve-
niat ad Pancreas, ad quod notat Lymphas Bar-
tholini deriuari, et inde captat occasionem de-
scribendi vasa Lymphatica, cum adulatione
summa Bartholini, vt istum habeat sibi fauen-
tem : Vndique sibi quærit canes qui Riolanum
allatrent.Pag. 115. Quàm ridicula et faceta vasorum
Lymphaticorum Bartholini detectio et descri-
ptio, à Pecqueto facta ! Diffissa viuentis aluo mea-
tus exquiro Lymphaticos. Hi trunco Venæ Portæ
hederaceo more suffulti, statim auidissimis accer-
sitorum ad spectaculum amicorum oculis exhibent
sese, ac tum encomiis æternæ dissectoris Bartholi-
ni memoriæ decantatis. Quis non rideat istas mi-
rabiles acclamationes de re nullius momenti,
de flagellis siue filamentis quibus Venæ Portæ
truncus firmatur supra paruum Hepatis lobum
mollem in homine. Si non fuisset Bartholinus
Lutheranus, ahud dubiè Pecquetus, cum suo
ministro Eleemosynario Agathensis Episcopi,
Te Deum laudamus decantasset, propter reper-
tas istas Venas Lymphaticas. Isthæc aqua, quæ
reperitur supra superficiem carnium per vni-
uersum corpus, vel est excrementum tertiæ co-
ctionis, vel ros sanguinis per diapedesim è Ve-
nis exsudans ad nutritionem partium. De
ista Lympha disputaui contra Bartholinum.
Page 24, Ioannis Riolani Responsiones duæ.
Quod spectat ad istam Lympham, per vniuer-
sum corpus expansam, inseruit humectationo
articulorum et ossium, eáque in vlceribus ar-
ticulorum sæpe tam abunde fluit, vt diffi-
cillimè fluxus sisti queat. Humor illius fluxûs
appellatur Synovia à Paracelso ; à Celso, Meli-
ceria. De quo tractarunt Chirurgi Germani,
Felix Wirizius {a} in sua Chrurgia, et Libellum
composuit Fabritius Hildanus : atque de eo di-
sputauit Sebizius, Medicus Argentinensis, in
Examine vulnerum et vlcerum. Nec potest esse
alimentum neruorum, quia sunt spongiosi, et
collocati inter Venam et Arteriam per vniuer-
sum corpus, eorum vasorum roscido humore
nutriuntur.Pag. 116. Quod multis dubium fuerat, quis
vsus Venarum lactearum et Receptaculi nostri in
ieiunis animantibus aut fœtu, queis Chyli suspi-
cio nulla, solutum est : Quæ enim otiosa credidisses,
ea excipiendis vides confluentium aquarum dilu-
uiis occupatissima. Si in fœtu nullus Chylus re-
periatur in lacteis Venis et Receptaculo, nec
in lacteis Thoracicis, nullus vsus erit istarum a-
quarum, ad euerrenda Vasa lactea, et ad alios
vsus, quos imaginaris. Ergo quamdius fœtus
vteri ergastulo detinebitur, Cor non sanguifi-
ficabit {b}, sed solùm Iecur, quod iterum excoquit
sanguinem maternum, vt reddat familiarem et
consocialem fœtui. Deinde si tubuli lactei in fœ-
tu inseruiunt diluuiis quarum deferendis, hic
erit primarius vsus tubulorum lacteorum.Quum Typographo tradidissem hoc Opu-
sculum ad editionem, opportunè mihi commu-
- Sic pour : Wurtzius.
- Sic pour : cabit.
Page 25, Ioannis Riolani Responsiones duæ.
nicauit, Vir Clarissimus, Dom. Renatus Mo-
reau, Collega noster Eruditissimus, et Pro-
fessor Regius, responsionem Bartholini, ad Li-
bellum Olai Rudbeckij, Sueci, nomine Martini
Bogdan editum Arosiæ. Is Rudbeckius, Profes-
sor Vpsaliæ, Academiæ in Suecia, de ductibus
Hepaticis aquosis et vasis Glandularum scri-
psit aduersus Bartholinum, et gloriatur se Sere-
nissimæ Reginæ Christinæ demonstrasse, cum re-
gnaret in Suecia, idque antequam Pecquetus,
de Venis Lacteis Thoracicis scripsisset, et Bar-
tholinus de Vasis Lymphaticis. {a} Digladiantur in-
ter se de Lana Caprina, de re inutili, ad rectiùs
medendum. Galenus istas disquisitiones Anato-
micas irridet, ac superfluas et inanes iudicat.
Ad componendam hanc litem inter istos Athle-
tas, rerum nouarum iuentores, qui à verbis ad
verbera minantia deuenere, quia tantopere suis
aquis, siue Lymphis delectantur, dum animosè
et furiata mente se mordent, vtriusque capiti
situlam aquæ infunderem : quod faciunt, qui
sciunt ferocientes equos regere et domare, dum
collo apprehenso se atrociter mordent et dila-
niant : Vel de Clitorio fonte biberent aquam,
vt abstemij viuant :Clitorio quicumque sitim de fonte leuârit,
Vina fugit, gaudetque meris abstemius undis.Sic concludit contra Bartholinum Rudbec-
kius Hæc sunt, Cl. Bartholine, folia, vide ne in
te cadant arbores. Memineris te hominem, et
si ita lubet congrediamur, ostendam tibi millia
errorum in Anatomia tua Reformata, imò om-
nibus tuis scriptis Anatomicis ; et quamvis {b} in
- Ajouter (errata) :
Error est in controversia Rudbeckij, nam Bartholinus sub nomine Martini Bogdani scripsit aduersus Rudbeckium, qui tubulos aquosos primus inuenit, et ea in re reprehendit Bartholinum. Liber excusus est Lugduni Batauorum 1654. apud Adrianum Vvingaerden. Titulus libri talis est : Insidiæ structæ Olai Rudbeckij ductibus hepaticis aquosis et vasis glandularum serosis, Arrosiæ [editis] à Thoma Bartholino.- Sic pour : Anatomicis commiseris (source citée).
Page 26, Ioannis Riolani Responsiones duæ.
his Tyro merearis audire, qui dictaturam in
alios sumis. {a} Vale et monitus sape. {b}Pag. 119. Secundum Experimentum nihil
concludit. Intendit demonstrare receptaculum
continere Chylum repletis lacteis Mesentericis,
et Chylum contineri in Lacteis Thoracicis. In
consequentiis id obseruo contra Pecquetum : in-
tra receptaculi cauitatem Valuularum obsta-
cula, in Mesentericarum ostiis ad regressum
contituta. Ergo Mesenterici rami Venosi sur-
culi ad receptaculum pertingunt, quibus Val-
uulæ sunt appositæ, ne Chylus violenter rapia-
tur ab Hepate, nondum probè subactus, et at-
tenuatus.Pag. 121. Vtinam tentasset eximium hoc ex-
perimentum Riolanus : cognouisset receptaculi am-
plitudinem ex effluentis, dum rumpitur, Chyli co-
piâ, et si cum Thoracicarum lactearum exilitate
comparetur, moram in receptaculo Chylum facere.
Tu declaras exilitatem lactearum Thoracica-
rum, atque Chylum, cùm non possit fluere per
exiles istas Venas, in receptaculo moram facere,
vel vt in vicinos renes superfluos humores Chy-
li deponat per emulgentes, receptaculo adhæ-
rentes. Ergo emulgentes excipiunt Chylum et
deponunt in renes, quod antea negauit, nullis
partibus Chylum per Venas communicari.Pag. 119. Perperam Riolano pag. 168. Lien
creditur appositus ventriculo, ut ex eo attrahat su-
perfluas humiditates. Miror tui ingenij stupidi-
tatem, quod commendatur à Doctoribus Pari-
siensibus Aristotelis genio et ingenio animatum.
Nunquam legisti Aristotelem, lib. 3. de partibus
- Jean ii Riolan a opportunément corrigé la source citée : quam vix in his Tyro merearis audire, qui dictaturam in alios sumus (qui est incompréhensible).
- Ajouter (errata) :
Interea moneo istam controuersiam de Venis Lymphaticis, seu aquosis, prius detectam fuisse à Veslingio in suo Syntagmate secunda Editionis, et ab eius Discipulo Dominico de Marchettis, quamuis ignaro, declaratam fuisse, qui Anatomiam scripsit adeo insulsam et solœcismis refertam, vt indignus sit commemoratione nostra, propter er-ro-res.R. Habet Ausonium liber hic, habet atque Pelasgum,Ductus à Virsungo inuentus non vnum tantum foramen habet, quod Intestinum duodenum perforat, sed alij Canales ab ipso oriuntur, qui in cadauere à me fuerunt observati, qui quidem versus Hepar porrecti, extra Pancreas Anastomosin siue plexum faciunt, postmodum disiuncti, supra Venam Portæ et Arteriæ Cœliacæ ramum ad Hepar perueniunt, ipsumque ingrediuntur ; Postmodum à prædicto ductu alij angustissimi et exiguissimi ductus oriuntur, qui per mesenterium sparsi ad intestina tenuia perueniunt. Isti in viuis animalibus sectis solum apparent, in mortuis propter exiguitatem, filamentorum figuram ostendunt. Igitur inferiores Chylum ab Intestinis tenuibus suscipiunt, ipsumque ad Pancreas ferunt, in quo purior fit, et postea per ductus superiores ad Hepar peruenit, et quod fæculenti remanet per ductum perforantem intestinum duodenum exit, et ad Intestina materia ipsa descendit. Quod foramen non semper vnum, sed duplex aliquando obseruauimus. Editus hic Liber Patauij die 29. Ianuarij, 1652.
R. Habet Hebræum, prætereaque nihil.
Page 27, Ioannis Riolani Responsiones duæ.
animalium, cap. 7. et alibi variis in locis, et hoc
deprompsit ex Hipocrate, lib. 4. de morbis. De
isto officio Lienis amplissimè disseruit Riolanus
lib. 2. Anthropographiæ, pag. 136. Nec plura
dico.Pag. 122. Vt motum Chyli ad superiores
partes demonstret, scribit Receptaculum et ge-
minas Thoracis lacteas Venas Aortæ subiacere ;
Vnde infert, celeriori profluuio Chylum in easdem
Thoracis lacteas incitari, quàm in Receptaculum,
è Mesenterio ruat. Attamen suprà docuit, Chy-
lum morari, in receptaculo, dum non potest fluere
per exilitatem lactearum Thoracicarum. Addit
Thoracis Lacteæ vicinorum compressione vi-
scerum quotquot Thorax includit cùm Aortæ
continuo pulsu agitantur. Debebat denotare
viscera, quæ Thorax includit : sunt tantùm duo,
pulmo et Cor. Pulmo in sano corpore leuiter
mouetur ; Cor et Aorta sunt in medio Thora-
ce suspensa ; Aorta non recumbit supra spinam,
nisi in transitu Diaphragmatis : Receptaculum
habet incitamenta ex psoarum connixu. Psoæ
Musculi exortu suo carnosi, sunt firmiter af-
fixi tranuersis Apophysibus, siue costulis Ver-
tebrarum lumbarium, nec mouentur, nisi in fle-
xu femoris, extremâ sua parte. Addit. Ex hoc
sanè habuisset Riolanus, quo paginarum 167. et
168. dubia potuisset resoluere. Sic conatur excu-
sare errores suos notatos à Riolan.Pag. 123. In Experimento tertio, Cor per
Coni medium transuersâ plagâ diffindit, vt vi-
deat sanguinem fluentem cum Chylo. At in
consequentiis contrarium scribit pag. 124. Chy-
Page 28, Ioannis Riolani Responsiones duæ.
lum in Ascendente Caua cum sanguine veluti
cum aqua vinum commisceri. Neque hoc expe-
rientia destitutum est ; si enim plenâ etiamnum
Cauâ, Mesenterij centrum seu receptaculum
premas, ita confundi videas cum sanguine Chy-
lum, vt vix ille quidquam purpurei coloris a-
mittat. Imò, cùm aperuissem aliquando supra
Cor Cauam, nihilo discolor reliquo sanguini
cruor effusus est ; Et exinde jam in Caua con-
clusi lacteo Chylum exui colore.Aduertat Lector insignem contrarietatem,
etsi demonstrauit Chylum in hac sectione Cor-
dis fluentem, introduxit in Cor feruidum sty-
lum cauum lactis plenum, et seuo in osculo {a} in-
feriore obturatum, vnde effluxit lacteus liquor.
Stratagema subdoli Normani.Pag. 124. Prima coctione si Chylus non fuerit le-
gitimè coctus post circulationem, denuo refluit ad
Cor, ac toties repetendæ officinæ reiterat vices, do-
nec absoluti sanguinis complementum adipiscatur :
Et ob id puto mirabilem illam institui Diuinâ pro-
uidentiâ Sanguinis circulationem, vt multiplici per
officinam transitu, quod vnico perfici nequiuerat,
obseruetur. Ergo Harueo multum debet Pecque-
tus, ob inuentam circulationem, nam eius de-
fectu nullum haberet vehiculum ad Cor Chylus
Pecqueti, et qui negaret circulationem sangui-
nis, atque falsam demonstraret, destrueret san-
guificationem Pecqueti in Corde. Ego verò su-
stineo quod demonstraui contra Haruæum et
Slegelium, sanguinem non Circulari in prima
regione, nec in tertia ; ac proinde suis excremen-
tis non expurgatur Chylus Pecqueti.
- Sic pour : oscillo.
Page 29, Ioannis Riolani Responsiones duæ.
Pag. 126. Non satis hoc loco mirari possum ob-
iectionum Riolanicarum leuitatem. Crudus, in-
quit, indigestusque Chylus ex variis eduliis con-
flatus, ad subclauios ramos Venæ Cauæ deductus,
Cordi diditur, etc. Aliud est loqui de toto Chylo
ascendente ad Cor : aliud est loqui de portiuncula, quæ
intrusa Cordi inseruit ad fermentationem. Ergo
fatetur Riolanus Chylum crudum, indigestum-
que ad Cor peruenire. Quam fatuus es, quod de
particula Chyli dictum est, ad totum Chylum
referre ascendentem ad Cor, vt vertatur in san-
guinem.Eadem pag. Quæro à te mi Riolane, an iste Chy-
lus deponat per Ventriculum dextrum in pulmo-
nem suas sordes, vel secum deferat in sinistrum ven-
triculum Cordis ? Particula illa Chyli hærens
Cordis dextro ventriculo, scrobiculis et fila-
mentis irretita, potest aliquam moram et ela-
borationem suscipere, et cum alio sanguine post-
ea effluere. Et sic excepta, erit non totus Chylus
qui celeriter præterfluit : Loquitur Riolanus de
portione Chyli, non de toto Chylo : et semper
dubitando proponit vbique, forsan addendo,
dum quatuor vsus assignauit.Pag. 127. Scribis Chylum in Corde, dumta-
xat in emunctoriis expediri posse, sero nimirum
in renibus, pituita in cerebro, bile aut amaritu-
dine in Iecore, Lympha in Pancreate, fæcibus
seu melancholico in Liene excremento. Ergo
cerebrum erit emunctorium istius Chyli in Cor-
de confecti ; Lympha in Pancreate, et tamen
hæ Lympha cùm sit excrementum sanguinis,
refluit ad Cor per Lacteas Thoracicas. Quàm
Page 30, Ioannis Riolani Responsiones duæ.
absurda ista excrementorum secretio ! sed ista
excrementa continentur in sanguine qui nutri-
tutus est corpus in prima Circulatione, et in
partibus hærere possunt.Si hæc excrementa continentur in massa san-
guinis, quæ per Venas totius corporis disper-
tita est, quomodo partes istæ commemoratæ
queunt attrahere ab omnibus partibus excre-
menta ? cum non habeant vasa ad istud officium
dedicata, quæ referant ad partes istis officiis à
te commemoratis destinatas. Quemadmodum
excrementa Chyli in Hepate in sanguinem mu-
tati, bilis per vasa peculiaria trahitur, et per alia
expurgatur. Sanguis melancholicus à Liene, per
Venam Splenicam exsugitur, et per Arteriam
Splenicam particularem in renes expurgatur.
Pituita in Chylo contenta, dum transcolatur
Chylus, tunicis intestinorum inhærescit, easque
inungit. Alius mucus pituitosus parietibus Ven-
triculi affigitur.Pag. 128. Futile est, quod passim innuit Rio-
lanus, per emulgentium Venarum alueos in re-
nes eiusmodi Chylum superfluum deponere.
Tu tamen id scripsisti.Pag. 128. Bis mihi obiicit peruicaciam meam
in refellendo suo dogmate, cùm Gayanus, Chi-
rugus et Anatomicus peritus, totum eius arti-
ficium mihi demonstrarit. Fateor fide bonâ
Gayanum mihi ostendisse dumtaxat Venas la-
cteas Mesenterij, et ramum solum sinsitrum la-
cteum pennæ gallinaceæ alarum crassitie, qui
coërcebat liquorem lacteum liuescentem, nec
quidquam vlterius vidi, nec ipse demonstrauit.
Page 31, Ioannis Riolani Responsiones duæ.
Contentus fui videre ramulum, de quo non am-
plius dubitaui. Tantùm lis nostra consistit in of-
ficio sanguificandi falsò Cordi attributo. Fal-
sum etiam quod Minister tuus produxit, quod
vltro sæpius mihi obtuleris Venas illas lacteas
Thoracicas demonstrare. Nunquam de iis quid-
quam audiui, nisi post editionem libri, atque
Discipuli Pecqueti Doctores duo Parisienses id
me celarunt ; Neque Pecquetus dum multities
me inuisit, quodquam de iis loquutus est, vt de
rebus Anatomicis meam opinionem resciret.
Non eram dignus istis sacris Eleusiniis, vel
meum iudicium reformidabant. Nunquam re-
cusaui discere aliquid noui, quia nulla ætas ni-
mis sera est ad discendum ; Addiscens semper
plurima fio senex, ut loquitur Solon.